BRP Maem MRL
KISSINGER ET LE MAROC, Gee bag
BONS BAISERS D'AMERIQUE sel Set Yt) (ovis TooEdita
KARIM
BOUKHARI
DIRECTEUR DE LA
REDACTION
AGHARAS AGHARAS
‘est un presque centenaire qui nous a quittés,
ce 6 février 2024. Son souvenir, lui, ne nous
quittera jamais. Mohamed Bensaid Ait Idder
fait igure diexception dans Te paysage politique
marocain. Cette exception ne concerne pas
seulement ge et le parcours du personnage,
veritable encyclopédie vivante de histoire du
Maroc depuis prés d'un sidcle.
Cette exception, illa doit surtout sonaura et
laplace quill oceupe auprés de ses nombreux «disciples» est un
homme aimé, respecté ct écouté. Sans plus. Ce qui est déja rare,
Tine parle pas beaucoup, pas toujours, pas tres haut. Mais
parle juste, il dit vrai. Avec le méme aecent soussi a couper au
couteau qu’on lui a connu depuis tout petit, a Tin Mansour, son
‘village natal.
Les discours et es trades enflammées, que nos zaims ont depuis
Iongtemps transformé en moments folkloriques, ce nest pas
pour lui.
Liauteur de ces lignes se rappelle de cette anecdote qui en dit
Btau milieu de ce vacarme extraordinaire, un vieux bonhomme
débarque incognito, sans prévenir personne, marchant donce-
‘ment, essayant de se trouver un chemin parmilafoule. IIne sest
ppas annoneé et personne ne I'a recon,
Cet homme, cest Bensaid en personne. Il ne comprend rien &
cette musique, maisil est quand méme vemu partager ce moment
avec les jeunes. Ft ilnvatiend rien de personne. Ce moment, c'est
pourlui, pour homme quilest. En toute simplicitérien autre.
auteur de ces lignes ses itéralement jetésur Pinvité-surprise
‘pour Tui souhaiter Ia bienvenue. En Tui faisant remarquer au
passage que, fort heureusement, i ne mesurait pas forcément
{out le tapage ambiant... Mais il a fallu répéter la phrase deux,
trois fois, Bensaid souffrant de gros probleémes auditifs. A Ta
fin, il sourit et dit, sur un ton badin : «Oui, fort heureusement b,
Puisil semalla. Sur la pointe des pieds ou presque.
Cest pour ces détails, pour ces petites choses, que fon aime sin-
cérementce grand monsieur. Simple, integre, honnéte. En bref:
authentique,
Et c'est pour cela aussi que Von aime ce pays. Parce qu'il est
C'EST POUR CELA AUSSI QUE L'ON AIME CE PAYS. PARCE
QU'ILEST CAPABLE D'ENFANTER UN TEL «PHENOMENE». AGHARAS
AGHARAS (EXPRESSION AMAZIGHE QUI DESIGNE UN HOMME DROIT). ET
SANS FACON
long sur le naturel du personage. C’était en 2003, & Y'époque
du proces des «saranistes» +14 jeunes musiciens et passionnés de
hard rock avaient été injustement jetés en prison, a cause d'une
série de méprises et de bétises bureaucratiques. Bensaid a été
Pan des seuls, pour ne pas dire le seul chef de parti A soutenir
ouvertement ces jeunes vietimes et tout entreprendre,luiet ses
ceamarades du parti, pour tenter de les tier d'affaire.
Quand tout fut fini, et que les jeunes ont enfin recouvré
leur liberté, un gigantesque concert de «méiab» a &té orga
nisé au complexe Zefzaf, A Casablanca. Venceinte trem-
blait Littéralement sous les vrombissements de cette
musique «salanique», les jeunes hurlaient de bonheur aprés
avoir tant galéré, Tls étaient dans leur monde, dans leur
bulle, avec beaucoup de bruit, de couleurs et de fureur.
capable d'enfanter un tel «phénoméne». Agharas agharas expres-
sion amazighe qui désigne un homme droit). Et sans facon.
‘Son exemple mérite d’étre partagié avec le plus grand nombre.
Surtout auprés dela jeune génération. Parce qu'il nous rappelle
uilest toujours possible de faire [a politique autrement, sans
essayer de passer pour un autre et sans courber Iéchine, en res-
tant droit dans ses bottes.
Pour toutes ces raisons et pour bien d'autres, que vous décou-
vrires en lisant Ie présent numéro de Zamane, Mohamed Ber
said Ait Idder incarnera a jamais cet indispensable trait d'union
entre le Maroc d'antan et celui de demain. Pas rimporte quel
‘Maroc, mais celui quion aime.
Zamane- Fevries 20Bensaid Ait Idder
(1924 -
2024)
Le dernier
des justes
ohamed Bensaid Ait
Idder, qui vient de
rendre l'ame (le 6
feévrier 2024) a prés
de 99 ans, aconnu
plusieurs vies et
a été de tous les combats. Il a commencé
Par faire ses classes au «msid» (école
coranique), a milité trés jeune dans les
tangs de I'lstiqlal, pris les armes pour lutter
contre le colonialisme, connu la torture,
Yemprisonnement, lexil, etc. améme
connu la douleur de l'internement en
hépital psychiatrique.
Ce grand leader de gauche est surtout
connu pour ses prises de position
courageuses, audacieuses, toujours
DOSSIER COORDONNE PAR LA REDACTION
PLUS QU'UN MEMOIRE, UNE CONSCIENCE
PAR HASSAN AOURID P34
ILSAPPELAIT BENSAID.
EDITING ZAMANE. P40
—
32. Pévrier2024-Zamane
sincéres et pleinement assumées :
défenseur de la marocanité du Sahara et
de l'amitié avec le peule algérien, ila été le
premier 4 évoquer le bagne de Tazmamart,
le premier ou l'un des seuls a refuser le
baisemain royal. Et 4 dire tout haut ce
que personne, dans la classe politique ou
ailleurs, nosait dire ou méme penser, du
temps du défunt Hassan Il...
Zamane vous invite a un voyage inédit
avec cette figure marquante, quia tant
et tant de choses a nous dire. Et dont la
disparition coincide avec la publication de
son livre-testament : «Un destin marocain,
le cheminement d'un résistant»...
