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Chap3-MAT252

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Chapitre 3 : Fonctions réelles

1 Notions de base
Soient E et F deux ensembles. Une fonction f de E dans F est définie par
l’association à tout élément x de E d’un élément y = f (x) de F . On peut donc la
définir par la donnée des couples associés (x,y) ∈ E × F avec la règle que pour tout
x ∈ E, il existe un unique couple (x,y) ∈ E × F dans cette liste. L’ensemble
Gf = {(x,y) ∈ E × F , y = f (x)} ⊂ E × F
est appelé graphe de f . Toute fonction est donc équivalente à la donnée d’un ensemble
Gf ⊂ E × F tel que pour tout x ∈ E, il existe y ∈ F tel que (x,y) ∈ Gf et tel que si
(x,y) et (x,y ′ ) sont dans Gf , alors y = y ′ .
Nous allons travailler avec des fonctions réelles, c’est-à-dire que E et F seront
des sous-ensembles de R. Une fonction f réelle est donc définie par la donnée d’un
ensemble Df ⊂ R appelé domaine de définition de f et la donnée pour tout x ∈ Df
d’une unique image y ∈ R. Le graphe de f est un ensemble de Df × R et donc un
sous-ensemble de R2 tel qu’il y a au plus un élément par ligne verticale {x} × R. La
notation complète pour f sera du type
 
Df −→ R
f : x ∈ Df 7−→ f (x) ∈ R ou f : .
x 7−→ f (x)

Gf
y = f (x)

Df x

Figure 3.1 – Le graphe Gf d’une fonction réelle est un sous-ensemble de R2


définissant la fonction. À tout point x de Df ⊂ R, on associe l’unique point y = f (x)
tel que (x,y) soit dans Gf .

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Fonctions réelles

Dans certains cours, il est fait une différence entre ≪ fonction ≫ et ≪ applica-
tion ≫ suivant que l’on ne regarde la fonction que sur Df ou sur R en autorisant un
x à ne pas avoir d’image. Nous ne ferons pas cette distinction ici.

! Pour clarifier au maximum les raisonnements, on essayera au mieux de


bien distinguer la fonction f de l’image f (x) du point x. Par exemple, il
est formellement incorrect de parler de ≪ la fonction x2 ≫. Il faudrait dire
2 2
≪ la fonction x 7→ x ≫. On voit bien que la notation x sous-entend qu’un

certain x est déjà connu alors que dans la notation x 7→ x2 , x est une
variable muette et t 7→ t2 ou θ 7→ θ2 désigneraient la même fonction.

Exemples :
• f est donnée par n’importe quel procédé définissant une unique image pour
x. Par exemple, f (x) peut être un température au temps x en degrés Celsius,
une altitude en fonction de la distance x, un nombre tiré au hasard par un jet
de dé à chaque rationnel. . .

• l’image f (x) est donnée par un calcul exact à partir de x, par exemple f est
définie par f (x) = x/(1 + x2 ).

• l’image f (x) est associée à x par une certaine construction ou un algorithme


de calcul. C’est le cas des fonctions usuelles comme la racine carrée, les sinus
et cosinus
√ etc. Par exemple la racine carrée est définie par Df = [0, + ∞[ et
y = x est l’unique nombre positif tel que y 2 = x. On sait même calculer
y avec√ une précision aussi bonne que voulue par la méthode de Héron. Mais
y = x ne correspond pas à un calcul exact. Plusieurs fonctions de ce type
sont utiles. On leur donne donc un nom et une notation et on a des moyens de
calculer leur valeur de façon approchée. On les appelle fonctions usuelles, dont
la liste peut dépendre des utilisation de chacun. Des rappels sur les fonctions
usuelles de ce cours seront faits au chapitre suivant.

• l’image f (x) est donnée par une formule combinant les opérations standards
et les fonctions usuelles, comme f (x) = x12 ln(cos x). Dans ce cas, on sous-
entendra en général que le domaine de définition Df est le plus grand domaine
pour lequel la formule a un sens. Il faudra donc chercher les problèmes, ce qui
nous amènera aux questions :

– si on divise par quelque chose, quand est-ce que ce quelque chose est nul ?

– si on écrit truc, est-ce que ce truc est bien positif ou nul ?
– si on écrit ln(machin), est-ce que ce machin est strictement positif ?

En excluant toutes les situations problématiques, on obtient le domaine de


définition de la formule et donc de f .

• l’image f (x) est associée à x en recollant plusieurs formules ou constructions.


On commence donc par l’instruction ≪ si x est dans l’ensemble [...] alors [...],
sinon, si x est dans. . . ≫.

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Fonctions réelles

• on a déjà vu l’exemple d’une suite (un ) qui est une fonction définie sur Df = N
par f : n ∈ N 7→ f (n) = un .

• si A ⊂ R est un sous-ensemble de réels, on appelle fonction caractéristique de


A la fonction χA définie sur R par χA (x) = 1 si x ∈ A et χA (x) = 0 sinon (χ
étant la lettre grecque chi, il faut prononcer ≪ ki de A ≫).

Les définitions suivantes sont sans surprise.


Définition 3.1
Soit f : Df → R une fonction réelle et A ⊂ Df un sous-ensemble où f est
définie. On dit que

• f est croissante sur A si ∀x,y ∈ A, x ≤ y ⇒ f (x) ≤ f (y).

• f est décroissante sur A si ∀x,y ∈ A, x ≤ y ⇒ f (x) ≥ f (y).

• f est strictement croissante sur A si ∀x,y ∈ A, x < y ⇒ f (x) < f (y).

• f est strictement décroissante sur A si ∀x,y ∈ A, x < y


⇒ f (x) > f (y).

• f est monotone (resp. strictement monotone) sur A si elle est soit


croissante sur A, soit décroissante sur A (resp. strictement croissante ou
strictement décroissante).

Définition 3.2
Soit f : Df → R une fonction réelle et A ⊂ Df un sous-ensemble où f est
définie. On dit que

• f est majorée sur A s’il existe un majorant M ∈ R tel que


∀x ∈ A, f (x) ≤ M .

• f est minorée sur A s’il existe un minorant m ∈ R tel que


∀x ∈ A, f (x) ≥ m.

• f est bornée sur A si elle est majorée et minorée sur A.

Si f est majorée sur A non vide, on appelle sup de f sur A le nombre

sup f := sup f (x) := sup{f (x), x ∈ A} .


A x∈A

Si f est minorée sur A non vide, on appelle inf de f sur A le nombre

inf f := inf f (x) := inf{f (x), x ∈ A} .


A x∈A

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Fonctions réelles

Définition 3.3
L’image de f : Df → R est f (Df ) = {y ∈ R, ∃x ∈ Df , y = f (x)}. Soit
B ⊂ R, l’image réciproque de B par f est f −1 (B) = {x ∈ Df , f (x) ∈ B}.

Définition 3.4
Soit f : Df → R une fonction réelle. On dit que f admet un maximum
global (resp. un minimum global) en x0 ∈ A si f (x0 ) majore (resp. minore)
f sur Df .
On dit que f atteint un maximum local (resp. un minimum local) en
x0 ∈ Df s’il existe ε > 0 tel que f (x0 ) ≥ f (x) (resp. f (x0 ) ≤ f (x)) pour tout
x ∈ ]x0 − ε,x0 + ε[ ∩ Df .

Définition 3.5
Soit f : Df → R une fonction réelle définie sur un ensemble Df symétrique
par rapport à 0 (i.e. Df = −Df ). On dit que f est paire (resp. impaire) si
f (−x) = f (x) (resp. f (−x) = −f (x)) pour tout x ∈ Df .

Définition 3.6
Une fonction f : R → R est périodique de période T > 0 si pour tout
x ∈ R, f (x + T ) = f (x).

Définition 3.7
Une fonction f : A ⊂ R → B ⊂ R est

• injective dans A si pour tout x 6= x′ dans A, f (x) 6= f (x′ ).

• surjective sur B si pour tout y ∈ B, il existe x ∈ A tel que f (x) = y.

• bijective de A sur B si f est injective et surjective.

Si f est bijective, alors la fonction f −1 : B → A qui a y ∈ B associe x = f −1 (y)


l’unique x ∈ A tel que f (x) = y est appelée la réciproque de f .

Définition 3.8
Soit f : Df → R une fonction réelle et soit D′ ⊂ Df . On appelle restriction
de f à D′ et on note f|D′ la fonction x ∈ D′ 7−→ f (x).
Si f : Df → R est une fonction réelle et f˜ : D → R une autre fonction telle
que Df ⊂ D et pour tout x ∈ Df , f˜(x) = f (x), alors on dit que f˜ est un
prolongement ou une extension de f à D.

52
Fonctions réelles

Définition 3.9
Soient f : Df → R et g : Dg → R deux fonctions. Si on suppose que l’image de
g est incluse dans l’ensemble de définition de f , c’est-à-dire que g(Dg ) ⊂ Df ,
alors on peut définir la fonction composée par f ◦g : x ∈ Dg 7−→ f (g(x)) ∈
R.

On peut démontrer facilement un grand nombre de résultats découlant de ces


définitions. Nous allons nous contenter d’exemples simples pour illustrer.
Proposition 3.10
La composée de fonctions croissantes est croissante.

Démonstration : Soient f : Df → R et g : Dg → R deux fonctions croissantes


avec g(Dg ) ⊂ Df . Soient x et y dans Dg avec x ≤ y. Comme g est croissante,
alors a := g(x) ≤ g(y) =: b. Mais comme a ≤ b sont dans g(Dg ) ⊂ Df et
que f est croissante, nous avons aussi f (a) ≤ f (b). On a bien montré que
f (g(x)) ≤ f (g(y)). 

Attention au piège de la multiplication. À cause du potentiel renversement des


inégalités par la multiplication par un nombre négatif, il est faux que le produit de
fonctions croissantes est croissant. Par exemple f : x 7→ x est croissante sur R mais
f 2 : x 7→ x.x = x2 n’est pas monotone sur R en entier (strictement décroissante sur
] − ∞,0] puis strictement croissante sur [0, + ∞[).
Proposition 3.11
La somme de deux fonctions bornées est bornée.

Démonstration : Soient f : Df → R et g : Dg → R deux fonctions bornées.


Par définition, il existe M et M ′ tels que

∀x ∈ Df , |f (x)| ≤ M et ∀x ∈ Dg , |g(x)| ≤ M ′ .

On pose D = Df ∩ Dg le domaine sur lequel les deux fonctions sont définies et


donc sur lequel la somme a un sens. On a pour tout x ∈ D

|f (x) + g(x)| ≤ |f (x)| + |g(x)| ≤ M + M ′

ce qui montre que f + g est bornée sur D par M + M ′ . 

2 Limites
La définition de la limite dans le cas des fonctions suit exactement les mêmes
principes que dans le cas des suites. Il y a beaucoup de cas différents donc plutôt

53
Fonctions réelles

que de les apprendre tous par cœur, l’important est de comprendre comment ils sont
construits. Rappelons que :

• les voisinages d’un point x ∈ R sont du type ]x − ε,x + ε[,

• les voisinages de +∞ sont du type ]M, + ∞[,

• les voisinages de −∞ sont du type ] − ∞,M [.

On peut retenir le principe général :

La définition de
f (x) tend vers ℓ ∈ [−∞, + ∞] quand x tend vers ℓ′ ∈ [−∞, + ∞] ≫

s’écrit
′ ′ ′
≪ pour tout voisinage V de ℓ, il existe un voisinage V de ℓ tel que f (V ) ⊂ V ≫

ce qui peut se comprendre comme


≪ si x est suffisamment proche de ℓ′ , alors f (x) reste aussi proche de ℓ que voulu ≫.

On peut ainsi écrire les définitions suivantes.


Définition 3.12 (limites en +∞)
Soit f : Df → R une fonction réelle définie près de +∞, c’est-à-dire que pour
tout x0 > 0, [x0 , + ∞[ ∩ Df est non vide. Alors

• On dit que f tend vers ℓ ∈ R quand x tend vers +∞ si

∀ε > 0 , ∃x0 ∈ R , ∀x ∈ [x0 , + ∞[ ∩ Df , |f (x) − ℓ| < ε .

On note alors lim f (x) = ℓ ou bien f (x) −−−−−−→ ℓ.


x→+∞ x−→+∞

• On dit que f tend vers +∞ quand x tend vers +∞ si

∀M ∈ R , ∃x0 ∈ R , ∀x ∈ [x0 , + ∞[ ∩ Df , f (x) ≥ M .

On note alors lim f (x) = +∞ ou bien f (x) −−−−−−→ +∞.


x→+∞ x−→+∞

• On dit que f tend vers −∞ quand x tend vers +∞ si

∀M ∈ R , ∃x0 ∈ R , ∀x ∈ [x0 , + ∞[ ∩ Df , f (x) ≤ M .

