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Modernisation D'exploitation Agricole

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Le magazine

du développement
agricole et rural
des pays ACP
http://spore.cta.int

N°149
numéro hors-série - AOÛT 2011

OCTOBRE-NOVEMBRE 2010

Modernisation
des exploitations agricoles

Les chemins
de la réussite
© G. Stubbs/Africamediaonline.com

partageons les connaissances au profit des communautés rurales


Sommaire | numéro hors-série - AOÛT 2011 La solution :
l’entrepreneuriat
1 | Les défis Alors que, pour
certains, le concept
• LE CHAMP DES POSSIBLES 3 de chaîne de
• Interview : “Les marchés urbains, moteurs de l’agriculture” valeur appliqué
par Nicolas Bricas 6 au développement
agricole n’est qu’un
simple phénomène
2 | les Nouveaux entrepreneurs de mode, il promet en fait de transformer
• PETIT EXPLOITANT DEVIENDRA GRAND 9 l’agriculture en modernisant les pays ACP.
En effet, les perspectives économiques de
• Office du Niger : louer pour aménager 10
ces pays dépendront de leur capacité à
• Reportage en Ouganda : une excellente récolte 12 moderniser leur secteur agricole, facteur
• Aquaculture : recycler l’eau et l’espace 14 déterminant pour réduire la pauvreté et
• Interview : “Du journalisme à l’agriculture” par Christian Roko 15 stimuler la croissance. La transformation
• Interview : “Respecter les petits producteurs” par Stephen Muchiri 16 agricole exige de s’adapter à un nouvel
environnement et de relever des défis
• Priorité à la sécurité alimentaire 16
qui évoluent en permanence. L’une
de ces principales gageures consiste à
3 | Agir pour moderniser passer de l’agriculture de subsistance
à une agriculture commerciale et
• PRENDRE SON ESSOR 17 d’entrepreneuriat. Bon nombre de
• Reportage à la Barbade : transformer pour moins gâcher 20 débats récents dans les pays ACP portent
• Reportage en Papouasie-Nouvelle-Guinée : les maillons d’une chaîne 22 sur le type d’agriculture à promouvoir,
agriculture familiale ou agrobusiness.
• Interview : “L’agriculture et l’économie main dans la main”
Alors qu’il peut y avoir de bonnes raisons
par António Souto 23
de soutenir un modèle plutôt que l’autre,
• Afrique du Sud : informatique laitière 24 l’expérience internationale montre
• Interview : “Qualité et marchés” par Allister Glean 24 clairement qu’il n’existe pas de solutions
• Interview : “Quand l’État soutient l’investissement” toutes faites ni universelles. Par exemple,
par Betty Wampfler 26 l’expérience de l’UE prouve que, même
• Warrantage : les agriculteurs attendent leur heure 26 si l’industrie agroalimentaire joue
actuellement un rôle majeur, l’agriculture
familiale est toujours très active et
4 | les Politiques agricoles exerce encore une fonction essentielle
en assurant la sécurité alimentaire et en
• CRÉER UN TERREAU FAVORABLE 27
soutenant le développement régional.
• Foncier au Burkina Faso : concilier légalité et légitimité 28 Il faut absolument reconnaître le besoin
• Reportage au Rwanda : une révolution verte à marche forcée 31 de rassembler toutes les parties prenantes,
• Reportage au Malawi : des subventions intelligentes 32 y compris les gouvernements et institutions
• Interview : “Accompagner les mutations du secteur agricole” publiques, pour développer une vision
par Rui Silva 33 commune, définir des objectifs et adopter
• Recherche mondiale : réformer la formation agricole 34 une feuille de route. Pour atteindre tous ces
buts, l’entrepreneuriat est la clé du succès.
• Interview : “Une productivité maîtrisée” par Élisabeth Atangana 34
Nous espérons que ce numéro spécial
de Spore sera une source d’inspiration
est le magazine bimestriel du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA). Le CTA pour vous. Vous y découvrirez que
est régi par l’Accord de Cotonou entre le groupe des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
(ACP) et l’Union européenne, et financé par l’UE. • CTA • Postbus 380 • 6700 AJ Wageningen, Pays-Bas • la transformation agricole et la
Tél. : +31 317 467 100 • Fax : +31 317 460 067 • E-mail : cta@cta.int • Site Web : www.cta.int • DIRECTEUR DE LA modernisation sont déjà en cours dans de
PUBLICATION : Michael Hailu • COMITÉ DE RÉDACTION : Thierry Doudet, Stéphane Gambier, Anne Legroscollard, nombreux pays ACP. D’importantes leçons
Isolina Boto, Vincent Fautrel, José Filipe Fonseca, Ibrahim Tiémogo • RÉDACTION : Directrice de la rédaction :
Marie-Agnès Leplaideur • Rédactrice en chef de la version française et coordinatrice : Anne Perrin • peuvent être partagées à travers les pays et
Syfia International, 20 rue du Carré‑du‑Roi, 34000 Montpellier, France • Rédactrice en chef de la version anglaise : les régions.
Clare Pedrick • Via dello Spagna 18, 06049 Spoleto (PG), Italie • Rédacteur en chef de la version portugaise :
João  de Azevedo, Sítio Alportel 20 A, 8150-014 S, Brás de Alportel, Portugal • CORRESPONDANTS : ont participé à ce Michael Hailu
numéro S. Diarra (Mali), I. Maïga (Burkina Faso), C. Mkoka (Malawi), A. Nabwowe (Ouganda), V. Prasad (Papouasie-
Nouvelle-Guinée), A.  Taitt (Barbade), A.-B. Twizeyimana (Rwanda), F. Zvomuya (Afrique du Sud) • AUTRES
Directeur du CTA
CONTRIBUTEURS : Atenao, J. Bodichon, L. de Araújo, D. Manley, Tradcatts • DESIGN ET MISE EN PAGE : Intactile DESIGN,
France • IMPRESSION : Pure Impression, France • © CTA 2011 – ISSN 1011-0054

2 | Spore hors-série | Août 2011


1 | Les défis

Le champ
des possibles
Moderniser l’agriculture, qui les fait vivre et emploie
l’essentiel de leur population, est le défi à relever
© F. Hoogervorst / Panos-Réa

pour la plupart des pays ACP dans les décennies


à venir. Mais les petites exploitations, largement
majoritaires, peuvent difficilement y arriver seules.

Août 2011 | SPORE hors-série | 3


1 | Les défis

D
ire que la majorité des pays ACP sont des pays d’années, l’essentiel des habitants vivent
essentiellement agricoles semble une évidence. dans les zones rurales, principalement de
Pourtant, jusqu’à une date récente, cette pré- la culture, de l’élevage, ou de quelques
éminence de l’agriculture dans l’économie et activités autres qu’agricoles. Or, la po-
dans la vie sociale de ces pays a été quelque peu occul- pulation africaine va doubler dans les
tée. Gouvernements et bailleurs de fonds s’en sont peu 40 ans à venir et il faudra trouver des
préoccupés, préférant laisser agir un marché mondial emplois aux 10 millions et bientôt
libéralisé. Aujourd’hui, ce secteur revient sur le devant 20 millions de jeunes qui arrivent
de la scène et il lui est beaucoup demandé : assurer chaque année sur le marché du tra-
la souveraineté alimentaire ; employer une population vail. À condition de leur permettre
en croissance rapide, particulièrement en Afrique, et la d’accéder à un certain bien-être,
faire vivre décemment ; exporter pour faire rentrer des de valoriser socialement cette
devises. Pour relever tous ces défis, la préoccupation activité et de mieux s’intégrer
centrale est d’augmenter très fortement la production, dans la vie économique du
donc la productivité, en “modernisant” l’agriculture. pays, l’agriculture restera
Des mutations qui peuvent prendre des formes aussi pour eux un vivier d’em-
variées que le sont les situations de départ, les diversi- plois très important, qu’il
tés géographiques ou les régimes politiques. soit familial ou salarial.
Ces changements d’orientation prennent en compte
les chiffres marquants qui font de l’agriculture le pivot Un secteur
du développement de nombreux pays actuellement et économique clé
pour les décennies à venir. Le secteur agricole emploie C’est aussi un sec-
toujours une large majorité de la population : 63 % teur qui contribue
en Afrique subsaharienne, jusqu’à 83 % en Éthiopie, fortement au PNB,
81 % au Rwanda et encore 78 % au Kenya, selon à hauteur de 30 % Part
les chiffres 2009 de la Banque mondiale. Dans les en moyenne en de l’agriculture
Caraïbes, ce taux est de 60 % en Haïti et seulement Afrique : 44 % au dans le PIB
de 9,8 % à Trinité-et-Tobago, beaucoup plus industria- Mali, mais 7,8 %
0 % 61 %
lisée. Il en est de même dans une grande partie des en Angola, riche
îles du Pacifique, comme au Vanuatu, où l’agriculture en pétrole (cf. carte). En Haïti, il représente 35 % du
occupe 70 % de la population active. PNB, mais seulement 9,8 % aux Fidji. Dans de nom-
Pas de données
Malgré un fort exode rural qui a fait rapidement breux pays, sans ressources minières, les exportations
disponibles

enfler les capitales africaines depuis une trentaine agricoles restent la principale source de devises : Source : Banque mondiale

Glossaire Sécurité alimentaire en place les politiques agricoles les


Selon la FAO, c’est l’accès de tous les mieux adaptées à leurs populations
Agriculture commerciale êtres humains, à tout moment, à une sans qu’elles puissent avoir un impact
Forme d’agriculture intégrée à nourriture leur permettant de mener négatif sur les populations d’autres
l’économie, dont la production est une vie saine et active. Réaliser la pays.
essentiellement ou exclusivement sécurité alimentaire consiste à faire
destinée à être vendue. Son efficacité
en sorte que des quantités suffisantes Système agroalimentaire
suppose de fréquents investissements. Manière dont les hommes s’organisent
de nourriture soient disponibles,
Elle s’oppose à l’agriculture vivrière. et organisent l’espace à différentes
que les approvisionnements soient
Agriculture vivrière relativement stables et que les échelles afin de produire et consommer
Agriculture essentiellement tournée personnes ayant besoin de nourriture leur nourriture
vers l’autoconsommation et l’économie puissent y avoir accès.
de subsistance. La production n’est
Système de production agricole
destinée ni à l’industrie agroalimentaire Souveraineté alimentaire Combinaison des cultures, des activités
ni exportée. Elle est en grande partie Droit international qui laisse la d’élevage et des moyens de production
autoconsommée par les paysans eux- possibilité aux populations, aux États (terre, capital, travail) mis en œuvre au
mêmes et la population locale. ou aux groupes d’États de mettre niveau de l’exploitation familiale

4 | Spore hors-série | Août 2011


c’est le cas au Bénin (53 %), au agricole et dépend des importations pour se nourrir ;
Kenya (78 %), au Cameroun Haïti ne couvre que 70 % de ses besoins alimentaires.
(70 %), etc. L’agriculture Même les agriculteurs qui n’arrivent pas toujours à
participe ainsi activement manger à leur faim consomment des produits importés.
à la création de la richesse C’est là une situation inquiétante alors que les prix
nationale. Dans les agricoles mondiaux fluctuent sans cesse et que ces
achats pèsent très lourd dans les balances commer-
ciales des États. En 2010, selon la Commission
économique des Nations unies pour l’Afrique, les
importations alimentaires ont coûté 33 milliards
de dollars (23 milliards €) à l’Afrique. À
présent, le continent africain
importe plus qu’il n’ex-
porte. Sortir de cette dé-
pendance dangereuse,
assurer sa souveraineté
alimentaire est plus que
jamais à l’ordre du jour
depuis la crise de 2008.
Ces chiffres confirment
bien que l’agriculture peut être
le secteur clé du développement éco-
nomique et social pour une majorité des
pays qui sortent de longues années de conflits régions ACP, surtout celles qui ne disposent pas
et d’abandon par les services de l’État, comme d’autres matières premières (bois, minerais, pétrole).
en République démocratique du Congo, la Mais ils masquent à la fois de profondes disparités et
production agricole est aussi la première l’insuffisante production et productivité d’une majo-
à redémarrer, entraînant dans son sillage rité de ces systèmes agricoles, qui sont appelés à évo-
d’autres activités, comme la transformation luer rapidement. Les différences suivant les pays dans
et le commerce. Une simple route à nou- la valeur ajoutée à l’agriculture par travailleur, l’indice
veau carrossable fait doubler la production qui permet de mesurer la productivité, le montrent
en moins d’un an. clairement. Selon la Banque mondiale, cet indice
Cependant, la vocation pre-
mière des paysans est de se
nourrir et d’assurer la sécurité
alimentaire des habitants de
leur pays. Depuis 30 ans, les
agriculteurs n’ont eu de cesse
d’augmenter leur production
de céréales, de tubercules et
de légumes. Mais leurs efforts
ne suffisent pas ou peuvent
dans certains cas être freinés
par la concurrence des impor-
tations massives devenues
de facto indispensables dans
la majorité des pays ACP, des
îles du Pacifique à l’Afrique,
en passant par les Caraïbes.
Ainsi, Trinité-et-Tobago ex-
© Syfia International

porte 80 % de sa production

Sur le marché
de Bujumbura
(Burundi)

