Modernisation D'exploitation Agricole
Modernisation D'exploitation Agricole
du développement
agricole et rural
des pays ACP
http://spore.cta.int
N°149
numéro hors-série - AOÛT 2011
OCTOBRE-NOVEMBRE 2010
Modernisation
des exploitations agricoles
Les chemins
de la réussite
© G. Stubbs/Africamediaonline.com
Le champ
des possibles
Moderniser l’agriculture, qui les fait vivre et emploie
l’essentiel de leur population, est le défi à relever
© F. Hoogervorst / Panos-Réa
D
ire que la majorité des pays ACP sont des pays d’années, l’essentiel des habitants vivent
essentiellement agricoles semble une évidence. dans les zones rurales, principalement de
Pourtant, jusqu’à une date récente, cette pré- la culture, de l’élevage, ou de quelques
éminence de l’agriculture dans l’économie et activités autres qu’agricoles. Or, la po-
dans la vie sociale de ces pays a été quelque peu occul- pulation africaine va doubler dans les
tée. Gouvernements et bailleurs de fonds s’en sont peu 40 ans à venir et il faudra trouver des
préoccupés, préférant laisser agir un marché mondial emplois aux 10 millions et bientôt
libéralisé. Aujourd’hui, ce secteur revient sur le devant 20 millions de jeunes qui arrivent
de la scène et il lui est beaucoup demandé : assurer chaque année sur le marché du tra-
la souveraineté alimentaire ; employer une population vail. À condition de leur permettre
en croissance rapide, particulièrement en Afrique, et la d’accéder à un certain bien-être,
faire vivre décemment ; exporter pour faire rentrer des de valoriser socialement cette
devises. Pour relever tous ces défis, la préoccupation activité et de mieux s’intégrer
centrale est d’augmenter très fortement la production, dans la vie économique du
donc la productivité, en “modernisant” l’agriculture. pays, l’agriculture restera
Des mutations qui peuvent prendre des formes aussi pour eux un vivier d’em-
variées que le sont les situations de départ, les diversi- plois très important, qu’il
tés géographiques ou les régimes politiques. soit familial ou salarial.
Ces changements d’orientation prennent en compte
les chiffres marquants qui font de l’agriculture le pivot Un secteur
du développement de nombreux pays actuellement et économique clé
pour les décennies à venir. Le secteur agricole emploie C’est aussi un sec-
toujours une large majorité de la population : 63 % teur qui contribue
en Afrique subsaharienne, jusqu’à 83 % en Éthiopie, fortement au PNB,
81 % au Rwanda et encore 78 % au Kenya, selon à hauteur de 30 % Part
les chiffres 2009 de la Banque mondiale. Dans les en moyenne en de l’agriculture
Caraïbes, ce taux est de 60 % en Haïti et seulement Afrique : 44 % au dans le PIB
de 9,8 % à Trinité-et-Tobago, beaucoup plus industria- Mali, mais 7,8 %
0 % 61 %
lisée. Il en est de même dans une grande partie des en Angola, riche
îles du Pacifique, comme au Vanuatu, où l’agriculture en pétrole (cf. carte). En Haïti, il représente 35 % du
occupe 70 % de la population active. PNB, mais seulement 9,8 % aux Fidji. Dans de nom-
Pas de données
Malgré un fort exode rural qui a fait rapidement breux pays, sans ressources minières, les exportations
disponibles
enfler les capitales africaines depuis une trentaine agricoles restent la principale source de devises : Source : Banque mondiale
Sur le marché
de Bujumbura
(Burundi)
est, en Guinée, de 225 $ (158 €), 16 fois inférieur décisions sont prises par le chef de famille… Selon
à celui de l’Afrique du Sud (3 641 $ [2560 €])… et le Réseau des organisations paysannes et de produc-
atteint 77 901 $ (54 700 €) aux États-Unis. Les ren- teurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), en Afrique
dements sont eux deux fois inférieurs à la moyenne ces exploitations familiales, que d’autres appellent
mondiale. Les marges de progrès sont donc énormes… unités de production familiales, produisent avant
tout pour “vivre” plus que pour “vendre”, c’est-à-dire
Les petites exploitations familiales qu’accroître leurs revenus n’est pas la priorité. Il faut
majoritaires aussi assurer la sécurité alimentaire en limitant les
Partout, ce sont les petites exploitations familiales risques, entretenir les relations sociales, sauvegar-
qui dominent et assurent 90 % de la production… der les terres.
Ces exploitations vont de la petite agriculture de De tels objectifs correspondent à des
subsistance, qui nourrit juste la famille et pourvoit modes de vie, mais surtout à des contraintes.
à ses besoins de base, à de petites agro-entreprises Majoritairement, les fermes sont de petite
insérées dans des circuits commerciaux qui font taille, souvent moins de 2 ha, qui ne procurent
parfois appel à des salariés. Leur caractéristique qu’un faible revenu et où il est dangereux de
commune est qu’activités économiques et structure miser sur une seule culture. Les producteurs
ne disposent que de quelques
La croissance agricole a augmenté outils aratoires simples, mais
interview
Nicolas Bricas
sur les marchés des villes majoritairement toucher autant les producteurs agricoles producteurs peuvent parfois le faire mais
constitués de produits locaux, contraire- et les transformateurs que les acheteurs. c’est souvent difficile.
ment à des idées souvent répandues. Le développement d’une classe moyenne Le développement des supermarchés
attirée par des produits faciles d’emploi, risque de précipiter cette concentration
Quel rôle joue la demande des
disponibles toute l’année et de qualité ré- et de laisser de côté les petits exploitants
consommateurs urbains dans la
gulière pousse au développement d’entre- qui ne pourront pas investir pour respecter
commercialisation et la transformation
prises agroalimentaires plus modernes. les normes requises par les distributeurs.
des produits agricoles ?
Cette volonté de rationaliser la commer-
Le secteur agroalimentaire est la courroie Quels sont les effets de la modernisation
cialisation menace de nombreux emplois
de transmission entre la production agri- du secteur agroalimentaire et
dans la vente et dans la production agri-
cole et la consommation. Il permet d’adap- de la commercialisation sur
cole. Une évolution trop rapide risque de
ter l’offre agricole à la demande et de la celle de l’agriculture ?
faire de gros dégâts. En Europe, elle a pris
valoriser. Les petites et moyennes entreprises agroa-
des décennies…
C’est un secteur dans lequel les femmes limentaires qui se multiplient – de cinq pe-
se sont investies pour proposer des pro- tites minoteries de mil en 1990, le Sénégal Les marchés intérieurs africains
duits transformés tels que les huiles, les en est à 50 – veulent répondre à ces be- attirent-ils des investisseurs
semoules, les produits séchés, fermen- soins des consommateurs, remplaçant la comme les terres agricoles ?
tés. En Afrique de l’Ouest, ce sont géné- vendeuse du marché dont on connaissait Oui, la valorisation et la distribution des
ralement de toutes petites entreprises. bien le produit et son origine. Elles de- produits locaux à destination des marchés
Certaines femmes cependant investissent viennent exigeantes pour assurer la régu- locaux apparaissent comme un créneau
pour proposer des produits emballés, par larité et la qualité de leurs productions. rentable pour des investisseurs, locaux
exemple. Mais la faiblesse du pouvoir Les agriculteurs ont un cahier des charges comme étrangers. Mais il n’est pas évident
d’achat des citadins paupérisés et sans précis ou signent un contrat d’achat avec que ces industries génèrent plus d’emplois
emploi limite les débouchés des industries les grosses entreprises. Des contraintes in- qu’elles n’en suppriment. Les enjeux ne
agroalimentaires. Ils ont du mal à payer surmontables pour les petits agriculteurs sont donc pas seulement de produire plus
la valeur ajoutée des produits qui en sont qui accélèrent la concentration des exploi- et mieux. Ils sont aussi de gérer le rythme
issus. C’est donc un cercle vertueux de mo- tations agricoles. Ils doivent se moderni- de l’industrialisation qui s’opère en fonc-
dernisation qu’il faut engendrer, qui doit ser pour y répondre. Des organisations de tion des besoins d’emplois.
