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Article 28 - Suicide Et Antidépresseurs

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ARTICLE N°28

SUICIDE ET
ANTIDÉPRESSEURS
Recherche menée par Philippe COURTET et Emilie OLIÉ
Hôpital Lapeyronie au CHU Montpellier, INSERM (Unité 1061) « Neuropsychiatrie : Recherche
Epidémiologique et Clinique », MONTPELLIER.
Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

Suicide et antidépresseurs
La décennie passée a vu couler beaucoup d’encre sur la possibilité d’un risque suicidaire
induit par les antidépresseurs, ce qui a conduit aux mises en garde, en particulier chez les
personnes âgées de moins de 25 ans. Cependant, la succession d’études épidémiologiques,
écologiques et toxicologiques révèle des résultats discordants et indique que les prescrip-
tions d’antidépresseurs sont assorties de moins de suicides aboutis. Il a été même avancé
que si l’on prescrivait un antidépresseur à tous les sujets déprimés français on pourrait divi-
ser par 3 la mortalité suicidaire, quel que soit l’âge, le genre et l’histoire suicidaire du sujet.
Le Pr. Philippe Courtet et le Dr. Emilie Olié présentent les données de cette littérature épineuse
et analysent les risques de biais possibles dans les procédures méthodologiques utilisées.
Dans la mesure où la vulnérabilité suicidaire et l’environnement social jouent un rôle majeur
dans la survenue des actes suicidaires, la prévention du suicide chez les patients déprimés ne
repose pas uniquement sur le traitement de la dépression. L’identification d’endophénotypes
du « trouble conduite suicidaire » est susceptible d’offrir de nouvelles pistes thérapeutiques
et une meilleure compréhension des phénotypes cliniques de la dépression liés au risque
de suicide…

SOMMAIRE

De quels résultats
communément admis disposons-nous ? p.3

Comment
les obtenons-nous ? p.4

Qu'en tirons-nous
comme connaissances ? p.5

Qu'en faisons-nous
concrètement ? p.6

NOTA BENE : Les numé-


ros entre crochets dans
Références p.8
le texte correspondent
aux références bibliogra- Biographies p.12
phiques situées à la fin
du document (Exemple :
[1] correspond à Ref. [1]
sur la page 8).
Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