Août 2011 | SPORE hors-série | 5


1 | Les défis

est, en Guinée, de 225 $ (158 €), 16 fois inférieur décisions sont prises par le chef de famille… Selon
à celui de l’Afrique du Sud (3 641 $ [2560 €])… et le Réseau des organisations paysannes et de produc-
atteint 77 901 $ (54 700 €) aux États-Unis. Les ren- teurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), en Afrique
dements sont eux deux fois inférieurs à la moyenne ces exploitations familiales, que d’autres appellent
mondiale. Les marges de progrès sont donc énormes… unités de production familiales, produisent avant
tout pour “vivre” plus que pour “vendre”, c’est-à-dire
Les petites exploitations familiales qu’accroître leurs revenus n’est pas la priorité. Il faut
majoritaires aussi assurer la sécurité alimentaire en limitant les
Partout, ce sont les petites exploitations familiales risques, entretenir les relations sociales, sauvegar-
qui dominent et assurent 90 % de la production… der les terres.
Ces exploitations vont de la petite agriculture de De tels objectifs correspondent à des
subsistance, qui nourrit juste la famille et pourvoit modes de vie, mais surtout à des contraintes.
à ses besoins de base, à de petites agro-entreprises Majoritairement, les fermes sont de petite
insérées dans des circuits commerciaux qui font taille, souvent moins de 2 ha, qui ne procurent
parfois appel à des salariés. Leur caractéristique qu’un faible revenu et où il est dangereux de
commune est qu’activités économiques et structure miser sur une seule culture. Les producteurs
ne disposent que de quelques
La croissance agricole a augmenté outils aratoires simples, mais

de 50 % en Afrique depuis 1980 très, très rarement de trac-


teurs ou de motoculteurs,
familiale sont intimement liées : les champs sont parfois de pompes à eau si elles sont
cultivés par la famille, surtout par les femmes qui installées près d’un point d’eau. Acheter
assurent aussi souvent la vente dans les marchés, des semences améliorées, des engrais et des pro-
les terres se transmettent surtout par héritage, les duits phytosanitaires est difficile, voire impossible,

interview
Nicolas Bricas

Les marchés urbains,


moteurs de l’agriculture
Les villes sont les premiers débouchés des agriculteurs.
Ces marchés les poussent à accroître leur production de
produits frais et à moderniser leurs exploitations pour Chercheur au CIRAD,
Nicolas Bricas est
répondre aux exigences des entreprises agroalimentaires agronome et socio-
et des distributeurs, parfois difficiles à suivre. économiste, ses recherches
portent sur les politiques
Quelle importance les marchés urbains matériel ont introduit des changements très porteur. Les de sécurité alimentaire
et les changements de
ont-ils sur la production agricole ? importants dans nombre d’exploitations : agriculteurs qui modes de consommation
Les marchés urbains sont le premier mo- un début de modernisation, qui a permis vendent leurs en Afrique.
teur de l’agriculture en Afrique. Ces der- d’accroître les quantités produites. surplus ou pro-
nières décennies, les agriculteurs ont su La vente aux citadins constitue le prin- duisent pour ces marchés en tirent donc
s’adapter à la croissance démographique cipal débouché des agriculteurs. Elle re- l’essentiel de leurs revenus. Curieusement,
des villes. Ils ont innové pour répondre présente plus en valeur marchande que pourtant, la connaissance de ces filières et
aux demandes des consommateurs, par les marchés d’exportation. Les cultures des emplois qu’elles génèrent reste très in-
exemple en sélectionnant des variétés vivrières sont aussi parfois plus rentables suffisante… Pendant longtemps, on a esti-
d’igname ou de fonio. Leurs innovations que les cultures de rente. Les produc- mé que le développement de l’agriculture
ne viennent pas toujours de la recherche. teurs du Nord-Cameroun ont remplacé était lié à celui des marchés extérieurs ; la
Intensification, utilisation d’intrants ou de le coton par l’igname dont le marché est crise de 2008 a permis de recentrer l’intérêt

6 | Spore hors-série | Août 2011


pour une partie d’entre eux, significativement les rendements est un défi que
soit parce qu’ils sont trop coû- les plus pauvres axés sur les cultures vivrières ne
teux, soit parce qu’ils ne sont peuvent pas relever seuls. Ils consomment presque
pas disponibles. Accroître toute leur récolte, en vendent souvent difficilement
et à bas prix une toute petite partie pour acheter des
biens de première nécessité ou envoyer les enfants à
l’école. Ils n’ont donc pas les moyens d’investir.

Des freins à la modernisation


Les marchés, sauf pour les producteurs
proches des villes, sont souvent restreints,
en particulier dans les régions enclavées où
les coûts de transport sont deux fois plus éle-
vés qu’ailleurs. Les marchés régionaux et de
filières bien structurées ne fonctionnent que
sur certains produits comme l’oignon de Galmi
Population rurale au Niger ou les pommes de terre du Fouta-Djalon en
(% de la population totale) Guinée, toujours donnés en exemples, ou sur des pro-
duits d’exportation. Sinon, seuls les producteurs les
1 % 90 % plus importants arrivent à intégrer des filières. Les
petits ne le peuvent que s’ils sont accompagnés. Au
Sénégal, par exemple, constate l’étude RuralStruc,
Pas de données

disponibles les agriculteurs de la région du fleuve – qui a béné-
Source : Banque mondiale ficié d’importants investissements, est proche des

sur les marchés des villes majoritairement toucher autant les producteurs agricoles producteurs peuvent parfois le faire mais
constitués de produits locaux, contraire- et les transformateurs que les acheteurs. c’est souvent difficile.
ment à des idées souvent répandues. Le développement d’une classe moyenne Le développement des supermarchés
attirée par des produits faciles d’emploi, risque de précipiter cette concentration
Quel rôle joue la demande des
disponibles toute l’année et de qualité ré- et de laisser de côté les petits exploitants
consommateurs urbains dans la
gulière pousse au développement d’entre- qui ne pourront pas investir pour respecter
commercialisation et la transformation
prises agroalimentaires plus modernes. les normes requises par les distributeurs.
des produits agricoles ?
Cette volonté de rationaliser la commer-
Le secteur agroalimentaire est la courroie Quels sont les effets de la modernisation
cialisation menace de nombreux emplois
de transmission entre la production agri- du secteur agroalimentaire et
dans la vente et dans la production agri-
cole et la consommation. Il permet d’adap- de la commercialisation sur
cole. Une évolution trop rapide risque de
ter l’offre agricole à la demande et de la celle de l’agriculture ?
faire de gros dégâts. En Europe, elle a pris
valoriser. Les petites et moyennes entreprises agroa-
des décennies…
C’est un secteur dans lequel les femmes limentaires qui se multiplient – de cinq pe-
se sont investies pour proposer des pro- tites minoteries de mil en 1990, le Sénégal Les marchés intérieurs africains
duits transformés tels que les huiles, les en est à 50 – veulent répondre à ces be- attirent-ils des investisseurs
semoules, les produits séchés, fermen- soins des consommateurs, remplaçant la comme les terres agricoles ?
tés. En Afrique de l’Ouest, ce sont géné- vendeuse du marché dont on connaissait Oui, la valorisation et la distribution des
ralement de toutes petites entreprises. bien le produit et son origine. Elles de- produits locaux à destination des marchés
Certaines femmes cependant investissent viennent exigeantes pour assurer la régu- locaux apparaissent comme un créneau
pour proposer des produits emballés, par larité et la qualité de leurs productions. rentable pour des investisseurs, locaux
exemple. Mais la faiblesse du pouvoir Les agriculteurs ont un cahier des charges comme étrangers. Mais il n’est pas évident
d’achat des citadins paupérisés et sans précis ou signent un contrat d’achat avec que ces industries génèrent plus d’emplois
emploi limite les débouchés des industries les grosses entreprises. Des contraintes in- qu’elles n’en suppriment. Les enjeux ne
agroalimentaires. Ils ont du mal à payer surmontables pour les petits agriculteurs sont donc pas seulement de produire plus
la valeur ajoutée des produits qui en sont qui accélèrent la concentration des exploi- et mieux. Ils sont aussi de gérer le rythme
issus. C’est donc un cercle vertueux de mo- tations agricoles. Ils doivent se moderni- de l’industrialisation qui s’opère en fonc-
dernisation qu’il faut engendrer, qui doit ser pour y répondre. Des organisations de tion des besoins d’emplois.

Août 2011 | SPORE hors-série | 7


1 | Les défis

marchés côtiers et dispose


d’une usine de transformation
de tomates industrielles – ont
des revenus beaucoup plus éle-
vés que ceux de Casamance,
enclavée et peu organisée.
La répartition du travail
entre les sexes freine aussi les
investissements. Les hommes se
consacrent plus volontiers aux
cultures de rente qui rapportent
de l’argent tandis que, dans de
nombreux pays, les femmes
se cantonnent aux cultures vi-
vrières mais sans moyens. Ceux
qui ont l’esprit d’entreprise et
cherchent à innover pour ac-
croître leurs revenus ne sont
© Syfia International

pas toujours bien vus de leurs


proches ou de la communauté,
à plus forte raison s’il s’agit de
femmes.
La plupart de ces exploitations
sont fragiles et à la merci des Usine de mise en
conserve de haricots
aléas climatiques, voire commerciaux pour certaines. variétés adaptées aux différentes régions ou à la sé-
à Butaré (Rwanda)
Une sécheresse prolongée, des pluies trop fortes qui cheresse en Afrique australe ; il en est de même pour
emportent les cultures – ce qui est de plus en plus le manioc et l’adoption de nouvelles variétés mises au
fréquent dans certains pays comme ceux de l’est de point par la recherche. La petite irrigation s’est déve-
l’Afrique – ruinent ces agriculteurs qui ne bénéficient loppée, la culture attelée aussi dans les pays sahéliens.
pas d’assurances pour pallier ces calamités. Les organisations de producteurs se sont multipliées
dans la plupart des pays d’Afrique, surtout dans
Des innovations à encourager l’Ouest. Au Burkina Faso, presque tous les villages en
Pendant longtemps, ces unités familiales de produc- comptent au moins une.
tion ont été considérées comme archaïques et inca- Les nombreux systèmes d’information sur les mar-
pables d’évoluer. Pourtant, durant les 30 dernières an- chés, le développement de la microfinance rurale,
nées, elles ont su s’adapter aux besoins. La croissance du conseil de gestion… tous ces outils développés à
agricole en Afrique subsaharienne est passée de 2,3 % l’origine le plus souvent par des projets touchent une
frange de ces petits exploitants, mais ne

Des politiques agricoles cohérentes sont pas suffisants pour enclencher une
véritable modernisation de l’agriculture
et structurées sont indispensables qui permette aux ruraux de vivre correc-

à la modernisation tement et aux pays de produire assez pour


se nourrir et exporter. C’est de politiques
agricoles cohérentes et structurées qui
par an dans les années 1980 à 3,8 % par an entre 2000 traitent l’ensemble des problèmes que les petits pro-
et 2005, dépassant bien souvent celle des autres sec- ducteurs ont besoin pour passer des caps décisifs. De
teurs. Dans la même région et sur la même durée, la la formation professionnelle des futurs agriculteurs
productivité de l’agriculture a crû de 50 %. à la construction ou à l’entretien des routes et pistes
Les capacités d’innovation de ces exploitations rurales, à l’électrification des campagnes en passant
sont importantes et leur adaptation aux opportunités par l’aménagement du territoire, la mise à disposition
locales rapide. Au cours des dernières décennies, le des intrants à un coût abordable, l’accès au crédit, la
maraîchage a connu un boom sans précédent autour sécurisation des terres… le chantier est très vaste pour
des villes et aussi comme culture de soudure dans les la plupart des pays ACP qui veulent que l’agriculture
zones sahéliennes ; le maïs a connu une large expan- continue à être le fer de lance de leurs économies et le
sion dans de nombreux pays avec l’introduction de principal bassin d’emploi de leurs habitants.

8 | Spore hors-série | Août 2011


2 | les nouveaux entrepreneurs

Petit exploitant
deviendra grand
Une multitude de petites exploitations, quelques
entreprises agricoles et de puissantes sociétés
© A.-B. Twizeyimana

étrangères composent actuellement le paysage agricole


des pays ACP. Toutes n’évoluent pas au même rythme.

Août 2011 | SPORE hors-série | 9


2 | les Nouveaux entrepreneurs

I
ngénieux, inventifs, courageux, travailleurs, les
agriculteurs et surtout les agricultrices des pays
ACP ne manquent ni de qualités, ni d’atouts. Ils
ont su le prouver durant les dernières décennies.
Cependant, malgré leurs efforts, ces millions de petits
agriculteurs restent pauvres, voire très pauvres. Selon
l’étude RuralStruc, en Afrique, 75 % des ménages in-
terrogés gagnent en moyenne moins de deux dollars
par personne et par jour. Au Mali, ils sont même près
de 90 %. De quoi juste assurer leurs besoins primaires,
à peine de quoi se nourrir parfois. En dépit du nombre
de personnes qu’elles font travailler, ces petites exploi-
tations familiales n’arrivent pas non plus à assurer la
sécurité alimentaire de leurs pays, en Afrique comme

© IFAD/R. Ramasomanana
aux Caraïbes et dans les îles du Pacifique. Elles ne
peuvent non plus créer des richesses suffisantes pour
se développer.
Tout le monde s’accorde ainsi à dire que la “moder-
nisation” de ces agricultures est urgente et indispen-
sable, inéluctable disent d’autres. Mais tous ne l’en-
tendent pas de la même façon. Certains y voient une Un agriculteur
sur son tracteur
évolution de l’agriculture de subsistance vers l’agricul- particulier africaines, est une intéressante opportunité
au village
ture commerciale, d’autres l’implantation de grandes de modernisation rapide de leur agriculture et de sécu- de Vohitranivona
entreprises agricoles fortement mécanisées employant rité alimentaire pour leur population. L’Éthiopie a ainsi (Madagascar)

une main-d’œuvre abondante. Ces deux visions s’af- déjà loué plus de 600 000 ha de terres à des investis-
frontent ou se superposent au sein d’un même pays, seurs étrangers qui financent quelque 800 projets agri-
donnant des évolutions contrastées. Entre la toute coles. Le gouvernement de ce pays espère ainsi nourrir
petite exploitation familiale qui peine à survivre et les sa population et insuffler un vent de modernisation
énormes exploitations commerciales de plusieurs mil- chez les agriculteurs locaux.
liers d’hectares, la gamme est large et les formes de Tout récemment, certains pays des Caraïbes, très
modernisation variées. dépendants des importations alimentaires, ont décidé
d’ouvrir leurs terres aux investisseurs pour mettre en
L’exemple des investisseurs étrangers ? place de grandes entreprises agricoles.
Certains pays estiment que l’arrivée massive d’inves- La productivité des terres gérées par ces entreprises
tisseurs étrangers attirés par les réserves foncières, en qui ont les moyens d’investir est forte, souvent sans

