Thème : Criminalité et les politiques d´aménagement et de développement urbain :
Cas de la ville de Ouagadougou
Introduction
L'insécurité urbaine est une problématique mondiale, exacerbée dans les grandes villes
des pays en développement où l'urbanisation rapide et souvent non maitrisée entraîne des
défis sociaux, économiques et environnementaux. Dans ce contexte, Ouagadougou,
capitale du Burkina Faso, illustre parfaitement les liens complexes entre criminalité et
aménagement urbain.
La ville de Ouagadougou, dont la population a connu une croissance accélérée au cours
des dernières décennies est confrontée à une urbanisation rapide. En effet, cette
population est estimée à deux million quatre cent mille en 2019 alors qu´elle était à un
million cinq cent mille en 2006. Ce processus, marqué par une gestion insuffisante des
espaces et des infrastructures, contribue à l'augmentation de la criminalité urbaine. Dans
la suite de notre travail, nous aborderons d’abord l’urbanisation de la ville de
Ouagadougou, ensuite nous parlerons des typologies et des causes de la criminalité et
enfin nous évoquerons les politiques d’aménagement et les stratégies de prévention.
I. Urbanisation de la Ville de Ouagadougou
1. Évolution démographique et expansion spatiale
Depuis 1960, la population de Ouagadougou a connu une croissance spectaculaire,
passant de 200 000 habitants à près de 3 millions en 2024. Cette explosion
démographique exacerbée par l’avènement du phénomène terroriste en 2015, a conduit à
une urbanisation rapide et souvent non planifiée. Selon une étude de l’institut national des
statistiques et de la démographie (INSD) plus de sept ménages sur dix vivent en zone non
lotie, lesquelles abritent plus de 47 pour cent des pauvres. Les habitants de ces zones sont
souvent dépourvus d'accès à l'eau potable, à l'électricité et à l'assainissement. Ces zones,
marquées par une absence d'investissements publics, sont des foyers de précarité et de
tensions sociales accrues.
Ces zones informelles, mal desservies en infrastructures et en services publics,
deviennent des foyers de pauvreté et de marginalisation sociale. Ce contexte urbain crée
des conditions favorables à l’émergence de comportements criminels. Par exemple, dans
les alentours des cimetières de Tabtenga et nagrin où la présence limitée des forces de
sécurité a engendré une hausse des vols à main armée.
2. Aménagement urbain et défis de gouvernance
Les défis liés à l'aménagement urbain de Ouagadougou sont aggravés par le non-respect
des plans directeurs d’aménagement et une faible coordination entre les institutions
locales. À l’exemple de Kigali, au Rwanda, une gouvernance centralisée et intégrée peut
transformer la sécurité urbaine. Le modèle de Kigali illustre comment une gouvernance
centralisée et intégrée peut significativement améliorer la sécurité urbaine dans un
contexte de croissance rapide. Cette approche repose sur une forte coordination entre les
institutions locales, les autorités centrales et les acteurs communautaires permettant une
gestion proactive des défis liés à l’urbanisation. En revanche, la fragmentation
institutionnelle à Ouagadougou laisse les quartiers périphériques négligés, aggravant
l’insécurité. Cette gouvernance fragmentée se traduit par un manque de coordination et
de communication efficace entre les différentes parties prenantes responsables de
l’urbanisation et de la sécurité. Les autorités municipales chargées de la planification
urbaine et de la gestion des infrastructures travaillent souvent de manière isolée sans
intégrer les préoccupations sécuritaires dans leurs politiques. Par exemple, la
planification des espaces publics comme les marchés ou les gares routières ne prennent
pas toujours en compte la nécessité de collaborer avec les forces de sécurité pour y
garantir une surveillance efficace. Cela entraine des zones mal surveillées qui deviennent
rapidement des foyers de criminalité. De plus les commissariats et les postes de police ne
sont pas stratégiquement déployés des zones à risque identifiées par les autorités. Des
politiques d’aménagement plus inclusives et ciblées sont nécessaires pour réduire les
inégalités territoriales et les zones d’ombre dans la ville.
