[go: up one dir, main page]

0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
1K vues19 pages

Faute Lucrative1

Ce document traite de la notion de faute lucrative en droit comparé. Il définit la faute lucrative comme étant une faute commise délibérément dans le but d'obtenir un gain illicite. Le document examine ensuite les composantes de la faute lucrative, à savoir l'élément légal, l'élément matériel et l'élément moral.

Transféré par

utilisateur v
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
1K vues19 pages

Faute Lucrative1

Ce document traite de la notion de faute lucrative en droit comparé. Il définit la faute lucrative comme étant une faute commise délibérément dans le but d'obtenir un gain illicite. Le document examine ensuite les composantes de la faute lucrative, à savoir l'élément légal, l'élément matériel et l'élément moral.

Transféré par

utilisateur v
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 19

Master droit privé comparé espace afrique

Francophone et commonwealth

Module :droit comparé de la responsabilité civile

Semestre 3

La faute lucrative
Encadré par : Mr. Bouhouch Lahcen

Réalisé par : Boutaina Rhannami

Hiba El Moughir

Jamila Bouchichit

Année universitaire : 2022-2023

1
Sommaire

Introduction

Partie I : Notion de la faute lucrative

Chapitre 1 : définition de la faute lucrative

Chapitre 2 : composantes de la faute lucrative

Partie II : régime des sanctions de la faute lucrative

Chapitre 1 : sanction de la faute lucrative en France

Chapitre 2 : sanction de la faute lucrative en d’autres pays

Conclusion

2
INTRODUCTION

La faute lucrative n’est pas une notion nouvelle. Notre système juridique la connaît
depuis le début du XXe siècle, celle-ci ayant fait sa première apparition dans un contentieux
contractuel, sous le visage du dol contractuel , L’apparition de la faute lucrative été en France
lors d’une affaire maritime , le fait de charger la marchandise sur le tillac du navire et non en
pontée comme prévue au contrat, à fin d’optimiser les gains en chargeant d’autres
marchandises dans les cales du navires , ce qui a endommagé la marchandises du contractant
de dol entraînant la déchéance de la clause limitative de responsabilité dont l’armateur se
prévalait.

L’une des premières définitions doctrinales de la faute lucrative consistait à « ne pas


exécuter une obligation pour tirer profit de son inexécution »

En quelques décennies, le phénomène de faute lucrative s’est généralisé, de sorte que toutes
les disciplines du droit, privé ou public ont eu à la connaître, La faute lucrative apparaît
lorsque l'homme marchand décide de transgresser une règle de droit impérative pour
optimiser son gain. . Prenons un échantillon d’exemples.

Lorsqu’un usager des transports publics ne paie pas un ticket de métro pour réaliser une
économie de dépense, il commet une fraude incriminée par un texte réglementaire, lorsque
des enseignes du bricolage ouvrent le dimanche des magasins, pour augmenter leurs ventes,
elles violent la législation applicable à laquelle se soumettent ses concurrents, pour augmenter
leur chiffre d’affaires. La faute lucrative revêt différentes qualifications pénales, tromperie,
escroquerie, pratique commerciale trompeuse. Il en est de même la commercialisation de
produits alimentaires2 ou destinés à l’implantation dans le corps humain3, dont l’une des
qualités substantielles est mensongère.

Chaque fois qu’un agent économique transgresse la loi après avoir mis en balance le coût
du respect de la loi au gain supplémentaire généré par son affranchissement, il commet une
faute lucrative. Le calcul coût avantage scelle donc l’unité conceptuelle d’un comportement
protéiforme

3
PARTIE I : notion de la faute lucrative :

4
Chapitre 1 : définition de la faute lucrative

La faute lucrative apparaît lorsque l’homme marchand décide de transgresser une règle
de droit impérative pour optimiser son gain. Elle peut notamment consister en une inexécution
délibérée du contrat, un acte de parasitisme, une tromperie sur les qualités substantielles d’un
produit, un cartel sur les prix, etc. Cette faute lucrative pour l’essentiel rencontrée en matière
de droit à l’image par voie de presse, de concurrence déloyale et de contrefaçon.