Des politiques agricoles cohérentes sont pas suffisants pour enclencher une
véritable modernisation de l’agriculture
et structurées sont indispensables qui permette aux ruraux de vivre correc-
Petit exploitant
deviendra grand
Une multitude de petites exploitations, quelques
entreprises agricoles et de puissantes sociétés
© A.-B. Twizeyimana
I
ngénieux, inventifs, courageux, travailleurs, les
agriculteurs et surtout les agricultrices des pays
ACP ne manquent ni de qualités, ni d’atouts. Ils
ont su le prouver durant les dernières décennies.
Cependant, malgré leurs efforts, ces millions de petits
agriculteurs restent pauvres, voire très pauvres. Selon
l’étude RuralStruc, en Afrique, 75 % des ménages in-
terrogés gagnent en moyenne moins de deux dollars
par personne et par jour. Au Mali, ils sont même près
de 90 %. De quoi juste assurer leurs besoins primaires,
à peine de quoi se nourrir parfois. En dépit du nombre
de personnes qu’elles font travailler, ces petites exploi-
tations familiales n’arrivent pas non plus à assurer la
sécurité alimentaire de leurs pays, en Afrique comme
© IFAD/R. Ramasomanana
aux Caraïbes et dans les îles du Pacifique. Elles ne
peuvent non plus créer des richesses suffisantes pour
se développer.
Tout le monde s’accorde ainsi à dire que la “moder-
nisation” de ces agricultures est urgente et indispen-
sable, inéluctable disent d’autres. Mais tous ne l’en-
tendent pas de la même façon. Certains y voient une Un agriculteur
sur son tracteur
évolution de l’agriculture de subsistance vers l’agricul- particulier africaines, est une intéressante opportunité
au village
ture commerciale, d’autres l’implantation de grandes de modernisation rapide de leur agriculture et de sécu- de Vohitranivona
entreprises agricoles fortement mécanisées employant rité alimentaire pour leur population. L’Éthiopie a ainsi (Madagascar)
une main-d’œuvre abondante. Ces deux visions s’af- déjà loué plus de 600 000 ha de terres à des investis-
frontent ou se superposent au sein d’un même pays, seurs étrangers qui financent quelque 800 projets agri-
donnant des évolutions contrastées. Entre la toute coles. Le gouvernement de ce pays espère ainsi nourrir
petite exploitation familiale qui peine à survivre et les sa population et insuffler un vent de modernisation
énormes exploitations commerciales de plusieurs mil- chez les agriculteurs locaux.
liers d’hectares, la gamme est large et les formes de Tout récemment, certains pays des Caraïbes, très
modernisation variées. dépendants des importations alimentaires, ont décidé
d’ouvrir leurs terres aux investisseurs pour mettre en
L’exemple des investisseurs étrangers ? place de grandes entreprises agricoles.
Certains pays estiment que l’arrivée massive d’inves- La productivité des terres gérées par ces entreprises
tisseurs étrangers attirés par les réserves foncières, en qui ont les moyens d’investir est forte, souvent sans
placées et y ont investi pour répondre aux besoins permet ces évolutions. Car l’investissement de départ
des marchés proches ou lointains. Le plus souvent, est le premier obstacle auquel se heurtent les exploi-
elles sont situées à la périphérie des villes qu’elles ap- tants ; l’accès au crédit est donc souvent la condition
provisionnent en fruits, en légumes, voire en volailles. initiale d’une modernisation pour acheter des terres,
Au Bénin, par exemple, les agents de l’administration du matériel, des intrants, des semences améliorées…
et hommes d’affaires achètent couramment des terres (cf. partie 3).
pour produire du bois de teck ou des fruits et plus ré- En République démocratique du Congo, les petits
cemment des produits d’exportation comme l’ananas. maraîchers de cinq grandes villes qui manquaient de
Cependant, de petites exploitations familiales arri-
vent aussi à grandir et se moderniser. Même si elles Production et commercialisation
sont encore très minoritaires, elles sont des exemples
à suivre pour les autres. C’est le cas de Korka Diaw, une
vont de pair
petite rizicultrice sénégalaise de la vallée du fleuve, crédits abordables, d’eau et de semences de qualité
qui a mis toute son énergie à étendre son exploitation ont ainsi été aidés par un programme de la FAO. En
par l’acquisition de terres. Grâce à l’appui du minis- quelques années, leurs revenus ont quadruplé et ils
tère de la Femme et de l’Entreprenariat féminin, elle a produisent plus de 500 000 t de légumineuses et de
aussi créé deux puis trois petites rizeries pour décorti- légumes améliorant très nettement l’approvisionne-
quer le paddy. Aujourd’hui, elle emploie une vingtaine ment de ces villes et le régime alimentaire de leurs
d’ouvriers, dont huit femmes, et participe aux grandes habitants.
foires agricoles du pays. Dans le nord-ouest du Cameroun, NOWEFOR, une
Souvent c’est le coup de pouce d’un projet ou l’orga- fédération d’unions de groupes d’initiatives com-
nisation collective en groupements de producteurs qui munes (GIC) qui compte plus de 1 500 paysannes
[ reportage ]
activités. Elle s’est l’élevage commercial. L’offre s’élevait
livrée, seule, à un à un million de shillings ougandais
travail acharné, (UGX) (294 €) et Allen devait rembourser
qui a porté ses 700 000 UGX (206 €) en 12 mois. “J’aurais
fruits : elle possède pu rembourser l’argent en un an, mais
aujourd’hui le NAADS a été si satisfait de mes progrès
500 poules qu’il m’a demandé de continuer à
pondeuses, une exploiter le capital”, dit-elle. Allen a
bananeraie modèle alors vendu les 200 poulets de chair
et un champ de d’origine et en a racheté 300. Avec les
manguiers. La recettes provenant des bananes et du
superficie totale de café, elle a acheté 350 poules pondeuses.
son exploitation Rapidement, Allen s’est lancée dans
© A. Nabwowe
récolte
douces et de manioc. “Ils ont cru en moi investi 30 millions UGX (8 811 €) dans
et m’ont proposé de suivre une formation une plantation de près de 14 ha. “Les
au siège du sous-comté pour apprendre mangues sont pour moi une source
Il y a moins de cinq ans, Allen Kitooke, l’agriculture et l’aviculture sur une base d’avenir”, affirme-t-elle, confiante.
45 ans, se lança dans l’élevage de commerciale”, explique Allen Kitooke. Allen est aujourd’hui le plus important
volaille, avec seulement 10 poulets. Le NAADS a demandé à Allen de vendeur d’œufs de la région et le
Aujourd’hui, elle est connue dans tout construire un abri pour ses volailles, principal fournisseur de plants de
le sous-comté de Busukuma, district de en échange d’un crédit (200 poulets bananiers. Elle a également investi dans
Wakiso, en Ouganda, et a diversifié ses de chair) pour l’aider à se lancer dans l’élevage à petite échelle. Agriculture et
créer des consortiums d’incubateurs d’entreprises dans une filière spécifique. Cette approche a déjà
agricoles pour favoriser l’apparition de petites ou bénéficié à environ 60 000 exploitants, dont beau-
moyennes entreprises agro-commerciales compéti- coup de femmes en Afrique de l’Ouest, et s’étend en
tives : expertises d’étudiants diplômés spécialisés en République démocratique du Congo.
agrobusiness, services pour favoriser leur démarrage, Au Ghana, c’est la filière du poivre à Tamale, dans la
repérage des marchés… Les premiers pays concernés région Nord, et celle du maïs à Wench, dans la région
sont le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana, le Kenya, le Brong Ahafo, qui ont fait l’objet d’une concertation
Mali, le Mozambique, la Tanzanie, l’Ouganda et la entre tous les acteurs afin de développer des pôles
Zambie. locaux d’entreprises agricoles sur ces deux produits.
Les initiatives de ce type se multiplient même si
Incubateurs d’entreprises elles ne touchent pour l’instant qu’une infime partie
Depuis quelques années, le Centre international de des exploitants. Elles visent aussi un effet d’entraîne-
développement des engrais (IFDC) a aussi développé ment pour les autres paysans de la région. Ce qui est
les programmes “Systèmes et entreprises agricoles certain, c’est que la production agricole et l’agroali-
compétitifs” pour intégrer davantage les agriculteurs mentaire sont devenus des secteurs économiques
et les entrepreneurs locaux, les services de dévelop- attractifs où investissent des hommes d’affaires. Mais
pement technique, financier et commercial impliqués le fossé entre ces entreprises agricoles et les petites ex-
ploitations familiales reste énorme.