II. Criminalité urbaine : Typologie et Causes
1. Typologie des crimes et délits
La criminalité à Ouagadougou se manifeste principalement par des vols à main armée,
des cambriolages et des agressions physiques. Ces crimes sont récurrents dans les
quartiers périphériques ou les lieux peu sécurisés. L’absence de services de sécurité de
proximité, couplée à des infrastructures déficientes, renforce le sentiment d’insécurité.
L’annuaire statistique du ministère de la sécurité au titre de 2022 rapporte que les crimes
et les délits enregistrés dans la région du centre s’élèvent à 26.807cas.
2. Causes structurelles et conjoncturelles
Parmi les causes principales de la criminalité, on retrouve :
- Le chômage des jeunes : Avec un taux de chômage élevé, les jeunes des quartiers
défavorisés sont particulièrement vulnérables au recrutement par des réseaux criminels.
Par exemple, dans les zones périphériques, de nombreux jeunes s’adonnent à des activités
illicites faute d’opportunités économiques.
- l’exode rural : la précarité des populations rurales les poussent à migrer vers les grandes
villes comme Ouagadougou exacerbant ainsi les inégalités sociales. Ces populations avec
des perspectives incertaines deviennent vulnérables et donc susceptibles de commettre
des infractions.
-L’absence d’opportunités économiques : Elle pousse certaines populations marginalisées
à recourir à des activités illicites. Ces populations, sans accès à des infrastructures de
base, sont souvent contraintes de se tourner vers des formes de survie illégales.
Ces facteurs s’inscrivent dans une dynamique où les carences en termes d’aménagement
urbain alimentent les frustrations sociales et les comportements déviants.
III. Politiques d’Aménagement et Stratégies de Prévention
1. Infrastructures et équipements urbains
Les infrastructures, telles que l’éclairage public et les postes de police de proximité,
jouent un rôle crucial dans la prévention de la criminalité. À Ouagadougou, l'installation
de lampadaires solaires peut contribuer à la réduction des vols nocturnes dans les zones
concernées. Cependant, ces initiatives restent insuffisantes pour couvrir l’ensemble du
territoire. Il est également important de développer des espaces publics réhabilités,
comme des parcs ou des centres communautaires, pour renforcer la cohésion sociale et
réduire les tensions.
Des villes comme Curitiba, au Brésil, ont montré que la réhabilitation des quartiers
précaires et la création d’espaces publics fonctionnels renforcent la cohésion sociale tout
en réduisant la criminalité. Par exemple, le projet de "Rua da Cidadania" à Curitiba a
permis de transformer des zones défavorisées en espaces sécurisés et dynamiques.
Ouagadougou pourrait tirer parti de telles initiatives en adaptant les modèles à son
contexte local.
2. Collaboration multi-acteurs
Développer des partenariats public-privé pour le financement des infrastructures
sécuritaires. Ce partenariat permettra de mobiliser des ressources ainsi que l’expertise des
entreprises privées pour compléter les efforts des pouvoirs publics dans la mise en place
d’infrastructures sécuritaires. C’est le cas pratique de la mise en place de la vidéo
surveillance urbaine fournie, installée et entretenue par les entreprises privées en
contrepartie d’avantages fiscaux.
Conclusion
La criminalité urbaine à Ouagadougou est intrinsèquement liée aux défis de
l’urbanisation rapide. Les efforts pour renforcer la sécurité doivent combiner une
planification urbaine adaptée, des infrastructures modernes, et des initiatives
communautaires. Les technologies innovantes, comme les applications mobiles pour
signaler les crimes ou les campagnes de sensibilisation civique, offrent des opportunités
supplémentaires.
Une approche intégrée, incluant tous les acteurs, est essentielle pour transformer
Ouagadougou en une ville plus sûre et inclusive. La mise en place de systèmes de
surveillance par drones et le développement d’un réseau efficace de télésurveillance dans
les zones sensibles pourraient aussi renforcer la sécurité dans les prochaines années.