Il ne suffit pas donc qu’une faute soit commise dans un but d’enrichissement pour être
lucrative. Encore faut-il qu’elle procure, effectivement, un gain illicite à son auteur et que ce
gain subsiste à la sanction. Une faute est donc lucrative chaque fois qu’il existe un espoir de
gain supérieur au coût de la faute ; en d’autres termes « une faute est lucrative lorsqu’elle
rapporte plus qu’elle ne coûte »1.

La faute lucrative qui est présentée comme une réponse aux insuffisances du droit de la
réparation, n’a pas été intégrée par la réforme du droit des contrats de 2016. Pourtant, les
différents projets de réforme du droit des contrats reconnaissaient l’existence de
comportements lucratifs. La notion de faute lucrative est apparue précisément dans un
contentieux civil contractuel, en droit maritime durant lequel les juges ont admis la
responsabilité civile de l'armateur ayant favorisé une méthode de chargement moins coûteuse,
réalisant ainsi un gain financier au détriment des prévisions contractuelles2 .

Aujourd'hui, la faute lucrative semble être unanimement définie comme « une faute dont
les conséquences profitables pour son auteur ne seraient pas neutralisées par une simple
réparation des dommages causés »3.

Certaines définitions ont été proposées au législateur. La première proposition se trouve


dans l’avant-projet de réforme du droit des obligations, dit projet Catala proposa la
consécration de la faute lucrative. L’article 1371 précise que « l’auteur d’une faute
manifestement délibérée, et notamment d’une faute lucrative » et cette dernière signifie dans

1
Jourdain P. « Rapport introductif », in colloque « Faut-il moraliser le droit français de réparation du dommage
? » ; sous la dir. de Behar-Touchais M. LPA 2002, n°232, p. 4
2
2 Req. 5 juin 1920, Sirey 1921. 1. 29
3
V. Avant-projet de réforme du droit des obligations (C. civ., art. 1101 à 1386) et du droit de la prescription (C.
civ., art. 2234 à 2281) du 22 sept. 2005, Rapport de P. Catala, De la responsabilité civile, exposé des motifs par
G. Viney, JCP G, Juin 2006, n°25, p. 148p. 141 s., spéc. p. 148.

5
le projet, selon M. Viney, « une faute dont les conséquences profitables pour son auteur ne
seraient pas neutralisées par une simple réparation des dommages causés »4

La seconde proposition de consécration résulte des recommandations n°23 de la


proposition de réforme du droit de la responsabilité civile du Sénat enregistré à la présidence
du Sénat le 15 Juillet 2009. Celle-ci envisage l’introduction d’actions collectives en
responsabilité en cas de fautes lucratives commises à l’égard d’une pluralité de victimes et
générant des dommages individuels de faible montant.

La troisième proposition de réforme du droit de la responsabilité civile exposée par


Monsieur Terré5accueille la faute lucrative. L’article 54 dispose que « lorsque l’auteur du
dommage aura commis intentionnellement une faute lucrative, le juge aura la faculté
d’accorder des dommages restitutoires ».

Enfin, la dernière proposition avec l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile


présenté par la Chancellerie en 2016 (modifié en 2017), particulièrement l’article 1266-1 qui
précise qu’ « En matière extracontractuelle, lorsque l’auteur du dommage a délibérément
commis une faute en vue d'obtenir un gain ou une économie, le juge peut le condamner, à la
demande de la victime ou du ministère public et par une décision spécialement motivée, au
paiement d’une amende civile ».

Admise en droits étrangers notamment aux États-Unis, au Canada ou au Québec. On


rencontre aussi des mesures autonomes restitutoires telles que l’action en remise de gain ou
pour enrichissement illicite en droit Suisse ou l’action spéciale du droit de la concurrence
déloyale en droit allemand. Les systèmes de Common Law prévoient des dommages et
intérêts extra-compensatoires permettant de saisir le profit illicite tiré d’un délit civil, c’est le
cas des dommages et intérêts punitifs en droit américain ou des dommages et intérêts
restitutoires et de la violation efficace du contrat en droit anglais.