De quels résultats
communément admis disposons-nous ?
1. Organisation Mondiale de L’OMS1 estime qu’à partir de 2020, le nombre une nouvelle méta-analyse de 372 études
la Santé.
annuel de morts par suicide dans le Monde portant sur près de 100 000 sujets décrit une
2. Pour connaître les symp-
tômes de la dépression chez sera de 1,5 million de personnes. Les patients augmentation non significative du risque de
l’adulte et en avoir une illus- « suicidalité » chez les 18-24 ans tandis qu’un
tration, voir l’article n° 20-1 : déprimés 2 sont à haut risque de conduites
« Comment se fait un diagnos- suicidaires (CS) 3 avec des taux de suicide effet protecteur significatif et très net était
tic de dépression », Tableau
n° 1 (Dr.David Gourion), Le Livre de 5 à 20 %, variation probablement liée à la retrouvé chez les 25-64 ans et encore plus
Blanc de la Dépression.
sévérité de la dépression [1]. Dans une étude chez les plus de 65 ans [5]. Dans les nom-
3. Voir l’article n° 4 : « Dépres-
sion et suicide » (Dr. E. Han- prospective de suivi de patients déprimés du- breuses méta-analyses publiées au cours de
touche), Le Livre Blanc de la
rant 5 ans, le calcul du risque attribuable sug- ces dix ans, retenons que le risque suicidaire
Dépression.
gère que la disparition totale de la dépression initialement observé décline dans les études
4. L’incidence d’une patholo-
gie est une mesure du risque pourrait conduire à une diminution de 78 % les plus récentes. Ainsi, dans l’analyse incluant
pour un individu de contrac-
ter cette pathologie pendant de l’incidence4 des tentatives de suicide [2]. 27 essais portant sur les ISRS, la venlafaxine et
une période donnée. Le taux
Ainsi, traiter la dépression devrait prévenir la mirtazapine chez les sujets de moins de 19
d’incidence est le nombre de
nouveaux cas observés dans les CS. En effet, 60 à 70 % des sujets suici- ans [8] il a été rapporté une augmentation non
une population donnée, divisé
par la taille de cette popula- dés souffraient de dépression au moment significative du risque suicidaire. Le rapport
tion et la durée de la période
d’observation. de leur passage à l’acte. De plus, seulement bénéfice/risque des antidépresseurs est jugé
5. Une méta-analyse est une
25 % des patients déprimés recevraient un favorable et la différence de risque n’est plus
démarche statistique combi- traitement adéquat pour la dépression et que de 0,9 % alors qu’elle était de 2 % dans
nant les résultats d’une série
d’études indépendantes sur l’immense majorité des sujets déprimés qui la première méta-analyse. La méta-analyse
un problème donné. La méta-
analyse permet une analyse se sont suicidés ne recevait pas d’antidépres- la plus récente portant sur 10 000 patients
plus précise des données par
l’augmentation du nombre seurs. Finalement, il a été suggéré que si l’on concerne l’ensemble des essais réalisés avec la
de cas étudiés et de tirer une prescrivait un antidépresseur à tous les sujets fluoxétine et la venlafaxine dans la dépression
conclusion globale. Cette dé-
marche est largement utilisée déprimés français on pourrait diviser par 3 [7]. Le résultat nous indique que, chez les su-
en médecine pour l’interpréta-
tion globale d’études cliniques la mortalité suicidaire, quelque soit l’âge, le jets adultes et âgés, ces molécules diminuent
parfois contradictoires.
genre et l’histoire suicidaire du sujet [3]. les idées suicidaires et les conduites suicidaires
6. ISRS : des antidépresseurs
dont les molécules agissent
(CS), effet médié par l’effet antidépresseur.
comme des inhibiteurs sélectifs Pourtant, la décennie passée a vu couler beau- Chez les jeunes, il est observé une absence
de la recapture de la sérotonine.
coup d’encre sur la possibilité d’un risque sui- d’effet sur les idées suicidaires et les CS en
7. IRSN : des antidépresseurs
dont les molécules agissent cidaire induit par les antidépresseurs, ce qui dépit de l’effet antidépresseur. Enfin, l’effet
comme des inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine et
s’est soldé par les mises en garde chez les protecteur attribuable au traitement est de
de la noradrénaline. moins de 25 ans. En 2004, la méta-analyse5 77 %. Ainsi, la succession des méta-analyses
8. Un placebo est une pré- d’essais randomisés contrôlés à court terme d’études randomisées contrôlées comparant
paration dépourvue de tout
principe actif, utilisée à la place impliquant les ISRS 6 et IRSN 7 (24 études des antidépresseurs au placebo nous indique
d’un médicament pour son
effet psychologique. En effet,
versus placebo8 portant sur 4582 patients), des résultats relativement discordants concer-
le simple fait de se voir prescrire démontre une augmentation du risque de nant l’augmentation du risque chez les jeunes,
un médicament, et de l’utiliser,
peut produire des effets théra- « suicidalité » chez les patients pédiatriques, alors que les antidépresseurs semblent nette-
peutiques, indépendamment
de l’action pharmacologique avec un Odds Ratio 9 de 1,78 (4). En 2006, ment protecteurs au-delà de 25 ans.

3
Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

du produit sur l’organisme.