On note alors lim f (x) = −∞ ou bien f (x) −−−−−−→ −∞.


x→+∞ x−→+∞

Ces définitions sont un peu lourdes pour pouvoir inclure le cas où f n’est pas
définie partout, ni même dans un voisinage de +∞. Par exemple, on notera que si
f est définie de N dans R, alors la notion de limite de f en +∞ retombe bien sur
la notion de limite pour la suite (f (n))n∈N . C’est naturel puisqu’une suite n’est rien
d’autre qu’une fonction définie sur N.

54
Fonctions réelles

Quand la fonction est définie sur tout R, on peut plus simplement remplacer la
partie ≪ ∀x ∈ [x0 , + ∞[ ∩ Df ≫ par ≪ ∀x ≥ x0 ≫.

De façon symétrique on écrit les limites en −∞. On ne mentionne plus les nota-
tions qui sont évidemment celles qu’on imagine.

Définition 3.13 (limites en −∞)


Soit f : Df → R une fonction réelle définie près de −∞, c’est-à-dire que pour
tout x0 < 0, ] − ∞,x0 ] ∩ Df est non vide. Alors

• On dit que f tend vers ℓ ∈ R quand x tend vers −∞ si

∀ε > 0 , ∃x0 ∈ R , ∀x ∈ ] − ∞,x0 ] ∩ Df , |f (x) − ℓ| < ε .

• On dit que f tend vers +∞ quand x tend vers −∞ si

∀M ∈ R , ∃x0 ∈ R , ∀x ∈ ] − ∞,x0 ] ∩ Df , f (x) ≥ M .

• On dit que f tend vers −∞ quand x tend vers −∞ si

∀M ∈ R , ∃x0 ∈ R , ∀x ∈ ] − ∞,x0 ] ∩ Df , f (x) ≤ M .

Une nouveauté par rapport aux suites est qu’on est aussi intéressé par les limites
en un point x0 ∈ R. Encore une fois, on inclut le cas où f n’est pas forcément définie
partout autour du point x0 . C’est particulièrement intéressant ici car cela permet
par exemple de regarder des limites en 0 de fonctions définies sur R \ {0} ou sur un
intervalle du type ]0,1].

Définition 3.14 (limites en x0 ∈ R)


Soit f : Df → R une fonction réelle définie autour de x0 dans le sens où pour
tout δ > 0, ]x0 − δ,x0 + δ[ ∩ Df est non vide. Alors

• On dit que f tend vers ℓ ∈ R quand x tend vers x0 si

∀ε > 0 , ∃δ > 0 , ∀x ∈ ]x0 − δ,x0 + δ[ ∩ Df , |f (x) − ℓ| < ε .

• On dit que f tend vers +∞ quand x tend vers x0 si

∀M ∈ R , ∃δ > 0 , ∀x ∈ ]x0 − δ,x0 + δ[ ∩ Df , f (x) ≥ M .

• On dit que f tend vers −∞ quand x tend vers x0 si

∀M ∈ R , ∃δ > 0 , ∀x ∈ ]x0 − δ,x0 + δ[ ∩ Df , f (x) ≤ M .

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Fonctions réelles

ℓ+ε
ℓ M
ℓ−ε

x0 x0 − δ x0

Figure 3.2 – À gauche un exemple où f (x) → ℓ quand x → +∞ : pour tout ε > 0,
il existe un point x0 à partir duquel, pour x ≥ x0 , f (x) est toujours dans l’intervalle
]ℓ − ε,ℓ + ε[. À droite un exemple où f (x) → +∞ quand x → x− 0 : pour tout M > 0,
il existe un intervalle ]x0 − δ,x0 [ tel que pour tout x ∈ ]x0 − δ,x0 [, f (x) est toujours
plus grand que M .

On peut aussi regarder le comportement de f (x) quand x tend vers x0 par la


droite ou par la gauche. Pour éviter de mettre encore 6 cas différents, nous allons
nous limiter aux limites finies (sans compter qu’on peut inclure aussi le fait que ℓ
est approchée par la droite ou la gauche).
Définition 3.15 (limites à gauche et à droite)
Soit f : Df → R une fonction réelle et x0 ∈ R.
Si f est définie à droite de x0 dans le sens où pour tout δ > 0, ]x0 ,x0 + δ[ ∩ Df
est non vide, alors on dit que f vers ℓ ∈ R quand x tend vers x0 à droite si

∀ε > 0 , ∃δ > 0 , ∀x ∈ ]x0 ,x0 + δ[ ∩ Df , |f (x) − ℓ| < ε .

On note alors lim+ f (x) = ℓ ou bien f (x) −−−−−+→ ℓ.


x→x0 x−→x0

Si f est définie à gauche de x0 dans le sens où pour tout δ > 0, ]x0 − δ,x0 [ ∩ Df
est non vide, alors on dit que f vers ℓ ∈ R quand x tend vers x0 à gauche si

∀ε > 0 , ∃δ > 0 , ∀x ∈ ]x0 − δ,x0 [ ∩ Df , |f (x) − ℓ| < ε .

On note alors lim− f (x) = ℓ ou bien f (x) −−−−−−→ ℓ.


x→x0 x−→x0

Si on regarde par exemple la limite à droite en 0 d’une fonction définie seulement


sur ]0, + ∞[, la définition de la limite à droite coı̈ncide avec la définition de la limite
tout court ci-dessus et on ne précisera pas forcément que la limite ne se fait qu’à
droite de 0.
Les règles algébriques pour calculer les limites (sommes, produits. . . ) et les pro-
priétés basiques de la convergence (≪ croissante majorée converge ≫. . . ) sont mutatis
mutandis les mêmes que pour les suites. Il serait trop laborieux d’énoncer tous les
cas ici. Un bon exercice est d’en énoncer et d’en démontrer un certain nombre tirés

56
Fonctions réelles

au hasard comme les exemples suivants.


Proposition 3.16
Si f et g sont deux fonctions définies de ]0,1] dans R telles que

f (x) −−−−−−
+
→ +∞ et g(x) −−−−−−
+
→ ℓ∈R,
x−→0 x−→0

alors
f (x) + g(x) −−−−−−
+
→ +∞ .
x−→0

Démonstration : Soit M ∈ R. Comme g tend vers ℓ ∈ R à droite de 0,


il existe δ ′ > 0 tel que |g(x) − ℓ| < 1 pour tout x ∈ ]0,δ ′ [ et en particulier
g(x) ≥ ℓ − 1 sur ]0,δ ′ [. Comme f tend vers +∞ à droite de 0, il existe δ ′′ > 0
tel que f (x) ≥ M − ℓ + 1 pour tout x ∈ ]0,δ ′′ [. On pose δ = min(δ ′ ,δ ′′ ), de
telle sorte que nos estimations sont valables sur ]0,δ[. On a alors que pour tout
x ∈ ]0,δ[, f (x)+g(x) ≥ M −ℓ+1+ℓ−1 = M . Ceci montre bien que f (x)+g(x)
tend vers +∞ à droite de 0. 

Proposition 3.17
Soit f : [0,+∞[ → R une fonction décroissante et minorée. Alors f (x) converge
vers une limite finie ℓ ∈ R quand x tend vers +∞.

Démonstration : Comme f est minorée, son image {f (x),x ≥ 0} est non


vide et minorée et admet donc une borne inférieure ℓ := inf x≥0 f (x). Comme
ℓ est un minorant de l’image de f , pour tout x ≥ 0, f (x) ≥ ℓ. Soit ε > 0.
Comme ℓ + ε n’est plus un minorant de l’image de f , il existe x0 ≥ 0 tel que
f (x0 ) < ℓ + ε. Mais comme f est décroissante, on a f (x) < ℓ + ε pour tout
x ≥ x0 . Au total, on a ℓ ≤ f (x) < ℓ + ε pour tout x ≥ x0 , ce qui montre que
f tend vers ℓ quand x tend vers +∞. 

Exemple :
On considère les étirements y(t) d’un ressort de raideur k qui est soumis à un
frottement d’intensité γ. La longueur y(t) est solution de l’équation différentielle
my ′′ (t) + γy ′ (t) = −ky(t). Si on considère l’énergie E(t) = 21 (m|y ′ (t)|2 + k|y(t)|2 ),
on a E ′ (t) = my ′ (t)y ′′ (t) + ky(t)y ′ (t) = −γ|y ′ (t)|2 ≤ 0. Donc E(t) est décroissante
(nous anticipons sur le paragraphe concernant la dérivation) et clairement posi-
tive, donc E(t) admet une limite finie positive quand t → +∞. Ceci est la première
étape pour montrer que l’énergie se dissipe jusqu’à ce que le ressort revienne à
l’équilibre.

Par rapport aux suites, il y a un cas que l’on peut mettre en avant qui est celui de
la composition. Là encore, on n’énonce qu’un seul cas possible mais il y a plusieurs

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Fonctions réelles

autres situations qui donnent un résultat analogue (limites infinies, limites aux bords
gauche ou droit des intervalles. . . ).
Proposition 3.18
Soient I et J deux intervalles de R et soient f : J → R et g : I → R deux
fonctions telles que g(I) ⊂ J. Soit x0 ∈ I et supposons que g(x) → y0 ∈ J
quand x → x0 et que f (y) → ℓ ∈ R quand y → y0 . Alors la fonction composée
f ◦ g : I → R est bien définie et (f ◦ g)(x) → ℓ quand x → x0 .

Démonstration : Soit ε > 0. Comme f (y) → ℓ ∈ R quand y → y0 , il existe


δ > 0 tel que, pour tout y ∈ J avec |y − y0 | < δ, |f (y) − ℓ| < ε. Mais comme
g(x) → y0 quand x → x0 , il existe η > 0 tel que, pour tout x ∈ I avec
|x − x0 | < η, |g(x) − y0 | < δ. Donc pour tout x ∈ I avec |x − x0 | < η, y = g(x)
est tel que |y − y0 | < δ et donc |f (y) − ℓ| = |f (g(x)) − ℓ| < ε. 

3 Continuité
3.1 Définitions et propriétés élémentaires
Pour les fonctions réelles, il y a plusieurs façons équivalentes de définir la conti-
nuité. On peut donc en choisir une comme définition de base et les autres comme ca-
ractérisations équivalentes. Nous allons faire le choix classique de prendre au départ
la définition qui est celle qui est la plus facilement généralisable à des espaces plus
complexes que R.
Définition 3.19
Soit f : Df → R une fonction réelle. On dit que f est continue en x∗ ∈ Df
si on a

∀ε > 0 , ∃δ > 0 , ∀x ∈ Df , |x − x∗ | < δ =⇒ |f (x) − f (x∗ )| < ε .

On dit que f est continue sur un ensemble E ⊂ Df si f est continue en


tout point de E.
On note C 0 (E,F ) l’ensemble des fonctions continues sur E ⊂ R à valeurs dans
F ⊂ R.

Exemples :
• Là où elles sont définies, les fonctions usuelles sont continues, sauf la partie
entière. Donc toute fonction définie par une formule sera continue là où la
formule fait sens (sauf dans le cas rare où la partie entière entre en jeu).

• Beaucoup de grandeurs physiques sont en général considérées comme conti-


nues, comme la température, la position, la vitesse. . . Si bien qu’on pourrait
penser qu’il n’y a pas à s’embêter avec les fonctions discontinues. Mais dans

58
Fonctions réelles

beaucoup de modèles, il est intéressant de prendre des fonctions discontinues.


Par exemple, si on modélise un circuit électronique dont on allume le courant
avec un interrupteur au temps t = 0, il est plus simple de penser que l’in-
tensité est la fonction I définie par I(t) = 0 si t ≤ 0 et I(t) = 1 si t > 0
qui est discontinue en 0. En effet, même si la vraie intensité est possiblement
continue à cause d’un passage de courant progressif quand l’interrupteur se
ferme, cela est trop compliqué à modéliser et il est très probablement non
pertinent de s’embêter avec cela. On préférera donc une fonction discontinue.
De la même façon, si on regarde une bille qui fait un rebond parfait sur un
mur, on supposera le choc élastique. Si la position varie continûment par rap-
port au temps, sa vitesse sera réfléchie instantanément lors du rebond et ne
sera pas continue. Là encore, si on regarde tout en détail, le changement n’est
pas immédiat, mais alors la conservation du moment cinétique obligerait à
prendre en compte les déformations du mur, ce qui est trop difficile à faire.

f (x∗ ) + ε f (x∗ ) + ε
f (x∗ ) f (x∗ )
f (x∗ ) − ε f (x∗ ) − ε

x∗ − δ x∗ x∗ + δ x∗

Figure 3.3 – À gauche, une fonction continue en x∗ : pour tout écart ε > 0, on peut
trouver un petit intervalle ]x∗ − δ,x∗ + δ[ autour de x∗ dont l’image reste à distance
moins de ε de f (x∗ ). À droite, la fonction n’est pas continue en x∗ : quand ε > 0
est suffisamment petit, il y a toujours des points aussi proches que l’on veut de x∗
dont l’image est plus loin que ε de f (x∗ ).

On pourra utiliser à tout moment les caractérisations équivalentes suivantes.