Par ailleurs, la faute lucrative existe dans toutes les matières du droit dans lesquelles la
sanction d’une faute est inférieure au montant du gain généré par celle-ci. Le coût de la faute
lucrative correspond en droit à la sanction de celle-ci et que la sanction dépend de sa

4
Viney G., « De la responsabilité civile, article 1340 à 1386, exposé des motifs », avant-projet de réforme du
droit des obligations »JCP G, Juin 2006, n°25 ; p. 148
5
Terré F, Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires 2011

6
qualification. Lorsque la faute constitue un délit civil, le coût de la sanction équivaut à la
réparation du dommage illicite causé par celle-ci, ni plus ni moins. Il suffit que la faute illicite
dépasse le montant du dommage pour que la faute civile soit lucrative. La faute lucrative est
avant tout une faute ; son analyse suppose l’examen de ses éléments constitutifs

7
Chapitre 2 : les composantes de la faute lucrative :

L’avènement d’un ordre public du marché participe notablement à l’expansion du


phénomène de la faute lucrative. L’objectif de l’efficience du marché entérine en effet toute
forme de calcul coût avantage ce qui encourage les opérateurs à maximiser leurs gains au
mépris de la loi. Ceci nous mène à examiner la première composante de la faute lucrative,
l’élément légal. Cette faute génère aussi un résultat économique qui représente l’élément
matériel, appelé « profit illicite » ou « surprofit » où le coût représente la sanction du ou des
dommages tandis que l’avantage renvoie au gain illicite. Enfin, l’élément moral révélera une «
intention » qui ne trouve aucun équivalent ni dans la hiérarchie des fautes pénales ni celle des
fautes civiles. Ainsi la faute lucrative se qualifie au regard d’un élément légal, un élément
matériel et d’un élément moral.

a) L’élément Légal

L’élément légal d’une faute lucrative est nécessairement une règle d’ordre public. Cette
dernière est un terme mou avec des contours indéfinis que la doctrine a essayé à plusieurs
reprises de la définir et ont réussi à l’identifier à chaque fois que la règle est inspirée par une
considération d’intérêt général « qui se trouverait compromise si les particuliers étaient libres
d’empêcher l’application de la loi »6. La faute lucrative consiste donc en une méconnaissance
d’une norme d’ordre public ; quelle que soit sa source. Mais il existe un ordre public
particulièrement visé par les fautes lucratives et propice à leur développement, l’ordre public
de marché qui tente de réaliser un équilibre entre les libertés individuelles économiques et une
police économique nécessaire à la lutte contre les abus de liberté7. Les règles d’ordre public
de marché ont donc précisément pour rôle d’encadrer la quête de profit, elles sont les cibles
des fautes lucratives notamment celles qui concernent la liberté de concurrence, la liberté
contractuelle et la liberté d’entreprendre.

.Les fautes lucratives contractuelles peuvent être illustrées par exemple par celle qui consiste
à ne pas exécuter une obligation contractuelle pour tirer profit de l’inexécution. Il s’agit donc
d’une inexécution délibérée d’un contrat licite en vue d’un gain illicite. La faute est commise

6
5 Ghestin J., Loiseau G., Serinet Y- M, Traité de droit civil, La formation du contrat, T.1, LGDJ, 4e éd. 2013, p.
381
7
Auguet Y. « L’équilibre, finalité du droit de la concurrence », in Mélanges en l’honneur d’Yves Serra; Etudes
sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux; Dalloz 2006, p. 26

8
au moment de son exécution. La violation dite « inefficace » qui représente une violation
commise chaque fois qu’un contractant estime, en cours d’exécution du contrat, que
l’opération n’est pas assez rentable pour lui. Notamment, le fait pour un banquier ou
prestataire de service d’investissement, tenu d’une obligation d’information envers son client
des risques auxquels l’investissement l’expose, de lui conseiller un produit « à risque » en
raison des commissions qu’il perçoit sur ce produit8 .

b) L’élément Matériel

Outre l’élément légal, la faute lucrative est composée d’un élément matériel. Ce dernier
se décompose en un résultat économique et un résultat dommageable. D’une part, un résultat
économique correspond aux profits illicites tirés de la faute ou « un avantage d’ordre matériel,
intellectuel ou moral qu’une personne ou une collectivité peut tirer quelque chose »9. Cet
élément correspond donc à l’avantage escompté dans le calcul coût-avantage et à l’avantage
réalisé au terme de l’activité rentable et illicite. Cet espérance d’enrichir d’une activité illicite
prouve que le droit ne saisit pas efficacement ledit profit.