Toutefois, les études épidémiologiques 10 , CS mais une diminution des suicides aboutis,
C’est ce que l’on appelle « l’effet
placebo ». écologiques, toxicologiques nous indiquent indiquant qu’il est nécessaire de préciser le
9. Odd-Ratio : L’odds ratio (OR), de façon concordante que les prescriptions phénotype 11 suicidaire, avant de conclure à
également appelé rapport des
chances, rapport des cotes1 ou d’antidépresseurs sont assorties de moins une augmentation du risque de “suicidalité“.
risque relatif rapproché2, est
une mesure statistique, sou-
de suicides aboutis. Des études écologiques
vent utilisée en épidémiologie, ont montré une corrélation inverse entre Dans les études toxicologiques post-mortem,
exprimant le degré de dépen-
dance entre des variables aléa- prescription d’antidépresseurs et mortalité plus de 80 % des sujets déprimés ne rece-
toires qualitatives. Il est utilisé
en inférence bayésienne et en suicidaire. Les premières données publiées vaient pas d’antidépresseurs au moment du
régression logistique, et permet
de mesurer l’effet d’un facteur. en Scandinavie montrant que le doublement suicide [11-14].
Il se définit comme le rapport des prescriptions d’antidépresseurs s’ac-
de la cote d’un évènement arri-
vant à un groupe A d’individus, compagnait d’une diminution de 25 % de la Enfin, plusieurs études ont confirmé que
par exemple une maladie, avec
celle du même évènement arri- mortalité par suicide, ont été très largement les sujets recevant des antidépresseurs au
vant à un groupe B d’individus.
L’odds ratio est toujours supé- répliquées dans des études européennes, long cours ont un risque suicidaire diminué.
rieur ou égal à zéro.
scandinaves, américaines et australiennes Angst et al. [15] rapportent que la mortalité
10. L’épidémiologie : Science [8, 9]. Barbui et al. [10] ont montré que la globale (et spécifiquement suicidaire et car-
qui étudie, au sein de popu-
lations (humaines, animales, prescription d’antidépresseurs, notamment diovasculaire) des sujets déprimés traités par
voire végétales), la fréquence
et la répartition des problèmes d’ISRS, diminuait de 40 % les CS. Cette méta- antidépresseurs est diminuée lors des 30 ans
de santé dans le temps et dans
l’espace, ainsi que le rôle des
analyse d’études observationnelles portant de suivi. Une autre étude de 757 sujets suivis
facteurs qui les déterminent sur les 18-25 ans montrait un net effet pro- 27 ans nous indique d’une part que les sujets
(source : Consulter le lien).
tecteur des antidépresseurs vis à vis des CS sévèrement déprimés ont plus de chance de
11. Le phénotype : En géné-
tique, le phénotype est l’état une augmentation du risque suicidaire chez recevoir un antidépresseur et qu’en prenant
d’un caractère observable
(caractère anatomique, mor-
les enfants de 6 à 18 ans. Toutefois, une de en compte ce biais de prescription, l’utilisa-
phologique, moléculaire, phy- ces études portant sur des sujets de 10 à 19 tion des antidépresseurs s’accompagne d’une
siologique, ou éthologique)
chez un organisme vivant. Le ans montrait une augmentation du risque de réduction de 20 % des CS [16].
phénotype est l’ensemble des
caractères observables d’un
individu.

Comment
les obtenons-nous ?

Ces nombreuses études de nature très dif- inclus dans ces études ne présentent pas
férente ne sont pas indemnes de critiques de risque suicidaire, pas d’idée de suicide
méthodologiques. Le signal de risque pro- active, pas d’antécédent de tentative de
vient des méta-analyses d’études randomi- suicide, ni de comorbidité psychiatrique. Il
sées contrôlées, qui ne sont pas faites pour est donc logique de n’observer aucun cas de
mesurer un effet sur les idées et conduites suicide abouti. Les évènements suicidaires
suicidaires, mais pour tester l’effet de médi- qui ont été mesurés lors des études sont
caments dans la dépression sur une durée l’aggravation des idées de suicide ou la sur-
courte, de 4 à 16 semaines. Les patients venue de tentative de suicide, qui ne sont

4
Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

12. FDA : Food and Drug Admi- d’ailleurs pas de bons indicateurs du risque rée de façon systématique et prospective
nistration, Consulter le lien
de suicide abouti chez les adolescents. (OR = 0,92 vs. OR = 1,78). Enfin, il faut noter
13. Un « number needed to
treat » (NNT ) : Le nombre de Enfin, les procédures utilisées exposent au que dans ces méta-analyses, l’efficacité est
sujets à traiter (NST) (en an-
glais : number needed to treat risque de biais de déclaration spontanée en ignorée, ce qui ne permet pas la prise en
(NNT), est le résultat d’un calcul comparaison de la mesure systématique. Le
basé sur des études épidémio-
compte d’un rapport bénéfice/risque. Enfin
logiques et destiné à apprécier risque de « suicidalité » s’appuie sur l’aug- les taux d’attrition qui vont jusqu’à 30 % ne
l’efficacité d’une intervention
de santé publique, notam- mentation des évènements suicidaires rap- sont pas pris en compte.
ment médicamenteuse. Le
NST est le nombre de patients portés spontanément par les investigateurs
à traiter pendant une période
donnée pour éviter l’apparition
des études, et il concerne essentiellement Pour leur part, les études observationnelles
d’un évènement défavorable. Il les idées et parfois les gestes suicidaires. Les comportent par nature des limites méthodo-
a été décrit en 1988 et est défini
par l’inverse de la réduction du méta-analyses de Hammad qui signalaient logiques importantes, notamment le biais de
risque absolu.
l’augmentation du risque, ne retrouvaient prescription, l’absence de prise en compte de
14. Un « number needed to
harm » (NNH) : Il s’agit d’une pas d’aggravation suicidaire lorsque l’ana- facteurs de confusion et parfois leur nature
mesure épidémiologique qui
indique combien de patients
lyse portait sur l’idéation suicidaire mesu- rétrospective.
sont exposés à un facteur de
risque sur une période spé-
cifique et qui doivent subir
une intervention (ex. prendre
un traitement) pour éviter
l’apparition d’un évènement

Qu’en tirons-nous
défavorable.