Bon voyage. D
SS
LUN MILITANT DISCIPLINE A LASSAUT DES LIGNES ROUGES
PAR MOSTAFA MEFTAH
————
ps7o
ora
pee
Paar ores)PLUS QU'UN
MEMOIRE
UNE CONSCIENCE
Mohamed Bensaid Ait Idder aura été de toutes les batailles du Maroc
moderne : son indépendance, son intégrité territoriale, tout comme les
batailles pour les droits de I'homme et la démocratie. PARHASSAN AOURID
¢ chleuh panarabe, qui ne rechigne Lecombattant qui, la fleur de l'ége,pritles armes
pas au contraste quand il coule dans le sillage de Farmée de ibération, est Page oi
dans le moule d’un idéal, pétille de d'autres préferent jeter l'ancre, participe avec les
joavence iatelleetuelle alors qu'il jeunes du 20 février (aon) dans leur combat pour
a blanchi sous le harnais. Moha- tun Maroe moderne et juste.
red! Bensaid est de cette categorie Jelai vu, en février 2019 4 M’hamid El Ghizlane,
hommes politiques qui oublient de vieilir a foree 2 Yoceasion de la commemoration du discours de
de eroire en des valeurs. Il embrasse les généra- Mohammed V dans ees contrées (1958). Discours
tions, comme il embrasse les causes. historique. Bensaid, que V'ge n'a pas découragé,a
POUR BENSAID AIT IDDER (CHTOUKY COMME AIMAIT
LAPPELER DRISS BASRI, LARABITE N’EST PAS QU'UNE CULTURE, ET
ENCORE MOINS UNE ETHNIE, MAIS UN DEVENIR, ET POUR RESUMER UN
CREDO
Mohamed Bensaid Ait Idder (Chtouky comme
iris Basri) ne fut pas absent des
ui faisaient vibrerle monde arabe,
refus de 'impérialisme et du dépe
zpalestinienne. L’arabité pour lui
.¢ culture, et encore moins une eth-
et pour résumer un credo.
répondu présent a invitation qui luia été faite par
une association du cru, accompagné de I'historien
Mostafa Bouaziz. Quand on a voulu le provoquer,
sur la mort d’Abbas Messaddi, il s'est défendu
sereinement. Aherdane, qui venait de sortir ses
| mémoires en 2013, Faccusait implicitement."0 mon-
tagne, que peuvent les brises contre toi", comme dit un
dicton palestinien...
Bensaid est une mémoire, est indéniable, mais
‘est aussi une conscience. Il aime déplaire comme
Cyrano de Bergerac, car déplaire est sa manic
dela génération, ou Déplaireaux mortels pour ne pas déplairea'h
smazighitéetarabitésemariaient L’homme n'est pas un tribun. Sa voix est
‘histoire, et par foi en Tavenir. FerhatMachad. monocorde, et diable ! On se demande com
est pas qu
aie, mais un
Combattant de la premiére heure
Panarabe, ilnes’en cache pas, son arabitén’émousse
‘amano - FeverDp> ment pu rassembler autour de ii autant
de «loupe», tribuns, casuistes, florentins pour
certains, bardés de diplomes. Bensaid dispose d'une
‘arme, mais combien précieuse, sa sincérité et sa foi
cen des valeurs. Ila aussi cette capacité, rare dans
L'HOMME N'EST PAS UN TRIBUN. SA VOIX EST
ET DIABLE! ON SE DEMANDE COMMENT
«LOUPS», TRIBUNS, CASUISTES, BARDES
notre culture politique : savoir écouter. Il n'est pas
despote pour un sou,
Delstiglal al'exil
Néen1925, ily ade cela un sidele moins un an, i Tin-
‘mansour, dans la tribu des Chtouka, dans le Souss,
il était a ga tendre enfance orphelin de sa mére. I
intégrera le Msid école coranique) pour apprendee
‘quelques bribes du Coran, mais c'est lorsqu'il quitta
son bereail pour Marrakech, dans le sillage de
Mokhtar Soussi, qu'il commenea i se familiariser
avec la langue arabe et aussi avec la modernité,
Ceétait la voie vers le parti de Vistiqlal, mais aussi
les tracasseries avec administration coloniale, 11
‘connaitra, dans le sillage du parti, ce jeune leader,
36 revrier2024-zamane
RESISTANCE.
‘Avec Moharnmed Ves
‘apports étaient empreints
derespect mutual.
‘Abbas Messaédi
Mehdi Ben Barka qui le marquera, ainsi qu’ Abdel-
Jah Ibrahim. 1 avait déja le ceeur a gauche.
Quand les jeunes d'Ton Youssef firent gréve en soi
darité avec les étudiants de la Qaraouiyine a Fés,
en 1951, et quils furent corrigés par le Glaoui, avee
MONOCORDE,
IL A PU RASSEMBLER AUTANT DE
DE DIPLOMES
“Asfel» (Je fouet, littéralement ee qui vous tombe
dessus en amazigh) ou le «Tackbib, dans le jargon
‘marrakchi, avec un certain Boubker Basti, conn.
par le faih, et Abdesiam Jebli, ils furent recus,
apres la «correction», par le prince Moulay Hassan
Rabat, ans sa villa. Celui-ci leur fit bonne impres
sion, en leur parlant un discours empreint de tra-
ition : «Ma ful sanibatin 6 saliba» (toute occasion
a’est pas bonne & prendre).
Depuis Fassassinat de Ferhat Hachad, en décembre
1952, Bensaid est devenu actif dans le mouve-
‘ment national, la fois dans la résistance, et plus
tard dans le noyau de ce qui va devenir 'armée
de libération. Tl fera avec des compéres @'ifni,
sous administration espagnole, une base de repli
Vadministration espagnole était peu regardante,o
ExIL.
En Algerie, lt der
circulaitavec de faux:
Socuments portant alias
‘Abdellah Khalid
voire complice avec les nationalistes marocains,
en réaction & I'arrogance frangaise qui 2 déposé le
sultan Sidi Mohammed Ben Youssef sans son
voire sans len informer.
Le deuxiéme temps de la résistance et qui attisera
Parmée de libération, est Ia déposition du sultan
Sidi Mohammed Ben Youssef, en aot 1953. La suite,
fn fa eonnait : Tindépendance du Maroc. Bensaid
intégre l'armée de libération dans le
nord en décembre 1955, mais devint un
pivot dans le sud, dans les différentes
batailles menées & Adrar (en Mauri
tanie) qui sest soldée par une défaite
Mais, depuis la bataille de Tafoudart
dans Seguia el-Hamra, le vent souffla a
Ia faveur deT'armée de libération, dans
des batailles remportées 4 Lafyoune,
Foum Laachar, Ifni.