Théorème 3.20 (critères équivalents pour la continuité)
Soit f : Df → R une fonction réelle et x∗ ∈ Df . Les propositions suivantes
sont équivalentes
i) f est continue en x∗ , i.e. pour tout ε > 0, il existe δ > 0 tel que si x ∈ Df
vérifie |x − x∗ | < δ alors |f (x) − f (x∗ )| < ε,
ii) pour toute suite (xn ) ⊂ Df qui tend vers x∗ , f (xn ) tend vers f (x∗ ),
iii) les limites à gauche et à droite de f en x∗ existent, sont finies et égales à
la valeur de f en x∗ , c’est-à-dire, si ces limites ont un sens,

lim f (x) = lim+ f (x) = f (x∗ ) .


x→x−
∗ x→x∗

59
Fonctions réelles

Démonstration : Nous allons procéder par une boucle d’implications.


Commençons par supposer que i) est vérifiée. Soit une suite (xn ) tendant vers
x∗ et soit ε > 0. Par continuité, il existe δ > 0 tel que si x ∈ ]x∗ − δ,x∗ + δ[
alors |f (x) − f (x∗ )| < ε. Comme (xn ) tend vers x∗ , il existe un rang N ∈ N tel
que |xn − x∗ | < δ pour n ≥ N . Donc pour n ≥ N , |f (xn ) − f (x∗ )| < ε et donc
ii) est vérifiée.
Montrons que ii) implique iii) par contraposée. Imaginons que la limite à droite
de f en x∗ n’existe pas ou bien est différente de f (x∗ ), c’est-à-dire que la phrase

∀ε > 0 , ∃δ > 0 , ∀x ∈ ]x∗ ,x∗ + δ[ ∩ Df , |f (x) − f (x∗ )| < ε

est fausse. On a donc qu’il existe ε > 0 tel que

∀δ > 0 , ∃x ∈ ]x∗ ,x∗ + δ[ , |f (x) − f (x∗ )| ≥ ε (3.1)

En appliquant (3.1) à δ = 1, on trouve un point x1 dans ]x∗ ,x∗ + 1[ tel que


|f (x1 ) − f (x∗ )| ≥ ε. Puis en appliquant (3.1) à δ = 1/2, on trouve un point x2
dans ]x∗ ,x∗ + 1/2[ tel que |f (x2 ) − f (x∗ )| ≥ ε et on recommence ainsi : pour
δ = 1/n, on trouve un point xn dans ]x∗ ,x∗ + 1/n[ tel que |f (xn ) − f (x∗ )| ≥ ε.
On a ainsi une suite (xn ) qui tend vers x∗ et telle que f (xn ) reste à distance plus
grande que ε > 0 de f (x∗ ). Ceci contredit ii). La démonstration est similaire
si le problème vient de la limite à gauche.
Supposons finalement que iii) est vraie. Pour tout ε > 0, d’après les définitions
des limites à gauche et à droite, il existe δ+ et δ− > 0 tels que pour tout
x ∈ ]x∗ − δ− ,x∗ [ et pour tout x ∈ ]x∗ ,x∗ + δ+ [, |f (x) − f (x∗ )| < ε. On pose
δ = min(δ− ,δ+ ), on a donc |f (x) − f (x∗ )| < ε pour tout x ∈ ]x∗ − δ,x∗ + δ[
(le cas x = x∗ s’incluant de façon triviale). 

D’après les caractérisations précédentes, la continuité d’une fonction peut se


vérifier à l’aide de limites de suites. De ce fait, les règles sur les limites nous per-
mettent d’obtenir des règles sur la continuité sans efforts supplémentaires.
Proposition 3.21 (opérations sur la continuité)
Soient f et g deux fonctions réelles continues en un point x∗ ∈ R. Alors,

• si λ et µ sont deux réels, la combinaison linéaire λf + µg est continue


en x∗ ,

• le produit f g est continu en x∗ ,

• si g(x∗ ) 6= 0, alors le quotient f /g est continu en x∗ .

Démonstration : Si (xn ) est une suite convergeant vers x∗ , alors par hy-
pothèse f (xn ) → f (x∗ ) et g(xn ) → g(x∗ ). On sait que, pour les suites, la limite

60
Fonctions réelles

de la somme est la somme des limites et la multiplication par des scalaires com-
mute avec les limites. Donc λf (xn ) + µg(xn ) → λf (x∗ ) + µg(x∗ ), ce qui montre
que λf + µg est continue en x∗ . Les autres démonstrations sont similaires. 

Proposition 3.22 (composée de fonctions continues)


Soient f et g deux fonctions réelles. On suppose que g est continue en x∗ et f
est continue en g(x∗ ). Alors f ◦ g est continue en x∗ .

Démonstration : Si xn → x∗ , alors, comme g est continue en x∗ , yn :=


g(xn ) → g(x∗ ). Mais comme f continue en g(x∗ ) et que yn → g(x∗ ), on a
f (yn ) → f (g(y∗ )), c’est-à-dire que (f ◦ g)(xn ) → (f ◦ g)(x∗ ). 

Exemple :
On utilisera souvent une phrase comme ≪ la fonction est continue comme com-
posée, somme et produit de fonctions continues ≫. Regardons très précisément
un exemple pour comprendre le mécanisme (on pourra aller bien plus vite avec
l’habitude). On considère la fonction f donnée par la formule
cos(x) + x
f (x) = √
ln( x)
On doit détailler la construction de cette formule pour savoir où elle est définie
et continue.

x 7→ ln x x→7 x x 7→ cos x x 7→ x
composition
somme
il faut x ≥ 0
il faut

x>0 √
x 7→ ln( x) x 7→ cos(x) + x

quotient
attention È la division par 0
f il faut ln( x) 6= 0

À chaque fonction ou opération, on fait la liste de ce qu’il faut vérifier. Les


points d’attention concernent la racine carrée, le log et les quotients. On liste
les problèmes à chaque étape en faisant bien attention à ce qui apparaı̂t dans la
condition. Par exemple, √ le quotient de notre exemple ne demande pas que l’on
vérifie x 6= 0 mais ln( x) 6= 0 car c’est par ce nombre qu’on divise. On regroupe
ensuite toutes les conditions. Dans notre exemple,
√ la racine carrée demande que
x ≥ 0, puis √la composition avec √le log que x > 0, ce qui revient à x > 0. Enfin,
il faut ln( x) 6= 0, c’est-à-dire x 6= 1 et donc x 6= 1. Notre fonction est donc
bien définie sur
Df = ]0,1[ ∪ ]1, + ∞[ .
Par ailleurs, les fonctions impliquées sont continues et les théorèmes précédents
nous montre que la construction de la formule garde cette propriété tant que la

61
Fonctions réelles

formule fait sens. Donc f est bien continue sur Df . Encore une fois, rappelons
que la fonction partie entière est la seule fonction usuelle non continue.

3.2 Raccords et prolongements


Une conséquence utile de la caractérisation de la continuité par les limites à
gauche et à droite est le principe de raccord. Soit f une fonction définie sur plusieurs
intervalles, disons [a,b] et ]b,c] pour fixer les notations, par une formule f (x) = f1 (x)
sur [a,b] et une autre formule f (x) = f2 (x) sur ]b,c]. Si ces formules définissent des
fonctions continues sur [a,b] et ]b,c], alors f est continue sur [a,c] tout entier si et
seulement si limx→b+ f2 (x) = f1 (b). Quand la formule f2 est même définie et continue
en b, cela revient juste à vérifier que f1 (b) = f2 (b).
Exemple :
On souhaite créer une fonction continue faisant une transition entre −1 et 1. Plus
précisément, on souhaite avoir f : R → R continue avec f (x) = −1 pour tout
x ≤ 0 et f (x) = 1 pour tout x ≥ 1. Une façon simple de faire est de connecter les
deux morceaux par une fonction affine h(x) = ax + b sur ]0,1[. Pour obtenir une
fonction continue, il faut et il suffit que h(0) = b = y
−1 et que h(1) = a + b = 1. On trouve donc une 1
fonction f continue décrite par
0
x

 −1 si x ≤ 0 1
f (x) = 2x − 1 si 0 < x < 1 −1
1 si x ≥ 1

La caractérisation de la continuité d’un raccord donne très facilement le résultat


suivant.
Proposition 3.23
La fonction x 7→ |x| est continue sur R.

Démonstration : La fonction f : x 7→ |x| est définie par f (x) = x sur [0,+∞[,


qui est clairement continue. De même, la formule f (x) = −x est celle d’une
fonction continue sur ] − ∞,0[. Pour que f soit continue sur tout R, il faut
vérifier le raccord en x = 0, qui donne bien 0 = −0. 

Corollaire 3.24
Soit f une fonction continue de E ⊂ R dans R, alors |f | définie par x ∈ E →
7
|f (x)| est aussi continue sur E.
Si f et g sont deux fonctions continues de E ⊂ R dans R, alors x ∈ E → 7
max(f (x),g(x)) et x ∈ E 7→ min(f (x),g(x)) sont aussi continues sur E.

62
Fonctions réelles

Démonstration : La fonction x ∈ E 7→ |f (x)| est continue comme composée


des fonctions f et y 7→ |y| qui sont continues. Les max et min de deux fonctions
sont donc continus car
f (x) + g(x) + |f (x) − g(x)|
max(f (x),g(x)) =
2
et
f (x) + g(x) − |f (x) − g(x)|
min(f (x),g(x)) =
2
sont des composées et combinaisons linéaires de fonctions continues. 

Une autre application des caractérisations de la continuité par les limites est celle
du prolongement par continuité.
Définition 3.25
Soit f : E ⊂ R → R une fonction continue sur E. Supposons qu’il existe un
domaine plus grand F ⊃ E tel que, pour tout x ∈ F \ E, la limite de f en
x est bien définie, existe et est finie. Alors le prolongement f˜ : F → R défini
par f˜(x) = limt→x f (t) est une fonction continue appelée prolongement par
continuité de f sur F .

Remarquons que, si f est bien continue sur E, alors f˜(x) = limt→x f (t) vaut f (x)
pour tout x ∈ E et donc f˜ prolonge bien f . Par ailleurs, la définition par la limite
implique la continuité de f . Ce n’est pas si trivial si F \ E est compliqué, mais en
pratique nous ne prolongerons que sur un point ou au pire sur un nombre fini de
points.
Notons aussi que si la limite limt→x f (t) n’a pas de sens ou vaut ±∞, alors
la caractérisation de la continuité par les limites implique qu’on ne peut créer de
prolongement continu.
Exemples :
2
• On considère la fonction f définie par la formule f (x) = e−1/x . Comme on
ne peut pas diviser par 0, la fonction f est définie sur R∗ = R \ {0}. Mais
si x → 0, 1/x2 → +∞ et donc f (x) → 0. On peut donc prolonger f par
continuité en x = 0 en posant

f˜(x) = e−1/x si x 6= 0 et f˜(0) = 0 .


2

La fonction f˜ est maintenant définie et continue sur tout R.

• On considère la fonction g définie par la formule g(x) = x/|x|. Là encore, la


division par 0 conduit à ne définir g que sur R∗ a priori. On peut chercher à
la prolonger en 0. Mais si x < 0, g(x) = −1 et si x > 0, g(x) = 1. Les limites
à gauche et à droite ne peuvent être égales et donc on ne pourra jamais
trouver un prolongement continu de g. Éventuellement, on peut décider de
poser g̃(0) = 0 pour respecter la symétrie impaire, mais le résultat n’est pas
continu.

63
Fonctions réelles

3.3 Deux théorèmes fondamentaux


Le théorème des valeurs intermédiaires correspond à l’idée simple de la continuité
comme ≪ le tracé sans lever le crayon ≫. Dans ce sens, il peut paraitre simpliste mais
c’est un théorème fondamental qui est plus profond qu’il paraı̂t.
Théorème 3.26 (Théorème des valeurs intermédiaires dit T.V.I.)
Soit [a,b] un intervalle de R et f ∈ C 0 ([a,b],R) une fonction continue sur [a,b].
Soit y une valeur strictement comprise entre les images de a et b, c’est-à-dire
que soit f (a) < y < f (b), soit f (b) < y < f (a). Alors, il existe x ∈ ]a,b[ tel
que y = f (x).

Démonstration : La fonction g : x 7→ f (x) − y est aussi continue sur [a,b].


