MEDITATIONS
L’Eglise, Corps Mystique du Christ
               Quand le Christ, après avoir rempli sa mission ici-bas, a privé les hommes de sa
        présence sensible au jour de l’Ascension, il leur a laissé l'Église pour continuer en leurs âmes,
        jusqu’à la fin des temps, son œuvre de sanctification, et former en elle le royaume des Enfants
        de Dieu.
               C’est la raison pour laquelle le Christ ne peut se concevoir sans l'Église : au fond
        de toute sa vie, de tous ses actes, Jésus a en vue la gloire de son Père ; mais le chef-
        d’œuvre par lequel il doit procurer cette gloire, c’est l'Église. Le Christ vient sur la terre
        pour créer et constituer l'Église : c’est l’œuvre à laquelle aboutit toute son existence et qu’il
        affermit par sa passion et sa mort. L’amour de son Père a conduit le Christ sur la montagne du
        Calvaire, mais c’était pour y former l'Église et faire d’elle, en la purifiant par amour dans son
        sang divin, une épouse sans tache et immaculée.
               Aussi désormais, personne ne va au Christ que par l'Église : nous n’appartenons au
        Christ que si nous appartenons, de fait ou de désir, à l'Église ; nous ne vivons de la vie du
        Christ que dans l’unité de l'Église. C’est par l'Église que se réalise le mystère de notre
        incorporation au Christ, qui l’a lui-même établie comme la dépositaire authentique de sa
        doctrine et de sa loi, comme la dispensatrice de ses grâces parmi les hommes.
        L'Église est tellement unie au Christ, elle possède tellement l’abondance de ses richesses,
        qu’on peut dire qu’elle est le Christ vivant à travers les siècles.
                Or une image qui revient fréquemment sous la plume de Saint Paul -image expressive
        et profonde car elle exprime les relations intimes qui existent entre le Christ et l'Église- est
        celle qui nous présente l'Église comme un corps dont le Christ est la tête :
                Nous formons avec le Christ, un corps qui va se développant et doit atteindre sa
        pleine perfection.
                Il ne s’agit évidemment pas du corps physique du Christ, né de la Vierge Marie :
        depuis le jour où il est sorti vivant et glorieux du tombeau, le corps du Christ n’est plus
        susceptible d’accroissement. Il possède désormais la plénitude de perfection qui lui revient.
        Mais, dit Saint Paul, il y a un autre corps que le Christ se façonne au cours des siècles : ce
        corps c’est l'Église ; ce sont les âmes qui, par la grâce, vivent de la vie du Christ. Elles
        constituent toutes, avec le Christ, un seul corps, un corps mystique dont le Christ est la tête.
        Cette idée est très chère à Saint Paul, qui la met en relief en comparant l’union du Christ et de
        l'Église à celle qui existe dans l’organisme humain entre la tête et le corps : De même que
        dans un seul corps nous avons plusieurs membres, ainsi nous formons, malgré notre nombre,
        un seul corps dans le Christ (Rm 12, 4-5). Et dans une autre épître : L'Église est le corps et le
        Christ est la tête (1 Co 12,12).
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                L'Église constitue donc, avec le Christ, un seul être. Selon la belle parole de Saint
        Augustin, écho fidèle de Saint Paul, le Christ ne peut se concevoir pleinement sans l'Église :
        ils sont inséparables, comme la tête est inséparable du corps. Le Christ et son Église forment
        un seul être collectif, le Christ total : Le Christ total est constitué d’un corps et d’une tête : La
        tête c’est le Fils unique de Dieu et son corps, c’est l'Église (De unitate Ecclesiæ 4).
                 Et si le Christ est la tête de l'Église, c’est parce qu’il a reçu la plénitude de la grâce,
        non pas seulement à titre individuel, mais en tant que chef de l'Église : S’il vient parmi nous
        et s’il prend place parmi les enfants des hommes, le Fils de Dieu s’y tient en qualité de chef
        qui représente, qui récapitule toute l’humanité en l’unifiant en son unique personne. C’est en
        ce sens qu’il peut être dit le nouvel Adam : Il est le jeune chef de cette deuxième création et
        forme avec les baptisés cet unique corps dont il est la tête et auquel il communique une vie
        commune, sa vie même de Dieu, sa vie éternelle.
                 Et cette union entre le Christ et ses membres est telle qu’elle va jusqu’à l’unité :
        Toucher à l'Église, aux âmes qui, par le baptême et leur vie de grâce, sont les membres
        de l'Église, c’est toucher au Christ lui-même.
                 Aussi quand Saint Paul persécute l'Église en emprisonnant les chrétiens, il entend sur
        la route de Damas une voix qui demande : « Saul, pourquoi me persécutes-tu ? ». Il
        répond : « Qui êtes-vous Seigneur ? ». Et le Seigneur lui dit : « Je suis Jésus que tu
        persécutes. ». Le Christ ne dit pas : « Pourquoi persécutes-tu mes disciples ? », ce qu’il aurait
        pu dire avec autant de vérité, puisque lui-même était déjà remonté au Ciel et que Saint Paul ne
        recherchait que les chrétiens ; mais il dit « Pourquoi me persécutes-tu ? (…) Je suis Jésus que
        tu persécutes. ».
                 Or si Jésus parle de la sorte, c’est bien parce que ses disciples lui appartiennent en
        propre ; parce que leur société forme son corps mystique. Aussi persécuter les âmes qui
        croient en Jésus-Christ, c’est persécuter le Christ lui-même.