Les agissements de I'armée de libéra-
tion menagaient la France, en Maurita-
nieeten Algérie. Elle poussa Espagne
dans une coalition &sévir avec les gros
moyens (aviation en particulier), en
novembre 1957, contre I'A.L, dans la
fameuse opération Eeouvillon. Sur ees entrefaites, Bensaid, réunion présidée par le Princ= Meulay
Tesultan Mohammed V elfectua un voyage a Mha- ‘F) Hassan, dans la foulée du discours =
‘mid El Ghizlane, le 26 fevrier 1958, réitérant les © cen vue de la récupération des territom =
attaches historiques, humaines, et eultureliesavee | COMPAGNON. ‘Aueun diigeant marocain ne pete
Tes provinces sabariennes encore soaslejougdela AtMGer6™*apartede Ge lgitimite dans le combat pour ls
domination. NESS league) succes, du Sahara
[En mars 1958 se tint une réunion au lieu dit fsdunmestngdsls Une autre vie commencera pour Beas== iy
Boukhehiba,non loin deTarfaya, laquelle ascista gaucheen"934 GanslesilagedeUNFP. Hsubira les foodes limiers apréslerefus dentérinerla consti-
tution octroyée en 1962.II fuit juste aprés
adoption de a Constitution, vers 'Algérie. Age
rie était peu hospitaliére aux mouvements de libé-
ration depuisle coup d'Ftat de Boumediene en 1965.
Bensaid quitta 'Algérie en 67, marquant une dis.
tance avec T’orientation de Fqih Basti, enclin &
option révolutionnaire. Bt c'est vers ia France
quil se dirige, avec Abdeslam Jebli, avee une
nouvelle identité, Khalid Abdessalm, alge-
rien natif de Tlemeen. Le stratageme ne pow
vait échapper aux services de sécurité francais.
En 1974, il recut Mustapha El Ouali dans sa
emeure a Pars, et la seule option abordée était la
°
wurte.
Flh Bas une autre vision
delagauche,
YOADP (organisation d’action démoeratique popu:
laire). 11 briguera la députation, dans le parlement
dde1g8q, et marquera la conscience par eette grande
question orale, qui fera date, sur les détenus de
‘Tazmamart. Un sujet tabou. Une question politi-
quement incorrecte.
Bensaid ne sera pas a sa premitre «incartade»
En tant que seerétaire général de son parti, avee
d'autres compéres qui devaient étre recus par le
roi avant un déplacement Addis Abéba, il ne fit
pas le baisemain Hassan Il, Celui-ei Vinterpella
«
), et Bensaid n'état pas prét a fran-
chir le rubicon. Va pour le Polisario, version 73, 4
serait une exeroissance de I'arméede liberation, mais
la RASD est une autre paire de manches. On est la
dans eeu de la manipulation,
Bensaid se rend avec Mostafa Bouaziz 4 Alger, en
2oi8, et quand Ramtane Lamamra, ministre des
affaires Firangéresalgérien, fit Voflve de les loger & Fl
‘Aurassi, Bensaid déctina et préféra son deux étviles.
Lamamara fit le déplacement chez lui, pour stentre
teniravee lui
Les fidéles Ini arracheront Fidée de eréer un centre de
recherches qui porte son nom, lui quiestsiallergique
au culte de la personnalité, Avee peu de moyens, le
centre, logé & Casablanca, rue d’Agadir, devient le
réceptacle de rencontres hardies, mais 1
et des publications sérieuses et référentelles,
Le grain ne meurt jamais, comme le dit Pévangile.
Etquandil meurt, il donne beaucoup de fruits. DILS'APPELAIT
BENSAID...
Dans un document exceptionnel, paru au moment méme de sa disparition
et quia valeur de testament, Mohamed Bensaid Ait Idder revient sur les
événements-clés de sa vie tant politique que personnelle. Tout y est. De
J'enfance dans le Souss a la lutte pour I'indépendance, et des «complots»
vrais ou faux des années 1960 aux anecdotes croustillantes de la vie
Parlementaire, en passant par les émeutes de 1965 ou Ia création du
Polisario. Un siécle de I‘histoire marocaine défile sous nos yeux, embrassant
des événements et des personnages majeurs : Hassan II, Ben Barka,
Messadadi et tant d'autres. » EDITING ZAMANE
Bey
quatre ans, mon pére
m'aenvoyéau M’sid. a
donné carte blanche au
faih pour nous punir a
lamoindre faute, n’hési
tant pasa faire usage de
violence, telle que l'utilisation du calame
pour nous pincer le dessous du menton
jusqu’au sang! Cela accentua mon désia
de m’éloigner du village. 'appris, néan-
moins, le coran et pouvais réciter 13 fois,
les 60 sous-chapitres (Hizb) du Coran.
Bienvenue au Maroc «inutile»
‘Au début de la seconde Guerre mon-
diale, j'ai intégré V’école de Sidi Abou
Abdallah dans les environs de Sidi
Ifni. Cela avait coincidé avec ce qu'on
a appelé année du «boune» (bon de
rationnement des produits alimen-
taires pour faire face a la famine). Pour
de ma chambre a Vinternat un lieu de
rencontre pour mes amis et un moyen
pour recueillir des informations. Ace
moment, on ne disposait ni de jour-
naux ni de radio.
Notre vie n’était pas sans distractions.
Les événements religieux et les fétes
nationales étaient des occasions pour
se divertir.
Ily avait chaque été, es moussems
que l'on célébrait sous les rythmes
amazighs d’Aheyad et Ahwach. Dans
cette région du sud, nous vivions a la
marge, dans le Maroc dit inutile. Un
jour, quelqu’un de Ia région qui vivait
4 Mohammedia (Fédala) avait amené
un phonographe. Ce fut un événement
dans le village. Les habitants s'étaient
rassemblés autour de cet appareil
inconnu.
Je me rappelle également d'un voisin
‘ma part, je m’étais engagé dans Te commerce
des bons de rationnement pour les revendre _Letestamentdtun grand Vil m’avait offerte...
Vécole qui n’avait pas les moyens de satisfaire homme. je m'amusai a poursuivre les gens avee ma
aux besoins de la soixantaine d’éleves... Grace
ui avait rapporté Algésieunelampe torche
Ta tombée de la nuit,
Tempe torche. Un matin, elle ae uma Dy
aux revenus de ce commerce, j/avais pu faire pas. La batterie s'était épuisée |
40--Fevrier2024-zamanerégions du sud. Ma curiosité grandissait. Je
me souviens des troupes de l'armée francaise
composées de mercenaires de ls légion étran-
gere passant prés de notre village vers le sud
pour affronter ce qui restait de la résistance
marocaine, qu’avait dirigée au début du pro-
tectorat franco-espagnol Ahmed El Haiba
qui avait pu étendre ses opérations armées
jusqu’a Sidi Bou Othman, au nord de Mar-
rakech,
Dans cette région de Sidi Ifni (enclave sous
protectorat espagnol), j'avais pu observer
les abus des forces coloniales l'égard des
Marocains, en cette période marquée par la
famine, les épidémies et le cortége des morts.
Les images des dépouilles amoncelées dans
les rues des villes et des villages, affectaient
les esprits.
Jeme souviens des réquisitions et corvées que
les forces francaises imposaient aux habitants
pour la construction des pistes, routes, éd
fies administratifs, les siéges du nouveau
chef de la région, de lofficier des affaires indi-
genes, les casernes..