Le problème revient alors à trouver un point x ∈ [a,b] où g s’annule en sachant
que g(a) et g(b) sont de signes opposés.
On pose u0 = a et v0 = b. Soit m0 = (a + b)/2 le milieu du segment. Comme
g(a) et g(b) sont de signes opposés, on a soit que g(m0 ) est du même signe que
g(u0 ) = g(a) et on pose alors u1 = m0 et v1 = b, soit g(m0 ) est du même signe
que g(b) est on pose alors u1 = a et v1 = m0 . Puis on reprend m1 = (u1 + v1 )/2
le milieu du nouveau segment. Si g(m1 ) = 0, on a trouvé notre x tel que
g(x) = 0 et on peut s’arrêter. Si g(m1 ) est du même signe que g(u1 ) et on
pose alors u2 = m1 et v2 = v1 , si g(m1 ) est du même signe que g(v1 ) on pose
alors u2 = u1 et v2 = m1 . . . On continue ainsi en coupant chaque segment en
deux et en gardant le morceaux pour lequel les images des bords sont de signes
opposés. Soit le processus s’arrête car on a trouvé un point x où g s’annule, soit
il se poursuit infiniment. Mais dans ce dernier cas, cela nous construit deux
suites (un ) et (vn ) qui sont par construction adjacentes car (un ) est croissante,
(vn ) est décroissante et |un − vn | est la taille de l’intervalle à l’étape n qui
vaut 2−n (b − a). Donc (un ) et (vn ) convergent vers un même limite x. Comme
a = u0 ≤ un ≤ vn ≤ v0 = b, x ∈ [a,b]. Par ailleurs, g(un ) et g(vn ) sont de
signe opposés. Comme g est continue, g(un ) converge vers g(x) et g(x) est du
même signe que g(un ) au sens large. Mais de même, g(x) est du même signe
que g(vn ) au sens large. Le seul nombre que a les deux signes au sens large est
y = 0. Donc g(x) = y et on a trouvé le point cherché.
Il reste juste à remarquer que x n’est pas seulement dans [a,b] mais en fait dans
]a,b[. En effet, g(a) et g(b) sont supposés non nuls, donc x ne peut être ni a, ni
b. 

Exemples :
• Soit P : x 7→ ax3 +bx2 +cx+d un polynôme de degré 3, c’est-à-dire que a 6= 0.
C’est une fonction continue sur R. Supposons a > 0. Quand x tend vers +∞,
P (x) tend vers +∞ donc pour x assez grand P (x) > 0 : il existe b ∈ R tel
que P (b) > 0. Quand x tend vers −∞, P (x) tend vers −∞ donc il existe a
assez négatif pour que P (a) < 0. Le théorème des valeurs intermédiaires nous
dit qu’il existe x ∈ ]a,b[ tel que P (x) = 0. Le cas a < 0 est symétrique. On

64
Fonctions réelles

obtient donc le résultat que tout polynôme réel de degré 3 admet au moins
une racine réelle. Notons qu’il existe des polynômes de degré 2 sans racines
réelles (comme P (x) = x2 + 1).

• Soit d(t) la distance d’un solide à un point de référence, il est naturel de


considérer d(t) comme une fonction continue du temps. Si à t = 0 le solide était
sur le point de référence et si à t = T > 0, il était à distance d(T ) = 100 m,
alors à un moment entre 0 et T , il a été à distance d(t) = 10 m.

• Un récipient contient une quantité de liquide que l’on vide progressivement


dans un autre récipient qui était vide au départ. Il existe un moment où les
deux récipients contiennent exactement le même volume de liquide. En effet, si
V (t) est la quantité de liquide dans le récipient d’origine, alors on a au départ
V (0) > 0 et à la fin V (T ) = 0. Comme V (t) est naturellement une quantité
physique continue, il existe un temps t ∈ ]0,T [ tel que V (t) = V (0)/2.

• La fonction f définie sur R par f (x) = 0 si x < 0 et f (x) = 1 si x ≥ 0 n’est pas


continue en x = 0. Les valeurs entre f (−1) = 0 et f (1) = 1 ne sont pas prises
par la fonction. Celle-ci ne vérifie pas la propriété des valeurs intermédiaires.

• Une bille de vitesse V > 0 subit un choc élastique contre un mur et rebondit
en repartant à vitesse −V < 0. Pourtant la bille n’a jamais été au repos car
son énergie cinétique étant conservée, elle vaut toujours 21 mV 2 6= 0. C’est
parce que dans cette modélisation, la vitesse passe brutalement de V à −V :
elle est discontinue et ne vérifie pas forcément le T.V.I.

Le deuxième résultat théorique important concernant la continuité est lié à ce


qu’on appelle la compacité. Il permet non seulement de borner une fonction mais
il garantit l’existence d’extrema. On lui associe parfois le nom de Karl Weierstrass
(1815-1897, Allemagne).
Théorème 3.27 (théorème des valeurs extrêmes)
Soit [a,b] ⊂ R un intervalle fermé et borné et f ∈ C 0 ([a,b],R) une fonction réelle
continue sur [a,b]. Alors f est bornée et atteint ses bornes sur [a,b]. Autrement
dit, il existe xmax et xmin tels que

f (xmax ) = max f (x) = sup f (x) et f (xmin ) = min f (x) = inf f (x) .
x∈[a,b] x∈[a,b] x∈[a,b] x∈[a,b]

Démonstration : On va montrer que f est majorée sur [a,b] et atteint son


maximum. Le cas du minimum est symétrique.
Supposons que f ne soit pas majorée sur [a,b], alors par définition, pour tout
n ∈ N, il existe un point xn ∈ [a,b] tel que f (xn ) ≥ n et en particulier f (xn ) →
+∞. D’après le Théorème de Bolzano-Weierstrass (corollaire 2.32 du chapitre
précédent), on peut extraire de (xn ) une sous-suite (xϕ(n) ) qui converge vers
une limite ℓ ∈ [a,b]. On a que f (xϕ(n) ) tend vers +∞ car c’est une sous-suite

65
Fonctions réelles

de f (xn ) mais aussi que f (xϕ(n) ) tend vers f (ℓ) par continuité de f . Comme
f (ℓ) est un nombre fini, c’est contradictoire et donc f est majorée sur [a,b].
On pose M = supx∈[a,b] f (x). Pour tout n ∈ N, M − 2−n n’est plus un majorant
et il existe donc xn ∈ [a,b] tel que M − 2−n < f (xn ) ≤ M . Donc f (xn ) tend
vers M . Mais comme précédemment, on peut extraire de (xn ) une sous-suite
(xϕ(n) ) qui converge vers une limite xmax ∈ [a,b]. Et par continuité f (xϕ(n) )
tend vers f (xmax ). Donc f (xmax ) = supx∈[a,b] f (x) est le maximum cherché. 

! Comme on le voit dans les exemples ci-dessous, il est important que f


soit continue mais aussi que [a,b] ⊂ R soit un intervalle fermé et borné,
c’est-à-dire qu’il inclut ses bornes a et b qui sont des réels (finis).

Exemples :
• Soit d(t) la distance d’un solide à un point de référence, il est naturel de
considérer d(t) comme une fonction continue du temps. Pendant un intervalle
de temps [0,T ], le solide s’est éloigné au maximum d’une distance D et il existe
un temps t0 ∈ [0,T ] où il était pile à distance D.

• La fonction f : x 7→ x est continue sur [0, + ∞[ mais n’est pas majorée dessus.
On ne peut pas appliquer le théorème précédent car [0, + ∞[ n’est pas un
intervalle borné.

• La fonction f : x 7→ 1/x est continue sur ]0,1] mais n’est pas majorée dessus.
On ne peut pas appliquer le théorème précédent car ]0,1] n’est pas un intervalle
fermé.

• La fonction f définie sur [0,1] par f (0) = 0 et f (x) = 1/x si x ∈ ]0,1] n’est pas
majorée sur [0,1]. Même si [0,1] est fermé et borné, on ne peut pas appliquer
le théorème précédent car f n’est pas continue.

En rassemblant les deux énoncés de cette partie, on obtient ce qu’on pourra


appeler dans les prochaines années d’études ≪ l’image d’un intervalle compact est
un intervalle compact ≫.
Corollaire 3.28
L’image d’un intervalle [a,b] ⊂ R par une fonction continue est un intervalle
[α,β] ⊂ R.

Démonstration : Le théorème 3.27 nous dit que l’image par f continue d’un
intervalle [a,b] est bornée et que les bornes sont atteintes. Donc α = min[a,b] f
et β = max[a,b] f sont dans l’image de f , atteints aux points xmin et xmax res-
pectivement. Par définition de ces extrema, l’image de f est incluse dans [α,β].
Mais le théorème des valeurs intermédiaires appliqué sur l’intervalle [xmin ,xmax ]
(ou [xmax ,xmin ]) nous dit que toutes les valeurs de [α,β] sont atteintes. 

66
Fonctions réelles

3.4 Quelques applications


• Cylindre de contrôle : soit f : I → R une fonction continue en x∗ ∈ I. Pour
toutes valeurs α et β telles que α < f (x∗ ) < β, la définition de la continuité implique
qu’il existe un petit intervalle ]x∗ − δ,x∗ + δ[ tel que α < f (x) < β reste vérifié pour
x ∈ ]x∗ − δ,x∗ + δ[. Mieux, grâce aux valeurs intermédiaires, si f est continue sur
tout un intervalle I, alors f (x) ne peut s’échapper de l’intervalle ]α,β[ qu’en passant
par un des bords α ou β. Par exemple, si f est continue et f (x∗ ) > 0, alors on est
certain que f reste positive sur un petit intervalle autour de x∗ . Par ailleurs, si elle
devient négative, c’est qu’elle est passée par la valeur f (x) = 0.

les valeurs de la fonction f


f (x∗ ) restent localement dans le
cylindre autour de f (x∗ )
quand la fonction sort du
cylindre, elle doit passer par
une des valeurs frontières
x∗

• Méthode de dichotomie : si on regarde bien la preuve du théorème des va-


leurs intermédiaires, elle fournit une méthode simple, constructive et explicite pour
chercher les zéros d’une fonction continue, c’est-à-dire pour trouver une solution à
une équation f (x) = 0. Supposons que f soit continue sur un intervalle [a,b] et que
l’on sache que f (a) et f (b) sont de signes opposés. Alors on coupe l’intervalle [a,b]
en deux et on garde l’intervalle où f admet des valeurs de signes opposés au bord.
Puis on recoupe cette intervalle en deux etc. On sait par le T.V.I. qu’il existe bien
une solution de f (x) = 0 dans chacun des intervalles et plus on avance, plus ces
intervalles sont petits et plus on obtient une bonne approximation de cette solution.
Attention toutefois que cette méthode ne garantit pas de trouver toutes les solutions
même si elle permet d’en trouver au moins une. L’algorithme est schématiquement :
❚❛♥t q✉❡ ✭❛✲❜✮✴✷ ❃ ♣ré❝✐s✐♦♥ ❢❛✐r❡ ❜♦✉❝❧❡
♣♦s❡ ♠❂✭❛✰❜✮✴✷
s✐ ❢✭❛✮❢✭♠✮❁✵
❛❧♦rs ♣♦s❡ ❜❂♠
s✐♥♦♥ ♣♦s❡ ❛❂♠
❢✐♥ s✐
❢✐♥ ❜♦✉❝❧❡
➱❝r✐t ✏❧❛ s♦❧✉t✐♦♥ ✈❛✉t✑ ✭❛✰❜✮✴✷ ✏❛✈❡❝ ❧❛ ♣ré❝✐s✐♦♥ ±✑ ♣ré❝✐s✐♦♥
• Un théorème de point fixe : les points fixes d’une fonction f , c’est-à-dire
les solutions de l’équation f (x) = x, jouent un rôle important dans beaucoup de
théories et applications. Par exemple, leur interprétation en tant qu’équilibres d’une
dynamique un+1 = f (un ) se retrouve en théorie des jeux et donc en économie. En
se limitant aux fonctions à une seule variable réelle, cela revient souvent à prendre
des modèles simplistes, mais essayons d’en comprendre le principe général. Imagi-
nons un agent économique qui peut produire une quantité x de biens et en tirer un
profit h(x,y) qui dépend de sa production x et de l’état du marché y. Il va tenter de

67
Fonctions réelles

maximiser ses gains et donc produire la quantité x∗ telle


que h(x∗ ,y) = maxx h(x,y). On peut supposer que x∗
dépend continûment de l’état du marché y. Mais l’état
du marché dépend aussi de la production x de l’agent
(une surproduction peut baisser les prix etc.), c’est donc
aussi une fonction continue y(x). L’agent ne sera sa-
tisfait que si sa production est celle lui apportant le
gain maximum dans l’état du marché, c’est-à-dire si
x∗ = h(x∗ ,y(x∗ )). On est amené à chercher un point
fixe de la fonction f : x∗ 7→ maxx h(x,y(x∗ )). C’est un John Nash
équilibre de Nash du nom du mathématicien John Nash, 1928-2015
lauréat du prix dit Nobel d’économie et du prix Abel. États-Unis
Théorème 3.29
Soit [a,b] ⊂ R et f ∈ C 0 ([a,b],[a,b]) une fonction continue envoyant [a,b] sur
lui-même. Alors f a au moins un point fixe, c’est-à-dire qu’il existe x∗ ∈ [a,b]
tel que f (x∗ ) = x∗ .