La vigilance est de rigueur pour que
les gros ne mangent pas les petits,
qui jouent un rôle primordial dans
l’approvisionnement des pays et
dans l’emploi. Pour passer d’initia-
tives individuelles ponctuelles à
des changements collectifs, les gou-
vernements ont un rôle primordial
à jouer pour leur offrir un terreau
favorable.
© N. Ackbarally
Aquaculture
à Maurice
Christian Roko
Du journalisme à l’agriculture
Détermination, formation, réflexion sont les clefs de la
réussite de ce journaliste béninois reconverti en agriculteur
et passionné par ce métier. Encouragé par ses premières
réussites, il a aujourd’hui des plans à long terme pour
moderniser son exploitation et transformer ses produits.
Christian Roko a été
journaliste à l’agence
Il y a deux ans, fruitiers commencent à donner leurs pre- installait ! Nous échangeons nos conseils.
Proximités de Cotonou vous avez quitté miers fruits. Les marchés locaux absorbent Je fais de même avec mes ouvriers agri-
jusqu’en 2010, où il votre métier sans problèmes ces petites quantités ven- coles, d’anciens amis qui ne s’en sortaient
traitait souvent de de journaliste dues aux femmes. Mais je ne compte pas pas sur leurs petites exploitations. Là, ils
sujets agricoles. Depuis,pour devenir en rester là. J’ai en projet de transformer gagnent de l’argent et exploitent de petits
il est agriculteur dans
l’est du Bénin.
agriculteur à mes produits : de fabriquer de l’huile de champs. Je les pousse à voir plus loin.
part entière. palme, des jus de fruits, des biscuits que
Vous ne semblez pas vouloir vous
Un parcours peu courant. Était‑ce je vendrai dans les magasins de Cotonou
arrêter en si bon chemin. Quels
un projet de longue date ? ou exporterai. J’ai déjà été contacté par un
sont vos projets d’avenir ?
Je n’ai pas changé sur un coup de tête. gros commerçant nigérian prêt à m’ache-
Pour l’instant, mon chiffre d’affaires est
Cette reconversion, je la mûrissais depuis ter de l’huile de palme.
encore maigre et je le réinvestis dans
2003, quand j’ai acheté mes quatre pre- Je suis aussi en train de tester des produits
l’exploitation, en particulier pour payer
miers hectares de terre à Ita-Djèbou dans inhabituels pour les Béninois. Un restau-
mes sept ouvriers. Mais il évolue vite. J’ai
le département du Plateau, à 65 km à l’est rant a accepté d’offrir à ses clients de la
l’intention de m’équiper, d’acheter un mo-
de Cotonou. L’agriculture a toujours été grenadine et du jus de fruits de la passion
toculteur et une faucheuse, ce qui me per-
une passion pour moi, dès l’école. Bien que issus de mes arbres.
mettra d’agrandir ma ferme. Mais j’hésite
ni mes parents, ni mes grands-parents ne
à prendre un crédit car c’est un risque et le
soient agriculteurs, ils ont toujours cultivé Votre formation vous a-t-elle
taux d’intérêt de plus de 10 % me semble
eux-mêmes de petits champs. incité à utiliser de nouvelles
très coûteux. D’ailleurs je n’ai jamais pris
Pour moi, il est important d’avoir deux techniques de culture ?
aucun crédit.
cordes à son arc. J’ai donc mené parallè- Grâce à ce que j’ai appris au centre
D’ici deux ou trois ans, quand mes planta-
lement une maîtrise de droit privé à l’uni- Songhaï, j’essaie d’utiliser au maximum
tions actuelles produiront à plein, j’espère
versité et une formation agricole au centre des intrants naturels peu coûteux et qui
avoir une grande plantation mécanisée.
Songhaï, complétée par des stages dans respectent l’environnement. Pour fertiliser
Outre les spéculations actuelles, je plante-
des fermes au Bénin et à l’étranger. les agrumes, je mets du compost ; sur les
rai aussi de l’anacarde et des arbres pour
En 2004, j’ai commencé à planter des pal- palmiers à huile, de l’“engrais végétal”,
le bois. J’ai aussi en projet d’aménager un
miers à huile sélectionnés et des arbres c’est-à-dire des feuilles sèches qui, en se
marécage pour faire de la pisciculture. J’ai
fruitiers – agrumes, manguiers, avoca- décomposant, enrichissent le sol. Je n’uti-
beaucoup d’espoir. Et j’ai 43 ans, il faut
tiers… et entre eux des cultures interca- lise pas de pesticides mais des poudres de
que je songe à me marier…
laires : maïs, manioc, haricots, sésame… nem pour lutter contre les insectes.
Occupé toute la semaine comme journa- Pour accroître la résistance de mes plantes D’autres citadins ont-ils tenté
liste, pendant six ans, je suis venu tra- à la sécheresse, je capte l’eau de ruissel- la même expérience que vous ?
vailler mes champs deux dimanches par lement grâce à des trous que j’aménage Avec quels résultats ?
mois. Peu à peu, avec mes économies et autour des plants. Des jeunes ont essayé de s’installer mais
le soutien de ma famille, j’ai agrandi mon Mes diverses formations m’ont par ailleurs beaucoup n’ont pas tenu le coup et ont
exploitation. Aujourd’hui je cultive 9,5 ha. aidé à acquérir une bonne expérience en arrêté. Ils trouvent le métier trop dur et,
gestion : plan de distribution spatiale, surtout, se heurtent au manque de main-
Comment écoulez-vous vos organisation du travail, suivi des activités, d’œuvre, un très gros problème. Les jeunes
productions ? Qu’envisagez‑vous des coûts… des villages ne veulent plus travailler la
à l’avenir ? J’échange aussi beaucoup avec mes voisins, terre, ils préfèrent trafiquer l’essence avec
Pour l’instant, seuls trois de mes huit hec- des paysans traditionnels venus cultiver ici le Nigeria ou faire le taxi-moto à Cotonou.
tares de palmiers sont en production ; les quand ils ont vu que même un citadin s’y Moi, j’ai la chance d’avoir mes amis.
interview
Respecter Priorité
les petits producteurs à la sécurité
En quoi consiste
l’“agriculture
Que devraient être ces relations
dans un “monde idéal” ?
alimentaire
Les conclusions des études menées par
moderne” selon vous ? Étant les “pères nourriciers” de la
le programme RuralStruc dans sept pays,
D’après moi, nation, les petits producteurs devraient
dont trois en Afrique subsaharienne
l’agriculture moderne être considérés avec le plus grand
Stephen Muchiri est et à Madagascar, entre 2006 et 2010,
directeur exécutif
sous-entend une respect. Les politiques devraient donc
donnent des pistes pour favoriser la
de la Fédération production écologique, favoriser la production, la transformation
transition vers une agriculture moderne,
des agriculteurs de car celle-ci permet et la commercialisation de leurs
l’Afrique de l’Est
moteur de la croissance. Celle-ci doit
d’éviter la pollution des produits. Les agriculteurs devraient être
(EAFF), créée en 2001. ressources naturelles à être essentiellement basée sur les petites
associés aux travaux de la recherche,
En octobre 2010, l’EAFF exploitations, vivier d’emplois pour les
a organisé l’Assemblée
la source. L’agriculture afin d’éviter que ces travaux ne soient
très nombreuses générations montantes.
générale du Forum moderne implique publiés dans le seul but de rendre leurs
Cependant, la pauvreté “structurelle”
panafricain des aussi la promotion de auteurs célèbres. Le gouvernement
agriculteurs (PAFFO).
des agriculteurs africains ne leur donne
politiques adéquates devrait aussi éviter d’importer des biens
aucune capacité d’investissement. Ils
qui profitent au petit exploitant, lui produits dans le pays car cela pénalise
ne peuvent que limiter les risques pour
permettent d’augmenter sa productivité et la production locale et accentue les
assurer leurs besoins essentiels. C’est
sa production grâce aux technologies dont désillusions des agriculteurs en termes
pourquoi assurer leur sécurité alimentaire
il dispose selon la zone climatique où il de production. Cette situation nous
doit être la priorité des politiques,
se trouve. Il s’agit de travailler le sol, en le conduit tout droit au désastre alors que
qui doivent les aider à accroître leurs
préservant pour les générations futures et les niveaux d’insécurité alimentaire sont
productions et à accéder au marché.
en utilisant des pesticides et des engrais de plus en plus élevés.