Le Protectorat obligea également les paysans
‘marocains & payer des impots. Aprés Pinstal-
lation de son administration dans la région, i
désignait des cheilkhs de tribus ou des aids
parmi les Marocains soumis a l'autorité de
Vofficier francais, afin de collecter les impots
sur les terres et le beétail
¢
Bachelier malgré tout
Parallélement ma formation, ma résidence
*
*
"
rk i
+
* ~ } a Marrakech m’avait offert loccasion de
debe connatire la vie moderne. Je feéquentais les
= foliondle clude, echouih leesaney ees
o
journaux, particuiiérement, le quotidien «Al
je garde en particulier le souvenir de ‘Alano», qui m’a ouvert les yeux sur la tragé
Bourhim Aissa, qui faisait des tours de Unvsagedasannées _die palestinienne et qui sera la cause de mon
‘magie. Tl pouvait changer un plat de couscous 1950.. engagement au parti de 'Istiqlal
en un amoncellement d'insectes...ou trouvait En 1951, nous avions organisé une gréve géné-
MON PSEUDONYME DE KHALID ABDALLAH CORRESPONDAIT
ALIDENTITED'UN ALGERIEN NE A TLEMCEN, QUE JAIDU EMPRUNTER
POUR SORTIR DE LALGERIE VERS LA FRANCE
les clefts éyarées. Je revis cet homme en 198. rale pour protester contre Ia répression qui
Tavait gardé la main ! s‘abatiait sur des étudiants de la Qaraouiyine
a Fes, Les autorités francaises avaient fait
appel au pacha Thami El Glaoui, qui utilisa
les moyens «/raditionnels» pour mater les étu-
diants : les deux cents coups de fouet «Azfels
(fouet en amazigh) et le frottement du piment
piquant, dit «soudania», sur les evres... Fqib,
Basri, Abdeslam Jebli, Omar El Bidaoui et
Bouchaib Doukkali (El Hariri) furent victimes
de tels séviees.
La gréve ne s’arréta pas et les «indice» s'ae-
tivérent pour la faire échouer. Je dus alors
intervenir avec un ami pour rouer de coups
Tun de ces indicateurs. Je fus démasqué,
Je dus quitter Marrakech. L’eceasion
Au temps dela «pacification»
Les années 10, 20 et 30 du siécle dernier a
connu les campagnes dites de pacification. Les
tribus des Chtouka Ait Baba étaient affectées
par les campagnes d’occupation.
A cette époque, il n'y avait ni route goudron-
née, ni infrastructures. Les troupes de Tarmée
frangaise s'arrétaient prés de notre village
pour y passer la nuit, avec des carrioles tirées
par des chevaux pour transporter le matériel
et les provisions.
Enfant, me parvenaient les échos de ce qui
se passait 4 Marrakech, A Agadir et dans les
42. Fever 2024-ZamaneL'affaire Messaadi entre Ben
Barka, Hassan Il et les autres
«Lassassinat d’Abbas Messaaadi a fait couler beaucoup dencre,
Cétait voulu et 'exploitation quien sera faite ultérieurement
"atteste, Cela est produit 3 une période oie conflt au sein des
‘groupes de la résistance sintensifia, ol le dialogue céda la place &
usage des armes, devenu le moyen dominant le climat politique
de répoque.
Messaadi ne fut pas la seule victime de ce confit sanglant, mais
un grand nombre de leaders de la résistance marocaine en frent
les frais: Brahim Roudani, Brahim Ouazzani, Abdallah Haddaoui,
‘Abdelkrim Ben Abdallah et beaucoup d'autres. Pourquoi sest-on
focalisé sur le seul cas de Messaaci, au point d'occulter les autres?
Qui a assassiné Touria Chaoui, premiére ferame marocaine pilote
? Pourquoi Ia-t-on liquidée en passant son affaire sous silence ?
Brahim Roudani, doyen de la résistance a Casablanca etinitiateur
de UMT, avait embauché Abbas Messaadi dans son entreprise et
avait enrélé dans la résistance. On sait que lassassin de Roudani
‘appartenait a organisation du «Croissant Noir», Ce grand résis:
tant fut victime de ses efforts pour unification des rangs dela
résistance, en particulier pour le rapprochement entre !Organisa-
tion Sacréte (sous la direction de Fqih Basri) et le Croissant Noir
(irigé par Abdallah Haddaoui), qui étaient les deux organisations
les plus puissantes. La premiére était ige au P (Istiqlal) et la
seconde au PCM (parti communiste marocain), au PDI (Choura)
et au caid Lahcen Lyoussi. Cétalent des organisations politiques
qui r’étaient pas d'accord avec Vorientation politique et idéolo-
{gique du Pi. La plupart de ces organisations, grandes et petites,
mmanquaient de vision politique claire, dot la prédominance du
recours aux assassinats comme voies de réglement de leurs diver-
sgences.
Des dirigeants comme Mehl Ben Barka, Ahmed Balafrej et Allal
Fassi allaient en étreles victimes. Ce dernier, par exemple, fut la
cible de tirs de coup de feu, alors quil était en voiture dans une
région de ltl. Lagresseur était un membre du MP (mouve-
‘ment populaire).
LeMP était constitue surla dépouille de Messadci. lexploita
son assassinat, en 'adoptant comme l'un de ses membres et en
exploitant sa populaté. En fat, le défunt n’avait aucun lien avec
le MP et avec orientation de ce mouvement, un instrument mis
en place sous l'instigation du prince héritier, qui forientat oli
‘voulait et le faisalt agir quand le voulat.
LLassassinat c’Abbas Messaadi avait également servi a dissoudre
TAL (Armée de ibération) dans le nord, a intégrer ses éléments
‘aux FAR (Forces armées royales) at 8 désarmer la résistance.
LLEtat avait également exploité cet événement pour justifier ses
actions qui, &'époque, provoquaient chez la population colere et
indignation.
(Quant au récit duro! Hassan Il concernant la relation du martyr
‘Mehdi Ben Barka aveca liquidation de Messaédi, il convient
dien clarifier le contexte : il sagissait de porter atteinte a image
de Mehdi. qui représentait la figure majeure dela moderité au
Marocau lendemain de 'indépendence. Il était porteur d'un pro-
Jet dEtat moderne, démocratique, consolidé et indépendant, en
hase avec son époque. Il disposait d'une force de proposition
‘Quile distinguait du reste des politiques. Il avait une énergie et
un dynamisme qui impactaient fortement environnement et
_mobilisaient les ressources humaines. I avait une vision prospec:
tive qui se concrétisait dans sa proposition de projets majeurs,
tels quella réforme agraire. Le rayonnement de Mehdi rétait
'pas confiné son pays, mais s était répandu aux quatre coins du
‘monde, parce quill avait une vision avec des perspectives mon-
diales.