Démonstration : Si f (a) = a, c’est gagné, donc supposons que l’on a f (a) 6=


a, ce qui implique f (a) > a car f (a) ∈ [a,b]. De même, si f (b) = b, c’est gagné,
donc supposons que l’on a f (b) 6= b, ce qui implique f (b) < b. On considère
la fonction g définie par g(x) = f (x) − x. La fonction g est continue sur [a,b]
comme somme de fonctions continues. Par ailleurs, les hypothèses ci-dessus
nous donnent que g(a) = f (a) − a > 0 et g(b) = f (b) − b < 0. En appliquant
le théorème des valeurs intermédiaires, on voit qu’il existe x∗ ∈ ]a,b[ tel que
g(x∗ ) = 0. Mais cela veut dire que f (x∗ ) − x∗ = 0 et donc x∗ est un point fixe
de f . 

f (x)

a x∗ b

Figure 3.4 – Une illustration du théorème 3.29 : le graphe de la fonction continue


f doit forcément intersecter la droite y = x et donc f a forcément au moins un
point fixe (ici elle en a trois).

• Le sinus cardinal : en physique ondulatoire et en théorie du signal, la fonction


x 7→ (sin x)/x apparaı̂t très fréquemment. Une des raisons est qu’elle est liée aux

68
Fonctions réelles

filtres passe-bas c’est-à-dire au fait de tronquer les hautes fréquences dans une onde,
par exemple pour ne garder que les fréquences audibles principales d’un signal so-
nore. Elle peut être considérée comme suffisamment usuelle pour avoir un nom : on
l’appelle sinus cardinal et on la note sinc. Pour x 6= 0, la fonction x 7→ (sin x)/x est
bien définie et est continue. Le problème, c’est qu’elle n’est pas définie en x = 0 à
cause de la division par x. Mais comme sin x est équivalent à x quand x tend vers
0, on obtient facilement que sinx x −−−−−→ 1. On peut donc prolonger la fonction par
x→0
continuité en x = 0. C’est en fait ce prolongement qui est appelé sinus cardinal. On
pose donc  sin x
x
si x 6= 0
sinc(x) =
1 si x = 0
et on obtient une fonction continue et définie sur R.

y
1

La fonction sinus cardinal

0
x
−6π −3π −π π 3π 6π

• Le minimum d’un puits de potentiel : on considère un potentiel continu


V : R → R. On suppose que limx→±∞ V (x) = +∞. Cela veut dire que ce potentiel
est un potentiel puits qui a tendance à ramener notre système vers une zone bornée.
Par les résultats ci-dessus, nous pouvons montrer que V admet un minimum global,
c’est-à-dire un point x∗ où l’énergie potentielle est la plus petite possible et donc pour
lequel, un système dans cet état x∗ resterait stable proche de cette énergie minimale.
En effet, soit M = V (0) + 1. Comme limx→−∞ V (x) = +∞, il existe x− tel que si
x ≤ x− alors V (x) ≥ M . De même, comme limx→+∞ V (x) = +∞, il existe x+ tel que
si x ≥ x+ alors V (x) ≥ M . Donc pour tout x en dehors de [x− ,x+ ], V (x) est minoré
par V (0) + 1, et en particulier 0 ∈ [x− ,x+ ] puisque V (0) < V (0) + 1. Par ailleurs,
comme V est continue sur l’intervalle fermé borné [x− ,x+ ], V y est minoré et atteint
son minimum en un point x∗ . On a donc que pour tout x ∈ [x− ,x+ ], V (x) ≥ V (x∗ ).
Mais comme 0 ∈ [x− ,x+ ], pour tout x 6∈ [x− ,x+ ], V (x) ≥ V (0) + 1 > V (0) ≥ V (x∗ ).
Au total, on a bien que V (x) ≥ V (x∗ ) pour tout x ∈ R et V admet un minimum
global en x∗ .

4 Dérivation
4.1 Définition et propriétés élémentaires
Si d(t) est la distance parcouru par un véhicule au cours du temps, alors entre
les temps a et b, le véhicule a parcouru d(b) − d(a). Sa vitesse moyenne est donc

69
Fonctions réelles

(d(b) − d(a))/(b − a). L’idée de la dérivée est simplement d’aller chercher la vitesse
instantanée en faisant tendre b vers a.
Définition 3.30
Soit f : Df → R une fonction réelle et soit I ⊂ Df un intervalle. Pour tout
a 6= b dans I, f (b)−f
b−a
(a)
est le taux d’accroissement de f entre a et b. Si la
limite
f (b) − f (a)
lim
b→a b−a
existe et est finie, on l’appelle nombre dérivé de f en a que l’on note f ′ (a)
et on dit que f est dérivable en a. Si f est dérivable en tout point de I, on
dit que f est dérivable sur I et la fonction f ′ : x ∈ I 7→ f ′ (x) est appelée la
dérivée de f sur I.

Dans la définition ci-dessus, on peut considérer les points a = x et b = x + h, ce


qui fait qu’on peut écrire la définition de la dérivée comme

f (x + h) − f (x)
f ′ (x) = lim .
h→0 h
Il existe aussi d’autres notations pour la dérivée, chacune venant d’un des grands
fondateurs du calcul infinitésimal. La notation f ′ vient de Lagrange. Leibniz utilisait
la notation df
dx
(x) pour la dérivée de f au point x. Cette notation est pratique quand
f dépend de plusieurs variables et elle fait le lien avec les notations des intégrales.
Newton utilisait le point, qui est beaucoup utilisé en physique, par exemple ẋ(t)
pour la vitesse comme dérivée de la position x(t). Cette notation est évidemment
moins pratique pour des lettres hautes comme le f .

Sir Isaac Newton Gottfried Wilhelm Leibniz Joseph-Louis Lagrange


1642-1727 1646-1716 1736-1813
Angleterre Allemagne Italie-France

Exemple :
On considère la fonction f : x 7→ x2 . On a f (x + h) = (x + h)2 = x2 + 2hx + h2 .
Donc f (x+h)−f
h
(x)
= 2x + h → 2x quand h → 0. Donc f est dérivable et sa dérivée

70
Fonctions réelles

est f ′ (x) = 2x. En utilisant la formule du binôme, on trouve de même que


n
(x + h)n − xn 1  X  n  k n−k 
= h x − xn
h h k=0 k
n  
1  n  n n
 n
n−1
X n k−1 n−k
= x −x + x + h x
h 0 1 k
k=2
= nxn−1 + o(1) −−−−−→ nxn−1
h−→0

d n
montrant le résultat bien connu que dx
x = nxn−1 .

Définition 3.31
Soit I un intervalle de R et f : I → R. Si f est dérivable sur I et que sa
dérivée f ′ est dérivable, on note f ′′ (ou ddxf2 ou f¨) la dérivée seconde de f ,
2

c’est-à-dire la dérivée de la dérivée.


Si on peut appliquer la dérivation k fois de suite sur f , on dit que f est k fois
k
dérivable sur I et on note f (k) ou ddxfk la fonction obtenue, appelée dérivée
k-ième.
Si f est k fois dérivable sur I et que sa dérivée k-ième est continue sur I, alors
on dit que f est de classe C k sur I. On note C k (I,R) l’ensemble des fonctions
réelles de classe C k sur I. Si f est infiniment dérivable, on dit qu’elle est de
classe C ∞ et on note C ∞ (I,R) = ∩k∈N C k (I,R).

! Une fonction f est de classe C 1 si elle est dérivable et si sa dérivée f ′ est


continue. La fonction f : x 7→ x2 sin(1/x) est dérivable sur R mais sa
dérivée est f ′ (x) = 2x sin(1/x) − cos(1/x) si x 6= 0 et f ′ (0) = 0 et f ′ n’est
pas continue en x = 0. Donc f peut être dérivable sans être de classe C 1 .

En se basant sur les notions de limites à gauche et à droite, il est possible de


parler de dérivabilité à gauche et à droite.

Définition 3.32
Soit f : Df → R une fonction réelle définie sur un intervalle [a,b] ⊂ Df . On
dit que f est dérivable à droite en x = a+ si la limite limh→0+ f (a+h)−f
h
(a)

existe et est finie. Symétriquement, on dit que f est dérivable à droite en


x = b− si la limite limh→0− f (b+h)−f
h
(b)
existe et est finie.

Par les arguments similaires à ceux de la preuve du théorème 3.20, on montre


qu’une fonction est dérivable en x si et seulement si elle est dérivable à gauche et à
droite de x et si ces deux dérivées sont égales.

71
Fonctions réelles

Exemple :
On considère la valeur absolue f : x 7→ |x|. Pour tout x ≥ 0, on a f (x) = x et
donc f est dérivable sur ]0, + ∞[ avec f ′ ≡ 1 et f est dérivable à droite de 0 avec
1 pour dérivée à droite en 0. Symétriquement, pour tout x ≤ 0, on a f (x) = −x
et donc f est dérivable sur ] − ∞,0[ avec f ′ ≡ −1 et f est dérivable à gauche de
0 avec −1 pour dérivée à gauche en 0.
En x = 0, les dérivées à droite et à gauche sont différentes, donc la valeur absolue
n’est pas dérivable en x = 0.

L’implication suivante est classique mais on prendra garde à ne pas utiliser sa


réciproque qui est fausse. On pourra se rappeler de l’exemple ci-dessus de la valeur
absolue qui est continue mais pas dérivable en 0.
Proposition 3.33
Si f est dérivable en x ∈ Df , alors f est continue en x.

f (y)−f (x)
Démonstration : Si f est dérivable en x, alors la limite limy→x y−x
existe
et est finie. Par règle algébrique sur les limites, on a alors

f (y) − f (x)
f (y) = (y − x) + f (x) −−−−−→ f (x)
y−x y−→x

ce qui montre par le théorème 3.20 que f est continue en x. 

On pourra retenir que toutes les fonctions usuelles sont dérivables sur leur do-
maine de définition sauf la partie entière (qui n’est tout simplement pas continue
sur les entiers) et la valeur absolue qui n’est pas dérivable en x = 0. Pour obtenir la
dérivée de fonctions construite à l’aide des fonctions usuelles, il nous faut les règles
de calculs que nous apprenons au lycée.
Proposition 3.34
Soient f et g deux fonctions dérivables sur un intervalle I ⊂ R. Alors

• Si λ et µ son deux réels, alors la combinaison linéaire (λf + µg) est


dérivable sur I et sa dérivée est (λf + µg)′ = λf ′ + µg ′ .

• Le produit f g est dérivable sur I et (f g)′ = f ′ g + g ′ f .


′ ′ ′f
• Le quotient f /g est dérivable là où g 6= 0 et fg = f g−g g2
.

Démonstration : Pour donner un exemple de preuve, traitons le cas du pro-


duit. On commence par noter que puisque g est dérivable en x ∈ I, alors g est
continue sur I et g(x + h) → g(x) quand h → 0. Les règles de manipulation

72
Fonctions réelles

des limites donnent


(f g)(x + h) − (f g)(x) 1 
= f (x + h)g(x + h) − f (x)g(x)
h h
f (x + h) − f (x) g(x + h) − g(x)
= g(x + h) + f (x)
h h
−−−−−→ f ′ (x)g(x) + f (x)g ′ (x)
h−→0

Les règles pour la composition et la fonction réciproque s’énoncent ainsi.


Proposition 3.35
Soient I et J deux intervalles de R et soit g : I → J et f : J → R deux
fonctions dérivables. Alors la composée f ◦ g est dérivable sur I et (f ◦ g)′ =
(f ′ ◦ g).g ′ .

Démonstration : Soit x ∈ I. Comme g est dérivable en x, g est continue en


x. Par ailleurs, f est dérivable en g(x) par hypothèse. On a

(f ◦ g)(x + h) − (f ◦ g)(x) f (g(x + h)) − f (g(x))


=
h h
f (g(x + h)) − f (g(x)) g(x + h) − g(x)
= ×
g(x + h) − g(x) h
′ ′
−−−−−→ f (g(x))g (x)
h−→0

où on a utilisé la définition de la dérivée de f en a = g(x) avec b égal à g(x + h)


qui tend vers a quand h tend vers 0. 

Proposition 3.36
Soient I et J deux intervalles de R et soit f : I → J une fonction dérivable et
bijective de I dans J. Alors si f ′ (x) 6= 0 pour tout x ∈ I, la fonction réciproque
f −1 : J → I est dérivable et (f −1 )′ (x) = 1/f ′ (f −1 (x)).

Démonstration : Comme f est dérivable, elle est continue. Nous allons sup-
poser connu le fait que la réciproque d’une fonction continue est continue pour
nous concentrer sur la partie dérivation. On pourra donc utiliser que f −1 (x+h)
tend vers f −1 (x). On a alors

f −1 (x + h) − f −1 (x) f −1 (x + h) − f −1 (x) f −1 (x + h) − f −1 (x)


= =
h (x + h) − x f (f −1 (x + h)) − f (f −1 (x))
1 1
= f (f −1 (x+h))−f (f −1 (x)) −−−−−→ ′ −1
h−→0 f (f (x))
f−1 (x+h)−f −1(x)

73
Fonctions réelles

où on a utilisé la définition de la dérivée de f en a = f −1 (x) avec b égal à


f −1 (x + h) qui tend vers a quand h tend vers 0 (continuité admise). 