Notamment, les peines d’emprisonnement ou d’amende en droit pénal sont indifférents des
résultats économiques que peut générer une infraction. D’autre part, le résultat dommageable
constitue soit une atteinte au droit particulier patrimonial ou extrapatrimoniale de la victime
ou une atteinte à l’ordre public de marché. Cette seconde composante réside alors dans le
dommage qu’elle provoque. Lorsque pour des raisons économiques, un opérateur de marché
ne respecte pas les obligations légales ou réglementaires afférentes à son activité économique,
il prend le risque de causer un dommage à autrui, voire en outre à la collectivité.

8
Fabre- Magnan M, De l’obligation d’information dans les contrats, Essai d’une théorie, LGDJ 1992, p.53
9
Idem

9
c) L’élément Moral

L’élément moral d’une faute lucrative en droit pénal est une « volonté de s’enrichir au
détriment d’autrui » ou « une prise de risque délibérée pour des considérations économiques
». La faute lucrative est donc assimilée, d’après Madame Viney, à une faute « délibérée »10.
Cette qualification paraît tout à fait adaptée à la faute lucrative. A ce titre, l’auteur d’une faute
lucrative se livre, préalablement à toute opération économique, à un calcul coût-avantage
présentant deux volets, un calcul-rentabilité de l’activité délictuelle et un calcul-probabilité de
la sanction. Madame Sichel en déduit que la faute lucrative révèle « la démarche consciente et
délibérée de son auteur »11. C’est aussi la caractéristique mise en lumière par l’avant-projet de
réforme du droit des obligations, projet Catala dans la définition de la faute comme indiqué
par l’article 1371.

10
Viney G, « Quelques propositions de réforme du droit de responsabilité civile », D. 2009, p. 2944
11
Sichel L, « La gravité de la faute en droit de la responsabilité civile », D 2012, p 187

10
PARTIE II: la sanction de la faute
lucrative

11
Chapitre 1 : la sanction de la faute lucrative En
France
L’objectivisation de la responsabilité civile a toujours imposé un principe de réparation
intégrale en droit français aux articles 1231-2 et 1240 du Code civil. Ce principe implique une
absence totale de perte pour la victime lorsqu’elle subit un dommage. Concrètement, elle est
bénéficiaire du versement d’une allocation indemnitaire intégrale correspondant à l’évaluation
de son préjudice.

Actuellement, le droit positif permet simplement de replacer la victime dans la situation


dans laquelle elle se trouvait avant que l’acte dommageable ne l’atteigne. Le droit positif ne
sanctionne donc pas l’auteur de la faute lucrative, qui en retire, en plus, silencieusement, un
profit.

L’auteur a sciemment commis un acte dans le but d’obtenir un profit et n’est pas
sanctionné pour le gain qu’il obtient, mais seulement pour le préjudice infligé à la victime. En
effet, il s’enrichit en agissant en contradiction avec les règles de droit et la seule réparation,
même intégrale, du dommage subi, n’est pas en mesure de supprimer cette situation
d’enrichissement12. D’ailleurs, à n’en pas douter, certaines entreprises peuvent profiter de
l’absence de sanction de la faute lucrative en droit français pour s’enrichir.

12
Toutefois, il est important de nuancer ces derniers propos car les juges du fond ont déjà tendance à exagérer
dans le montant des dommages-intérêts alloués. V. infra, n° 3.

12
La question qui se pose alors est de savoir comment sanctionner cette faute lucrative pour
l’essentiel rencontrée en matière de droit à l’image par voie de presse, de concurrence
déloyale et de contrefaçon.