Certes, Mehdi et Messaadiavalent des visions divergentes. Mais,
se baser sur cela pour avancer que cela puisse amener Ben Barla
a penser le liquider, est impossible, inanité d'une telleaccusa-
tion n'a dégal que son machiavélisme.
Ben Barka n'a jamais eu besoin de liquider qui que ce soit, car
Vassassinat était étranger asa personnalité etl avait a force, lin-
telligence etl volonte suffisantes pour atteindre ses objectifs,
dont aucun ne déviait des grandes valeurs humaines quill por-
tait, Malheureusement, Etat a utilisé assassinat de Messasdi
pour tenter d'Scorner image de Mehdi et de justi le complot
contre le mouvernent de libration nationale au Maroc».
‘Zamane- Février2024-43DP sc présenta lorsque Ie sultan accepta
d’accorder une entrevue a une déléga-
tion des étudiants de Marrakech, au sujet de
cette gréve. On exposa au sultan Mohammed
Ben Youssef, en présence du prince héri
‘Moulay Hassan, les campagnes de répression
subies par les étudiants.
L’accueil que nous réserva le prince héri-
tier et ses propos nous perturbérent. Utili
sant le référentiel religieux, il nous conseilla
d'agir comme le prophéte Muhammad
Lequel avait proclamé, A son entrée a La
Mecque: «Celui gui entre a la maison d’Abou
Soufiane (son grand opposant) serait sauf
Mohammed Ben Youssef intervint en notre
faveur, alors que les autorités venaient de
faire recaler neuf étudiants sur dix A l'exa-
men du bac. On refit les examens en présence
de Jaafar Naciri, alors ministre de la Culture.
Cing éléves eurent leur bae; je fus Pun d’eux.
Les lecons d'Ibrahim et Ben Barka
Jereeus une formation politique nationalistea
travers les publications du parti, les activités
culturelles que nous organisions, et les sémi-
naires animés par certains dirigeants, tels
Abdallah Ibrahim, Mehdi Ben Barka, concer-
nant les mouvements de libération dans plu-
sieurs contrées comme I'Indonésie, Inde, le
Pakistan et le Machrek,
Je me souviens du réle de premier plan
‘quavait joué Abdallah Ibrahim dans le milieu
des jeunes du parti. Jeme souviens également
de Mehdi Ben Barka, qui ne se contentait pas
de nous parler des mouvements de libération,
pour nous faire voyager a travers histoire
Thnous expliqua comment le sultan Hassan 1”
[Abdallah brahim et Mehdi
Ben Baka, deuxmodeles
pour Bensaid.
(1873-1894) tenta de moder:
envoyant des missions d’étud!
pour acquérir les sciences de
moment oft le Japon avait fait la
Les élites marocaines ont da faire fa
Vopposition d'une société traditionne
sfocalisé son attention sur la modernisa-
tion de l'armée.
L'une des conclusions a ce propos, sot
par Mehdi Ben Barka, concerne deux raisons
principales de l’échee de Hassan 1" a réal
ses ambitions de réforme et de modernisation
du Maroc. La premiére est d’ordre interne :
a société marocaine n’était pas préparée &
accueillir 1a modernité et les changements
Enexil3 Genéve,en Suisse,
années 1960.
Ia connaissance de Ia situation interne du
Maroc de son sous-développement était-elle
nécessaire pour connaitre les options du mou-
vement national face au colonialisme.
Istiqlal, Espagne et lutte armée
L’accord conclu La Celle-Saint-Cloud entre
Ben Youssef et le ministre francais des Affaires
étrangéres, reconnaissant I'indépendance duu
Maroe et le retour du sultan sur son tréne,
AFIN D'OBTENIR UNE CARTE DE SEJOUR EN FRANCE,
QUELQU'UN ME CONSEILLA D'OBTENIR UN CONTRAT DE TRAVAIL DE
L'AMBASSADE D'IRAK
sociétaux qui en découleraient aprés des
sigcles de décadence et d’un isolement quasi
absolu. La seconde extérieure des pays euro-
péens qui contrélaient la situation financiére
Par ailleurs, Hassan 1” n’avait pas rompu
avec la concentration des pouvoirs entre ses
mains. Ensuite le pouvoir passa entre les
‘mains du Grand vizir Ba Hmad, qui continua
sur la méme voie laissant le sultan Abdelaziz
(1900-1908), dans l'incapacité de faire face
aux convoitises des puissances européennes.
En fait, ces séminaires englobaient les dif.
férentes formes de libération des peuples :
Chine, Kenya, Inde... La lutte des pays de
POrient arabe était également présente dans
Ja formation, qui avait pour objectif princi-
pal de déterminer la position du Maroc sur
a carte des pays en lutte pour leur liberté et
Jes moyens efficaces pour y parvenir. Aussi,
46 -revrier2024-zamane
°
‘ThamiEl Azemmout.
s'était fait sans 'Espagne. Cette derniére esti-
mait qu'elle méritait un meilleur traitement,
ayant refusé la déposition de Ben Youssef
et avait soutenu implicitement la résistance
marocaine au nord et au sud. Si le Maroc
avait associé I'Espagne aux négociations avee
les Francais, il aurait pu en tirer parti, Faute
de Vavoir fait, les relations avec elle s’étaient
détériorées, & tel point que Franco avait
exprimé son refus de restituer au Maroc les
territoires qu'il occupait. Il fallu I'interven-
tion d’Allal El Fassi, qui entretenait des rela-
tions amicales avec les Espagnols, pour hali-
serle terrain ala visite du sultan en Espagne,
Dans la littérature du PI, on ne trouve pas le
recours 2 la violence. Mais la répression duu
Protectorat sous les généraux Juin et Guil
laume, comme la boucherie de 1947
Derb El Kabir Casablanca 1 eit plus DPDeux années en traitement
psychiatrique...
«Apresla rupture avec Faih Bast, aid
tout abandonner et quitter Algérie, en
compagnie de mon ami Abdeslam Jebii, 8
destination de a France, Jy étaisarrivé tot
lement déprimé. Un sentiment de défaite me
rongeait profondément.
Apres toutes ces décennies de lute contre
le colonialismeet la tyrannie, nous enétions
arrivés 8 cette impasse? Javais du mal
accepter que toutes les portes se ferment
‘ar faction politique au Maroc était devenue
presque impossible dans une atmosphere de
terreur imposée parle régime de Hassan I.
Les parts politiques avalent choise sllence,
On nfentendait plus a voix aucun leader
politique eta reorganisation de 'UNFP
ne fu pas réllsée. Un certain nombre de
‘camarades ont été assassinés, Mémeles
‘marges de manceuvre dont nous disposions
(en Algérie ont 6t8récuites au minimum, en
‘aison de Fintransigeance de Bas et de ses
choix irréalistes sans vision stratégique. Ine
"NoUS restait qu’a prospecter un nouvel envi
fonnement en France.