Notons quelques astuces pour les calculs. Tout d’abord, en cas de doute sur les
formules, on pourra regarder l’homogénéité. Si f et g sont en mètres et x en seconde,
alors la dérivation multiplie l’unité par s−1 . La formule de (f g)′ par exemple doit
être en m2 .s−1 et aussi symétrique en f et g car f g = gf . Cela ne laisse pas beaucoup
de choix et montre que (f g)′ 6= f ′ g ′ car f ′ g ′ est en m2 .s−2 .
Ensuite, l’écriture (f ◦ g)′ = (f ′ ◦ g).g ′ est meilleure que (f ◦ g)′ = g ′ .(f ′ ◦ g) dès
qu’on enchaı̂ne plusieurs calculs. Ainsi si on calcule (f ◦ g ◦ h)′ , on commence par
réfléchir à f ′ et on écrit f ′ ◦ g ◦ h puis on oublie f et on peut se concentrer sur la
dérivation de g ◦ h etc.

4.2 Tangente et linéarisation

Nous avons vu la dérivée comme la limite du taux


d’accroissement et ce dernier comme une sorte de
vitesse moyenne. Ce taux d’accroissement a aussi
une interprétation géométrique : c’est la pente de f (b)−f (a)
pente b−a
la droite reliant les points (a,f (a)) et (b,f (b)). La
dérivée f ′ est donc la limite de ces pentes quand b
tend vers a. Géométriquement, la droite limite est
la tangente à la courbe de f en a. On peut sim-
plement prendre comme définition de la tangente pente f ′ (a)
qu’il s’agit de la droite de pente f ′ (a) et passant
par le point (a,f (a)). b a

Définition 3.37
Si f est dérivable en a, on définit la tangente à la courbe de f en a comme
la droite d’équation
y = f ′ (a)(x − a) + f (a) .

Pour retrouver cette équation, c’est facile : la pente est f ′ (a) donc l’équation est
du type y = f ′ (a)x + c avec c ∈ R. Puis la droite doit passer par (a,f (a)) donc
f ′ (a)a + c = f (a) donne la constante manquante.
Le point clef de cette tangente est qu’il s’agit de la meilleure approximation de
f par une droite si on est proche de a, dans le sens où la différence entre f (x) et la
tangente f ′ (a)(x − a) + f (a) est d’ordre plus petit que linéaire. On peut voir cette
propriété comme la définition même de la dérivée.

74
Fonctions réelles

Théorème 3.38
Une fonction f est dérivable en a ∈ R avec pour nombre dérivé f ′ (a) si et
seulement si
r(x)
f (x) = f (a) + f ′ (a)(x − a) + r(x) avec → 0 quand x → a . (3.2)
(x − a)

Démonstration : Supposons que f est dérivable en a. Alors si on pose r(x) =


f (x) − f (a) − f ′ (a)(x − a), on a

r(x) f (x) − f (a)


= − f ′ (a) −−−−−→ f ′ (a) − f ′ (a) = 0 .
x−a x−a x−→a

Ce qui donne le développement (3.2) souhaité.


Supposons maintenant que (3.2) est vraie (sans savoir que f ′ (a) est le nombre
dérivé mais juste un nombre donné). On a alors

f (x) − f (a) f ′ (a)(x − a) + r(x) r(x)


= = f ′ (a) + −−−−−→ f ′ (a)
x−a x−a x − a x−→a
ce qui montre que le taux d’accroissement a une limite finie qui est bien le
nombre f ′ (a). 

Dans le chapitre suivant, on verra la notation o(x − a) pour un terme r(x) tel
que r(x)/(x − a) → 0 quand x → a. On écrira alors (3.2) sous la forme
f (x) = f (a) + f ′ (a)(x − a) + o(x − a)
ce qui évite d’introduire une notation pour le reste. Ce genre d’écriture sera vu plus
en détail dans chapitre sur les développements limités.
Exemples :
• En x = 0, une exponentielle f (x) = αe−λx a pour dérivée f ′ (0) = −αλ et donc
pour tangente −αλx + α. Cette tangente s’annule en x = 1/λ. Cela donne
un moyen géométrique de récupérer le coefficient λ ou la demi-vie ln 2/λ où
l’exponentielle a été divisée par deux.

αe−λx

0 x
ln 2/λ 1/λ

• Près de x = 0, comme sin′ (0) = cos(0) = 1, on retrouve que sin(x) = x + r(x)


avec r(x)/x → 0 quand x → 0, ce qui est équivalent à dire que sin x ∼ x près
de 0.

75
Fonctions réelles

• On considère un pendule qui peut osciller autour d’un axe. On note θ(t) l’angle
qu’il forme avec la verticale (θ = 0 étant l’équilibre stable où le penduleppend
vers le bas). On trouve comme équation θ̈(t)+ω 2 sin(θ(t)) = 0 avec ω = g/ℓ.
Il est impossible de trouver des solutions explicites à cette équation, mais pour
des petits oscillations, (θ proche de 0) on peut procéder à une linéarisation
en remplaçant sin θ par θ car sin x ∼ x près de 0. Il peut être très difficile de
donner un sens rigoureux à ce procédé, c’est-à-dire de comprendre dans quel
sens l’équation originale et sa version linéarisée sont proches. Mais en première
approximation, on peut déjà regarder l’équation linéarisée θ̈(t) + ω 2 θ(t) = 0.
Cette équation a pour solution les oscillations de la forme α sin(ωt)+β cos(ωt),
ce qui correspond bien à ce qu’on peut observer et justifie a posteriori que la
linéarisation est sans doute raisonnable dans ce cas.

4.3 Les accroissements finis


Dans cette partie, nous allons voir plusieurs résultats fondamentaux qui donnent
toute la puissance de l’outil dérivation. Tout d’abord, nous pouvons l’utiliser pour
chercher des extrema locaux.
Proposition 3.39
Soit f : Df → R une fonction réelle et soit x0 ∈ R un point tel qu’il existe
ε > 0 tel que ]x0 − ε,x0 + ε[ ⊂ Df . Si la fonction f admet un maximum ou un
minimum local en x0 et si f est dérivable en x0 , alors f ′ (x0 ) = 0.

Démonstration : Supposons que f admet en x0 un maximum local (le cas du


minimum est symétrique). Il existe un petit intervalle ]x0 − η,x0 + η[ sur lequel
f (x) ≤ f (x0 ). On a donc pour tout h ∈ ]0,η[, f (x0 +h)−f h
(x0 )
≤ 0. Comme f est
dérivable en x0 , on peut passer à la limite h → 0 et obtenir f ′ (x0 ) ≤ 0. Mais
pour tout h ∈ ] − η,0[, on a aussi f (x0 +h)−fh
(x0 )
≥ 0 (attention au changement
de sens de l’inégalité car h est négatif). En passant à la limite, on obtient
f ′ (x0 ) ≥ 0. Au total, on a forcément f ′ (x0 ) = 0. 

Cette proposition bien connue est très utile pour trouver les maximums ou mi-
nimums d’une fonctions. On prendra garde à ne pas mal l’utiliser comme illustrer
dans les exemples suivants.
Exemples :
• Le polynôme f : x 7→ x3 − 3x + 1 est dérivable sur tout R et de dérivée
f ′ (x) = 3x2 − 3 = 3(x2 − 1). D’après le résultat ci-dessus, les extrema locaux
de f sont des points où f ′ s’annule. Il y a donc deux candidats : x0 = 1 et
x0 = −1. Il faudra étudier les variations de la fonction pour savoir s’il s’agit
bien d’extrema locaux ou non. Dans tous les cas, il ne s’agira pas d’extrema
globaux puisque f tend vers ±∞ en ±∞.

• Un point où f ′ s’annule n’est pas forcément un extremum local. Par exemple,

76
Fonctions réelles

la fonction f : x 7→ x3 a une dérivée qui s’annule en x = 0. Pourtant, elle est


toujours croissante et donc il n’y a aucun extremum local en x = 0.

• Si on est ≪ au bord ≫ de l’ensemble de définition, c’est-à-dire qu’on ne peut


trouver un intervalle ]x0 − η,x0 + η[ dedans, alors la proposition devient fausse.
Par exemple, la fonction x ∈ [0,1] 7→ x admet un minimum global en 0 et un
maximum global en 1 mais sa dérivée ne s’annule jamais.

Le résultat suivant a été formulé par Michel Rolle (1652-1719, France). Il peut
sembler élémentaire et est souvent qualifié simplement de ≪ lemme ≫. Mais on va
voir plus bas sa généralisation appelée théorème des accroissements finis qui est un
résultat fondamental de l’analyse infinitésimal. À l’époque de Rolle, la dérivation
était à ses débuts et Rolle n’avait traité en fait que le cas des polynômes.
Proposition 3.40 (lemme de Rolle)
Soient a < b deux réels et soit f une fonction définie et continue sur [a,b].
Si f (a) = f (b) et si f est dérivable sur ]a,b[, alors il existe c ∈ ]a,b[ tel que
f ′ (c) = 0.

Démonstration : D’après le théorème 3.27, la fonction f est bornée sur [a,b] et


atteint ses bornes. Si f (a) = f (b) est à la fois les valeurs minimale et maximale
de f sur [a,b], alors c’est que f est constante sur ce segment et d’après la
proposition 3.39, f ′ (c) = 0 pour tout c ∈ ]a,b[ puisque f (c) est un maximum
de f . Sinon, c’est qu’il existe un c ∈ ]a,b[ tel que f atteint son maximum ou
son minimum en c. De nouveau, on applique la proposition 3.39 pour avoir
f ′ (c) = 0. 

Le théorème le plus important de cette partie est le suivant. On remarquera que


le lemme de Rolle correspond au cas f (b) = f (a).
Théorème 3.41 (théorème des accroissements finis dit T.A.F.)
Soient a < b deux réels et soit f une fonction définie et continue sur [a,b]. Si
f est dérivable sur ]a,b[, alors il existe c ∈ ]a,b[ tel que

f (b) − f (a)
f ′ (c) = .
b−a

Démonstration : On considère la fonction auxiliaire


f (b) − f (a)
g : x ∈ [a,b] 7−→ f (x) − · (x − a) .
b−a
Par les hypothèses sur f , la fonction g est continue sur [a,b] et dérivable sur
]a,b[. On a aussi g(a) = f (a) et
f (b) − f (a)
g(b) = f (b) − · (b − a) = f (b) − (f (b) − f (a)) = f (a) .
b−a

77
Fonctions réelles

a c b x

Figure 3.5 – Des illustrations des accroissement finis. À gauche, le taux d’accrois-
sement f (b)−f
b−a
(a)
est la pente de la sécante entre a et b, alors que f ′ (c) est la pente
de la tangente en c. Le T.A.F. nous dit qu’il existe c tel que ces deux pentes sont
égales et donc que la tangente est parallèle à la sécante. À droite, si on connaı̂t une
borne M sur la dérivée d’une fonction, alors l’I.A.F. nous fournit un cône de pointe
(x,f (x)) et de pentes M duquel la fonction ne peut s’échapper.

On peut donc appliquer le lemme de Rolle à g et on trouve qu’il existe c ∈ ]a,b[


tel que g ′ (c) = 0. Comme g ′ (x) = f ′ (x) − f (b)−f
b−a
(a)
, le point c est bien celui
cherché. 

En corollaire immédiat, on obtient diverses inégalités comme ci-dessous. La forme


en inégalités est celle qui est la plus utilisée dans la vie de tous les jours puisque
c’est elle qui dit que si on n’a pas dépassé le 80 km/h, alors on n’a pas parcouru plus
de 80 km en une heure. Ou plutôt la contraposée utilisée par les radars-tronçons : si
vous avez mis moins d’une heure pour faire 80 km, c’est qu’à au moins un moment,
vous avez dépassé les 80 km/h. Tout ceci est très logique, et c’est exactement ce
qu’exprime le résultat suivant, mais sous une forme complètement générale : si f (x)
est une position en fonction du temps x, (f (b) − f (a)) est la distance parcourue,
(b − a) est l’intervalle de temps et f ′ la vitesse.
Corollaire 3.42 (inégalités des accroissements finis dit I.A.F.)
Soient a < b deux réels et soit f une fonction définie et continue sur [a,b]. Si
f est dérivable sur ]a,b[ et si f ′ est bornée sur ]a,b[, alors

(b − a) · inf f ′ (x) ≤ f (b) − f (a) ≤ (b − a) · sup f ′ (x) .


x∈]a,b[ x∈]a,b[

En particulier, si f est de classe C 1 sur intervalle I et si x,y ∈ I, alors

|f (x) − f (y)| ≤ |x − y| · max |f ′ (t)|


t∈[x,y]

78
Fonctions réelles

Démonstration : Le théorème des accroissements finis nous dit qu’il existe c


tel que f (b) − f (a) = (b − a)f ′ (c). Pour obtenir la première estimation, il ne
reste plus qu’à borner f ′ (c) en remarquant que b − a > 0 pour garder le sens
de l’inégalité. Dans la deuxième version, on passe d’abord à la valeur absolue
pour avoir |f (x) − f (y)| = |x − y| · |f ′ (c)|, ce qui permet de ne pas se soucier
du signe de x − y. Puis on utilise que si la dérivée est continue sur [x,y] (car f
est de classe C 1 ), alors c’est aussi le cas de |f ′ | qui admet donc un maximum
par le théorème 3.27. 