Conditions nécessaires pour diversifier
sûrs, du fumier, mais aussi de l’énergie
Quels sont les enjeux de la leurs activités et dégager des moyens
verte pour la production.
transition de la petite exploitation afin d’investir dans des productions
Quelles sont les relations entre à l’agriculture commerciale ? commerciales plus rentables.
l’agriculture à petite échelle et Si les petits exploitants passaient Pour favoriser cette transition, RuralStruc
l’agriculture industrielle au Kenya ? à l’exploitation commerciale, cela insiste aussi sur l’importance de
Puisque la plupart des agriculteurs du serait tout à la fois positif et négatif. développer des liens puissants entre
Kenya sont de petits producteurs, les L’impact positif étant qu’ils seraient les petites villes et leur environnement
gros exploitants ont tendance à passer capables de tirer de meilleurs profits rural. Ce qui permet de rapprocher
des contrats avec eux afin d’augmenter de leur production. Cependant, la producteurs et consommateurs, de
leur volume de production à l’export. plupart des exploitants industriels réduire les coûts de transport et
Dans la plupart des cas, les gros pratiquent la monoculture. Cela de limiter la concurrence souvent
exploitants fournissent des intrants menace la biodiversité et la majeure défavorable aux producteurs dans les
(engrais et pesticides), participent partie de la production est destinée capitales. La plus forte proximité entre
au renforcement des capacités de exclusivement au marché européen. ces petites cités et les campagnes donne
production et offrent parfois des Ainsi, le consommateur d’Afrique de aussi la possibilité aux agriculteurs de
semences. Les petits producteurs font l’Est souffrirait gravement de la hausse travailler à la fois dans les champs et en
de leur mieux pour cultiver des produits des prix, car toute la production devrait ville, renforçant le secteur économique
de qualité et les vendre aux gros être réimportée, après transformation à non agricole et permettant un
exploitants pour l’exportation. l’étranger. développement urbain durable.
D
ans la plupart des pays en développement, les être le premier obstacle pour un exploitant souhai-
petits propriétaires représentent plus de la moi- tant développer sa production. La difficulté la plus
tié de la population et les chiffres montrent que souvent évoquée en matière d’entreprenariat est un
leurs exploitations disposent d’opportunités de accès insuffisant aux capitaux, selon la Conférence
croissance considérables. Le rapport sur la pauvreté des Nations unies sur le commerce et le développe-
rurale 2011 du Fonds international de développement ment (CNUCED). Les systèmes bancaires formels se
agricole (FIDA) révèle qu’il existe un “énorme poten- montrent souvent réticents à appuyer les petits entre-
tiel” pour améliorer les revenus dans les zones rurales preneurs ruraux en raison des risques commerciaux
en mobilisant les petits agriculteurs. Mais de quoi un perçus et de l’absence de garanties, un problème
petit producteur a-t-il besoin pour passer de l’agricul- encore plus aigu pour les jeunes et les femmes. Les
ture vivrière à l’agriculture commerciale ? solutions de financement proposées aux petits pro-
Trouver les fonds pour acheter les intrants princi- priétaires agricoles sont souvent trop coûteuses pour
paux comme les engrais et le matériel agricole peut répondre à leurs besoins à moyen et long terme.
BANQUES COMMERCIALES
2972
3000
Nombre
2556 2505 de comptes
2500
bancaires pour
2109 1 000 adultes
2000
dans quelques
pays ACP
1500
1138
1000
839
758
479 461
500 382
333
283 226 187 173 141 116 109 100 94 75 68
0
rt
d -
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167 174
INSTITUTIONS DE MICROFINANCE
150
104 107
97 95 100
100
50
50
34
23
... ... ... ... ... ... ... 8 ... ... ...
4
0
Source : CGAP | © Intactile DESIGN
di
au
un
ss
Ni
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r
retombées. Au Burkina Faso, un pas vers la conserva- d’occupation des terres et l’accès au crédit vont de pair
Bu
ée
in
tion des sols a donné naissance à un réseau de jeunes car les prêts ne sont souvent accordés qu’aux agricul-
Gu
travailleurs journaliers qui vont de village en village teurs possédant des titres de propriété. Plus de 80 %
150 pour creuser des poquets de zaï et construire des murs des terres dans le Sud ne sont pas légalement enre-
et des structures en voûte. gistrées. Certains pays ACP, comme le Burundi et le
Mali, tentent de mieux sécuriser les terres en mettant
100
Gestion des terres et sécurisation foncière en place des commissions de gestion des terres et des
Certains estiment qu’il ne peut pas y avoir de réelle bureaux cadastraux. Le Réseau des femmes rurales
27
50 augmentation de la production sans passer par les productrices (NRWP) de Trinité-et-Tobago est à l’ini-
7
cultures génétiquement modifiées (GM), même si tiative de campagnes visant à s’assurer que les femmes
...
0 cette question continue à susciter des débats hou- puissent également devenir propriétaires de terres et
leux. En mai, le Kenya est devenu le troisième pays à aider ses membres à connaître et faire valoir leurs
d’Afrique subsaharienne (après l’Afrique du Sud et le droits. Même de petites parcelles peuvent être pro-
Burkina Faso) à approuver la plantation commerciale ductives. Dans les Caraïbes, la culture des herbes et
d’OGM. épices s’avère rentable pour un nombre croissant de
Accès à la terre et sécurité foncière influencent la producteurs.
mesure dans laquelle les agriculteurs sont prêts à in- Parmi les technologies et innovations simples
vestir dans la gestion améliorée des terres et à adop- pouvant avoir un impact significatif se trouvent la
ter de nouvelles technologies et innovations. Acquérir construction de puits agricoles, la récupération de
plus de terres en les louant fait souvent partie de la l’eau, l’irrigation au goutte-à-goutte, des calendriers
transition d’une agriculture vivrière à une agriculture de culture adaptés et des stratégies visant à réduire les
commerciale. Il est donc important que les régimes pertes post-récolte. L’utilisation de serres et de cultures
fonciers prévoient ce type d’arrangement. Le mode hydroponiques a permis à certains agriculteurs des
pays ACP de réaliser de bons bénéfices, surtout dans d’éducation ; elles améliorent la distribution, accélèrent
les Caraïbes. La production de tomates hydroponiques le développement des marchés et réseaux commerciaux.
se développe en Côte d’Ivoire, où les bénéfices sont De plus en plus de services offrent des informations en
tels que les agriculteurs remboursent leur investisse- temps réel sur les marchés, de sorte que les agriculteurs
ment en seulement trois mois. Actuellement, moins de reçoivent les cours des denrées et les demandes directe-
1 % des terres agricoles d’Afrique sont labourées au
tracteur et seulement 10 % par des animaux de trait. Les TIC accélèrent le développement
Seulement 7 % des terres arables africaines sont irri-
guées, contre 41 % en Asie du Sud. Selon les experts,
des marchés et réseaux commerciaux
la clé du succès réside dans le choix de technologies ment sur leur téléphone portable. Un programme mis en
adaptées aux conditions locales. Les systèmes d’irriga- place dans le village de Macha, en Zambie, aide les habi-
tion doivent tenir compte des caractéristiques singu- tants des zones rurales à accéder à Internet. Lorsque le
lières des petits propriétaires, notamment la taille des cheptel de Fred Mweetwa, un éleveur local, est tombé
parcelles, le manque de capitaux et la faible tolérance malade, sachant que le vétérinaire le plus proche se
au risque. L’introduction de pompes à pédale dans la trouvait à des centaines de kilomètres, il a utilisé Skype
région semi-aride de Karamoja en Ouganda aide les pour contacter un vétérinaire et sauver ses animaux.