Indiquons d’ores et déjà que la jurisprudence française admet l’existence de la solution des
dommages-intérêts punitifs, sans pour autant que cela soit consacré dans notre législation.
Ainsi, dans un arrêt en date du 1er décembre 2010, la Cour de cassation s’est octroyé le
contrôle sur la proportionnalité de dommages-intérêts punitifs13 prononcés par une juridiction
étrangère. Toutefois, le droit français est plutôt craintif à l’idée de condamner un auteur aux
dommages-intérêts punitifs.

Cette jurisprudence a consisté à vérifier la conformité d’une décision étrangère à notre droit
français. En l’espèce, le fabricant vendeur d’un navire a payé aux propriétaires des
dommages-intérêts punitifs en sus des dommages-intérêts compensatoires, en raison de
l’absence de déclaration faisant état de réparations suite aux dommages causés par une
tempête sur le navire. La Cour de cassation a établi la conformité de la condamnation à l’ordre
public international, tout en précisant néanmoins que le montant alloué ne devait pas être
disproportionné. Dans cette situation, la sanction prévue était manifestement disproportionnée
avec une indemnité qui dépassait très largement le montant du prix du bateau et de ses
réparations. Pour autant, il doit être rappelé que la jurisprudence française n’est pas, elle-
même, exemplaire en matière d’allocation indemnitaire raisonnée.

Cela est d’autant plus vrai qu’il est avéré que le préjudice subi par la victime est parfois
difficile à apprécier de manière objective par les juridictions du fond, lesquelles peuvent
l’évaluer tant à la hausse qu’à la baisse, et ce, de manière totalement irrégulière. On rencontre
d’ailleurs cette situation, plus que de coutume, lorsqu’un préjudice moral, par essence
difficilement palpable, doit être évalué. En effet, au regard de tous les postes de préjudice
développés, notamment avec l’aide des associations de victimes et du travail des avocats, les
tribunaux indemnisent de plus en plus de préjudices patrimoniaux, mais aussi
extrapatrimoniaux. Ce n’est pas sans réduire la présence de l’arbitraire dans le caractère de
leur décision. Par exemple, « les tribunaux allouent parfois à la victime de la contrefaçon des

13
Cass. 1re civ., 1er déc. 2010, n° 09-13303 : Wester-Ouisse V., « La Cour de cassation ouvre la porte aux
dommages-intérêts punitifs ! », RCA 2011, étude 5 ; Juvénal J., « Dommages-intérêts punitifs : comment
apprécier la conformité à l’ordre public international ? », JCP G 2011, 6.

13
dommages importants au titre de préjudices non spécifiquement commerciaux comme le
préjudice moral. En outre, le contournement déguisé des règles de réparation est source
d’insécurité juridique et, osons le mot, arbitraire.

Nouvel article 1266 du Code civil. En réalité, loin d’être insensible à cette situation de
déséquilibre certain entre l’auteur qui retire clairement un profit de son acte dommageable et
la victime qui subit un préjudice, l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile
délictuelle envisage l’intégration d’un article 1266 dans le Code civil14. Ce texte prévoit la
possibilité pour le juge de condamner l’auteur du fait dommageable à une amende civile s’il a
délibérément commis une faute lourde, en l’occurrence la faute lucrative précitée.

Concrètement, l’hypothèse de raisonnement est la suivante : l’auteur de la faute a effectué


un calcul coût-avantage et a pressenti le profit qu’il pourrait en retirer. Il commet ce que
certains nomment une « faute intelligente ». Avec la nouvelle disposition projetée, il pourrait
être condamné au paiement, non pas de dommages-intérêts punitifs mais d’une amende civile
affectée au financement d’un fonds d’indemnisation en lien avec la nature du dommage subi.
L’aspect dissuasif de la sanction de la faute lucrative consistant à condamner à une amende
civile en supplément des dommages-intérêts classiques déjà connus par notre droit positif, est
prégnant. L’ombre pénaliste de l’amende pénale semble d’ailleurs planer en la matière. Avec
l’intégration de la notion de faute lucrative, on entre en contradiction avec les principes
classiques de la responsabilité civile, tout en évitant bien heureusement le cloisonnement
parfois inadéquat entre les matières civiles et pénales.