Exemple :
√ √
Montrons que un = n + 1− n tend vers 0 quand n tend vers +∞. Pour cela,√on
applique une inégalité des accroissements finis. On prend la fonction f : x 7→ x
et les points a = n et b = n + 1. On a f ′ (x) = 2√1 x et donc |f ′ (x)| ≤ 2√1 n sur [a,b].
On obtient alors
√ √ 1
n+1− n ≤ √ −−−−−−−→ 0 .
2 n n−→+∞

C’est toute l’essence des inégalités des accroissements finis : si la vitesse de crois-
sance de la fonction diminue et tend vers 0, l’écart des valeurs entre n et n + 1
doit aussi tendre vers 0.

Le théorème des accroissements finis permet de retrouver tout ce qu’on apprend


au lycée concernant le lien entre dérivation et sens de variation.
Proposition 3.43
Soit f une fonction dérivable sur un intervalle I.

• si f ′ (x) ≥ 0 pour tout x ∈ I, alors f est croissante sur I,

• si f ′ (x) > 0 pour tout x ∈ I, alors f est strictement croissante sur I,

• si f ′ (x) ≤ 0 pour tout x ∈ I, alors f est décroissante sur I,

• si f ′ (x) < 0 pour tout x ∈ I, alors f est strictement décroissante sur I.

Démonstration : Détaillons deux cas. Supposons que f ′ (x) ≥ 0 sur I. Soient


a ≤ b deux points de I. Si a = b, on a f (b) ≥ f (a) trivialement. Si a < b,
le théorème 3.41 implique qu’il existe c ∈ ]a,b[ ⊂ I tel que f (b) − f (a) =
f ′ (c)(b − a). Les hypothèses de signe nous donnent donc que f (b) − f (a) ≥ 0
soit f (b) ≥ f (a) et f est donc croissante sur I.
Supposons maintenant que f ′ (x) < 0 sur I. Soient a < b deux points de I,
le théorème 3.41 implique qu’il existe c ∈ ]a,b[ ⊂ I tel que f (b) − f (a) =
f ′ (c)(b − a). Les hypothèses de signe nous donnent donc que f (b) − f (a) < 0
soit f (b) < f (a) et f est donc strictement décroissante sur I. 

79
Fonctions réelles

4.4 Quelques applications


• Étude de fonctions : on retrouve les tableaux de variations que l’on apprend
à faire au lycée. Reprenons notre exemple du polynôme de degré trois f : x 7→
x3 − 3x + 1. Sa dérivée est un polynôme de degré deux f ′ (x) = 3(x2 − 1) dont le
signe est facile à trouver. On obtient alors facilement une allure de la fonction.

x −∞ −1 1 +∞ y

f ′ (x) + 0 − 0 +

3 +∞
f (x) 1
−∞ −1 x
−1

Nous avions vu que ±1 était potentiellement deux extrema locaux, sans en avoir
la certitude. Maintenant, nous pouvons bien dire que la fonction f a exactement
deux extrema locaux : x = −1 est un maximum local et x = 1 est un minimum
local.
• Estimations : par essence, les inégalités des accroissements finis sont la source
de nombreuses estimations. Par exemple, comme | cos x| ≤ 1 sur R, on sait que
| sin x − sin 0| ≤ 1.|x − 0|, c’est-à-dire que
∀x ∈ R , | sin x| ≤ |x| .
Regardons maintenant le log. Il a pour dérivée 1/x et 1/x ≤ 1 pour tout x ≥ 1.
Donc (ln x − ln 1) ≤ 1.(x − 1) pour tout 1 ≤ x. Si x ∈ ]0,1[, on a 1/x > 1 et
(ln 1 − ln x) > 1.(1 − x) pour tout x ≤ 1. Dans les deux cas, on retrouve la même
inégalité (attention au changement de sens quand on passe de (1 − x) à (x − 1) si
x < 1) :
∀x > 0 , ln x ≤ x − 1 .
On peut aussi utiliser l’étude de fonctions. Par exemple, on considère la fonction
f : x 7→ ex − x − 1. Elle est dérivable sur R et f ′ (x) = ex − 1. Connaissant les
valeurs de l’exponentielle, on obtient que la fonction f est donc décroissante sur R−
et croissante sur R+ : elle atteint son minimum en 0 où f (0) = 0. Donc
∀x ∈ R , ex ≥ x + 1 .

• Caractérisation des fonctions constantes : le résultat suivant est assez élémen-


taire mais fournit une façon simple de vérifier qu’une fonction est constante.
Proposition 3.44
Soit I un intervalle de R et f : I → R une fonction dérivable sur I. Alors f
est une fonction constante sur I si et seulement si f ′ (x) = 0 pour tout x ∈ I.

80
Fonctions réelles

Démonstration : Si f est constante sur I, alors tout taux d’accroissement


(f (a) − f (b))/(a − b) vaut zéro (car f (a) = f (b)) et donc f est dérivable de
dérivée nulle.
Si f est dérivable et f ′ ≡ 0, alors pour tout a et b dans I, le théorème des
accroissement finis nous donne l’existence de c dans I tel que f (a) − f (b) =
f ′ (c)(a − b). Puisque f ′ (c) = 0, on a f (a) = f (b) pour tout a et b dans I. 

Notons que ce résultat n’est pas si trivial. Par exemple, si I n’est pas un intervalle,
il n’est plus vrai. Ainsi considérons la fonction f définie sur R∗ := R \ {0} par
f (x) = 1 si x > 0 et f (x) = −1 si x < 0. On a que f est dérivable sur R∗ et que
f ′ ≡ 0. Pourtant f n’est pas constante car elle prend deux valeurs. Par contre, on
peut dire que f est constante sur chaque intervalle ] − ∞,0[ et ]0, + ∞[.
Exemple :
La proposition ci-dessus permet de démontrer rapidement des formules. Par
exemple, si on part de la propriété du logarithme que ln 1 = 0 et que ln′ (x) = 1/x.
Pour tout a > 0, considérons la fonction f : x 7→ ln(ax) − ln(x). On a
1 1 1 1
f ′ (x) = a− = − =0
ax x x x
et donc f est une fonction constante. On sait que f (1) = ln(a) − ln 1 = ln a et on
obtient donc que pour tout x > 0, f (x) = ln a. Ceci montre la formule

∀x > 0, ∀a > 0 , ln(ax) = ln a + ln x .

• Règle de L’Hôpital : il s’agit d’une règle qui peut être utile. Elle a été publiée par
le marquis de L’Hôpital (1661-1704, France), mais on pense qu’elle a été découverte
par Jean Bernoulli (1667-1748, Suisse). Le marquis de L’Hôpital payait ce dernier
pour faire de la recherche en mathématique et avait le droit de publier en son nom
les résultats trouvés.
Proposition 3.45 (règle de L’Hôpital)
Si deux fonctions g et h sont continues et dérivables dans un voisinage de a
avec g(a) = h(a) = 0 et que la limite de g ′ (x)/h′ (x) existe quand x → a, alors
la limite de g(x)/h(x) existe aussi et

g ′ (x) g(x)
lim ′
= lim .
x→a h (x) x→a h(x)

Démonstration : La preuve consiste à appliquer le théorème de Rolle à la


fonction
   
φ(x) = g(x) − g(a) h(b) − h(a) − h(x) − h(a) g(b) − g(a)

81
Fonctions réelles

et trouver c ∈]a,b[ tel que

g(b) − g(a) g ′ (c)


= ′ .
h(b) − h(a) h (c)

quand b tend vers a, c tend aussi vers a, ce qui donne la limite voulue. Le détail
est laissé au lecteur (voir exercices de TD). 

Il existe d’autres versions (en ±∞, pour des limites infinies etc.) qu’on pourra
trouver dans d’autres cours en ligne.
Exemple :
On considère la fonction f : x 7→ x+sin x
e3x −1
. Cette fonction n’est pas définie en x = 0
à cause de la division par e0 − 1 = 0. Peut-on la prolonger par continuité en
zéro ? La limite est une forme indéterminée du type ≪ 0/0 ≫. On applique la règle
de L’Hôpital. La dérivée de g : x 7→ x + sin x est g ′ (x) = 1 + cos x → 2 quand
x → 0. La dérivée de h : x 7→ e3x − 1 est h′ (x) = 3e3x → 3 quand x → 0.
Comme g ′ (x)/h′ (x) tend vers 2/3 quand x tend vers 0, on est bien dans le cadre
d’application du résultat ci-dessus et
x + sin x 2
3x
−−−−−→ .
e −1 x−→0 3

• Théorème de la limite de la dérivée : voici un autre résultat qui peut être utile
quand une fonction n’est pas clairement dérivable en un point. On donne ici l’énoncé
≪ à droite ≫ mais on peut aussi écrire symétriquement l’énoncé ≪ à gauche ≫ et les

regrouper pour avoir la dérivation des deux côtés par le théorème 3.20.
Proposition 3.46 (limite de la dérivée)
Soit f une fonction continue sur [a,b] et dérivable sur ]a,b]. Supposons que la
dérivée f ′ admettent en outre une limite à droite en a quand x → a+ . Alors
f est dérivable à droite en a et f ′ (a+ ) = limx→a+ f ′ (x).

Démonstration : Soit x > a. D’après le théorème des accroissements finis, il


existe c(x) ∈ ]a,x[ tel que

f (a) − f (x)
f ′ (c(x)) =
a−x
(on notera que c : x 7→ c(x) n’est pas forcément continue). Quand x tend vers
a, c(x) tend aussi vers a car c(x) ∈ ]a,x[. Par hypothèse, f ′ (c(x)) a donc une
limite finie et il en est de même pour le taux d’accroissement f (a)−f
a−x
(x)
quand
+
x → a . Par définition, on vient de montrer que f est dérivable à droite en a.


82
Fonctions réelles

Exemple :

On considère la fonction f : x ∈ R+ 7→ x sin(x). Il s’agit bien une fonction
continue sur [0, + ∞[ mais la dérivabilité en 0 pose problème car la racine carrée
n’est pas dérivable en 0 et donc on ne peut appliquer la proposition√de dérivation
des produits. Mais si x > 0, on a bien que f est dérivable et f ′ (x) = x cos x+ sin
√x .
2 x
Comme sin x ∼ x en 0, f ′ (x) → 0 quand x → 0. La proposition précédente nous
dit donc que f est bien dérivable à droite en zéro et f ′ (0) = 0.

• Calculs d’erreurs : le principe de linéarisation nous dit que si f est dérivable en


x et que x + δx est proche de x, alors

f (x + δx) = f (x) + f ′ (x)δx + r(δx) avec r(δx)/δx → 0 quand δx → 0.

Si on connaı̂t une erreur δx dans une mesure, l’erreur δf = f (x + δx) − f (x) sur
la quantité f vérifie donc δf = f ′ (x)δx + r(δx). Dans les sciences appliquées, il est
alors d’usage de négliger les termes d’ordre petit en δx. Dans ce cas, on retrouve
l’estimation d’erreurs
δf ≃ f ′ (x)δx .