bergers à diversifier les cultures. Dans la région du
Kilimandjaro, en Tanzanie, les agriculteurs qui pei- Marchés et chaînes de valeur
naient autrefois à nourrir leurs familles vendent main- L’implication du secteur privé peut être un puissant
tenant leurs produits sur les marchés locaux, grâce à moteur de croissance, surtout en l’absence de sou-
l’irrigation et l’installation de micro-barrages qui récu- tien du secteur public. La sous-traitance agricole n’est
pèrent les eaux de ruissellement. qu’un des nombreux modèles commerciaux qui per- Nettoyage
d’un canal
Les technologies d’information et de communication mettent aux agriculteurs de bénéficier d’aides en ma- d’irrigation
offrent de réels avantages en matière de formation et tière de production, d’intrants et d’accès au marché. au Guyana
[ reportage ]
agricoles de la Barbade (Barbados patates douces, de tomates et de bananes
Agricultural Development and Marketing vertes. Elle fut ensuite transférée à l’Unité
Corporation, BADMC) à l’élaboration de de transformation agroalimentaire de
sous-produits du manioc. la BADC et travailla à l’élaboration de
À ses débuts, Marion Hart vendait de la ketchups, confitures, gelées, sauces,
nourriture dans la rue à Trinidad, avant pommes de terre frites et galettes. Son
de revenir à sa Barbade natale avec sept activité l’amena à voyager dans la région.
enfants en bas âge qu’elle élevait seule. À l’Institut de recherche industrielle des
En quête d’activités rémunératrices, elle Caraïbes à Trinidad, elle participa à la
proposa son aide à un vendeur ambulant mise au point d’une farine de patate
de jus de fruits et de sandwichs qui douce. Lors d’un atelier à la Grenade, elle
© A. Taitt
© A. Taitt
ajoutée dans le domaine agricole rapporte 30 à ce fruit et de ses sous-produits (savons à la mangue,
80 cents (0,20 à 0,55 €) de revenus supplémentaires papier, boissons et même bijoux).
dans d’autres secteurs de l’économie. De plus en plus De nombreux agriculteurs des régions ACP ont amé-
de petits producteurs des Caraïbes ciblent les touristes lioré leur production et leurs revenus en se diversifiant
et les marchés d’exportation avec des chutneys, des dans plusieurs secteurs, comme les cultures, l’élevage
sauces épicées et des condiments. Nelva Magloire a et la pisciculture (voir reportage ci-dessous). Identifier
créé une petite entreprise de fabrication de chips de et accéder à un marché de niche peut faire toute la dif-
plantain dans la cuisine de sa mère, en Dominique. férence entre gagner modestement sa vie et sortir du
Elle dirige aujourd’hui une unité de transformation à lot, en dégageant des bénéfices suffisants pour planifier
l’échelle commerciale. Le Réseau des femmes produc- et étendre son exploitation. Les fermes de demain ne
trices rurales (NRWP) de Trinité-et-Tobago organise doivent pas obligatoirement être basées sur une agri-
un festival annuel autour des activités conférant de la culture rudimentaire. L’économie rurale non agricole
valeur ajoutée aux produits. L’an dernier, le festival a est un moyen de sortir de la pauvreté, surtout pour les
mis la mangue à l’honneur, avec des démonstrations femmes, et présente des opportunités dans les secteurs
de techniques de transformation et de marketing de du commerce, de l’agroalimentaire, de suite page 24
[ reportage ]
papouasienne Earth and Spirit Products
(ESP) pour fournir un café satisfaisant
aux normes d’une production bio de
haute qualité.
“Ce café est ensuite traité et exporté
vers des marchés certifiés biologiques
en Australie et aux États-Unis”, précise
Mme Fiona Tanner, fondatrice et
directrice générale de la société. En 2010,
© V. Prasad
António Souto
L’agriculture et l’économie
main dans la main
La modernisation du secteur agricole ne se réduit pas à
l’aspect financier. Pour aboutir pleinement, elle doit associer
les petits agriculteurs et leur donner accès aux technologies
Francisco António Souto
et aux marchés. Exemples de réussites au Mozambique
est économiste. Il a été
journaliste économique
sous l’égide de la société d’investissement Gapi-SI.
et a travaillé en tant
que conseiller de la
Qu’est-ce que faut considérer l’agriculture et l’économie de importations, tirant profit des ressources
Fondation Friedrich Ebert. Gapi-SI ? manière globale. On peut parler de moderni- locales, tout en créant des micro-entre-
Depuis 1990, il dirige Gapi-SI est une ins- té lorsque les capacités du secteur commer- prises et des emplois.
l’institution financière de titution financière cial s’articulent avec celles de l’agriculture Un autre exemple de réussite est l’une des
développement Gapi‑SI, de développement familiale, au sein de chaînes de valeur bien organisations coopératives que nous avons
au Mozambique.
(IFD), enregistrée organisées. Pour cela, l’accès à un réseau contribué à créer pour commercialiser les
dans le système bancaire commercial est indispensable, mais produits des paysans – Ikuru. Ikuru, qui
bancaire mozambicain en tant que société insuffisant. Il vise les principaux acteurs fait du commerce équitable et biologique,
d’investissement (SI). C’est une société de la chaîne de valeur. Un réseau d’institu- assure des profits supplémentaires aux
mixte public-privé de développement d’en- tions de microfinance crédibles et durables, producteurs. À Londres, on trouve désor-
treprise. Nos actionnaires sont des investis- proches du marché des petites et micro-en- mais des noix de cajou, des cacahouètes et
seurs qui ont une vision sur le long terme treprises rurales, est également nécessaire. du sésame exportés par des coopératives
et ont investi dans un concept moderne de C’est pourquoi nous sommes impliqués qui représentent environ 10 000 familles
banque pour le développement socio-éco- dans la création d’un réseau d’organisations associées à Ikuru.
nomique. Compte tenu de ses actionnaires, d’épargne et de crédit communautaires, ain-
Quels sont les principaux
Gapi-SI propose, outre ses activités finan- si que de caisses rurales, afin de répondre
obstacles rencontrés ?
cières, des services de soutien au dévelop- aux besoins des petits producteurs.
Au cours de ces dernières années, Gapi-SI a
pement d’entreprises. Nous considérons que
Quels sont les résultats de diversifié ses affaires et consolidé ses résul-
la méthodologie d’intervention holistique
votre approche en faveur tats économiques et financiers. Toutefois,
que nous adoptons est la plus efficace pour
des petits producteurs ? une compréhension limitée de ce qu’est
faire éclore une nouvelle génération d’entre-
Les résultats sont visibles à l’échelle natio- une IFD persiste. Nous devons surmon-
prises. Nous soutenons des projets de start-
nale. Le secteur avicole est désormais dirigé ter cet obstacle en communiquant mieux.
ups, ainsi que des incubateurs d’entreprises
par des entreprises nationales. Il y a dix ans Une partie de la classe politique nationale,
composés de jeunes et œuvrant à la création
de cela, ces entreprises, fragiles, ne dispo- des techniciens et des responsables pen-
d’opportunités d’affaires et d’emplois pour
saient que de petites fermes d’élevage. En sent toujours que les IFD sont des banques
les jeunes.
contrepartie de notre financement, nous d’État qui fonctionneraient comme des dis-
Qu’est-ce que la “modernisation” avons exigé que les propriétaires s’appro- tributeurs d’argent (accordant des crédits
de l’agriculture au Mozambique ? visionnent en matières premières chez en fonction de motivations politiques, sans
La modernisation intègre les différents seg- les producteurs locaux pour la fabrication responsabiliser les emprunteurs). Certains
ments et opérateurs des filières agricoles. d’aliment, tout en leur fournissant des croient qu’il suffit qu’il y ait davantage de
Cette intégration n’est porteuse de moder- poussins d’un jour et des aliments, afin de banques pour que le système financier soit
nité qu’en cas de création de synergies et de faciliter la mise en œuvre d’un réseau de plus efficace. Ils ignorent que la première
valeur entre les parties prenantes. La mo- petits élevages familiaux. Actuellement, étape consiste à promouvoir la solvabilité
dernisation ne peut être perçue d’un seul le pays dépend moins des importations des emprunteurs potentiels. Le manque
point de vue financier. Elle doit impliquer de poulets congelés et des milliers de fa- de ressources humaines expérimentées est
les petits agriculteurs, leur accès aux tech- milles participent à cette filière, assurant également un obstacle. Nos écoles n’offrent
nologies améliorées et aux marchés. ainsi leur survie et contribuant de manière pas encore l’ensemble des compétences
Notre vision entend rompre avec les straté- effective à la sécurité alimentaire du pays. nécessaires pour le développement socio-
gies et concepts de l’économie dualiste. Il Cette industrie a permis de remplacer les économique.