Le droit français n’en est pas non plus au point de réfléchir sur le fait d’intégrer la notion de
dommages-intérêts punitifs. Si celle-ci est intéressante puisque dans les faits, l’auteur n’a
cherché que le lucre, elle est tout aussi inquiétante pour un droit français qui veut préserver

14
Avant-projet de loi de réforme de la responsabilité civile, art. 1266 : « Lorsque l’auteur du dommage a
délibérément commis une faute lourde, notamment lorsque celle-ci a généré un gain ou une économie pour
son auteur, le juge peut le condamner, par une décision spécialement motivée, au paiement d’une amende
civile. Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l’auteur
ou aux profits qu’il en aura retirés. L’amende ne peut être supérieure à 2 millions d’euros. Toutefois, elle peut
atteindre le décuple du montant du profit ou de l’économie réalisés. Si le responsable est une personne
morale, l’amende peut être portée à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé
réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel la faute a été
commise. Cette amende est affectée au financement d’un fonds d’indemnisation en lien avec la nature du
dommage subi ou, à défaut, au Trésor public ». La publication de cet avant-projet a ouvert une période de
consultation publique de trois mois. V. Borghetti J.-S., « L’avant-projet de réforme de la responsabilité civile.
Vue d’ensemble de l’avant-projet », D. 2016, p. 1386 et s.

14
l’équilibre et la mesure dans la réparation dont peut bénéficier la victime. Alors que, dans le
cadre d’une procédure d’exequatur, la Cour de cassation a déjà reconnu que le principe de la
condamnation à des dommages-intérêts punitifs n’était pas contraire à l’ordre public15, ce
n’est pas cette solution qui a retenu l’attention finale de l’avant-projet de réforme du droit de
la responsabilité civile.

15
V. supra, n° 3. V. Rostan d’Ancezune V., « Indemnisation. Dommages-intérêts punitifs : le chant des sirènes »,
préc., et Juvénal J., « Dommages-intérêts punitifs : comment apprécier la conformité à l’ordre public
international ? », préc. ; Ancel M.-E., « Droit international privé – Contrefaçon internationale : le juge français
face aux dommages-intérêts punitifs étrangers », Cahiers de droit de l’entreprise, n° 4, juill. 2007, dossier 26 ;
De Luca S., « Quelle place en droit français pour les dommages et intérêts à titre punitif ? Analyse des
perspectives et problèmes à travers une étude des droits anglais et américain », préc., p. 57 et s.

15
Chapitre 2 : la sanction de la faute lucrative en
d’autres pays

En une Inspiration anglo-américaine, la question se pose d’autant plus lorsqu’il est fait état de
ce qui est déjà prévu, notamment dans les pays anglo-américains, quant à la sanction de
l’auteur de la faute lucrative. Concrètement, l’inspiration de cette réflexion sur les dommages-
intérêts punitifs vient d’abord de l’étude du droit anglo-américain qui a été le premier à
introduire la notion de punitive damages16 ou d’exemplary damages pour punir la faute
lucrative. Il s’agit d’une somme supplémentaire qui est versée à la victime par l’auteur d’une
faute « délibérée » en raison du profit qu’il en aura retiré.

Même si les dommages-intérêts punitifs correspondent à une sanction bien connue


notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, il n’en demeure pas moins qu’ils sont
légalement applicables dans des matières bien définies et dans des proportions différentes. En
effet, aux États-Unis, leurs montants peuvent s’avérer très élevés, pouvant parfois être triplés
(les treble damages), nous laissant perplexes quant à une certaine exagération pratiquée
notamment en matière de propriété intellectuelle sur les brevets et les marques.