Je ne savais plus ce qui marrivait, je sais
unjournal sans en retenir la moindeinfor-
‘mation... Les événements sestompaient
et seffagaient de ma mémoire! La rut, je
soutfrais dinsomnieet. indépendamment
cdema volonté, je revoyals défler la plupart
des événements dificiles que 'avais vécus au
Merocetailleurs; tel un film, aurythme ef
frénd, que ene pouvais plus arréter,nitraiter
lesimages. Je devais srtirde cet état. Tous
les tests effectués ne révélerent, toutefois,
aucune trace de maladie organique. Le pro-
bléme concernait mon état psychologique,
En octobre 1967, Abderrahmane Youssoufi
‘mfemmena dans un centre psychiatrique
dela banlieue de la capitale suisse, Genéve,
spécialisé danse treitement des troubles,
dela mémoire. Cerétait pas mon cas, car
Jemesouvenais de ma vie passée. Ce dont
Jesouffras, tate fait doubler dece qui
Pe
imarrvait au présent. Comme si ma mémoire
Lefilm des événements
refusait toutajout
(ui massallait tousles sirs me flsat subir
une épreuve psychologique insupportable,
Je devais me reposer complétement, rester
‘Técart de toute activité politique et me
soutier cavantage de mol-méme. Les cours
de frangais que jesuivis cette époque
Avec Abdlestam
‘ebli.en1968.
Imfaidérent, Je commengais progressivement
{retrouver la mémoire. Certaines méthodes
thérapeutiques hdpital avaient également
BEN BARKA ETAIT PRET A ACCEPTER LES PROPOSITIONS
DE HASSAN II ET A RENTRER AU MAROC. MAIS A CONDITION D'OPERER DE
PROFONDS CHANGEMENTS DEMOCRATIQUES
_amélioré mon état. Lesportet certains tra
‘vaux manuels maidérent, en plus des soins
médicaux de haute qualité dontestréputée
la Suisse. Le traitement dure deux années».
‘zZamane-Révrier 2024-4748- revrier2024-Zamane
Pd
Hassan
Pare
ane relation
Cie
“Berque. Sa destinée fut tragique
\eceptable par les bases du mouvement
istiqlalien. Parmi les événements qui
avaient amené les militants a opter pour Ia
résistance armée, il faut signaler I'affaire
«’Ahmed Fl Hansaii, au début des années 1950.
Apres un accrochage avec l'administration du
Protectorat, El Hansali avait, de son propre
chef, pris les armes. TI tua des Frangais, sept
au total, et laissa planer un climat de peur au
Moyen-Atlas. Le Protectorat envoya 10.000
soldats armés jusqu’aux dents dans Ia région,
quiencerclerent les montagnes environnantes
de Beni Mellal. Cet événement enflamma I'en
thousiasme des Marocains, qui yavaient vuun
symbole de bravoure et de defi
Nom de code: Khalid Abdallah
En France, compte tenu du temps dont je dis-
posais, jai envisagé de poursuivre mes études
supérieures. Mais, comme je n'avais pas un
baccalauréat de type moderne, il me fallait
obtenir une équivalence qui me permettrait
d'aceéder 4 Funiversité, Pour ce faire, je suis
entré dans une école privée, sur le conseil de
‘Thami El Azemmouri, un militant de !'UNFP,
LE COUP D'ETAT
DE JUIN 1965 EN
ALGERIE FUT UNE
OCCASION POUR LE
REGIME DE HASSAN II DE
ROMPRE SON ISOLEMENT
ET DE REPRENDRE
LINITIATIVE
qui y enseignait. Cet homme se trouvait avec
Mehdi Ben Barka, lors de son enlévement
8 Paris (octobre 1965), et était également un
ni du eélebre orientaliste francais Jacques
suicide
L'équivalence obtenue, je m’inserivis en
ligence d’histoire-géographie a l'Université
Vincennes, qui fut créée a la périphérie de
Paris par le Premier ministre Edgar Faure,
suite aux événements de mai 1968. Apres
trois années d’études, fobtins ma licence. Mon
mémoire porta sur la résistance marocaine.
J'ai regu d'importants documents du Maroc.
Tai également exploité les documents de la
Resistance marocaine, couvrant les années
1950 qui étaient disponibles a la Bibliotheque
Nationale de France.
‘J'ai obtenu ma licenee en histoire-geographie
de 'Université Vincennes sous lenom de Kha-
lid Abdallah ; un pseudonyme sous lequel j'ai
‘véeu tout au long de mon séjour en France. Ine
s‘agissait pas d'un pseudonyme comme on pou-
vail fréquemment utiliser dans le monde politique,
‘mais e'était Videntité d'un Algérien né A Tlemcen‘que j'ai da emprunter pour sortir de 'Algérie
vers la France. D'aprés cette nouvelle identit
je n'étais done pas un réfugié marocain, mais un
immigré algérien. Les papiers que j'ai remis
mon arrivée au centre psychiatrique de Geneve
ire encadré), le permis de conduire, le passe-
port étaient fous au nom de Khalid Abdallah "al
‘Maghribi", de nationalité faussement algérienne.
‘Afin d'obtenir une carte de séjour de dix
dans, quelqu'un me conseilla d'obtenir
‘un contrat de travail de 'ambassade
d'Trak, ce que j'ai pu avoir. Mais,
lorsque j'ai soumis les documents
nécessaires aux autorités fran-
caises, leur réponse fut négative.
Elles ont dit a Hamid Berrada =
«Dites @ Mohamed Bensaid que nous
Jeconnaissons et que nous lui donne-
rons une carte de séjour annuclle».
En recevant celle-c, j'ai eonstaté
qu'elle était établie au nom de
«Khalid Abdallah Bensaid Ait
Tider»
Les autorités frangaises me sur-
veillaient de loin, sans me le faire
sentir. Jamais je ne m'étais senti
harcelé, je menais ma vie en toute
liberté. Méme lorsque Hassan II était en
France, ces autorités transféraient les dis-
ssidents marocains, y compris Hamid Per-
rada, dans des lieux éloignés de ceux ol il
se trouvait, et nous laissaient, Abdeslam
Jebli et moi, malgré leur connaissance de
notre véritable identité. J'ai abandonné
Videntité de Khalid Abdallah das mon
retour au Maroc en 1981. Toutefois, jen
garde toujours les documents dans un
troir!