MALI terres et permettre la mise en culture à l’aménagement d’une tranche de

Louer pour de 100 000 ha supplémentaires pour les


agriculteurs maliens.
25 000 ha. Un autre canal à fort débit
sera réalisé par les Libyens et offert au

aménager Il s’agit d’y cultiver des variétés de riz à


haut rendement (8 t/ha), en collaboration
Mali pour la mise en valeur de nouveaux
casiers rizicoles. Mais, pour cette
Vaste plaine irrigable de 960 000 ha avec le Centre national chinois du riz campagne agricole, seuls 6 000 ha seront
au centre du pays, l’Office du Niger hybride. Le riz produit sera destiné à mis en valeur, car les travaux sont arrêtés
est le grenier à riz du Mali, mais seuls la consommation locale et à celle des depuis avril à cause de la guerre en Libye.
85 000 ha sont aujourd’hui aménagés. Libyens. Malibya Agriculture, la société Ce projet avait fait l’objet de virulentes
Manquant de moyens pour étendre créée par la Libye pour le projet, a confié critiques au Mali, car de nombreux
les infrastructures d’irrigation, le les travaux d’aménagement démarrés en petits paysans ont dû être déplacés et
gouvernement malien a cédé 100 000 ha 2008 à une entreprise chinoise. ont perdu leurs terres. L’Association
à la Libye. Les autorités libyennes ont Malibya a déjà réalisé l’agrandissement des organisations professionnelles
signé un contrat de bail de 50 ans, sans du canal d’approvisionnement en paysannes (AOPP) a cependant obtenu
contrepartie financière, s’engageant eau et le bitumage d’une route de l’indemnisation des agriculteurs,
à réaliser les travaux d’aménagement 40 km à Bougouwéré, dans la zone de aujourd’hui réinstallés.
nécessaires pour mettre en valeur ces Macina. Ce premier volet devrait aboutir Soumaïla Diarra

10 | Spore hors-série | Août 2011


commune mesure avec celle des paysans locaux. a recours à divers facteurs de production tels que les
Elle fait rêver les responsables de ces pays. Ainsi, capitaux, la main-d’œuvre salariée, la terre. Les exploi-
les Chinois prévoient des rendements de riz de 60 à tations sont gérées comme des entreprises : coûts, reve-
75 quintaux à l’hectare, deux à trois fois plus que ceux nus, rentabilité sont calculés. Une exploitation familiale
des paysans de Tanzanie où la Chongqing Seed Corp peut donc tout à fait devenir une agro-entreprise.
s’est installée. Pour faire cette mutation, les petites exploitations
Parfois, ce sont aussi des entreprises privées locales doivent à la fois agir sur la production – augmenter
qui se développent grâce à ces cessions massives leur productivité et les quantités produites – et sur la
de terres. Au Kenya, c’est la société Mumias Sugar commercialisation – connaître les marchés, les prix,
Company Ltd, la plus grande entreprise sucrière du les créneaux rentables –, voire sur la transformation
Kenya, et l’Autorité pour le développement du fleuve de leurs récoltes pour en tirer un meilleur profit.
Athi-Tana (ADFTA) qui veulent créer une plantation de Les agro-entreprises peuvent aussi être le fait d’en-
canne à sucre de 16 000 hectares pour la production trepreneurs qui créent des exploitations, les gèrent et
d’agrocarburants. Pourtant, le delta de ce fleuve Tana utilisent de la main-d’œuvre pour les travaux, ou en-
est actuellement cultivé par des milliers d’agriculteurs core de propriétaires lointains qui en attendent juste
et les éleveurs viennent y faire paître leurs troupeaux. des revenus.
Ces entreprises modernes montées par de grandes En Afrique, de nombreuses exploitations agricoles
sociétés privées ou publiques sont violemment contes- de taille moyenne, de plusieurs dizaines d’hectares, ont
tées. Elles ne garantissent pas, loin s’en faut souvent, vu le jour ces dernières décennies. Elles sont souvent
la sécurité alimentaire. Une grande partie des produc- la propriété d’hommes politiques, de fonctionnaires,
tions de ces terres cédées est, en priorité, destinée à de commerçants qui ont acheté des terres bien
nourrir des pays comme la Chine, la Lybie, l’Arabie
saoudite, etc. ou à être exportée sur les marchés mon- Productivité par agriculteur
diaux (fleurs, légumes, etc.). La part qui reste sur les
Quantité de grains produite
marchés locaux est souvent faible et peut contribuer par travailleur en quintaux
à les déstabiliser au détriment des petits producteurs. 20 000
Ce qui inquiète le plus les organisations de produc-
teurs, c’est que ces ventes ou ces locations de terres
touchent souvent des zones fertiles déjà cultivées dont

L’accès au crédit est la condition initiale


d’une modernisation Motomécanisation
puissante

les paysans sont expropriés. Ils deviennent alors des


salariés agricoles qui ne touchent guère plus d’un dol-
lar par jour. Amélioration du niveau de vie des pay-
sans et emploi décent des jeunes ruraux sont donc 10 000
rarement au rendez-vous.
“Personne ne recommande de grandes plantations
et un modèle capitaliste de l’agriculture en Afrique.
Il est évident qu’un tel modèle ne résoudrait pas les Motomécanisation
intermédiaire
problèmes d’emploi et de pauvreté de centaines de
millions de familles. La question est : comment aider
des centaines de millions d’acteurs à s’engager dans le
marché ?”, disait déjà il y a quelques années Michel
Petit, ancien directeur du département Agriculture et
développement rural à la Banque mondiale. 1 000 Motomécanisation
légère

Des entrepreneurs locaux Culture attelée


C’est le passage de l’agriculture de subsistance à 100
50 Culture manuelle
l’agriculture commerciale ou, mieux, d’entreprise qui
0
est recherché. Commerciale, elle l’est déjà souvent à 1 10 25 50 100 150
très petite échelle, car rares sont les exploitations fami- Superficie cultivée par
travailleur en hectares
liales qui ne vendent jamais rien. Ce qui caractérise une
Source : J.-P. Charvet, L’Agriculture mondialisée,
agriculture dite “moderne” et d’entreprise, c’est qu’elle Documentation photographique, dossier n°8059.

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2 | les Nouveaux entrepreneurs

placées et y ont investi pour répondre aux besoins permet ces évolutions. Car l’investissement de départ
des marchés proches ou lointains. Le plus souvent, est le premier obstacle auquel se heurtent les exploi-
elles sont situées à la périphérie des villes qu’elles ap- tants ; l’accès au crédit est donc souvent la condition
provisionnent en fruits, en légumes, voire en volailles. initiale d’une modernisation pour acheter des terres,
Au Bénin, par exemple, les agents de l’administration du matériel, des intrants, des semences améliorées…
et hommes d’affaires achètent couramment des terres (cf. partie 3).
pour produire du bois de teck ou des fruits et plus ré- En République démocratique du Congo, les petits
cemment des produits d’exportation comme l’ananas. maraîchers de cinq grandes villes qui manquaient de
Cependant, de petites exploitations familiales arri-
vent aussi à grandir et se moderniser. Même si elles Production et commercialisation
sont encore très minoritaires, elles sont des exemples
à suivre pour les autres. C’est le cas de Korka Diaw, une
vont de pair
petite rizicultrice sénégalaise de la vallée du fleuve, crédits abordables, d’eau et de semences de qualité
qui a mis toute son énergie à étendre son exploitation ont ainsi été aidés par un programme de la FAO. En
par l’acquisition de terres. Grâce à l’appui du minis- quelques années, leurs revenus ont quadruplé et ils
tère de la Femme et de l’Entreprenariat féminin, elle a produisent plus de 500 000 t de légumineuses et de
aussi créé deux puis trois petites rizeries pour décorti- légumes améliorant très nettement l’approvisionne-
quer le paddy. Aujourd’hui, elle emploie une vingtaine ment de ces villes et le régime alimentaire de leurs
d’ouvriers, dont huit femmes, et participe aux grandes habitants.
foires agricoles du pays. Dans le nord-ouest du Cameroun, NOWEFOR, une
Souvent c’est le coup de pouce d’un projet ou l’orga- fédération d’unions de groupes d’initiatives com-
nisation collective en groupements de producteurs qui munes (GIC) qui compte plus de 1 500 paysannes

[ reportage ]
activités. Elle s’est l’élevage commercial. L’offre s’élevait
livrée, seule, à un à un million de shillings ougandais
travail acharné, (UGX) (294 €) et Allen devait rembourser
qui a porté ses 700 000 UGX (206 €) en 12 mois. “J’aurais
fruits : elle possède pu rembourser l’argent en un an, mais
aujourd’hui le NAADS a été si satisfait de mes progrès
500 poules qu’il m’a demandé de continuer à
pondeuses, une exploiter le capital”, dit-elle. Allen a
bananeraie modèle alors vendu les 200 poulets de chair
et un champ de d’origine et en a racheté 300. Avec les
manguiers. La recettes provenant des bananes et du
superficie totale de café, elle a acheté 350 poules pondeuses.
son exploitation Rapidement, Allen s’est lancée dans
© A. Nabwowe

s’élève à 22 ha. la culture associée des bananes, du


Sa route vers le café et des papayes. En février 2009,
succès a commencé Allen a utilisé les bénéfices provenant
lorsqu’une équipe des bananes et du café, et l’argent de
ouganda du Service national de conseil agricole la vente de terres pour investir dans

Une excellente (National Agricultural Advisory Services,


NAADS) a visité ses cultures de patates
les mangues – étape suivante de sa
stratégie de diversification. Elle a

récolte
douces et de manioc. “Ils ont cru en moi investi 30 millions UGX (8 811 €) dans
et m’ont proposé de suivre une formation une plantation de près de 14 ha. “Les
au siège du sous-comté pour apprendre mangues sont pour moi une source
Il y a moins de cinq ans, Allen Kitooke, l’agriculture et l’aviculture sur une base d’avenir”, affirme-t-elle, confiante.
45 ans, se lança dans l’élevage de commerciale”, explique Allen Kitooke. Allen est aujourd’hui le plus important
volaille, avec seulement 10 poulets. Le NAADS a demandé à Allen de vendeur d’œufs de la région et le
Aujourd’hui, elle est connue dans tout construire un abri pour ses volailles, principal fournisseur de plants de
le sous-comté de Busukuma, district de en échange d’un crédit (200 poulets bananiers. Elle a également investi dans
Wakiso, en Ouganda, et a diversifié ses de chair) pour l’aider à se lancer dans l’élevage à petite échelle. Agriculture et

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Marché à bétail
au Bénin

facteur de modernisation de l’agri-


culture en favorisant la complé-
mentarité entre les productions
des différents pays. Entre 2006
et 2008, les échanges commer-
ciaux, en grande partie agricoles,
entre les trois premiers pays de
l’East African Community – Kenya,
Ouganda, Tanzanie – ont, selon
cette organisation, augmenté de
près de 40 %. Les décisions poli-
tiques jouent donc un rôle primor-
dial pour accroître ces échanges
© Syfia International

régionaux (voir partie 4).


Le développement du sec-
teur agroalimentaire qui fait le
lien entre les producteurs et les
consommateurs est aussi un fac-
teur important poussant à la mo-
et paysans organisés en dernisation des exploitations pour augmenter la pro-
filières, a permis d’améliorer ductivité et la qualité des produits.
élevage lui rapportent actuellement un
nettement les techniques de Le respect de normes exigées pour l’exportation –
revenu net mensuel de 1,6 million UGX
culture, quintuplant ainsi la qualité sanitaire, traçabilité… – pousse les agricul-
(470 €) sur lequel elle épargne chaque
production de tomates. Pour teurs à moderniser leurs itinéraires techniques. Ces
mois un montant de 400 000 UGX
éviter de submerger les mar- changements bénéficient aussi aux productions lo-
(117,5 €). Elle vit dans une maison
chés locaux, un échelonne- cales, comme l’a constaté le COLEACP/PIP (Pour un
confortable et se déplace en voiture.
ment de la production a été développement durable du secteur fruits et légumes
La croissance régulière de sa petite
mis sur pied et des contrats ACP), qui a formé aussi de nombreux formateurs dans
exploitation lui a permis d’embaucher
passés avec des acheteurs de ce domaine.
15 ouvriers et elle prévoit d’en engager
Douala qui exportent vers le Pour rentabiliser les investissements, une gestion
cinq de plus pour assumer une charge
Gabon et le Congo. économique et financière de l’exploitation s’impose. Il
de travail croissante.
ne s’agit plus seulement de gérer les risques alimen-
La ferme modèle d’Allen sert parfois
Vendre et gérer taires de la famille, mais de savoir établir des dia-
de centre de formation pour enseigner
Ce dernier exemple montre gnostics technico-économiques, évaluer la rentabilité,
à d’autres agriculteurs comment
bien que la gestion de l’aval planifier les besoins financiers, organiser le travail
développer durablement son
est tout aussi importante que (besoins en main-d’œuvre, coûts, etc.). Autant de for-
exploitation. Rien ne se perd dans sa
les évolutions techniques mations nécessaires aux agriculteurs, souvent unique-
ferme. Les fientes de poulet et la bouse
des modes de production. ment dispensées par des projets ou des organisations
de vache servent d’engrais pour les
Marchés locaux, nationaux, de producteurs.
plantations de bananes et les pesticides
régionaux voire internatio- Plusieurs programmes s’emploient actuellement
sont faits maison, en mélangeant
naux sont autant d’opportuni- à favoriser le développement de l’agriculture d’en-
feuilles de tabac, piments, suie, ail
tés qu’il faut savoir explorer et treprise. Tout récemment a été lancé UniBRAIN
et urine de vache qui sont pulvérisés
valoriser, individuellement ou (Universités, business et recherche dans l’innovation
sur les cultures. “Cette méthode est
collectivement, en fonction agricole), qui veut lier enseignement universitaire,
rentable parce que le tabac, je le
du produit, des conditions recherche et secteur privé, et regroupe des institu-
cultive, et l’urine provient de mes
de transport, des normes tions telles que le Forum pour la recherche agricole en
vaches. Ces pesticides permettent de
requises... L’intégration régio- Afrique (FARA), le Réseau africain pour la formation
tuer les parasites et améliorent les
nale, qui vise la suppression en agriculture, agroforesterie et ressources naturelles
récoltes”, explique Allen.
des barrières douanières, (ANAFE) ou le Consortium panafricain pour l’agro-
Angella Nabwowe
peut ainsi s’avérer un puissant business et l’agro-industrie (PanAAC). Il s’agit de