Notons que nos théorèmes mathématiques permettent de retrouver des principes


connus de l’estimation d’erreur comme ≪ l’incertitude relative d’un produit est la
somme des incertitudes relatives des facteurs ≫. En effet, on a

δ(f g) 1 1
(f g)′ (x)δx = f ′ (x)g(x) + g ′ (x)f (x) δx


(f g)(x) (f g)(x) (f g)(x)
′ ′
f (x)δx g (x)δx δf δg
= + ≃ + .
f (x) g(x) f (x) f (x)

Faisons pour finir une petite application numérique. Imaginons que l’on creuse un
tunnel qui s’enfonce dans une montagne selon une pente montante de 30o ± 0,1o
pendant 50 m. On pense donc gagner en hauteur 50 sin(30o ) = 25 m. Mais quelle
est l’erreur possible à cause de l’imprécision de la pente ? Notre fonction mesurant
π
l’altitude gagnée en fonction de l’angle est f : x 7→ 50 sin( 180 x). Attention : il est
très important de passer en radian car les dérivées des fonctions trigonométriques
que l’on apprend correspondent à ces fonctions avec des entrées en radians ! On peut
π
donc calculer que f ′ (30) = 50 × 180 cos( π6 ) = 0,7557 . . .. En multipliant ce facteur
par δx = 0,1, on trouve alors notre gain en altitude en incluant l’erreur possible

50 m
25 ± 0,076 m

30o ± 0,1o

83
Fonctions réelles

5 Quelques applications supplémentaires


5.1 Point fixe stable
Nous allons montrer le critère suivant de stabilité de point fixe pour les suites
itératives un+1 = f (un ).
Proposition 3.47
Soit I ⊂ R un intervalle et f ∈ C 1 (I,I) une fonction de classe C 1 qui laisse
stable I. Supposons qu’il existe un point fixe x∗ ∈ I de f tel que |f ′ (x∗ )| < 1.
Alors x∗ est asymptotiquement stable dans le sens où il existe δ > 0 tel que,
si |u0 − x∗ | < δ, alors la suite (un ) définie par récurrence un+1 = f (un ) reste
dans ]x∗ − δ,x∗ + δ[ et
un −−−−−−−→ x∗ .
n−→+∞

Démonstration : Comme f est de classe C 1 , sa dérivée f ′ est continue. On a


|f ′ (x∗ )| < 1, donc il existe une petite marge ε > 0 tel que |f ′ (x∗ )| + ε := α < 1.
Par continuité, il existe δ > 0 tel que pour tout x ∈ I ∩ ]x∗ − δ,x∗ + δ[ on a
|f ′ (x) − f ′ (x∗ )| < ε. Par l’inégalité triangulaire, on a donc |f ′ (x)| < α < 1 pour
tout x ∈ I ∩ ]x∗ − δ,x∗ + δ[. L’inégalité des accroissements finis nous assure
alors que

∀x ∈ I ∩ ]x∗ − δ,x∗ + δ[ , |f (x) − f (x∗ )| ≤ α|x − x∗ | .

En utilisant que x∗ est un point fixe, si un ∈ I ∩]x∗ −δ,x∗ +δ[ et si un+1 = f (un ),
on a donc
|un+1 − x∗ | ≤ α|un − x∗ | .
Comme α < 1, on a en particulier que |un+1 − x∗ | < |un − x∗ | < δ et donc
que un+1 ∈ I ∩ ]x∗ − δ,x∗ + δ[. Par récurrence, on obtient que si initialement
u0 ∈ I ∩ ]x∗ − δ,x∗ + δ[, alors la suite (un ) reste dans cet intervalle et

∀n ≥ 0 , |un − x∗ | ≤ αn |u0 − x∗ | .

La suite (un ) converge donc exponentiellement vite vers le point fixe x∗ . 

Exemple :
On reprend le cas de la suite logistique un+1 = f (un ) avec f (x) = 52 x(1 − x). Pour
le paramètre λ = 25 , on est dans la zone ]2,3] où on s’attend à avoir 0 comme point
fixe répulsif et un autre point fixe x∗ ∈ ]0,1[ vers lequel toutes les suites non nulles
convergent. Ce second point fixe est ici x∗ 6= 0 tel que x∗ = f (x∗ ) = 52 x∗ (1−x∗ ). On
trouve donc que x∗ = 53 . On a f ′ (x∗ ) = 52 (1−2x∗ ) = − 21 . Comme |f ′ (x∗ )| = 12 < 1,
le résultat ci-dessus montre bien que ce second point fixe est attractif. Il faudrait
encore travailler un peu en étudiant plus globalement la fonction pour vérifier
que son attraction s’exerce sur tout ]0,1[ et pas seulement un petit voisinage
]x∗ − δ,x∗ + δ[.

84
Fonctions réelles

5.2 À la recherche d’un terrain plat


On note C le cercle unité, que l’on peut aussi voir comme le segment [0,2π] dont
on a recollé les extrémités, ou encore comme R quotienté par la relation d’équivalence
modulo 2π. On a le résultat suivant.
Proposition 3.48
Soit f : C → R une fonction continue sur le cercle. Alors il existe deux points
diamétralement opposés où f prend les mêmes valeurs. Autrement dit, il existe
un angle θ∗ ∈ C tel que f (θ∗ ) = f (θ∗ + π).

Démonstration : Si f (0) = f (π), on a gagné. Sinon, on pose g(θ) = f (θ +


π) − f (θ) qui est une fonction continue de l’angle θ. On a g(0) = f (π) − f (0) :=
α 6= 0 mais aussi g(π) = f (2π) − f (π) = f (0) − f (π) = −α. Comme α et −α
sont de signes opposés, le théorème des valeurs intermédiaires nous fournit un
angle intermédiaire θ∗ tel que g(θ∗ ) = 0, c’est-à-dire f (θ∗ ) = f (θ∗ + π). 

Voici une illustration et application simple de ce résultat. Imaginons que nous


voulons poser un objet avec deux pieds à plat sur un terrain accidenté. Par exemple,
on essaye de se ternir droit les deux jambes tendues. On suppose que l’altitude du
terrain est continue (pas de reliefs type muret). A priori, on peut avoir le pied droit
plus haut que le gauche par exemple, et on va donc être déséquilibré. Mais si on
fait un demi-tour, c’est l’inverse. La proposition plus haut nous dit juste qu’il existe
donc une orientation où nos deux pieds seront à la même altitude et donc où on sera
stable. C’est évident sur un terrain type plan incliné (on se met en face de la pente
par exemple) mais moins clair si le terrain est bosselé.
Il existe d’autres généralisations à des dimensions plus grandes ou à des formes
géométriques plus complexes que le cercle. Certaines ont des applications impor-
tantes en théorie des jeux (et donc en maths financières) ou en géométrie. Une
généralisation du résultat précédent, appelée théorème de Borsuk-Ulam, nous dit
par exemple que si on a deux fonctions continues sur une sphère, il existe deux
points diamétralement opposés où les deux fonctions ont même valeurs. Ainsi, il
existe toujours sur Terre deux endroits aux antipodes l’un de l’autre où il règne la
même température et la même pression.

5.3 Cylindre de contrôle pour les équations différentielles


La technique du cylindre de contrôle est très utile pour montrer que les solutions
d’une équation différentielle restent dans une zone donnée. Prenons l’exemple d’une
équation différentielle x′ (t) = f (x(t)) modélisant un phénomène pour lequel x(t)
est censé rester positif (une concentration chimique par exemple). On part donc de
x(0) > 0, mais est-ce que la solution engendrée par l’équation différentielle reste tou-
jours positive ensuite ? Supposons que l’on ait f (0) > 0. Comme x(t) est dérivable,
elle est continue. La technique du cylindre que l’on a vu plus haut nous dit que
x(t) reste positif pour t > 0 petit (définition de la continuité) et que si x(t) de-
vient négatif à un moment, il existe t0 > 0 tel que x(t0 ) = 0 (propriété des valeurs

85
Fonctions réelles

intermédiaires). Prenons t0 comme le premier temps où cela arrive (à cet endroit,
on triche un peu car on admet son existence, mais il est possible de faire cela plus
proprement). Pour ce t0 , on a x′ (t0 ) = f (x(t0 )) = f (0) > 0. Le lien entre dérivée
et variations nous dit que x(t) est donc strictement croissante près de t0 et donc
que x(t) < 0 pour t < t0 proche de t0 . Mais alors c’est que x(t) avait déjà quitté le
cylindre x ≥ 0 avant t0 , ce qui est contradictoire avec notre choix de t0 . On vient
donc de justifier que x(t) reste strictement positif pour tout t > 0, sans même avoir
de formule pour cette solution.

5.4 Partage d’un gâteau - première version


On partage une bûche de longueur unité en la coupant à la position x. Autrement,
pour x ∈ [0,1], on coupe deux parts : la part [0,x] et la part [x,1] (la tranche pile
sur x étant d’épaisseur nulle, ce n’est pas important de la compter dans les deux
parts). On souhaite partager le gâteau entre deux personnes A et B de façon à ce
qu’il n’y ait aucun jaloux. Le souci est que la bûche n’est pas homogène et que les
préférences de A et B ne sont pas les mêmes (l’un peut vouloir la part avec le plus
de chocolat, l’autre juste la plus grosse etc.). Pour chaque x ∈ [0,1], on demande à
A et B de noter le partage ≪ A reçoit la part [0,x] et B reçoit la part [x,1] ≫. Soit
f (x) la note que A donne à la situation et g(x) la note de B. On suppose que les
deux notes sont continues et normalisées de façon à ce que f (x) > 0 veut dire que
A préfère bien la part reçue et f (x) < 0 veut dire que A préférerait recevoir l’autre
part (et idem pour g). Quand x vaut 0, il est clair que f (0) < 0 et que g(0) > 0
car chacun va préférer avoir tout le gâteau plutôt que rien. Inversement f (1) > 0
et g(1) < 0. On pose h = g − f qui est une fonction continue sur [0,1] et telle
que h(0) > 0 et h(1) < 0. Par le théorème des valeurs intermédiaires, il existe une
position de découpe x ∈ [0,1] telle que h(x) = 0, c’est-à-dire que f (x) = g(x). Si
f (x) = g(x) ≥ 0 alors les deux personnes préfèrent la part qu’on leur propose. Si
f (x) = g(x) < 0 alors aucun des deux n’aime la répartition des parts proposée et il
suffit d’inverser les parts pour que tout le monde soit content.
Pour la culture, il existe un théorème similaire avec autant de convives que
voulu, mais il faut passer à une sorte de généralisation du théorème des valeurs
intermédiaires à des dimensions plus grandes. Énoncer comme ceci, ce résultat paraı̂t
anodin, surtout si on le classe dans la branche des mathématiques appelée théorie
des jeux. Mais il faut remplacer un partage de gâteau par des opérations boursières
et les jeux ludiques par le jeu en bourse pour comprendre que ce type de résultat
intervient en mathématiques financières (dans des versions plus développées).

5.5 Partage d’un gâteau - deuxième version


Nous voulons partager un cake à la confiture entre deux personnes, qui contient
une masse a de pâte et b de confiture. Le problème est que la confiture n’est pas
équitablement répartie dans le cake et qu’on souhaite vraiment que les deux per-
sonnes aient la même quantité de pâte et de confiture. Imaginons de nouveau que l’on
tranche transversalement le gâteau et que l’on note la position x ∈ [0,1] comme pour
l’exemple précédent. Si la répartition entre pâte et confiture n’est pas équitable, il

86
Fonctions réelles

sera impossible de trancher transversalement le gâteau en deux avec une répartition


parfaite. Mais on peut le faire en utilisant deux coupes (et donc trois parts).
On commence par remarquer qu’il existe une position xm ∈]0,1[ telle que la
masse du morceau [0,xm ] du cake soit la même que la masse du morceau [xm ,1].
Ces masses sont donc égales à m = (a + b)/2, qui est celle d’un demi-gâteau. Pour
tout x ∈ [0,xm ], on note y(x) l’endroit de la deuxième coupe telle que le morceau
[x,y(x)] a pour masse m. On note p(x) la masse de pâte dans le morceau [x,y(x)],
qui contiendra donc aussi m − p(x) masse de confiture. Enfin, on admet que y(x) et
p(x) dépendent continûment de x, ce qui est raisonnable physiquement.
Notre but étant la répartition équitable des masses, on veut trouver x tel que
p(x) = a/2 (répartition égale de la pâte), ce qui impliquera alors que m − p(x) = b/2
(répartition égale de la confiture). Si x = 0 convient, il n’y a rien à faire. Sinon, cela
veut dire que p(0) est au-dessus ou en-dessous de la masse moitié a/2. Mais l’autre
part correspond à la position x = xm et donc p(xm ) est de l’autre côté de la masse
moitié a/2. Le théorème des valeurs intermédiaires nous dit qu’il existe une position
x∗ ∈ [0,xm ] telle que la part [x∗ ,y(x∗ )] contient exactement la même quantité de
pâte et de confiture que les parts [0,x∗ ] ∪ [y(x∗ ),1].

87
Fonctions réelles

Indispensable à maı̂triser avant même ce chapitre :

• Savoir manipuler les limites de fonctions

• Savoir calculer des dérivées et faire des tableaux de variation

À connaı̂tre en priorité :

• Les définitions ≪ epsilon-delta ≫ des limites et de la continuité.

• Les différents critères de continuité et leur utilisation aux prolongements


et raccords.

• Définition de la tangente et la linéarisation du théorème 3.38.

• Les quatres résultats fondamentaux : théorèmes des valeurs in-


termédiaires, des valeurs extrêmes, des accroissements finis et les
inégalités des accroissements finis.

Utile pour la suite :

• La règle de L’Hôpital ou le théorème de la limite de la dérivée, les propo-


sitions 3.45 et 3.46, sont parfois incluses comme des résultats de cours.
Elles peuvent être très utiles et c’est donc bien de les connaı̂tre même si
ce ne sont pas les résultats les plus fondamentaux de ce chapitre.

• Les autres exemples d’application ne sont pas du cours à connaı̂tre


par cœur, mais peuvent être étudiés comme illustrations des méthodes
et des théorèmes. Certains, comme l’existence du point fixe (théorème
3.29) ou le point fixe contractant (proposition 3.47) sont très classiques
et il peut être utile de se rappeler les techniques utilisées dans leurs
démonstrations.

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