interview
Allister Glean
Qualité et marchés
La TTABA est une force en plein essor dans le secteur
agroalimentaire de Trinité-et-Tobago ; elle offre des services
de conseil et de coordination afin que les producteurs puissent
augmenter leurs marges bénéficiaires. Elle intervient à chaque Allister Glean est directeur
de l’appui institutionnel
étape de la production, y compris l’après-récolte, l’emballage et au sein de l’Association
la commercialisation. Elle veille aussi à la qualité des produits. pour l’industrie
agroalimentaire de Trinité-
En quoi consiste le travail de la TTABA ? pour les entreprises, aussi transformons- par leurs gouver- et-Tobago (TTABA). Celle-ci
a été créée en 2006 par les
À la TTABA, nous concevons notre rôle nous également les produits pour le nements, aussi de- acteurs du secteur privé
comme leader du développement et de la compte d’autres industriels. vons-nous insister agroalimentaire, avec
croissance du secteur agroalimentaire à Mon rôle consiste à travailler avec les pro- sur la qualité et ré- l’aide du gouvernement,
Trinité-et-Tobago, fer de lance d’un pro- ducteurs, les organisations interprofession- pondre également afin d’accélérer le
jet pour modifier et entraîner tout le sec- nelles et les divers acteurs du secteur agroa- aux besoins spéci- développement national
grâce à la croissance
teur. Nous proposons aux agriculteurs des limentaire afin de développer des politiques fiques des consom- durable de ce secteur.
contrats garantis et leur demandons en industrielles et commerciales. Enfin, nous mateurs. Nous met-
www.ttaba.com
retour de suivre des règles de production servons d’organe de coordination. tons l’accent sur la
professionnelles. chaîne de valeur et demandons aux agricul-
Nous nous concentrons fortement sur Comment aidez-vous les paysans à teurs de suivre des méthodes de production
l’agroalimentaire et les activités apportant améliorer la qualité de leurs produits ? de qualité. Parfois, nous les aidons aussi à
de la valeur ajoutée aux produits. Nous sa- Nous sommes au service des paysans par le améliorer la qualité de leurs produits en
vons que les consommateurs recherchent biais de nos agents de vulgarisation. Nous mettant à leur disposition de nouvelles
la commodité. Cette valeur ajoutée aux veillons à ce qu’ils respectent les normes de variétés, mieux adaptées aux conditions
produits peut considérablement augmen- qualité en suivant des procédures appro- locales. Ainsi, nous attendons l’autorisation
ter la consommation d’aliments locaux. priées. Il est difficile de concurrencer les d’importer de Colombie 15 variétés de ma-
Cela vaut pour les particuliers comme producteurs internationaux, subventionnés nioc à haut rendement.
© F. Zvomuya
automatiquement la manière dont cet
équipement fonctionne dans l’étable. Fidelis Zvomuya
Le rôle de la formation est-il important ? projet, pour lequel nous avons œuvré sans Comment fonctionnent les groupements ?
Nous formons les cultivateurs à mieux pro- relâche pour un partenariat public-privé. Les groupements sont composés de paysans
duire, mieux gérer les étapes de l’après-ré- réunis selon leurs besoins. Cela peut être sim-
L’accès au crédit est-il facile ?
colte. Des choses simples comme dire aux plement le partage de techniques ou de res-
L’accès au crédit reste un défi, mais nous
producteurs de laver leurs patates douces sources, y compris la main-d’œuvre, dans un
continuons à rechercher de nouvelles
avant de les vendre pour enlever la terre et domaine où les producteurs travaillent dans
sources. Le gouvernement s’emploie à
les rendre plus attrayantes, car ils croient des conditions similaires, confrontés aux
aider les producteurs et des fonds impor-
à tort que cela les protège. mêmes problèmes. Un groupement, l’asso-
tants ont déjà été alloués par la Banque
Nous les formons aussi à l’utilisation de ciation Rio Claro Farmers, a déjà connu une
de développement agricole de Trinité-et- belle réussite dans la production de manioc et
nouvelles technologies. La TTABA a acquis Tobago. Mais il reste beaucoup à faire en
une planteuse de manioc et une machine à réduit les coûts en partageant financements,
matière de financement ; les agriculteurs équipements et main-d’œuvre. À présent,
récolter que nous louons aux cultivateurs eux-mêmes doivent s’efforcer de trouver c’est l’un des groupements les plus fiables
pour leurs parcelles. À présent, certains de nouvelles sources de financement à avec qui nous avons passé des contrats.
d’entre eux envisagent même d’acheter l’extérieur de la région.
leurs propres machines. Quelles sont les principales
Qu’en est-il de l’accès à la terre ? difficultés pour les agriculteurs ?
Les aidez-vous à trouver C’est un réel problème. Certains paysans Trouver de la main-d’œuvre de qualité est
de nouveaux marchés ? ne sont que locataires des terres qu’ils un vrai défi. D’ailleurs, certains producteurs
Oui, nous essayons d’aider les agricul- cultivent. Néanmoins, depuis le chan- recrutent actuellement de la main-d’œuvre
teurs à trouver des débouchés, ce qui est gement de gouvernement, le ministère dans un programme initialement conçu
vital pour eux. Ils peuvent produire tout ce de la Production alimentaire a multiplié pour l’entretien des routes et canalisations.
qu’ils veulent, mais sans marché ils n’iront les efforts pour offrir aux cultivateurs un Aussi la TTABA travaille-t-elle à introduire
nulle part. Aussi travaillons-nous en étroite accès à la propriété. Mais les démarches un volet agricole à ce programme afin de
collaboration avec la société nationale de peuvent être compliquées ; parfois ils ne former des travailleurs à répondre aux be-
commercialisation agricole. Le ministère disposent pas de toutes les informations soins des agriculteurs. La formation qui a
de la Production alimentaire a beaucoup nécessaires ou ne peuvent pas faire les eu lieu jusqu’ici a d’ailleurs donné de bons
œuvré pour trouver des marchés à l’export démarches. Dans ce cas, la TTABA les résultats. L’association Tableland Pineapple
et nous travaillons avec lui sur un accord aide et nous les encourageons aussi à se Growers va bientôt embaucher environ
pour ravitailler localement une chaîne de porter acquéreurs de grandes parcelles à 300 ouvriers. À long terme, les agriculteurs
fast-food internationale en manioc et pa- cultiver en coopératives. Trois groupes se devront toutefois se tourner vers la main-
tates douces. Nous sommes très fiers de ce sont déjà lancés. d’œuvre étrangère.
interview
Quand l’État soutient Les agriculteurs
l’investissement attendent
Entre 2005 et 2007,
l’État malgache
fin en 2007, tandis que des fonds
demeurent sur le projet. Des résultats
leur heure
a expérimenté la positifs ont été observés : la demande Les systèmes de warrantage ou
bonification de en crédit intrants et équipements a systèmes de certificat d’entrepôt sont
© DR
crédits agricoles, augmenté, les prêts bonifiés ont été conçus pour aider les agriculteurs à
Betty Wampfler est
en partenariat avec bien remboursés, l’IMF a gagné de éviter de vendre leurs récoltes au prix
chercheuse à Mont- une institution nouveaux adhérents ; des équipements le plus bas lorsque l’offre est au plus
pellier SupAgro/UMR de microfinance. agricoles ont été acquis par cette voie. haut. Dans le cadre de ces systèmes, les
MOISA, et associée au Une nouvelle Des limites demeurent. L’appui agriculteurs donnent une partie de leurs
Centre de coopération façon de concevoir technique n’a pas été réalisé, les récoltes comme garantie en échange
internationale en
recherche agrono-
l’intervention de pratiques paysannes ne semblent pas de crédits pour financer le cycle de
mique pour le déve- l’État en matière avoir été durablement modifiées. La production suivant ou pour investir
loppement (CIRAD). d’investissement mise en œuvre du projet par les CECAM dans d’autres activités rémunératrices.
agricole. n’a pas toujours été aisée, l’outil La récolte est généralement stockée
bonification étant difficile à intégrer dans un entrepôt communal ou auprès
Que sont les crédits bonifiés
dans le fonctionnement d’une IMF. d’une organisation de producteurs.