Août 2011 | SPORE hors-série | 13


2 | les Nouveaux entrepreneurs

créer des consortiums d’incubateurs d’entreprises dans une filière spécifique. Cette approche a déjà
agricoles pour favoriser l’apparition de petites ou bénéficié à environ 60 000  exploitants, dont beau-
moyennes entreprises agro-commerciales compéti- coup de femmes en Afrique de l’Ouest, et s’étend en
tives : expertises d’étudiants diplômés spécialisés en République démocratique du Congo.
agrobusiness, services pour favoriser leur démarrage, Au Ghana, c’est la filière du poivre à Tamale, dans la
repérage des marchés… Les premiers pays concernés région Nord, et celle du maïs à Wench, dans la région
sont le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana, le Kenya, le Brong Ahafo, qui ont fait l’objet d’une concertation
Mali, le Mozambique, la Tanzanie, l’Ouganda et la entre tous les acteurs afin de développer des pôles
Zambie. locaux d’entreprises agricoles sur ces deux produits.
Les initiatives de ce type se multiplient même si
Incubateurs d’entreprises elles ne touchent pour l’instant qu’une infime partie
Depuis quelques années, le Centre international de des exploitants. Elles visent aussi un effet d’entraîne-
développement des engrais (IFDC) a aussi développé ment pour les autres paysans de la région. Ce qui est
les programmes “Systèmes et entreprises agricoles certain, c’est que la production agricole et l’agroali-
compétitifs” pour intégrer davantage les agriculteurs mentaire sont devenus des secteurs économiques
et les entrepreneurs locaux, les services de dévelop- attractifs où investissent des hommes d’affaires. Mais
pement technique, financier et commercial impliqués le fossé entre ces entreprises agricoles et les petites ex-
ploitations familiales reste énorme.
La vigilance est de rigueur pour que
les gros ne mangent pas les petits,
qui jouent un rôle primordial dans
l’approvisionnement des pays et
dans l’emploi. Pour passer d’initia-
tives individuelles ponctuelles à
des changements collectifs, les gou-
vernements ont un rôle primordial
à jouer pour leur offrir un terreau
favorable.
© N. Ackbarally

Aquaculture
à Maurice

malawi Flora a appris à utiliser l’eau de ses périurbaines se sont développés et

Recycler l’eau étangs pour irriguer ses nouvelles


cultures, composées notamment de
3 000 exploitations piscicoles ont
été créées au cours des 10 dernières

et l’espace maïs, de bananes, de tomates et de


choux. Les résultats dépassent de loin
années. Au Cameroun, un certain
nombre de petites exploitations ont
Flora Mwase s’est diversifiée dans ceux qu’elle a pu obtenir avec les pris de l’ampleur pour devenir des
la pisciculture sur son petit lopin de cultures sèches et elle vend son poisson exploitations commerciales, possédant
terre situé dans le district de Dowa, et ses récoltes sur les marchés locaux. chacune 11 500 m2 d’étangs à poissons
au Malawi. Elle a reçu de l’aide pour “J’ai réussi à construire une maison en moyenne. En Papouasie-Nouvelle-
construire des étangs et a été formée en tôle ondulée et mes enfants sont Guinée, l’aquaculture gagne du terrain en
dans le cadre du Programme national maintenant scolarisés dans de meilleures tant que source de revenus et aide à lutter
de pisciculture. Mais l’aquaculture n’est écoles secondaires”, affirme Flora. contre le chômage, en particulier pour
pas une option facile. Cette activité Dans d’autres pays également, les femmes et les jeunes. Les nouvelles
présente de nombreuses difficultés, l’aquaculture s’avère être un moyen tendances génèrent d’autres emplois
notamment l’accès au capital efficace d’obtenir des revenus et d’autres activités commerciales. Au
d’installation, l’approvisionnement en supplémentaires pour les petites Nigeria, certains entrepreneurs aquacoles
aliments pour poissons et en alevins, exploitations agricoles possédant un vendent du poisson tandis que d’autres
les circuits commerciaux inadaptés et le espace limité. Au Nigeria, les étangs se concentrent sur la production et la
manque de savoir-faire technique. et bassins piscicoles dans les zones vente d’aliments pour poissons.

14 | Spore hors-série | Août 2011


INTERVIEW

Christian Roko
Du journalisme à l’agriculture
Détermination, formation, réflexion sont les clefs de la
réussite de ce journaliste béninois reconverti en agriculteur
et passionné par ce métier. Encouragé par ses premières
réussites, il a aujourd’hui des plans à long terme pour
moderniser son exploitation et transformer ses produits.
Christian Roko a été
journaliste à l’agence
Il y a deux ans, fruitiers commencent à donner leurs pre- installait ! Nous échangeons nos conseils.
Proximités de Cotonou vous avez quitté miers fruits. Les marchés locaux absorbent Je fais de même avec mes ouvriers agri-
jusqu’en 2010, où il votre métier sans problèmes ces petites quantités ven- coles, d’anciens amis qui ne s’en sortaient
traitait souvent de de journaliste dues aux femmes. Mais je ne compte pas pas sur leurs petites exploitations. Là, ils
sujets agricoles. Depuis,pour devenir en rester là. J’ai en projet de transformer gagnent de l’argent et exploitent de petits
il est agriculteur dans
l’est du Bénin.
agriculteur à mes produits : de fabriquer de l’huile de champs. Je les pousse à voir plus loin.
part entière. palme, des jus de fruits, des biscuits que
Vous ne semblez pas vouloir vous
Un parcours peu courant. Était‑ce je vendrai dans les magasins de Cotonou
arrêter en si bon chemin. Quels
un projet de longue date ? ou exporterai. J’ai déjà été contacté par un
sont vos projets d’avenir ?
Je n’ai pas changé sur un coup de tête. gros commerçant nigérian prêt à m’ache-
Pour l’instant, mon chiffre d’affaires est
Cette reconversion, je la mûrissais depuis ter de l’huile de palme.
encore maigre et je le réinvestis dans
2003, quand j’ai acheté mes quatre pre- Je suis aussi en train de tester des produits
l’exploitation, en particulier pour payer
miers hectares de terre à Ita-Djèbou dans inhabituels pour les Béninois. Un restau-
mes sept ouvriers. Mais il évolue vite. J’ai
le département du Plateau, à 65 km à l’est rant a accepté d’offrir à ses clients de la
l’intention de m’équiper, d’acheter un mo-
de Cotonou. L’agriculture a toujours été grenadine et du jus de fruits de la passion
toculteur et une faucheuse, ce qui me per-
une passion pour moi, dès l’école. Bien que issus de mes arbres.
mettra d’agrandir ma ferme. Mais j’hésite
ni mes parents, ni mes grands-parents ne
à prendre un crédit car c’est un risque et le
soient agriculteurs, ils ont toujours cultivé Votre formation vous a-t-elle
taux d’intérêt de plus de 10 % me semble
eux-mêmes de petits champs. incité à utiliser de nouvelles
très coûteux. D’ailleurs je n’ai jamais pris
Pour moi, il est important d’avoir deux techniques de culture ?
aucun crédit.
cordes à son arc. J’ai donc mené parallè- Grâce à ce que j’ai appris au centre
D’ici deux ou trois ans, quand mes planta-
lement une maîtrise de droit privé à l’uni- Songhaï, j’essaie d’utiliser au maximum
tions actuelles produiront à plein, j’espère
versité et une formation agricole au centre des intrants naturels peu coûteux et qui
avoir une grande plantation mécanisée.
Songhaï, complétée par des stages dans respectent l’environnement. Pour fertiliser
Outre les spéculations actuelles, je plante-
des fermes au Bénin et à l’étranger. les agrumes, je mets du compost ; sur les
rai aussi de l’anacarde et des arbres pour
En 2004, j’ai commencé à planter des pal- palmiers à huile, de l’“engrais végétal”,
le bois. J’ai aussi en projet d’aménager un
miers à huile sélectionnés et des arbres c’est-à-dire des feuilles sèches qui, en se
marécage pour faire de la pisciculture. J’ai
fruitiers – agrumes, manguiers, avoca- décomposant, enrichissent le sol. Je n’uti-
beaucoup d’espoir. Et j’ai 43 ans, il faut
tiers… et entre eux des cultures interca- lise pas de pesticides mais des poudres de
que je songe à me marier…
laires : maïs, manioc, haricots, sésame… nem pour lutter contre les insectes.
Occupé toute la semaine comme journa- Pour accroître la résistance de mes plantes D’autres citadins ont-ils tenté
liste, pendant six ans, je suis venu tra- à la sécheresse, je capte l’eau de ruissel- la même expérience que vous ?
vailler mes champs deux dimanches par lement grâce à des trous que j’aménage Avec quels résultats ?
mois. Peu à peu, avec mes économies et autour des plants. Des jeunes ont essayé de s’installer mais
le soutien de ma famille, j’ai agrandi mon Mes diverses formations m’ont par ailleurs beaucoup n’ont pas tenu le coup et ont
exploitation. Aujourd’hui je cultive 9,5 ha. aidé à acquérir une bonne expérience en arrêté. Ils trouvent le métier trop dur et,
gestion : plan de distribution spatiale, surtout, se heurtent au manque de main-
Comment écoulez-vous vos organisation du travail, suivi des activités, d’œuvre, un très gros problème. Les jeunes
productions ? Qu’envisagez‑vous des coûts… des villages ne veulent plus travailler la
à l’avenir ? J’échange aussi beaucoup avec mes voisins, terre, ils préfèrent trafiquer l’essence avec
Pour l’instant, seuls trois de mes huit hec- des paysans traditionnels venus cultiver ici le Nigeria ou faire le taxi-moto à Cotonou.
tares de palmiers sont en production ; les quand ils ont vu que même un citadin s’y Moi, j’ai la chance d’avoir mes amis.

Août 2011 | SPORE hors-série | 15


Témoignages et innovations

interview
Respecter Priorité
les petits producteurs à la sécurité
En quoi consiste
l’“agriculture
Que devraient être ces relations
dans un “monde idéal” ?
alimentaire
Les conclusions des études menées par
moderne” selon vous ? Étant les “pères nourriciers” de la
le programme RuralStruc dans sept pays,
D’après moi, nation, les petits producteurs devraient
dont trois en Afrique subsaharienne
l’agriculture moderne être considérés avec le plus grand
Stephen Muchiri est et à Madagascar, entre 2006 et 2010,
directeur exécutif
sous-entend une respect. Les politiques devraient donc
donnent des pistes pour favoriser la
de la Fédération production écologique, favoriser la production, la transformation
transition vers une agriculture moderne,
des agriculteurs de car celle-ci permet et la commercialisation de leurs
l’Afrique de l’Est
moteur de la croissance. Celle-ci doit
d’éviter la pollution des produits. Les agriculteurs devraient être
(EAFF), créée en 2001. ressources naturelles à être essentiellement basée sur les petites
associés aux travaux de la recherche,
En octobre 2010, l’EAFF exploitations, vivier d’emplois pour les
a organisé l’Assemblée
la source. L’agriculture afin d’éviter que ces travaux ne soient
très nombreuses générations montantes.
générale du Forum moderne implique publiés dans le seul but de rendre leurs
Cependant, la pauvreté “structurelle”
panafricain des aussi la promotion de auteurs célèbres. Le gouvernement
agriculteurs (PAFFO).
des agriculteurs africains ne leur donne
politiques adéquates devrait aussi éviter d’importer des biens
aucune capacité d’investissement. Ils
qui profitent au petit exploitant, lui produits dans le pays car cela pénalise
ne peuvent que limiter les risques pour
permettent d’augmenter sa productivité et la production locale et accentue les
assurer leurs besoins essentiels. C’est
sa production grâce aux technologies dont désillusions des agriculteurs en termes
pourquoi assurer leur sécurité alimentaire
il dispose selon la zone climatique où il de production. Cette situation nous
doit être la priorité des politiques,
se trouve. Il s’agit de travailler le sol, en le conduit tout droit au désastre alors que
qui doivent les aider à accroître leurs
préservant pour les générations futures et les niveaux d’insécurité alimentaire sont
productions et à accéder au marché.
en utilisant des pesticides et des engrais de plus en plus élevés.
Conditions nécessaires pour diversifier
sûrs, du fumier, mais aussi de l’énergie
Quels sont les enjeux de la leurs activités et dégager des moyens
verte pour la production.
transition de la petite exploitation afin d’investir dans des productions
Quelles sont les relations entre à l’agriculture commerciale ? commerciales plus rentables.
l’agriculture à petite échelle et Si les petits exploitants passaient Pour favoriser cette transition, RuralStruc
l’agriculture industrielle au Kenya ? à l’exploitation commerciale, cela insiste aussi sur l’importance de
Puisque la plupart des agriculteurs du serait tout à la fois positif et négatif. développer des liens puissants entre
Kenya sont de petits producteurs, les L’impact positif étant qu’ils seraient les petites villes et leur environnement
gros exploitants ont tendance à passer capables de tirer de meilleurs profits rural. Ce qui permet de rapprocher
des contrats avec eux afin d’augmenter de leur production. Cependant, la producteurs et consommateurs, de
leur volume de production à l’export. plupart des exploitants industriels réduire les coûts de transport et
Dans la plupart des cas, les gros pratiquent la monoculture. Cela de limiter la concurrence souvent
exploitants fournissent des intrants menace la biodiversité et la majeure défavorable aux producteurs dans les
(engrais et pesticides), participent partie de la production est destinée capitales. La plus forte proximité entre
au renforcement des capacités de exclusivement au marché européen. ces petites cités et les campagnes donne
production et offrent parfois des Ainsi, le consommateur d’Afrique de aussi la possibilité aux agriculteurs de
semences. Les petits producteurs font l’Est souffrirait gravement de la hausse travailler à la fois dans les champs et en
de leur mieux pour cultiver des produits des prix, car toute la production devrait ville, renforçant le secteur économique
de qualité et les vendre aux gros être réimportée, après transformation à non agricole et permettant un
exploitants pour l’exportation. l’étranger. développement urbain durable.

Pour aller FIDA


Nouvelles directions pour l’agriculture familiale
Programmes entreprises
agricoles, filières
plus loin http://tinyurl.com/62n8yu3
• Rapport sur la pauvreté rurale 2011
et marchés du CIDR
http://tinyurl.com/6x49769
Centre international pour http://tinyurl.com/5wxrbcz
UniBRAIN
la recherche agricole orientée Initiative NEPAD-OCDE pour http://tinyurl.com/42df22r
vers le développement l’investissement en Afrique
http://tinyurl.com/66pbzmh
http://tinyurl.com/6glq7tx

16 | Spore hors-série | Août 2011


3 | Agir pour moderniser

Prendre son essor


Il n’y a pas de formule magique pour passer d’une vie
de subsistance à une existence pleine de promesses de
rentabilité et d’expansion. Mais l’expérience montre
© J. Matthews / Panos-Réa

que les petits propriétaires des pays ACP qui y sont


parvenus ont tous dû surmonter de grands obstacles.