                 « Félicitons-nous, répandons-nous en action de grâces, s’écrie Saint Augustin, nous
        sommes devenus non seulement chrétiens, mais le Christ. Comprenez-vous, mes frères, la
        grâce de Dieu sur nous ? Admirons, tressaillons d’allégresse, nous sommes devenus le
        Christ ; lui, la tête, nous les membres ; l’homme total, lui et nous. Qu’est-ce que la tête et
        quels sont les membres ? Le Christ et l'Église. Prétention d’un orgueil insensé, si le Christ
        lui-même n’avait daigné nous promettre cette gloire, quand par la bouche de son apôtre Saint
        Paul, il a dit : Vous êtes le corps du Christ et ses membres. » (Jean 21, 8-9)
                Dès lors, on peut dire que l'Église est la figure terrestre de l'amour du Christ. Et ceci
        parce que cet amour est le principe même de la vie de l'Église. L'unité des chrétiens découle
        d'une unité d'être et de vie, qui est la vie même de Dieu communiquée par le Christ.
        « Seule l'Église, en effet, peut procurer aux personnes une unité d'être, de vie et d'amour,
        comme celle qui unit les Personnes divines, car, seule elle a pour principe constitutif, pour
        fondement essentiel de son unité, une personne vivante : le fils de Dieu fait homme, Jésus-
        Christ ; seule également elle a pour principe constituant pour facteur de cette unité, une
        autre personne vivante : l'Amour substantiel, l'Esprit de Dieu » (Dom Charles Massabki, Le
        Christ, rencontre de deux amours, Ed. De la Source).
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                Cet amour s'exprime dans le Corps mystique du Christ sous plusieurs formes. D'abord
        par la vie liturgique et sacramentelle de l'Église qui une perpétuelle continuation de la vie du
        Sauveur. « L'Église, dans sa vie hiératique, reproduit les états du Dieu incarné : avant d'être
        imités par les âmes individuelles, les états du Christ sont signifiés et reproduits par les
        sacrements et la liturgie. Les grâces d'oraison et les états mystiquesnt leur type et leur source
        dans la vie hiératique de lll'Eglisesont une réfraction, dans les membres, de l'image du Christ
        qui est parfaite dans le corps » (Humbert Clérissac, le Mystère de l'Église, Dismas). Il
        s'exprime aussi par la charité qui unit ainsi tous ses membres et qui rejaillit sur l'humanité
        toute entière : « Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui; si un membre
        est honoré, tous les membres s'en réjouissent avec lui. Vous êtes le corps du Christ, et vous
        êtes ses membres, chacun pour sa part. Dieu a établi dans l'Église premièrement des apôtres,
        secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont les dons (de
        faire des miracles), de guérir, d'assister, de gouverner, de parler diverses langues. » (1 Co,
        12 25-27)
                Cette charité n'est pas exclusive et s'étend à tous les hommes. Le Pape Pie XII nous
        rappelait ainsi, en pleine guerre mondiale, la largeur de l'amour de Dieu : « Le véritable
        amour de l'Église exige donc non seulement que nous soyons dans le Corps lui-même
        membres les uns des autres, pleins de mutuelle sollicitude, membres qui doivent se réjouir
        quand un autre membre est à l'honneur et souffrir avec lui quand il souffre ; mais il exige
        aussi que, dans les autres hommes non encore unis avec nous dans le Corps de l'Église, nous
        sachions reconnaître des frères du Christ selon la chair, appelés avec nous au même salut
        éternel. Sans doute il ne manque pas de gens, hélas ! aujourd'hui surtout, qui vantent
        orgueilleusement la lutte, la haine et la jalousie comme moyens de soulever, d'exalter la
        dignité et la force de l'homme. Mais nous, qui discernons avec douleur les fruits lamentables
        de cette doctrine, suivons notre Roi pacifique, qui nous a enseigné non seulement à aimer
        ceux qui n'appartiennent pas à la même nation ou à la même origine, mais à chérir nos
        ennemis eux-mêmes. L'âme pénétrée de la suave doctrine de l'Apôtre des Nations, célébrons
        avec lui la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur de l'amour du Christ ; amour que
        la diversité de peuples ou de mœurs ne peut briser, que l'immense étendue de l'océan ne peut
        diminuer, que les guerres enfin, entreprises pour une cause juste ou injuste, ne peuvent
        désagréger. »
               Aussi, remercions Notre-Seigneur de nous associer ainsi à sa propre vie et soyons dès
        lors non pas des membres qui se condamnent, par le péché, à devenir des membres morts,
        mais soyons plutôt par la grâce qui vient de lui, par nos vertus modelées sur les siennes, par
        notre sainteté qui n’est qu’une participation à la sienne, des membres pleins de vie et de
        beauté surnaturelle, des membres dont le Christ puisse se glorifier, des membres qui fassent
        dignement partie de cette société qu’il a voulue « sans ride, ni tache, mais sainte et
        immaculée ».
               Écoutons encore le Pape Pie XII dans sa conclusion de l'Encyclique Mystici Corporis
        Christi : « Supplions donc la très sainte Mère de tous les membres du Christ, au Cœur
        immaculé de laquelle Nous avons consacré avec confiance tous les hommes et qui maintenant
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        au ciel resplendit dans la gloire de son corps et de son âme et règne avec son Fils, de
        multiplier ses instances auprès de lui, pour que les plus abondants ruisseaux de grâces
        découlent sans interruption de la Tête dans tous les membres du Corps mystique et que son
        patronage très efficace protège l'Église aujourd'hui comme jadis et lui obtienne enfin de
        Dieu, ainsi qu'à l'universelle communauté humaine, des temps plus tranquilles. »
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        Bibliographie
        Mystici Corporis Christi, Pie XII, 29 juin 1943
        Le Mystère de l'Église, Humbert Clérissac
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