à Madagascar ?
La période de warrantage s’étend
La bonification des taux d’intérêt est un
En quoi cette expérience est‑elle généralement de 3 à 6 mois, entre deux
instrument de politique agricole utilisé
innovante et pourquoi s’y cycles saisonniers.
au Nord pour soutenir l’investissement et
intéresser aujourd’hui ? Ce principe s’applique surtout aux
la modernisation agricoles. Madagascar,
Les États interviennent dans le céréales, même si certaines cultures
avec l’appui de l’UE, puis du Japon, a
financement de l’agriculture de diverses commerciales comme le niébé,
expérimenté cet outil, à travers un projet
manières, par exemple en intervenant l’arachide et certains légumes sont
pilote. Mis en place entre 2005 et 2007
dans la régulation des marchés ou en également entreposées.
dans plusieurs régions de Madagascar, ce
fournissant de l’information sur les Au Niger, où le système est très
projet visait à appuyer l’achat d’intrants
marchés. Avec l’expérience des crédits répandu, l’impact sur les revenus des
et d’équipements agricoles.
bonifiés, l’État malgache est allé plus agriculteurs est significatif. Outre les
L’État intervient en bonifiant les taux
loin, revenant à des outils de type plus répercussions immédiates d’un flux de
des crédits. La bonification bénéficie
“interventionnistes” abandonnés lors trésorerie amélioré, les avantages du
aux emprunteurs sous la forme d’une
des plans d’ajustement structurel. système incluent la réduction du prix
prime, transmise par l’institution de
Un autre apport de cette expérience des matières premières et équipements,
microfinance (IMF) partenaire une fois
est le partenariat public-privé initié grâce aux achats groupés, et des
leur prêt remboursé. À Madagascar c’est
entre l’IMF et l’État pour l’appui à perspectives de valeur ajoutée grâce à
notamment le réseau mutualiste CECAM,
l’agriculture. Les résultats du projet un meilleur stockage. Mais le warrantage
Caisses d’épargne et de crédit agricole,
laissent à penser qu’une extension ne fonctionne que pour les produits
né en 1994, qui a distribué les crédits
de l’expérience pourrait réellement pouvant être stockés sans s’abîmer. Il
bonifiés. L’appui au financement devait
soutenir la modernisation agricole. Cette n’est intéressant que si l’écart entre les
être accompagné de conseil technique.
expérience re-questionne la légitimité prix au moment des récoltes et les prix
Quels ont été les résultats de de l’intervention publique par l’appui à en période de pénurie couvre les coûts
cette opération pilote ? l’investissement agricole, élément clé de d’entreposage et autres frais. La gestion
L’expérience, lancée en 2005, a pris la modernisation de l’agriculture. des stocks doit être rigoureuse.
Créer un terreau
favorable
Les politiques agricoles sont les clés de voûte
© P. Weinberg/Africamediaonline.com
S
eule une volonté politique accompagnée de Communauté caribéenne (CARICOM), Communauté Les politiques
moyens adéquats permettra la modernisation d’Afrique de l’Est (EAC), Communauté écono- agricoles
des agricultures ACP. Ce leitmotiv, sans cesse mique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), régionales
répété au sein des instances régionales ou Communauté de développement de l’Afrique aus-
internationales, donne aujourd’hui ses premiers résul- trale (SADC), Communauté économique des États de
en Afrique
tats. Tous les pays se dotent peu à peu de politiques l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) : chaque région a défini
agricoles qui dénotent un nouvel intérêt et de fortes sa politique de développement agricole. Politique agricole de
ambitions pour un secteur longtemps délaissé par les Le décollage du Programme détaillé de développe- l’Union économique
pouvoirs publics. ment de l’agriculture africaine (PDDAA) du NEPAD a et monétaire
ouest-africaine
Peter Hazell, directeur de la division Environnement redonné, pour les pays africains, une cohérence aux (UEMOA) : PAU
et Technologie de la production à l’IFPRI, compare différentes initiatives des pays (cf. Spore 153).
la situation actuelle de l’Afrique avec celle de l’Asie Le PDDAA a inspiré les orientations des poli- Politique agricole de
la CEDEAO : ECOWAP
dans les années 1960. En 25 ans, le continent indien tiques régionales africaines, contribuant
est sorti de la famine, générant même des surplus de à la mise en place de règles et prin-
production. Pendant cette révolution verte, les petits cipes reconnus. Pour bénéficier
paysans ont bénéficié de nombreuses mesures : tech- de financements des bailleurs,
nologies adaptées, distribution de terres et sécurisa- chaque pays est tenu d’élaborer
tion foncière, intrants modernes et abordables, crédits son propre projet en s’inté-
pour les petites exploitations et politiques garantissant grant dans ce
des prix stables et justes pour les petits producteurs. programme.
Autant de points sur lesquels les gouvernements ACP Le PDDAA vise
doivent aujourd’hui agir, dans le cadre d’une vision du une croissance agricole de 6 %
développement agricole de leurs pays. Il s’agit d’opé- par an, objectif déjà dépassé
rer des choix cruciaux entre plusieurs options, plus ou par neuf pays (Angola, Burkina
moins libérales, prenant en compte les agriculteurs, Faso, Érythrée, Éthiopie, Gambie,
les besoins des citadins, le respect de l’environnement, Guinée-Bissau, Nigeria, République
les contraintes de la mondialisation... du Congo, Sénégal et Tanzanie). Mais
Des politiques agricoles volontaristes, élaborées seuls le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Ghana, la Guinée,
conjointement avec les principaux intéressés, les le Malawi, le Mali, le Niger, le Rwanda et le Sénégal
paysans, accompagnées de financements et qui s’arti- consacrent 10 % de leur budget à l’agriculture, comme
culent avec les autres politiques sectorielles sont in- ils s’y étaient engagés en 2008 à Maputo.
dispensables. Mais ce n’est pas si simple, car celles-ci
doivent aussi s’intégrer dans des politiques régionales De multiples leviers d’action
de plus en plus prégnantes et dans un environnement Les objectifs globaux sont donc ambitieux et les
international qui tient peu compte de leurs difficultés. pays mettent peu à peu en place des stratégies de
burkina faso de l’État, n’a jamais été appliquée et aux particuliers. Elle reconnaît
faute de consensus. Les terres rurales également l’efficacité des coutumes.
Concilier ont, pour l’essentiel, continué à être
gérées selon les coutumes. Mais au fil
Ainsi, les populations d’un ou de
plusieurs villages peuvent s’inspirer
légalité du temps, celles-ci se sont révélées de
moins en moins aptes à juguler des
des coutumes locales pour élaborer
une charte foncière qui régulera
et légitimité tensions foncières grandissantes entre
acteurs ruraux.
l’utilisation de leurs ressources
communes. La loi prévoit aussi des
Au Burkina Faso, on doit à la Réforme C’est ainsi qu’une nouvelle politique programmes spéciaux d’attribution
agraire et foncière (RAF), votée en et une loi spécifiques au foncier rural de terres aménagées aux jeunes,
1984 puis révisée en 1991 et 1996, de ont été adoptées en septembre 2007 et aux femmes et aux éleveurs. Cette
nombreuses avancées en milieu urbain, juin 2009 respectivement, suite à de loi insiste enfin sur la nécessité de
dont la délivrance massive de permis nombreuses concertations. La nouvelle conciliation en cas de conflit foncier,
urbains d’habitation. Mais en milieu réforme foncière attribue désormais la comme préalable à toute démarche
rural, cette loi, qui définit la terre gestion du foncier rural à l’État mais judiciaire.
comme étant la propriété exclusive aussi aux collectivités territoriales Inoussa Maïga
surent cet indispensable service. tations des pays extérieurs qui entrent avec de faibles
Les “couloirs de croissance”, qui concentrent sur droits de douane. La signature des APE soulève ainsi
une zone déterminée un ensemble d’investissements de nombreuses inquiétudes et rares sont encore les
publics et privés pour y attirer des entreprises agri- pays d’Afrique qui les ont signés et mis en application,
coles rentables, affichent des résultats concluants. craignant la concurrence des produits européens.