15. Pour un élargissement du


thème, consultez :
> l’article n° 22 : « L’identifica-
tion des rapports bénéfices-
comme connaissances ?
risques dans la prescription
des antidépresseurs » (Dr.
F. Rouillon & Dr. Hélène Ver-
doux)
> l’article n° 23 : « Les antidé- Embarrassé par l’effet des mises en garde aggravation du risque suicidaire au cours
presseurs dans la vraie vie »
(Dr. Viviane Kovess), Le livre sur les antidépresseurs, un expert impli- du traitement.
Blanc de la Dépression.
qué dans le vote de la FDA 12 , rappelle que
les mises en garde devaient concerner le Il est capital de raison garder : le rapport béné-
risque de suicide dans la dépression non fice risque des antidépresseurs15 est largement
traitée et non pas le risque lié aux anti- favorable ! Nous insistons dans la mesure où il a
dépresseurs [17]. Les résultats globaux été suggéré que les mises en garde adoptées
indiquent que chez les enfants, les don- par toutes les agences de régulation pourraient
nées sont contradictoires mais un effet promouvoir le nihilisme thérapeutique. En ef-
bénéfique semble exister avec un « num- fet, depuis les mises en garde concernant les
ber needed to treat » (NNT) 13 de 10 pour prescriptions d’antidépresseurs, il a été mon-
un « number needed to harm » (NNH) 14 tré que les cliniciens portent moins souvent
de 121. Chez les adultes, il semble exister le diagnostic de dépression, qu’ils prescrivent
un effet protecteur tout à fait clairement moins d’antidépresseurs et que ceci pourrait
démontré. Ainsi, si au niveau population- avoir été associé à une augmentation des CS
nel les prescriptions d’antidépresseurs dans plusieurs pays. En conséquence, on peut
semblent bénéfiques sur les taux de se demander si le risque des mises en garde
suicide, au plan individuel il est possible ne dépasserait pas le possible risque induit par
d’observer chez certains patients une les antidépresseurs [18-20].

5
Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

16. L’akathisie est un symp- Plusieurs hypothèses ont été avancées quant Dans plusieurs études de cohortes de grande
tôme qui se définit par l’impos-
sibilité de s’asseoir ou de rester aux mécanismes à l’origine de la possible taille il est estimé que des idées suicidaires
dans la position assise. Elle peut
se traduire aussi par un senti- augmentation du risque suicidaire avec les apparaissent chez 3 à 17 % des patients, au
ment d’angoisse intérieure où
le sujet ne se sent bien ni assis antidépresseurs : « levée d’inhibition », syn- cours de premières semaines de traitement
ni debout ni couché et où seul drome d’activation associant agitation/ antidépresseur [26-29]. Les facteurs pré-
le changement de position en-
gendre un léger soulagement insomnie/irritabilité, syndrome “nervosité/ dictifs d’émergence des idées suicidaires
dans le mal. Le terme provient
du grec (a- privatif ; kathizien akathisie 16 /anxiété“. La prescription d’anti- sont des facteurs classiques de risque sui-
« faire asseoir ») Cette akathisie
peut également être tardive dépresseurs chez des sujets déprimés pré- cidaire : dépression sévère, début à l’adoles-
et appraître à l’issue d’un trai-
tement ou demeurer perma-
sentant une diathèse 17 bipolaire pourrait cence, nombre d’hospitalisations, abus de
nente à l’instar de la dyskinésie conduire à l’apparition de caractéristiques toxiques, trouble de personnalité, tentative
tardive.
mixtes favorisant le passage à l’acte suicidaire. de suicide passée, chômage, retraite, âge
17. Diathèse : Prédisposition de
l’organisme à être fréquem- Par ailleurs, l’arrêt brutal du traitement a été jeune. Plusieurs études sur la dépression de
ment affecté par un type de
maladie. impliqué pour les antidépresseurs à demi vie l’adolescent ont été publiées avec un suivi
courte. Si aucune de ces hypothèses n’a été prospectif des évènements suicidaires, les
18. FDA : Food and Drug Admi-
nistration réellement validée, il n’en demeure pas moins sujets à risque suicidaire n’étant générale-
qu’elles peuvent refléter la réaction idiosyn- ment pas exclus [30]. Chez les 11 à 18 ans, les
crasique lors de la rencontre d’un patient facteurs prédictifs d’évènements suicidaires
et d’un antidépresseur [21-25]. La plupart étaient le fonctionnement familial, les conflits
des évènements suicidaires observés chez interpersonnels, les abus de substances, la
les sujets déprimés recevant un antidépres- maltraitance infantile, les automutilations, le
seur sont l’émergence ou l’aggravation de niveau suicidaire et de dépression de base, et
l’idéation suicidaire, corrélées à la dépression. l’absence d’amélioration de la dépression.