Août 2011 | SPORE hors-série | 17


3 | Agir pour moderniser

D
ans la plupart des pays en développement, les être le premier obstacle pour un exploitant souhai-
petits propriétaires représentent plus de la moi- tant développer sa production. La difficulté la plus
tié de la population et les chiffres montrent que souvent évoquée en matière d’entreprenariat est un
leurs exploitations disposent d’opportunités de accès insuffisant aux capitaux, selon la Conférence
croissance considérables. Le rapport sur la pauvreté des Nations unies sur le commerce et le développe-
rurale 2011 du Fonds international de développement ment (CNUCED). Les systèmes bancaires formels se
agricole (FIDA) révèle qu’il existe un “énorme poten- montrent souvent réticents à appuyer les petits entre-
tiel” pour améliorer les revenus dans les zones rurales preneurs ruraux en raison des risques commerciaux
en mobilisant les petits agriculteurs. Mais de quoi un perçus et de l’absence de garanties, un problème
petit producteur a-t-il besoin pour passer de l’agricul- encore plus aigu pour les jeunes et les femmes. Les
ture vivrière à l’agriculture commerciale ? solutions de financement proposées aux petits pro-
Trouver les fonds pour acheter les intrants princi- priétaires agricoles sont souvent trop coûteuses pour
paux comme les engrais et le matériel agricole peut répondre à leurs besoins à moyen et long terme.

BANQUES COMMERCIALES
2972
3000
Nombre
2556 2505 de comptes
2500
bancaires pour
2109 1 000 adultes
2000
dans quelques
pays ACP
1500

1138

1000
839
758

479 461
500 382
333
283 226 187 173 141 116 109 100 94 75 68
0
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97 95 100
100

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50
34
23

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4
0
Source : CGAP | © Intactile DESIGN

Compétences africains indigènes traditionnels. Les


paysans ont été affectés à des unités
Le volume des ventes s’est élevé à
9 000 t, avec des revenus financiers

commerciales d’aide aux entreprises (BSU) et ont


reçu des formations en matière de
de 80 millions KES (660 000 €) sur les
marchés informels et de 150 millions
Avec le soutien de FARM-Africa, leadership, de gestion financière et KES (1,2 million €) sur les marchés
les petits agriculteurs d’Afrique de de comptabilité avant de passer à formels. L’introduction des légumes
l’Est ont acquis des compétences la commercialisation des légumes africains indigènes a rapporté à
commerciales et ont pu accéder locaux. Au Kenya, la demande a l’agriculteur moyen des revenus nets
aux marchés rentables des légumes augmenté de 135 % en deux ans. de 1 120 €/ha.

18 | Spore hors-série | Août 2011


Des solutions innovantes incluent le financement
de la chaîne d’approvisionnement, le microcrédit, les
coopératives de crédit et le warrantage (voir page 26).
Les paysans doivent trouver de nouveaux moyens
pour développer leur production agricole et leurs

Les services de vulgarisation et de conseil


ont un rôle déterminant à jouer
élevages s’ils veulent que leurs exploitations soient
rentables. Les services de vulgarisation et de conseil
ont aussi un rôle déterminant à jouer pour les aider
à adopter de nouvelles techniques. Augmenter la pro-
ductivité agricole par le biais de croisements, par la sé-
lection de nouvelles variétés ou l’adoption de techno-
logies innovantes, est un moyen de produire plus sur
3000
une même surface. Mais si l’agriculture doit s’intensi-
fier, cela doit obligatoirement se faire de manière du-
2500 rable. Une étude des Nations unies sur l’agro-écologie,
publiée en mars 2011, révèle que les petits paysans
2000
peuvent doubler leur production d’aliments en dix ans
en adoptant des méthodes écologiques simples comme
le recyclage des nutriments ou la fixation de l’azote
1500
biologique. Le rapport fait état de projets agro-écolo-
giques qui ont enregistré une augmentation des ren-
© IFAD/R. Chalasani

1000 dements moyens des cultures de 80 % dans 57 pays en


développement. Le Rapport prévisionnel sur les ave-
nirs agroalimentaires publié en janvier 2011 détaille
500
40 études de cas portant sur l’intensification durable
25 23
dans 20 pays d’Afrique. En moyenne, les rendements La secrétaire d’un groupement
6
effectue un remboursement de prêt
0 ont plus que doublé sur une période comprise entre 3
à la banque de Masaka (Ouganda).
r

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au

et 10 ans. La production durable peut avoir d’autres


ge

un

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Ni

Bi
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retombées. Au Burkina Faso, un pas vers la conserva- d’occupation des terres et l’accès au crédit vont de pair
Bu

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in

tion des sols a donné naissance à un réseau de jeunes car les prêts ne sont souvent accordés qu’aux agricul-
Gu

travailleurs journaliers qui vont de village en village teurs possédant des titres de propriété. Plus de 80 %
150 pour creuser des poquets de zaï et construire des murs des terres dans le Sud ne sont pas légalement enre-
et des structures en voûte. gistrées. Certains pays ACP, comme le Burundi et le
Mali, tentent de mieux sécuriser les terres en mettant
100
Gestion des terres et sécurisation foncière en place des commissions de gestion des terres et des
Certains estiment qu’il ne peut pas y avoir de réelle bureaux cadastraux. Le Réseau des femmes rurales
27
50 augmentation de la production sans passer par les productrices (NRWP) de Trinité-et-Tobago est à l’ini-
7
cultures génétiquement modifiées (GM), même si tiative de campagnes visant à s’assurer que les femmes
...
0 cette question continue à susciter des débats hou- puissent également devenir propriétaires de terres et
leux. En mai, le Kenya est devenu le troisième pays à aider ses membres à connaître et faire valoir leurs
d’Afrique subsaharienne (après l’Afrique du Sud et le droits. Même de petites parcelles peuvent être pro-
Burkina Faso) à approuver la plantation commerciale ductives. Dans les Caraïbes, la culture des herbes et
d’OGM. épices s’avère rentable pour un nombre croissant de
Accès à la terre et sécurité foncière influencent la producteurs.
mesure dans laquelle les agriculteurs sont prêts à in- Parmi les technologies et innovations simples
vestir dans la gestion améliorée des terres et à adop- pouvant avoir un impact significatif se trouvent la
ter de nouvelles technologies et innovations. Acquérir construction de puits agricoles, la récupération de
plus de terres en les louant fait souvent partie de la l’eau, l’irrigation au goutte-à-goutte, des calendriers
transition d’une agriculture vivrière à une agriculture de culture adaptés et des stratégies visant à réduire les
commerciale. Il est donc important que les régimes pertes post-récolte. L’utilisation de serres et de cultures
fonciers prévoient ce type d’arrangement. Le mode hydroponiques a permis à certains agriculteurs des

Août 2011 | SPORE hors-série | 19


3 | Agir pour moderniser

pays ACP de réaliser de bons bénéfices, surtout dans d’éducation ; elles améliorent la distribution, accélèrent
les Caraïbes. La production de tomates hydroponiques le développement des marchés et réseaux commerciaux.
se développe en Côte d’Ivoire, où les bénéfices sont De plus en plus de services offrent des informations en
tels que les agriculteurs remboursent leur investisse- temps réel sur les marchés, de sorte que les agriculteurs
ment en seulement trois mois. Actuellement, moins de reçoivent les cours des denrées et les demandes directe-
1 % des terres agricoles d’Afrique sont labourées au
tracteur et seulement 10 % par des animaux de trait. Les TIC accélèrent le développement
Seulement 7 % des terres arables africaines sont irri-
guées, contre 41 % en Asie du Sud. Selon les experts,
des marchés et réseaux commerciaux
la clé du succès réside dans le choix de technologies ment sur leur téléphone portable. Un programme mis en
adaptées aux conditions locales. Les systèmes d’irriga- place dans le village de Macha, en Zambie, aide les habi-
tion doivent tenir compte des caractéristiques singu- tants des zones rurales à accéder à Internet. Lorsque le
lières des petits propriétaires, notamment la taille des cheptel de Fred Mweetwa, un éleveur local, est tombé
parcelles, le manque de capitaux et la faible tolérance malade, sachant que le vétérinaire le plus proche se
au risque. L’introduction de pompes à pédale dans la trouvait à des centaines de kilomètres, il a utilisé Skype
région semi-aride de Karamoja en Ouganda aide les pour contacter un vétérinaire et sauver ses animaux.
bergers à diversifier les cultures. Dans la région du
Kilimandjaro, en Tanzanie, les agriculteurs qui pei- Marchés et chaînes de valeur
naient autrefois à nourrir leurs familles vendent main- L’implication du secteur privé peut être un puissant
tenant leurs produits sur les marchés locaux, grâce à moteur de croissance, surtout en l’absence de sou-
l’irrigation et l’installation de micro-barrages qui récu- tien du secteur public. La sous-traitance agricole n’est
pèrent les eaux de ruissellement. qu’un des nombreux modèles commerciaux qui per- Nettoyage
d’un canal
Les technologies d’information et de communication mettent aux agriculteurs de bénéficier d’aides en ma- d’irrigation
offrent de réels avantages en matière de formation et tière de production, d’intrants et d’accès au marché. au Guyana

[ reportage ]
agricoles de la Barbade (Barbados patates douces, de tomates et de bananes
Agricultural Development and Marketing vertes. Elle fut ensuite transférée à l’Unité
Corporation, BADMC) à l’élaboration de de transformation agroalimentaire de
sous-produits du manioc. la BADC et travailla à l’élaboration de
À ses débuts, Marion Hart vendait de la ketchups, confitures, gelées, sauces,
nourriture dans la rue à Trinidad, avant pommes de terre frites et galettes. Son
de revenir à sa Barbade natale avec sept activité l’amena à voyager dans la région.
enfants en bas âge qu’elle élevait seule. À l’Institut de recherche industrielle des
En quête d’activités rémunératrices, elle Caraïbes à Trinidad, elle participa à la
proposa son aide à un vendeur ambulant mise au point d’une farine de patate
de jus de fruits et de sandwichs qui douce. Lors d’un atelier à la Grenade, elle
© A. Taitt

© A. Taitt

possédait un camion. Elle lui demanda se familiarisa avec le broyage de manioc


si elle pourrait y vendre certains de ses en farine à mouture fine.
la barbade propres produits. “Il a été d’accord, En 2002, Marion décida de s’installer

Transformer pour moyennant une commission de 5 %


sur tout ce que je vendais. J’ai donc
à son compte et lança “Les 7 Harts”,
se référant à ses sept enfants. Elle

moins gâcher commencé à vendre du punch coco et des


petits pains faits maison au coco et au
commença par approvisionner deux petits
points de vente en gâteaux au sucre.
Toute sa vie, Marion Hart a travaillé dans manioc”, raconte-t-elle. Moins d’un mois plus tard, elle avait cinq
la transformation alimentaire et cherché Marion trouva bientôt un emploi clients de plus. Les ventes lui procuraient
à aider d’autres agricultrices à augmenter d’assistante technique à la Société de de bons profits. Elle créait ses étiquettes
leurs revenus grâce à leurs cultures. développement agricole de la Barbade chez elle, sur son ordinateur. Fin 2003,
Propriétaire d’une entreprise alimentaire (Barbados Agricultural Development elle comptait 25 clients réguliers, à qui
en plein essor, connue dans une grande Corporation, BADC). Il lui fallait élaborer elle fournissait bonbons au tamarin,
partie des Caraïbes, elle travaille également des idées de produits transformés que gâteaux au sucre, gâteaux de Noël,
avec la Société de développement agricole les techniciens spécialisés pourraient pâtes de fruit à la goyave, jus de fruits
et de commercialisation des produits développer, principalement à partir de et confitures à base de pommes, cerises,

20 | Spore hors-série | Août 2011


plus élevés. Les marchés nationaux et régionaux
peuvent être une alternative intéressante ; c’est pour-
quoi ils ne doivent pas être négligés. Les petits pro-
ducteurs ont besoin d’aide pour identifier les marchés
les mieux adaptés à leurs produits et conditions spé-
cifiques et ils ont besoin de conseils pour savoir com-
ment accéder à ces marchés. Les infrastructures sont
également importantes, notamment l’amélioration
des routes et des transports. Un cinquième seulement
de la population rurale d’Afrique subsaharienne a un
accès facile au marché, contre 60 % des habitants des
zones rurales d’Asie.
Les compétences commerciales figurent parmi
les aspects les plus négligés par les programmes de
développement rural des gouvernements et orga-
nismes nationaux. Elles sont pourtant cruciales pour
que les producteurs deviennent des entrepreneurs.
Le programme infoDev de la Banque mondiale pos-
sède un réseau mondial d’incubateurs d’entreprises,
réparti dans plus de 80 pays en développement. Au
© IFAD/H. Wagner
Burkina Faso, le Projet d’aide aux microentreprises
rurales cible les femmes, les jeunes, les microentre-
preneurs et les paysans pauvres des zones rurales en
leur offrant des services de développement commer-
cial. Les programmes d’entreprenariat et de finance-
ment offrent de plus en plus de services incluant aussi
Les chaînes de valeur lo- un savoir-faire technique et commercial. La Banque
cales, régionales et mondiales de développement agricole de Trinité-et-Tobago, qui
caramboles et tamarins. Elle vendait
peuvent offrir d’importantes a pour mission d’aider les petits exploitants à passer
également des piments broyés, en vrac,
opportunités pour les petits de l’autosubsistance à l’agriculture commerciale, offre
aux fabricants de sauce au poivre.
fournisseurs, en permettant tout un éventail de systèmes d’assistance technique,
Grâce aux revenus de son entreprise,
aux producteurs des pays ACP comme des formations aux bonnes pratiques agricoles
Marion a pu inscrire cinq de ses enfants
habituellement relativement et aux systèmes d’assurance qualité.
à l’université. L’un d’eux, ingénieur
isolés d’accéder à une gamme
chimiste, l’aide dans ses travaux de
de services tels que le conseil, La touche en plus
recherche.
le crédit, la transformation Transformer les produits et les présenter de ma-
Marion Hart croit fermement à l’appui
et le marketing. Ces dix der- nière attractive sont de bons moyens de générer des
aux agricultrices. Consciente de la
nières années ont vu l’intégra- revenus. Mais pour le moment, moins de 20 % de la
nécessité de réduire le gaspillage élevé
tion constante de plus en plus production agricole des pays en développement est
de la production agricole, elle enseigne
de produits agricoles prove- transformée, contre 80 % dans les pays développés.
aux autres comment développer des
nant de pays africains dans Certaines cultures vivrières des pays ACP, comme le
produits et les exploiter pour générer des
des filières internationales manioc, sont volumineuses, périssables et ne peuvent
revenus plus élevés. Dans plusieurs pays,
notoires, notamment le café pas être commercialisées sans subir un processus de
elle a formé des femmes à mieux utiliser
d’Éthiopie et du Mozambique transformation et de conditionnement important. Cela
les aliments qu’elles cultivent. Son travail
et les fleurs d’Éthiopie, du entraîne des disparités frappantes. Le Nigeria est le
consiste à promouvoir la cuisine locale
Kenya et de Tanzanie. plus grand producteur de manioc du monde, mais il
en développant des produits et des
Vendre leurs produits est représente 0 % des exportations mondiales de manioc
recettes et apprendre aux agricultrices à
souvent un défi pour les pe- transformé, alors que la Thaïlande, qui ne représente
commercialiser leur production.
tits exploitants. Même si les que 10 % de la production de manioc mondiale, dé-
Elle consacre sa vie à aider les femmes à
marchés modernes offrent un tient 80 % du commerce mondial car elle transforme
s’émanciper. De façon simple et directe,
nouvel environnement com- sa production.
elle résume : “Je suis heureuse quand
mercial aux petits proprié- Le processus consistant à ajouter de la valeur aux
les gens apprécient ce que je fais.” Et
taires, avec des opportunités produits agricoles a un effet boule de neige, car il
elle conclut : “J’ai beaucoup travaillé.”
potentiellement rentables, ils ouvre de nouvelles possibilités. Selon la CNUCED,
Andy Taitt
ont aussi des coûts d’entrée chaque dollar US (0,70 €) de valeur supplémentaire