Le couloir de croissance agricole de Beira, au Ainsi, pour protéger le marché de certains produits,
Mozambique, a ainsi été réalisé grâce à un partena- les pays de la CEDEAO veulent ajouter une cinquième
riat public-privé (avec de grosses firmes telles que bande tarifaire de droits de douane à 35 %.
Monsanto et Syngenta) : les investisseurs publics Au Kenya, la création d’un organe de régulation (le Faculté
financent les routes, l’irrigation, l’électrification, les Kenya Dairy Board) pour organiser, réguler et déve- d’Agronomie et des
Sciences agricoles
privés les activités. Dans ce couloir, 190 000 hec- lopper la filière laitière, et le contrôle des importations
de l’université de
tares d’agriculture commerciale irriguée ont permis avec la mise en place d’un tarif douanier de 60 % Dschang et champ
de créer 350 000 emplois, 1 milliard $ (700 M€) de d’essais (Cameroun)
[ reportage ]
Rwanda
Une révolution verte
à marche forcée
Le gouvernement rwandais a,
© AB Twizeyimana
gouvernants. Au Sénégal, l’État a ainsi créé un nou- d’organisations paysannes d’Afrique (ROPPA, SACAU,
veau syndicat paysan (SYNAEP-Japandoo), censé de- EAFF, PROPAC) et le PAFFO (voir page 34).
venir l’interlocuteur privilégié du pouvoir aux dépens Leur présence aux côtés des gouvernements est indis-
des organisations préexistantes. pensable pour assurer la défense de tous les agriculteurs,
Pour renforcer ces organisations, les aider à être en particulier des petits exploitants, et donner leur avis
une force de proposition et à convaincre, l’Union euro- de professionnels. Car c’est grâce à une vision straté-
péenne et le FIDA ont mis en place un projet d’appui gique et politique à long terme, qui tienne compte des
aux capacités et au renforcement des organisations productrices et producteurs d’aujourd’hui et de demain,
paysannes (PAOPA), qui concerne quatre réseaux que l’agriculture des pays ACP prendra un nouvel élan.
[ reportage ]
le sol était fortement “J’ai acheté un sac d’engrais de 50 kg
dégradé. L’envol des à un prix subventionné de 500 Malawi
prix des fertilisants Kwacha (MK) (2,7 €) en utilisant les
importés combiné aux coupons distribués par les autorités
fluctuations importantes agricoles dans notre région”, raconte
du prix du maïs dans Willard. “Le programme PSIA nous a
ce pays sans littoral apporté des avantages considérables :
ont rendu l’acquisition nous avons pu acheter des intrants et
d’engrais chimiques utiliser de l’engrais à grande échelle.”
quasiment impensable. Les agriculteurs ont également bénéficié
Pour tenter d’améliorer le de prix réduits sur des variétés améliorées
rendement des cultures, de maïs, de riz, de haricot, d’arachide et
le gouvernement du de pois cajan (ou “pois d’Angole”). Les
© E. Hockstein / NYT-Rea
rui silva
interview
Une productivité maîtrisée Réformer
Quels sont les liens
entre une agriculture
la formation
persuasives et tentent de mieux se
structurer pour mettre en place des
“moderne”, la
recherche et les
agricole
services de proximité et mieux diffuser
leurs objectifs et orientations.
Depuis des dizaines d’années, la
organisations
formation en agriculture et en sciences
paysannes (OP) ? Que représente la formation pour
agronomiques a été un objectif
Élisabeth Atangana,
Des hommes formés, les OP ? Les femmes ont-elles une
secondaire des États et des politiques
camerounaise, est un environnement place particulière à tenir ?
d’appui au développement. Le résultat
présidente du Forum adapté, la productivité, La formation est au centre de nos
panafricain des
est que beaucoup d’établissements
la compétitivité, l’accès préoccupations. Le développement des
producteurs agricoles au marché sont les d’enseignement professionnel,
ressources humaines est fondamental.
(PAFFO, Pan-African technique et supérieur agricole africains
Farmers’ Forum)
clés d’une agriculture Nous prévoyons à ce sujet une rencontre
ont vu leurs ressources budgétaires se
depuis sa création, moderne. Mais avec toutes les régions (EAFF pour
réduire et leurs meilleurs enseignants
en octobre 2010. attention, lorsque je l’Afrique de l’Est, PROPAC pour l’Afrique
partir. Faute de moyens, ils se sont
parle de productivité, centrale, ROPPA pour l’Afrique de
éloignés des besoins des acteurs socio-
je parle d’une productivité maîtrisée, l’Ouest, UMAGRI pour le Maghreb et
économiques : agriculteurs, agro-
qui ne fait pas une utilisation abusive SACAU pour l’Afrique australe) afin de
industriels, services de recherche ou de
des pesticides. Les intrants doivent être réfléchir à des objectifs communs. Nous
vulgarisation.
maitrisés. La question de la recherche élaborerons alors une stratégie pour
Les choses sont sans doute en train
entre en ligne de compte. Nous savons cinq ans et tenterons d’harmoniser nos
de changer sous l’impulsion du
qu’elle a beaucoup évolué. Ses résultats activités. Le PAFFO a un rôle important
Programme détaillé de développement
se sont beaucoup améliorés. Mais elle de coordination, d’harmonisation,
de l’agriculture africaine (PDDAA) du
ne collabore pas suffisamment avec de gestion des connaissances de ses
NEPAD. En fixant à 6 % l’objectif de
les populations. Et souvent, lorsque membres.
croissance annuelle de l’agriculture, il a
les résultats existent, ils ne sont pas à En tant que femme, ma position n’est
mis en évidence d’énormes besoins en
la disposition des communautés. Or, il pas facile. Tout le monde parle du genre,
formation.
importe d’impliquer les communautés de la nécessité de soutenir les femmes.
Si les établissements d’enseignement
dans la recherche et de savoir associer Mais la réalité est plus complexe. Nous
supérieur agricole connaissent un
savoirs traditionnels et recherche. devons toujours nous battre, négocier
regain d’intérêt, ils doivent accepter
Les organisations paysannes sont la clé pour convaincre, bien davantage que
de se réformer en profondeur pour
de voûte de la relation entre producteurs les hommes. Il faut former des femmes
bien répondre aux attentes qui
et recherche. Elles ont une bonne leaders, dans chaque village, pour que
sont placées en eux. Conscientes de
connaissance de leur environnement et des responsables féminins émergent peu
l’enjeu, les organisations africaines
du terrain. Elles devraient être le relais à peu au niveau national. Je lance un
se sont regroupées pour concevoir un
entre la recherche et les populations appel à ceux qui pensent, comme moi,
mécanisme participatif pour la relance
à la base. Elles ont des méthodes que le moment est venu.
de l’enseignement supérieur agricole. Le
Réseau africain pour l’enseignement de
l’agriculture, l’agroforesterie et la gestion
Pour aller plus loin organisations de producteurs
d’Afrique centrale (PROPAC) des ressources naturelles (ANAFE),
www.propac.org regroupant plus de 134 établissements
ANAFE
www.anafeafrica.org agricoles africains, et le Forum régional
Programme détaillé de développement universitaire pour le renforcement des
Association des agriculteurs des de l’agriculture africaine du NEPAD
capacités en agriculture (RUFORUM),
Îles-sous-le-vent (WINFA) www.nepad-caadp.net/
consortium de 25 universités d’Afrique
www.winfacaribbean.org
ROPPA centrale, australe et de l’Est, gèrent ce
Confédération des syndicats www.roppa.info
mécanisme. Harmoniser les actions et
agricoles d’Afrique australe (SACAU) Réseau des politiques agricoles et financements des bailleurs de fonds,
www.sacau.org
forestières du Pacifique créer de la valeur ajoutée par une
EAFF http://tinyurl.com/6fu83w3 meilleure collaboration entre institutions
www.eaffu.org africaines de formation et ajuster les
RUFORUM
Plate-forme régionale des www.ruforum.org programmes aux besoins des acteurs
économiques sont au programme.
Nouvelle
formule
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