Au Royaume-Uni, où les dommages-intérêts punitifs sont pourtant appliqués, leur champ


d’application est limité. Pour exemple, les contentieux en matière de brevets et de marque ne
sont pas concernés par une sanction à des dommages-intérêts. Le Royaume-Uni est d’ailleurs
plus réticent à allouer des dommages-intérêts pour cause de sanction. Son droit consacre les
dommages-intérêts supplémentaires (additional damages) qui ne sont pas à proprement parler
punitifs, mais s’ajoutent à la réparation intégrale du dommage, sans pour autant fixer des
sommes disproportionnées comme cela peut être le cas, parfois, aux États-Unis.

16
Dobbs D.-B., Handbook on the Law of Remedies, 1973.

16
Conclusion :

Pour conclure, l’article 1266-1 du projet de réforme du droit de la responsabilité civile


représente incontestablement une avancée majeure. À travers la consécration d’une amende
civile en cas de faute lucrative, le droit commun se dote d’un outil de dissuasion efficace
contre ces stratégies spéculatives intolérables sur le coût et le gain d’une violation de la loi.
Espérons que cet outil permettra de détourner certains opérateurs économiques d’activités
lucratives illicites à haut risque pour le Vivant.

Il n'est plus question de sanctionner une faute lourde puisque seule est visée la faute
lucrative. Mais en admettant la gravité de la faute comme l'un des critères permettant de fixer
le montant de l'amende civile, lequel pourra atteindre jusqu'à dix fois celui du profit illicite, le
législateur sauvegarde in extremis le seul aspect répressif du projet.Etait-ce voulu ou est-ce dû
à la volonté de contenter à la fois les partisans d'une responsabilité civile exclusivement
indemnitaire et ceux résolument en faveur de l'élargissement à une fonction autre que
compensatoire ?Cependant, le temps politique est tel qu'il n'est pas dit que le projet de
réforme du droit de la responsabilité soit adopté en l'état, ou qu'il soit adopté tout simplement.
Quoi qu'il en soit, si l'amende civile est adoptée en l'état, il n'est pas sûr qu'elle ne soit pas
censurée par le Conseil constitutionnel.

De plus, si le juge applique l'amende civile, il faudra qu'il affine particulièrement son
appréciation de la gravité de la faute, des facultés contributives de l'auteur et du profit réalisé,
tout en étant vigilant sur la manière dont il évalue le montant des dommages-intérêts
compensatoires, en modifiant sans doute son appréciation de certains aspects du dommage
tels que le préjudice moral, au risque de voir alourdir de manière excessive la facture du
défendeur.

Le droit de la responsabilité civile est le fruit d'un équilibre façonné par la jurisprudence
depuis deux cents ans. Quelque soit les réformes qui seront adoptées, cela impliquera un
bouleversement complet de l'ensemble des règles régissant la matière.

17
Bibliographie
 https://www.actu-juridique.fr/civil/consecration-de-la-faute-lucrative-en-droit-
commun-pourquoi-ne-dit-elle-pas-son-nom-regard-porte-sur-la-constitutionnalite-et-
lefficacite-de-larticle-1266-1-du-pro/amp/
 https://www.actu-juridique.fr/civil/responsabilite-civile/la-faute-lucrative-et-sa-
sanction-ou-lombre-penaliste-sur-les-effets-de-la-responsabilite-civile/amp/#ftn34
 https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03814166/document
 https://digitalcommons.bau.edu.lb/cgi/viewcontent.cgi?article=1069&context=lsjourna
l
 Les mécanismes extra-compensatoires en droit de la responsabilité civile
Sous la direction de Monsieur le professeur David Bakouche
 https://scanr.enseignementsup-recherche.gouv.fr/publication/these2006DUNK0223

18
Table des matières

Introduction…………………………………………………………………………………………………………………………………..2
Partie 1 : Notion de la faute lucrative .....................................................................................................4
Chapitre 1 : définition de la faute lucrative..........................................................................................5
Chapitre 2 : les composantes de la faute lucrative ..........................................................................9
Partie 2 : les sanctions de la faute lucrative ........................................................................................ 11
Chapitre 1 : la sanction de la faute lucrative en France .................................................................... 12
Chapitre 2 : la sanction de la faute lucrative en d’autres pays……………………………………………………….16
Conclusion ..................................................................................................................................... 17

19

Vous aimerez peut-être aussi