Août 2011 | SPORE hors-série | 21


3 | Agir pour moderniser

ajoutée dans le domaine agricole rapporte 30 à ce fruit et de ses sous-produits (savons à la mangue,
80 cents (0,20 à 0,55 €) de revenus supplémentaires papier, boissons et même bijoux).
dans d’autres secteurs de l’économie. De plus en plus De nombreux agriculteurs des régions ACP ont amé-
de petits producteurs des Caraïbes ciblent les touristes lioré leur production et leurs revenus en se diversifiant
et les marchés d’exportation avec des chutneys, des dans plusieurs secteurs, comme les cultures, l’élevage
sauces épicées et des condiments. Nelva Magloire a et la pisciculture (voir reportage ci-dessous). Identifier
créé une petite entreprise de fabrication de chips de et accéder à un marché de niche peut faire toute la dif-
plantain dans la cuisine de sa mère, en Dominique. férence entre gagner modestement sa vie et sortir du
Elle dirige aujourd’hui une unité de transformation à lot, en dégageant des bénéfices suffisants pour planifier
l’échelle commerciale. Le Réseau des femmes produc- et étendre son exploitation. Les fermes de demain ne
trices rurales (NRWP) de Trinité-et-Tobago organise doivent pas obligatoirement être basées sur une agri-
un festival annuel autour des activités conférant de la culture rudimentaire. L’économie rurale non agricole
valeur ajoutée aux produits. L’an dernier, le festival a est un moyen de sortir de la pauvreté, surtout pour les
mis la mangue à l’honneur, avec des démonstrations femmes, et présente des opportunités dans les secteurs
de techniques de transformation et de marketing de du commerce, de l’agroalimentaire, de suite page 24

[ reportage ]
papouasienne Earth and Spirit Products
(ESP) pour fournir un café satisfaisant
aux normes d’une production bio de
haute qualité.
“Ce café est ensuite traité et exporté
vers des marchés certifiés biologiques
en Australie et aux États-Unis”, précise
Mme Fiona Tanner, fondatrice et
directrice générale de la société. En 2010,
© V. Prasad

ESP a exporté un total de 3 000 sacs de


café avec une augmentation nette des
recettes de 40 % pour les cultivateurs
entreprise locale. Ce réseau faisant partie par rapport à l’année précédente.
papouasie- d’une chaîne de valeur opérationnelle,
nouvelle-guinée ils reçoivent une aide essentielle pour Le moment de se diversifier

Les maillons les intrants, la gestion des cultures et,


peut-être le plus important de tout, pour
Pour faire la soudure entre les saisons
de récolte du café et aider son réseau de

d’une chaîne la vente de leurs produits. À présent, ils


produisent un café certifié biologique
destiné aux marchés australien et
petits producteurs ruraux isolés, en 2010,
ESP a étendu ses activités à la production
de piments oiseaux (Capsicum frutescens)
Les producteurs de café du plateau
américain, qui leur assure des revenus biologiques. Pour cela, la société a
isolé de Managalas, en Papouasie-
largement supérieurs à ceux auxquels réaménagé ses entrepôts pour installer
Nouvelle-Guinée, se sont tournés
ils étaient habitués. Cette étape cruciale un séchoir solaire, afin d’obtenir le taux
vers la très lucrative exportation
a permis aux agriculteurs de se lancer d’humidité requis pour le stockage et la
de café biologique. Encouragés
dans une nouvelle culture qui génère vente des piments.
par leur succès, ils se sont lancés
encore plus de revenus, celle du piment. “Nous tirons un revenu régulier de
dans la culture de piments.
Cela leur garantit désormais des rentrées nos piments”, confie Tom Mesa, un
Le relief accidenté du plateau volcanique régulières tout au long de l’année. agriculteur du village de Tabuane, chargé
de la province d’Oro en Papouasie- La plupart d’entre eux dirigent des du contrôle qualité et de la production
Nouvelle-Guinée (PNG) ne facilite pas la exploitations de 1 à 10 ha et n’ont aucune des piments.
culture et fait de la commercialisation autre source de revenus. À la fin de l’année dernière, l’entreprise a
de la production un défi encore plus dur exporté son premier conteneur de piments
à relever. Cependant, et contre toute Soutien aux agriculteurs en Australie et elle envisage d’en expédier
attente, un réseau de petits producteurs Ce réseau informel de 2 345 caféiculteurs plus de dix au cours de cette année.
de café de cette région s’est associé à une bénéficie du soutien de la société Vinesh Prasad

22 | Spore hors-série | Août 2011


INTERVIEW

António Souto
L’agriculture et l’économie
main dans la main
La modernisation du secteur agricole ne se réduit pas à
l’aspect financier. Pour aboutir pleinement, elle doit associer
les petits agriculteurs et leur donner accès aux technologies
Francisco António Souto
et aux marchés. Exemples de réussites au Mozambique
est économiste. Il a été
journaliste économique
sous l’égide de la société d’investissement Gapi-SI.
et a travaillé en tant
que conseiller de la
Qu’est-ce que faut considérer l’agriculture et l’économie de importations, tirant profit des ressources
Fondation Friedrich Ebert. Gapi-SI ? manière globale. On peut parler de moderni- locales, tout en créant des micro-entre-
Depuis 1990, il dirige Gapi-SI est une ins- té lorsque les capacités du secteur commer- prises et des emplois.
l’institution financière de titution financière cial s’articulent avec celles de l’agriculture Un autre exemple de réussite est l’une des
développement Gapi‑SI, de développement familiale, au sein de chaînes de valeur bien organisations coopératives que nous avons
au Mozambique.
(IFD), enregistrée organisées. Pour cela, l’accès à un réseau contribué à créer pour commercialiser les
dans le système bancaire commercial est indispensable, mais produits des paysans – Ikuru. Ikuru, qui
bancaire mozambicain en tant que société insuffisant. Il vise les principaux acteurs fait du commerce équitable et biologique,
d’investissement (SI). C’est une société de la chaîne de valeur. Un réseau d’institu- assure des profits supplémentaires aux
mixte public-privé de développement d’en- tions de microfinance crédibles et durables, producteurs. À Londres, on trouve désor-
treprise. Nos actionnaires sont des investis- proches du marché des petites et micro-en- mais des noix de cajou, des cacahouètes et
seurs qui ont une vision sur le long terme treprises rurales, est également nécessaire. du sésame exportés par des coopératives
et ont investi dans un concept moderne de C’est pourquoi nous sommes impliqués qui représentent environ 10 000 familles
banque pour le développement socio-éco- dans la création d’un réseau d’organisations associées à Ikuru.
nomique. Compte tenu de ses actionnaires, d’épargne et de crédit communautaires, ain-
Quels sont les principaux
Gapi-SI propose, outre ses activités finan- si que de caisses rurales, afin de répondre
obstacles rencontrés ?
cières, des services de soutien au dévelop- aux besoins des petits producteurs.
Au cours de ces dernières années, Gapi-SI a
pement d’entreprises. Nous considérons que
Quels sont les résultats de diversifié ses affaires et consolidé ses résul-
la méthodologie d’intervention holistique
votre approche en faveur tats économiques et financiers. Toutefois,
que nous adoptons est la plus efficace pour
des petits producteurs ? une compréhension limitée de ce qu’est
faire éclore une nouvelle génération d’entre-
Les résultats sont visibles à l’échelle natio- une IFD persiste. Nous devons surmon-
prises. Nous soutenons des projets de start-
nale. Le secteur avicole est désormais dirigé ter cet obstacle en communiquant mieux.
ups, ainsi que des incubateurs d’entreprises
par des entreprises nationales. Il y a dix ans Une partie de la classe politique nationale,
composés de jeunes et œuvrant à la création
de cela, ces entreprises, fragiles, ne dispo- des techniciens et des responsables pen-
d’opportunités d’affaires et d’emplois pour
saient que de petites fermes d’élevage. En sent toujours que les IFD sont des banques
les jeunes.
contrepartie de notre financement, nous d’État qui fonctionneraient comme des dis-
Qu’est-ce que la “modernisation” avons exigé que les propriétaires s’appro- tributeurs d’argent (accordant des crédits
de l’agriculture au Mozambique ? visionnent en matières premières chez en fonction de motivations politiques, sans
La modernisation intègre les différents seg- les producteurs locaux pour la fabrication responsabiliser les emprunteurs). Certains
ments et opérateurs des filières agricoles. d’aliment, tout en leur fournissant des croient qu’il suffit qu’il y ait davantage de
Cette intégration n’est porteuse de moder- poussins d’un jour et des aliments, afin de banques pour que le système financier soit
nité qu’en cas de création de synergies et de faciliter la mise en œuvre d’un réseau de plus efficace. Ils ignorent que la première
valeur entre les parties prenantes. La mo- petits élevages familiaux. Actuellement, étape consiste à promouvoir la solvabilité
dernisation ne peut être perçue d’un seul le pays dépend moins des importations des emprunteurs potentiels. Le manque
point de vue financier. Elle doit impliquer de poulets congelés et des milliers de fa- de ressources humaines expérimentées est
les petits agriculteurs, leur accès aux tech- milles participent à cette filière, assurant également un obstacle. Nos écoles n’offrent
nologies améliorées et aux marchés. ainsi leur survie et contribuant de manière pas encore l’ensemble des compétences
Notre vision entend rompre avec les straté- effective à la sécurité alimentaire du pays. nécessaires pour le développement socio-
gies et concepts de l’économie dualiste. Il Cette industrie a permis de remplacer les économique.

Août 2011 | SPORE hors-série | 23


3 | Agir pour moderniser

la fabrication, de l’artisanat et des


suite de la page 22
afrique du sud
activités commerciales et de service. Dans plusieurs
îles des Caraïbes et du Pacifique, l’écotourisme offre
de nouvelles opportunités aux communautés rurales,
Informatique
Diversifier et transformer
laitière
Pour survivre, les exploitations laitières
pour se développer doivent modifier leur manière de
fonctionner, déclare Pitso Sekhoto,
tandis que le patrimoine exceptionnel de l’Afrique avec
propriétaire de l’Entreprise agricole de
ses paysages, sa faune et son artisanat se prête idéa-
Makolobane à Senekal, en Afrique du
lement à l’agrotourisme. L’an dernier, une entreprise
Sud. L’exploitant se sert de trayeuses
ougandaise fabriquant du papier à partir de déchets
modernes et également d’un logiciel
agricoles s’est vu décerner le prix SEED (Supporting
de détection des mammites qui lui
Entrepreneurs for Environment and Development).
permet de gagner du temps en évitant
Au Guyana, North-West Organics associe protection
de palper manuellement les vaches
des tortues et vente d’huiles de massage, de savons et
laitières. “En tant qu’exploitants
de cacao biologiques. Toute la gamme de produits de
laitiers, nous devons être à la pointe de
cette entreprise communautaire florissante est fabri-
la technologie, cela nous permet aussi
quée par des femmes autochtones.
d’évaluer en permanence la qualité

interview
Allister Glean

Qualité et marchés
La TTABA est une force en plein essor dans le secteur
agroalimentaire de Trinité-et-Tobago ; elle offre des services
de conseil et de coordination afin que les producteurs puissent
augmenter leurs marges bénéficiaires. Elle intervient à chaque Allister Glean est directeur
de l’appui institutionnel
étape de la production, y compris l’après-récolte, l’emballage et au sein de l’Association
la commercialisation. Elle veille aussi à la qualité des produits. pour l’industrie
agroalimentaire de Trinité-
En quoi consiste le travail de la TTABA ? pour les entreprises, aussi transformons- par leurs gouver- et-Tobago (TTABA). Celle-ci
a été créée en 2006 par les
À la TTABA, nous concevons notre rôle nous également les produits pour le nements, aussi de- acteurs du secteur privé
comme leader du développement et de la compte d’autres industriels. vons-nous insister agroalimentaire, avec
croissance du secteur agroalimentaire à Mon rôle consiste à travailler avec les pro- sur la qualité et ré- l’aide du gouvernement,
Trinité-et-Tobago, fer de lance d’un pro- ducteurs, les organisations interprofession- pondre également afin d’accélérer le
jet pour modifier et entraîner tout le sec- nelles et les divers acteurs du secteur agroa- aux besoins spéci- développement national
grâce à la croissance
teur. Nous proposons aux agriculteurs des limentaire afin de développer des politiques fiques des consom- durable de ce secteur.
contrats garantis et leur demandons en industrielles et commerciales. Enfin, nous mateurs. Nous met-
www.ttaba.com
retour de suivre des règles de production servons d’organe de coordination. tons l’accent sur la
professionnelles. chaîne de valeur et demandons aux agricul-
Nous nous concentrons fortement sur Comment aidez-vous les paysans à teurs de suivre des méthodes de production
l’agroalimentaire et les activités apportant améliorer la qualité de leurs produits ? de qualité. Parfois, nous les aidons aussi à
de la valeur ajoutée aux produits. Nous sa- Nous sommes au service des paysans par le améliorer la qualité de leurs produits en
vons que les consommateurs recherchent biais de nos agents de vulgarisation. Nous mettant à leur disposition de nouvelles
la commodité. Cette valeur ajoutée aux veillons à ce qu’ils respectent les normes de variétés, mieux adaptées aux conditions
produits peut considérablement augmen- qualité en suivant des procédures appro- locales. Ainsi, nous attendons l’autorisation
ter la consommation d’aliments locaux. priées. Il est difficile de concurrencer les d’importer de Colombie 15 variétés de ma-
Cela vaut pour les particuliers comme producteurs internationaux, subventionnés nioc à haut rendement.