Qu’en faisons-nous
concrètement ?

Rappelons que la période où l’incidence des évaluent le risque suicidaire avant l’instau-
tentatives de suicide est la plus élevée chez ration et au cours du traitement et informe le
les sujets déprimés traités (par antidépres- patient et sa famille des risques associés à la
seurs et/ou psychothérapie) est le mois dépression. La FDA 18 a d’ailleurs proposé en
précédant l’initiation du traitement, le risque 2005 des recommandations pour le suivi des
déclinant ensuite progressivement à partir du patients déprimés après l’instauration d’un
moment où le traitement est instauré [31]. traitement antidépresseur : hebdomadaire
pendant le premier mois, bimensuel pendant
Pour que le traitement (efficace) de la dé- le deuxième mois et à trois mois. Les mesures
pression s’accompagne d’une prévention du de surveillance doivent également accom-
suicide, il est important que les médecins pagner toute modification du traitement

6
Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

19. Endophénotype : On antidépresseur chez les patients déprimés Enfin, la prévention du suicide chez les
appelle endophénotypes des
indices révélateurs d’une vul- (initiation et arrêt du traitement, changement patients déprimés ne repose pas unique-
nérabilité : ces indices pouvant
être cognitifs, électrophysiolo- de doses) [32]. ment sur le traitement de la dépression.
giques, cliniques.
En effet, il ne suffit pas de traiter la dé-
Plus largement, rappelons que la formation pression dans la mesure où la vulnérabilité
des médecins à la reconnaissance et à la prise suicidaire et l’environnement social jouent
en charge de la dépression s’accompagne un rôle majeur dans la survenue des CS
d’une diminution des taux de suicide et d’une [2]. L’identification d’endophénotypes 19
amélioration des prescriptions médicamen- du « trouble conduite suicidaire » (DSM-5)
teuses, notamment d’antidépresseurs, chez est susceptible d’offrir de nouvelles pistes
les patients déprimés [33, 34]. thérapeutiques [35].

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Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

Références

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Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

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• Suicide écoute
• France Dépression
• SOS Dépression
• Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (FNAPSY)
• Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psy-
chiques (UNAFAM)

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Philippe Courtet et Emilie Olié - Suicide et antidépresseurs

Biographies

THÈMES DE RECHERCHE
Philippe COURTET : Il est psychiatre, spécialiste des
conduites suicidaires, de la dépression et du trouble bipolaire.
Ses recherches visent à permettre de mieux comprendre
les mécanismes de ces affections et leurs traitements, ainsi
que de développer la santé connectée. Il est le Président
actuel de l’Association Française de Psychiatrie Biologique
et Neuropsychopharmacologie, et est impliqué dans la World
Philippe COURTET,
Federation of Societies of Biological Psychiatry, l’European
Professeur de Psychiatrie à l’Uni-
versité de Montpellier, coordonateur College of Neuropsychopharmacology et l’European Psy-
du Département d’Urgence et Post chiatric Association.
Urgence Psychiatrique et chef du
secteur Montpellier Nord-Est au Emilie OLIÉ : les conduites suicidaires, des troubles de
CHRU de Montpellier.
l’humeur et du trouble de personnalité borderline. INSERM
Unité 1061 « Neuropsychiatrie : Recherche Epidémiologique
et Clinique » : Consulter le lien

COORDINATION SCIENTIFIqUE
galina IAKIMOVA, chargée de mission pour la Fondation
Pierre Deniker, Paris ; Maître de conférences de psychologie
à l’Université de Nice-Sophia Antipolis.

Emilie OLIÉ,
Dr. Emilie Olié est psychiatre, Prati- DéCLARATIONS DE CONFLIT D'INTéRêT
cien Hospitalo-Universitaire, Dépar-
tement Urgences et Post Urgences Aucun.
Psychiatriques, Hopital Lapeyronie,
CHU Montpellier / Université de
Montpellier / Montpellier, France.

Cet article publié engage


la seule responsabilité de
ses auteurs.

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