1965 ou l'année oft
tout bascula
La révolte populaire des 23-24 mars
196, & Casablanca et dans d'autres
villes, quia secoué fortement le pays,
trouve son origine 4 la fois au niveau
socio-économique : hausse des pi
gel des salaires ot aggravation du ché-
‘mage, ainsi qu’au niveau politique. La
tension entre 'UNFP et le régime va
svaceentuer, avee le renvoi du gouver-
nement Abdallah Ibrahim et surtout
le boycott par ce parti du référendum.
constitutionnel, sa critique de la guerre
contre I’Algérie («guerre des sables» de 1963) qui
Iui valut 11 condamnations mort parmi ses
dirigeants (dont Ben Barka, faih Basri, Omar
Benjetloun...), sa contestation des résultats
des élections législatives od le FDIC (front de
défense des institutions constitutionnelles),
cerééde toute pitce Ala veille des élections, rafla,
‘comme par magie, plus de Ia moitié des sitges
du premier pariement du pays.
Dans ce contexte de crise, une circulaire datée
du 9 février 1965 du ministre de Education
nationale, Youssef Belabbés, préconisant le
renvoi des écoles primaires des enfants de 14
ans et des colleges et Iycées des éleves ages de
plus de 17 ans, allait mettre le feu aux poudres.
Le régime réagit par une répression violente et
sanglante contre les Iyeéens et les étudiants. Le
martyr Mehdi Ben Barka jouera a cette occasion
un role central en dénoneant cette répression
aveugle dans les médias internatio-
naux. Ainsi, nombreuses institutions
dans le monde condamnérent les
crimes d’Etat du régime de Hassan
TI, entrainant son isolement.
‘Afin de trouver une issue cette
mauvaise passe et pour apaiser Ia
colére populaire, le roi dépécha
un envoyé pour négocier avec
Ben Barka les conditions de
son retour au Maroc. TI Tui fit la
proposition suivante : octroi a
V'UNEP des portefeuilles minis-
\ériels majeurs, ce qui signifie
qu'elle participerait aux cdtés
du monarque marocain au pou-
voir. Il graciera les personnes
condamnées a mort ou a d'autres
eines dans le "complot de juillet 1963".
De méme, il engagea le dialogue avec le
PI.
Suite & ces évolutions, nous avions pu
convainere Fqih Basri de quitter le
Maroc, afin de ne pas tomber entre les
mains de la police et d'avoir la possibi-
lité de retourner au pays A tout moment.
J'ai rendu visite 4 Mehdi Ben Barka
pendant cette période chez lui, a
Geneve, avee Mohamed Elyazghi. 11
s'est déclaré prét a accepter les pro-
positions de Hassan Il et a rentrer au
Maroc. Mais & condition d'opérer des
changements en vue d'instaurer un
systtme démocratique régi par des ins-
titutions. La vision de Mehdi était glo-
bale, od la relation avec l'Algérie oceu-
pail une place importante dans tout
changement possible. Aussi n'avait-il
pas complétement rompu avec Houari
Boumediene, ce qui était pour moi
sujet a réserve.
La phrase de Bouabid
Ben Barka décida de différer son retour
au Maroc jusau'aprés la Conférence des
pays non-alignés et la réunion de Ia Tri-
continentale (Afrique, Asie et Amérique
latine) qui devait se tenir & La Havane.
En tant que président du Comité prépara-
toire de cette Conférence internationale,
il déployait des efforts considérables pour
amener les grands pays d' Amérique latine &
adhérer a ce Mouvement, qui, a coté du Bloc
de Ouest (capitaliste) et de celui de l'Est
(socialiste), représentait une troisiéme
coalition mondiale, »
‘Zamane--Février 2024-49Ce réle de premier plan dans ce Mou-
vement, ainsi que son soutien absolu a
Ia lutte du peuple palestinien contre l'entité
sioniste, usurpatrice et raciste, ont valu a
feu Mehdi de figurer sur la liste des ennemis
majeurs de Vimpérialisme et du sionisme.
L’Afrique ot se déployait un formidable
mouvement de libération des colonialismes
européens était dans le point de mire de lim-
périalisme, comme Vatteste entre autres, la
liquidation du congolais Patrice Lumumba,
Le coup Etat de juin 1965 en Algérie confir-
mait aussi le fait que les mouvements de
libération nationale africains étaient désor-
mais une cible. Pour moi, ce coup d’Etat
fut également une occasion pour le régime
de Hassan II de rompre son isolement et de
reprendre l'initiative, pour poursuivre sa
politique d’antan. TI aura méme Vaudace
Ge faire assassiner un leader de dimen-
sion internationale, Mehdi Ben Barka,
A ce propos, des précisions sont indispen.
sables pour établir la vérité historique. Les
versions relatives & la liquidation de Mehdi
°
FaihBasri
>
y
Ben Barka sont nombreuses. Elles mettent
Yaccent sur le fait qu'Oufkir et Dlimi ont été
4 Vorigine du processus d'assassinat mis en
place par des puissances internationales, cat
Ben Barka était une source majeure de tracas
our elles. En fait, ilest inconeevable qu’Ouf-
keir puisse perpétrer un grave erime interaa-
tional de cette ampleur et selon ces spécifici-
tés, de son propre chet.
irn’était qu'un simple instrument d'exé-
En admettant la version qui en fait
le veritable acteur de cet acte, en termes de
décision, de planification et de mise en ceuvre,
pourquoi n’a-t-il pas été remis a la justice
francaise aprés avoir été condamné a perpé-
tuité? Pourquoi n’a-til pas été puni ou juge
par Hassan IL? Sil avait agi en dehors de la
volonté et des ordres du régime, pourquoi ce
dernier lui assura-t- une totale protection,
en sacrifiant les relations solides qu'il avait
nouges avec des puissances internationales ?
La nouvelle de I'enlevement et de assassi-
nat de Ben Barka fat un coup de tonnerre.
Une atmosphere sombre gagna opinion
Le Bagne de Tazmammart
et la détention politique au
Parlement
««Savais requ, par lintermédiaire dels cama
‘ade Nezha Alaoul, les épouses des officers
Saleh Hachad et Mohamed Ras, quime
présentérent un dossier de 27/28 détenus de
cette horrible prison secréte, Is yavsient été
jetés dans des cellules sombres et froides,
‘comme des tombes,isolés totalement de
leur famille et du reste dumonde, privés de
soins et de nourrture convenable, .Cétaient
es laissés pour compte, soumis une mort
lente, extrémement barbare.
Les deux dames me demandérent de faire
quelque chose avant quilne scit trop tard.
Bien évidemment, pour moi, ce dossier était
priortaire. Je ai soumis 3 mes amis parle-
‘mentaires de 'USFP. du Plet du PPS, en vue
delesoulever par une question commune au
mministere dea Justice, Je croysis que mes
collégues alaient méme exposer le dossier 8
autres forces politiques du pariement, ne
serait-ce que pour les mettre dans lembarras.
50 -Pevrier2024-Zamane
Mais ils étaient pas enthousiastes 3
aller porter cette question au parlement.