24 | Spore hors-série | Août 2011


du lait provenant de chaque vache lors En outre, chaque vache du troupeau
de chaque traite, et de procéder à des est dotée d’un capteur de mouvement
détections instantanées des mammites”, et d’une puce électronique permettant
ajoute-t-il. de l’identifier. Le capteur transfère
Pitso Sekhoto a acheté son exploitation ensuite ces informations à l’ordinateur
en 2009 grâce à une bourse du de Pitso Sekhoto qui l’alerte lorsqu’un
gouvernement dans le cadre du animal présente des symptômes de
programme de réforme foncière fièvre et identifie les vaches prêtes à
d’Afrique du Sud et il a aussi pu l’accouplement.
acheter du bétail, des moutons, des Pitso Sekhoto vend son lait à Inkunzi
chevaux et même un tracteur. Grâce à Milkway à Pretoria et à Woolworths, le
son dur labeur et sa persévérance, il a seul détaillant biologique du pays. Il
transformé ses terres en une exploitation produit aussi des pommes, vendues sur
extrêmement rentable. les marchés de Pretoria, Bloemfontein
En effet, sa ferme est équipée des tout ou Johannesburg. Ces pommes sont
derniers systèmes technologiques pour biologiques, produites grâce à un système
mesurer le rendement laitier et surveiller d’irrigation au goutte-à-goutte.

© F. Zvomuya
automatiquement la manière dont cet
équipement fonctionne dans l’étable. Fidelis Zvomuya

Le rôle de la formation est-il important ? projet, pour lequel nous avons œuvré sans Comment fonctionnent les groupements ?
Nous formons les cultivateurs à mieux pro- relâche pour un partenariat public-privé. Les groupements sont composés de paysans
duire, mieux gérer les étapes de l’après-ré- réunis selon leurs besoins. Cela peut être sim-
L’accès au crédit est-il facile ?
colte. Des choses simples comme dire aux plement le partage de techniques ou de res-
L’accès au crédit reste un défi, mais nous
producteurs de laver leurs patates douces sources, y compris la main-d’œuvre, dans un
continuons à rechercher de nouvelles
avant de les vendre pour enlever la terre et domaine où les producteurs travaillent dans
sources. Le gouvernement s’emploie à
les rendre plus attrayantes, car ils croient des conditions similaires, confrontés aux
aider les producteurs et des fonds impor-
à tort que cela les protège. mêmes problèmes. Un groupement, l’asso-
tants ont déjà été alloués par la Banque
Nous les formons aussi à l’utilisation de ciation Rio Claro Farmers, a déjà connu une
de développement agricole de Trinité-et- belle réussite dans la production de manioc et
nouvelles technologies. La TTABA a acquis Tobago. Mais il reste beaucoup à faire en
une planteuse de manioc et une machine à réduit les coûts en partageant financements,
matière de financement ; les agriculteurs équipements et main-d’œuvre. À présent,
récolter que nous louons aux cultivateurs eux-mêmes doivent s’efforcer de trouver c’est l’un des groupements les plus fiables
pour leurs parcelles. À présent, certains de nouvelles sources de financement à avec qui nous avons passé des contrats.
d’entre eux envisagent même d’acheter l’extérieur de la région.
leurs propres machines. Quelles sont les principales
Qu’en est-il de l’accès à la terre ? difficultés pour les agriculteurs ?
Les aidez-vous à trouver C’est un réel problème. Certains paysans Trouver de la main-d’œuvre de qualité est
de nouveaux marchés ? ne sont que locataires des terres qu’ils un vrai défi. D’ailleurs, certains producteurs
Oui, nous essayons d’aider les agricul- cultivent. Néanmoins, depuis le chan- recrutent actuellement de la main-d’œuvre
teurs à trouver des débouchés, ce qui est gement de gouvernement, le ministère dans un programme initialement conçu
vital pour eux. Ils peuvent produire tout ce de la Production alimentaire a multiplié pour l’entretien des routes et canalisations.
qu’ils veulent, mais sans marché ils n’iront les efforts pour offrir aux cultivateurs un Aussi la TTABA travaille-t-elle à introduire
nulle part. Aussi travaillons-nous en étroite accès à la propriété. Mais les démarches un volet agricole à ce programme afin de
collaboration avec la société nationale de peuvent être compliquées ; parfois ils ne former des travailleurs à répondre aux be-
commercialisation agricole. Le ministère disposent pas de toutes les informations soins des agriculteurs. La formation qui a
de la Production alimentaire a beaucoup nécessaires ou ne peuvent pas faire les eu lieu jusqu’ici a d’ailleurs donné de bons
œuvré pour trouver des marchés à l’export démarches. Dans ce cas, la TTABA les résultats. L’association Tableland Pineapple
et nous travaillons avec lui sur un accord aide et nous les encourageons aussi à se Growers va bientôt embaucher environ
pour ravitailler localement une chaîne de porter acquéreurs de grandes parcelles à 300 ouvriers. À long terme, les agriculteurs
fast-food internationale en manioc et pa- cultiver en coopératives. Trois groupes se devront toutefois se tourner vers la main-
tates douces. Nous sommes très fiers de ce sont déjà lancés. d’œuvre étrangère.

Août 2011 | SPORE hors-série | 25


Témoignages et innovations

interview
Quand l’État soutient Les agriculteurs
l’investissement attendent
Entre 2005 et 2007,
l’État malgache
fin en 2007, tandis que des fonds
demeurent sur le projet. Des résultats
leur heure
a expérimenté la positifs ont été observés : la demande Les systèmes de warrantage ou
bonification de en crédit intrants et équipements a systèmes de certificat d’entrepôt sont
© DR

crédits agricoles, augmenté, les prêts bonifiés ont été conçus pour aider les agriculteurs à
Betty Wampfler est
en partenariat avec bien remboursés, l’IMF a gagné de éviter de vendre leurs récoltes au prix
chercheuse à Mont- une institution nouveaux adhérents ; des équipements le plus bas lorsque l’offre est au plus
pellier SupAgro/UMR de microfinance. agricoles ont été acquis par cette voie. haut. Dans le cadre de ces systèmes, les
MOISA, et associée au Une nouvelle Des limites demeurent. L’appui agriculteurs donnent une partie de leurs
Centre de coopération façon de concevoir technique n’a pas été réalisé, les récoltes comme garantie en échange
internationale en
recherche agrono-
l’intervention de pratiques paysannes ne semblent pas de crédits pour financer le cycle de
mique pour le déve- l’État en matière avoir été durablement modifiées. La production suivant ou pour investir
loppement (CIRAD). d’investissement mise en œuvre du projet par les CECAM dans d’autres activités rémunératrices.
agricole. n’a pas toujours été aisée, l’outil La récolte est généralement stockée
bonification étant difficile à intégrer dans un entrepôt communal ou auprès
Que sont les crédits bonifiés
dans le fonctionnement d’une IMF. d’une organisation de producteurs.
à Madagascar ?
La période de warrantage s’étend
La bonification des taux d’intérêt est un
En quoi cette expérience est‑elle généralement de 3 à 6 mois, entre deux
instrument de politique agricole utilisé
innovante et pourquoi s’y cycles saisonniers.
au Nord pour soutenir l’investissement et
intéresser aujourd’hui ? Ce principe s’applique surtout aux
la modernisation agricoles. Madagascar,
Les États interviennent dans le céréales, même si certaines cultures
avec l’appui de l’UE, puis du Japon, a
financement de l’agriculture de diverses commerciales comme le niébé,
expérimenté cet outil, à travers un projet
manières, par exemple en intervenant l’arachide et certains légumes sont
pilote. Mis en place entre 2005 et 2007
dans la régulation des marchés ou en également entreposées.
dans plusieurs régions de Madagascar, ce
fournissant de l’information sur les Au Niger, où le système est très
projet visait à appuyer l’achat d’intrants
marchés. Avec l’expérience des crédits répandu, l’impact sur les revenus des
et d’équipements agricoles.
bonifiés, l’État malgache est allé plus agriculteurs est significatif. Outre les
L’État intervient en bonifiant les taux
loin, revenant à des outils de type plus répercussions immédiates d’un flux de
des crédits. La bonification bénéficie
“interventionnistes” abandonnés lors trésorerie amélioré, les avantages du
aux emprunteurs sous la forme d’une
des plans d’ajustement structurel. système incluent la réduction du prix
prime, transmise par l’institution de
Un autre apport de cette expérience des matières premières et équipements,
microfinance (IMF) partenaire une fois
est le partenariat public-privé initié grâce aux achats groupés, et des
leur prêt remboursé. À Madagascar c’est
entre l’IMF et l’État pour l’appui à perspectives de valeur ajoutée grâce à
notamment le réseau mutualiste CECAM,
l’agriculture. Les résultats du projet un meilleur stockage. Mais le warrantage
Caisses d’épargne et de crédit agricole,
laissent à penser qu’une extension ne fonctionne que pour les produits
né en 1994, qui a distribué les crédits
de l’expérience pourrait réellement pouvant être stockés sans s’abîmer. Il
bonifiés. L’appui au financement devait
soutenir la modernisation agricole. Cette n’est intéressant que si l’écart entre les
être accompagné de conseil technique.
expérience re-questionne la légitimité prix au moment des récoltes et les prix
Quels ont été les résultats de de l’intervention publique par l’appui à en période de pénurie couvre les coûts
cette opération pilote ? l’investissement agricole, élément clé de d’entreposage et autres frais. La gestion
L’expérience, lancée en 2005, a pris la modernisation de l’agriculture. des stocks doit être rigoureuse.

Pour aller plus loin HRC


Haut-Commissariat aux droits de l’homme
en Afrique de l’Ouest
http://tinyurl.com/2fncaq8
• L’agro-écologie et le droit à la nourriture
RIE
CNUCED http://tinyurl.com/5vuakln
Réseau de recherche sur l’innovation et
www.unctad.org InfoDev l’entreprenariat dans les Caraïbes
• Rapport 2010 sur la technologie http://tinyurl.com/3kyb75b www.rienet.net
et l’innovation. IRD SEED
http://tinyurl.com/66g9p38 Programme d’incubateurs d’entreprises http://tinyurl.com/69nqrxe

26 | Spore hors-série | Août 2011


4 | les politiques Agricoles

Créer un terreau
favorable
Les politiques agricoles sont les clés de voûte
© P. Weinberg/Africamediaonline.com

d’une modernisation agricole cohérente et


durable qui touche la majorité des producteurs.
Au sein des entités régionales, les pays ACP les
bâtissent peu à peu. La tâche est immense.

Août 2011 | SPORE hors-série | 27


4 | les Politiques agricoles

S
eule une volonté politique accompagnée de Communauté caribéenne (CARICOM), Communauté Les politiques
moyens adéquats permettra la modernisation d’Afrique de l’Est (EAC), Communauté écono- agricoles
des agricultures ACP. Ce leitmotiv, sans cesse mique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), régionales
répété au sein des instances régionales ou Communauté de développement de l’Afrique aus-
internationales, donne aujourd’hui ses premiers résul- trale (SADC), Communauté économique des États de
en Afrique
tats. Tous les pays se dotent peu à peu de politiques l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) : chaque région a défini
agricoles qui dénotent un nouvel intérêt et de fortes sa politique de développement agricole. Politique agricole de
ambitions pour un secteur longtemps délaissé par les Le décollage du Programme détaillé de développe- l’Union économique
pouvoirs publics. ment de l’agriculture africaine (PDDAA) du NEPAD a et monétaire
ouest-africaine
Peter Hazell, directeur de la division Environnement redonné, pour les pays africains, une cohérence aux (UEMOA) : PAU
et Technologie de la production à l’IFPRI, compare différentes initiatives des pays (cf. Spore 153).
la situation actuelle de l’Afrique avec celle de l’Asie Le PDDAA a inspiré les orientations des poli- Politique agricole de
la CEDEAO : ECOWAP
dans les années 1960. En 25 ans, le continent indien tiques régionales africaines, contribuant
est sorti de la famine, générant même des surplus de à la mise en place de règles et prin-
production. Pendant cette révolution verte, les petits cipes reconnus. Pour bénéficier
paysans ont bénéficié de nombreuses mesures : tech- de financements des bailleurs,
nologies adaptées, distribution de terres et sécurisa- chaque pays est tenu d’élaborer
tion foncière, intrants modernes et abordables, crédits son propre projet en s’inté-
pour les petites exploitations et politiques garantissant grant dans ce
des prix stables et justes pour les petits producteurs. programme.
Autant de points sur lesquels les gouvernements ACP Le PDDAA vise
doivent aujourd’hui agir, dans le cadre d’une vision du une croissance agricole de 6 %
développement agricole de leurs pays. Il s’agit d’opé- par an, objectif déjà dépassé
rer des choix cruciaux entre plusieurs options, plus ou par neuf pays (Angola, Burkina
moins libérales, prenant en compte les agriculteurs, Faso, Érythrée, Éthiopie, Gambie,
les besoins des citadins, le respect de l’environnement, Guinée-Bissau, Nigeria, République
les contraintes de la mondialisation... du Congo, Sénégal et Tanzanie). Mais
Des politiques agricoles volontaristes, élaborées seuls le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Ghana, la Guinée,
conjointement avec les principaux intéressés, les le Malawi, le Mali, le Niger, le Rwanda et le Sénégal
paysans, accompagnées de financements et qui s’arti- consacrent 10 % de leur budget à l’agriculture, comme
culent avec les autres politiques sectorielles sont in- ils s’y étaient engagés en 2008 à Maputo.
dispensables. Mais ce n’est pas si simple, car celles-ci
doivent aussi s’intégrer dans des politiques régionales De multiples leviers d’action
de plus en plus prégnantes et dans un environnement Les objectifs globaux sont donc ambitieux et les
international qui tient peu compte de leurs difficultés. pays mettent peu à peu en place des stratégies de

burkina faso de l’État, n’a jamais été appliquée et aux particuliers. Elle reconnaît
faute de consensus. Les terres rurales également l’efficacité des coutumes.
Concilier ont, pour l’essentiel, continué à être
gérées selon les coutumes. Mais au fil
Ainsi, les populations d’un ou de
plusieurs villages peuvent s’inspirer
légalité du temps, celles-ci se sont révélées de
moins en moins aptes à juguler des
des coutumes locales pour élaborer
une charte foncière qui régulera
et légitimité tensions foncières grandissantes entre
acteurs ruraux.
l’utilisation de leurs ressources
communes. La loi prévoit aussi des
Au Burkina Faso, on doit à la Réforme C’est ainsi qu’une nouvelle politique programmes spéciaux d’attribution
agraire et foncière (RAF), votée en et une loi spécifiques au foncier rural de terres aménagées aux jeunes,
1984 puis révisée en 1991 et 1996, de ont été adoptées en septembre 2007 et aux femmes et aux éleveurs. Cette
nombreuses avancées en milieu urbain, juin 2009 respectivement, suite à de loi insiste enfin sur la nécessité de
dont la délivrance massive de permis nombreuses concertations. La nouvelle conciliation en cas de conflit foncier,
urbains d’habitation. Mais en milieu réforme foncière attribue désormais la comme préalable à toute démarche
rural, cette loi, qui définit la terre gestion du foncier rural à l’État mais judiciaire.
comme étant la propriété exclusive aussi aux collectivités territoriales Inoussa Maïga