Certain mont dt que le moment nétait
as appropri, etimant qu'une tellebataille
‘ransgresserat ls lignes rouges, et pré-
{eraient une position waisonnablen. Mais
lesréserves, voir fopposition de certains
‘membres dela rédaction c «Anouals (journal
de OADP, parti dirigé par Bensaid, nd), crei-
_gnant la suspension oullasaisie dujournal,
‘comme représalls, me frent plus mal.
En dépit de cela ji posé personnellement a
Question
Hassan tl comprit le message. Contrairement
‘aux prévisions de ceux qui avaientexprimé
‘eur peur, il gracia les reclus de Tazmammart
et certains exis, surtout que les pressions
extérieures sétalent intensifiées contre le r&-
‘ime, 3 cause de ce centre de détention, Des
‘personnalités étaient intervenues, comme
"épouse du président frangals, Danielle
Mitterrand. Le septembre 1981, a ferme=
ture de ce centre dela honte fut annoncée,
‘Malheureuserment,ilnen fut pas deméme
pour le dossier de la détention politique, qui
‘connaitra autres chapitres..
Surle sujet des déterus politiques, jai di
faire face, seul, aux pressions du régime,
Lorsque Hassan recut es leaders dela
Koutla, j'ai soulevs le dossier, alors que le
Maroc était secoue par les échas du livre
«Notre amile roivde Gilles Perrault. En
réponse, ila a libération des détenus poli:
tiques la question du Sahara marocain, me
dlisant que ceux qui avaient une position pos-
tive, comme Anis Balafr) et ses amis, avaient
été libérés. Mais pour libérer Serfaty i faut
4uil change. Je mapprétais 8 réagir. quand
Abderrahim Bouabid intervint qualifant
Serfaty de afanatiques,
Jallas ire & Hassan Il quila proclamé que
«lapatrie est miséricordieuse», pour des genspublique marocaine et Ittihadie choquée. g de Mebdi Ben Barka"), aucune réaction a la
Ce crime a porté un coup sévere a 'UNFP. Lesfurursélémentsdy mesure du drame
A part la phrase d’Abderrahim Bouabid Polisarioontiongtemps avait que quelques déclarations timides
‘a 616 enregistrée. 11 n'
("Entre nous et Hassan II, ily a la dépouille Boyélagauchemarocaine. et un silence suspect, notamment de
ui ont porté les armes contre le Maroc, leur
permettant dy retourner.Pourquot ne pas,
enfaire bénéficier dautres, qui rfavaient fit
{uiexprimer paciiquement leur opinion, un
droit qu‘on ne peut dénier?
Avant a terue dela session extraordinaire du
parlement, Hassan Il menvoya le ministre de
Tintérleur,Driss Basr, pour me transmettre
lemessage suivant :«llne faut pas soulever
la question des déterus politiques '.Je ui a
ddemandé pourquoi. me répondit que est
lavolonté du ro, Alorsje ia it: «Puisque
vous déclorez que vous étes démocrates,
Jaile droit de soulever i question dans le
‘cadre du respect de [opinion divergente, et
ccest dans linterét du rofet du pays quenous
soyons les premiers 3 évoquer la question, au
lieu que cela vienne de fextérieur..
Dans ce méme contexte, Ahmed Osman
rnvenvoya son directeur de cabinet, pour me
‘ransmettrela méme requéte!
Lors de ladite session je pris a parole pour
réclamer la nécessité de mettre fin au dossier
des détenus politiques, afin de ne pas lasser
Topportunitéa autres partis de Fexploiter
contre notre pays. L3,intervint Aimed Alzoul
Pour me dire que cette question n'était pas
'3ordre du jour. Je lui al demande de ne pas
rinterrompre, et quesil voulait intervenir,
iinavait qu’s demander la parole au pré-
sident de la séance. J'i voulu reprendremon
Intervention, maisilme coupa 8 nouveau la
parole. Alorslesreprésentants del'USFPet _Arafalors de son intronisation ale place de
‘du PI réagirent enlui demandant dese aire! Mohammed V sa collaboration avec le pro-
Devant son insistance, je uiai dit: «Stu tectorat, ses positions en faveurdu camp
re tetais pas, je connais des choses 8 ton __ dominant, selon sesintéréts personnels,
sujet, queje peuxdire...etcelsnetepleira £1963 dés8, AbdellatifBenjelloun et Me
Certainement pas..».Etjemesuistourné Ther, représentants de TUNFP auparlement,
vers Ahmed Osman, lui disant : «Quidinige la _avaient évoque ce télégramme, lors du dépot
séance ? Cest vous ou Ahmed Alaoui7. dela motion de censure, mettant.A. Alaoul
En fait, jallais rappeler a Ahmed Alaoui dans fembarras».D
le télégramme quit avaitenvoyé & Ben
Zamane-Févricr2024-51Ja part de "UMT qui n'a pas réagi, ni a
Ia liquidation de Ben Barka, ni apres
les événements sanglants de mars 1965, ni
lorsque le parti fut réprimé par le régime.
Par contre, 'opinion publique frangaise a
exprimé sa grande colére devant le crime com-
mis sur le sol francais, comme en témoignent
les gros titres de la presse qui ont traduit la
terrible secousse provoquée par l'assassinat
Bensaid dans son fe,
CChtouka lt Baha.
libérer Te Sahara des mains des Espagnols et
de le réintégrer a la mére-patrie. I aspirait &
faire quelque chose et était prét a se tenir aux
cotés de Tarmée royale, sile régime marocain
envisageait d'entrer directement en coaflit
avec I'Espagne pour la ibération du Sahara
‘marocain, en mobilisant la jeunesse des pro-
vinces du sud.
Nous nous étions convenus de nous revoir
AU MILIEU DES ANNEES 1970, EL OUALI MUSTAPHA
SAYED ME RENDIT VISITE CHEZ MOI A PARIS. NOTRE DISCUSSION PORTA
SUR LE PROBLEME DU SAHARA MAROCAIN
de opposant marocain. Nous avons participé
exposition organisée par Hamid Berrada a
Ja Maison du Maroc a Paris en France. Il y a
présenté des photos de tous ceux quis'étaient
‘compromis dans l'assassinat de Mehdi Ben-
barka, les Marocains, & leur téte Oufkir et
Dlimi, les Francais et les agents du Mossad
israélien. Le dossier du martyr n'a, ace jour,
jamais été éclairci..
Création du Polisario
Au milieu des années 1970, Fl Quali Mustapha
Sayed me rendit visite chez moi a Paris, en
compagnie de Mohamed Horma Bahi. Notre
discussion porta sur le probléme du Sahara
marocain et sur la nécessité de lui trouver une
issue, car cette époque le probléme du sépa-
ratisme n’était nullement posé. Je Tui ai fait
savoir que nous étions préts Paider, lui et ses
‘camarades, par les moyens nécessaires pour
52. Février2024-Zamane
oo
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