28 | Spore hors-série | Août 2011


Politique agricole développement de leur agriculture qui assurent la projets transfrontaliers sont à l’étude – corridors auto-
de l’Afrique
centrale (PAC-CEEAC) cohésion des différents projets. Tous sont axés sur le routiers, chemins de fer – pour faciliter les échanges
développement d’une agriculture plus entrepreneu- de produits. En RDC, la réhabilitation de 10 000 km
Le processus d’élabo-
ration d’une politique riale : Plan de modernisation de l’agriculture (2000) de routes fait partie des cinq grands chantiers ouverts
agricole régionale de en Ouganda, Stratégie de développement du secteur par le gouvernement en 2006.
l’Afrique centrale a
été engagé en 2008. agricole 2009-2020 (ASDS) au Kenya, politique de Beaucoup reste à faire pour valoriser la gestion de
Non encore abouti, développement agricole volontariste démarrée en l’eau pour l’agriculture, c’est l’ambition déclarée de
il implique la Commu-
nauté économique et 2007 au Rwanda (cf. encadré). En Afrique de l’Ouest, l’assemblée parlementaire ACP. Dans une étude ré-
monétaire de l’Afrique le Sénégal s’est doté, en 2004, d’une Loi d’orientation cente intitulée “Quel est le potentiel d’irrigation pour
centrale (CEMAC) et
la Communauté des agro-sylvo-pastorale (LOASP), cadre de référence pour l’Afrique ? Une approche combinée biophysique et
états de l’Afrique les 20 ans à venir et fruit d’un processus de concerta- sociodynamique”, l’IFPRI affirme que les problèmes
centrale (CEEAC).
tion entre l’État et le mouvement paysan, suscitant des d’irrigation en Afrique sont liés à un manque de po-
Politique agricole du initiatives similaires dans les pays voisins (Loi d’orien- litiques éclairées et d’investissements ciblés, réalisés
Marché commun de tation agricole au Mali, processus en cours au Burkina sur mesure en fonction des paysans et de l’écono-
l’Afrique orientale
et australe (COMESA) Faso). Dans les Caraïbes, Haïti s’est doté récemment mie locale. L’ECOWAP prône ainsi le développement
d’un plan de développement agricole 2010-2015. de l’irrigation à petite échelle, la réhabilitation des
Les leviers d’action des gouvernements sont mul- grands périmètres irrigués et une gestion intégrée de
tiples. La sécurisation des droits fonciers est un des la ressource en eau. Le Guyana, très sensible aux chan-
principaux leviers qui permettent l’investissement. Elle gements climatiques, doit adapter ses infrastructures
nécessite des mécanismes transparents, équi- pour faire face aux faibles quantités d’eau pendant les
tables et accessibles à tous. Un enjeu d’autant périodes de sécheresse. L’irrigation au goutte-à-goutte
plus fort que les pressions sur les terres aug- est une solution prônée par le gouvernement.
mentent. Au Mali, la politique foncière consti- La formation et la recherche sont deux piliers indis-
tue une priorité, car seuls 15 % des terres culti- pensables à une modernisation réussie, négligés depuis
vables sont effectivement cultivés. Au Burkina deux décennies. Selon Chris Tufton, ministre jamaïcain
Faso, l’État a tenté de réconcilier des approches dif- de l’Agriculture, les institutions agricoles ont été délais-
férentes du foncier en faisant une place aux coutumes sées dans les Caraïbes. L’Institut caribéen de recherche
locales (cf. encadré). Dans les Caraïbes, et de développement agricoles (CARDI) n’a pas reçu,
les gouvernements affectent de nom- de la part des États membres, de budget, autre que de
breuses terres inexploitées à de grandes fonctionnement, depuis au moins cinq ans.
exploitations commerciales. La recherche agricole d’aujourd’hui doit se faire en
Permettre une hausse rapide de la pro- lien avec le monde universitaire, les organisations
duction est l’autre urgence. Nombre paysannes et le secteur privé. Ces “nouveaux acteurs”
d’États ont pris la mesure de l’enjeu sont ainsi désormais pleinement associés aux événe-
et mis en place des politiques de ments internationaux, comme la Conférence mondiale
subvention des engrais : Malawi (cf. sur la recherche agricole pour le développement.
encadré), Bénin, Burundi. Au
Mali, grâce aux engrais, les ren-
dements du riz sont passés de 1,4
N
SIG

à 2,4 t. Dans le Pacifique, sur les atolls aux


e DE
til

terres appauvries, les États prônent l’utili-


c
ta
In

sation des charbons en combinaison avec


©

du compost pour accroître la productivité.


Politique agricole Un important chantier qui attend le
de la SADC
continent africain est celui des infrastruc-
Les pays de la région tures, les routes en particulier, indispen-
se sont engagés dans
la formulation d’une sables à une commercialisation fluide. La
politique agricole plupart des bonnes routes desservent les
régionale en mars
2008, mais à ce jour grandes villes alors que les pistes rurales
aucun accord juridi- qui désenclavent les zones de production,
quement contraignant
n’est en place. en terre, sont peu entretenues. De vastes
© I. Maïga

Au Burkina Faso, la réforme


foncière reconnaît l’importance
des coutumes locales

Août 2011 | SPORE hors-série | 29


4 | les Politiques agricoles

Certains sujets, comme les OGM, déjà adoptés


dans trois pays d’Afrique, sont particulièrement dé-
licats. Le NEPAD a mis en place trois centres de re-
cherche sur les biotechnologies au Burkina Faso, au
Kenya et en Afrique du Sud.
La remise sur pied de services de vulgarisation,
publics ou privés, utilisant les nouvelles technologies
de la communication est aussi nécessaire pour favori-
ser des évolutions rapides des techniques. De même
qu’un enseignement agricole valorisant et efficace qui
touche un grand nombre de ruraux.

Financer l’agriculture et réguler les marchés


L’argent reste cependant le nerf de la guerre pour les
agriculteurs comme pour les États. Les petits produc-
© AFP Photo/I. Sanogo
teurs ont bien du mal à en obtenir, car les crédits sont
souvent insuffisants ou très coûteux. En ce domaine,
les initiatives gouvernementales sont rares. En février
2011, le Niger s’est doté d’une banque agricole, la
BAGRI-Niger, qui apportera son soutien aux groupe-
ments de producteurs, à l’agro-industrie et l’agrobu- Forum pour
une révolution
siness et aux structures d’accompagnement du monde africains et les Communautés régionales s’emploient
verte africaine,
rural. Ailleurs, ce sont surtout des projets ou des par- peu à peu à les faire disparaître. Accra (Ghana),
tenariats entre secteur public et secteur privé qui as- Mais les pays ACP sont aussi perméables aux impor- septembre 2010

surent cet indispensable service. tations des pays extérieurs qui entrent avec de faibles
Les “couloirs de croissance”, qui concentrent sur droits de douane. La signature des APE soulève ainsi
une zone déterminée un ensemble d’investissements de nombreuses inquiétudes et rares sont encore les
publics et privés pour y attirer des entreprises agri- pays d’Afrique qui les ont signés et mis en application,
coles rentables, affichent des résultats concluants. craignant la concurrence des produits européens.
Le couloir de croissance agricole de Beira, au Ainsi, pour protéger le marché de certains produits,
Mozambique, a ainsi été réalisé grâce à un partena- les pays de la CEDEAO veulent ajouter une cinquième
riat public-privé (avec de grosses firmes telles que bande tarifaire de droits de douane à 35 %.
Monsanto et Syngenta) : les investisseurs publics Au Kenya, la création d’un organe de régulation (le Faculté
financent les routes, l’irrigation, l’électrification, les Kenya Dairy Board) pour organiser, réguler et déve- d’Agronomie et des
Sciences agricoles
privés les activités. Dans ce couloir, 190 000 hec- lopper la filière laitière, et le contrôle des importations
de l’université de
tares d’agriculture commerciale irriguée ont permis avec la mise en place d’un tarif douanier de 60 % Dschang et champ
de créer 350 000 emplois, 1 milliard $ (700 M€) de d’essais (Cameroun)

revenus agricoles par an, et d’apporter l’électricité et


l’eau dans 150 villages.
Les États aussi ont besoin d’argent pour financer les
politiques agricoles. Mais, de manière générale, les
financements ne sont pas à la hauteur des enjeux :
5 milliards sont investis chaque année dans l’agricul-
ture, alors que 16 milliards seraient nécessaires, rien
que pour l’Afrique. Les ressources des États et les aides
des bailleurs restent insuffisantes.
L’intégration régionale représente un espoir pour
les agricultures ACP. La création de marchés com-
muns, comme celui constitué en Afrique de l’Est,
fluidifie les échanges et ouvre de nouveaux marchés.
© Syfia International

L‘établissement d’entités régionales fortes se fait peu à


peu et est fortement soutenu par les organismes inter-
nationaux. Les tracasseries administratives rencon-
trées aux frontières constituent des obstacles à l’inté-
gration régionale et renchérissent les coûts. Les États

30 | Spore hors-série | Août 2011


ont permis à l’industrie laitière de se renforcer. Ces Pacifique sur Facebook, etc.), les organisations régio-
mesures ont été complétées par des politiques d’aide nales sont devenues les interlocuteurs incontour-
et de formation pour les éleveurs. Les industriels pri- nables des ministères de l’Agriculture. Dans certaines
vés ont su investir dans des industries de transforma- régions, elles sont armées pour débattre et faire
tion comme les mini-laiteries implantées localement avancer leurs idées, mais elles manquent encore sou-
pour développer les filières locales. Aujourd’hui, le vent de moyens pour se développer. En octobre 2010,
pays est autosuffisant en lait. elles ont créé le Forum panafricain des producteurs
agricoles (Pan-African Farmers’ Forum, PAFFO). Des
Les organisations de producteurs réseaux thématiques voient aussi le jour, comme le
en première ligne Cadre régional de concertation des organisations des
Le choix des stratégies politiques à mettre en producteurs de riz (CRCOPR), créé en janvier 2011
place ne relève plus aujourd’hui des seuls gouver- au Mali. Dans les Caraïbes, l’Association des agricul-
nants. Dans de nombreux pays, ils doivent compter teurs des Îles-sous-le-Vent (WINFA), représentant les
avec les organisations de producteurs : coopératives, petits producteurs, a su mobiliser ses membres lors
unions de coopératives, organisations à la base, or- des négociations sur les APE pour mieux informer la
ganisations faîtières et organisations régionales qui société civile et les producteurs. CaFAn, réseau des
offrent des services à leurs membres et ne veulent agriculteurs des Caraïbes, s’efforce de former tou-
plus être laissées pour compte. Organisées, utili- jours mieux les organisations membres.
sant les TIC, sachant communiquer (EAFF e-News- Parfois, la place croissante occupée par ces orga-
letter, Roppaveille, le réseau Jeunes en agriculture du nisations est vécue comme une menace par les

[ reportage ]
Rwanda
Une révolution verte
à marche forcée
Le gouvernement rwandais a,
© AB Twizeyimana

aujourd’hui 433 habitants au km2, 1 000 par


depuis cinq ans, imposé, parfois endroits. En 20 ans, la surface cultivable
durement, une révolution par famille a été divisée par deux, certains
verte aux agriculteurs de ce ménages ne disposant que de 3 ares.
petit pays très peuplé. Elle a Chaque province doit cultiver uniquement
permis une forte augmentation ce qu’a décidé le ministère de d’aménagement, a été mal vécue dans
de la production mais a l’Agriculture en fonction des spécificités de nombreux districts.
créé, en contrepartie, des de ses sols et de son climat : café, Là où ces mesures sont effectives
difficultés d’écoulement. bananes, maïs, ananas, manioc. À depuis plusieurs années, la production
Nombre d’agriculteurs rwandais ont vu condition qu’ils soient membres d’une a fortement augmenté (riz, maïs,
leur production de maïs plus que tripler coopérative, les agriculteurs ont alors manioc, etc.). Mais les agriculteurs sont
depuis cinq ans, passant de 1,5 t à 5 t droit à des intrants subventionnés et aujourd’hui victimes de leur succès
pour la variété dite “Tamira”. C’est le des semences sélectionnées. Ils doivent car l’organisation des filières et de la
résultat de la politique de régionalisation aussi suivre de nouveaux itinéraires commercialisation n’a pas toujours suivi.
des cultures et de consolidation des techniques, en particulier planter en Au nord et à l’est, les marchés sont
terres (mise en commun des terres afin lignes pour augmenter l’espace cultivable ainsi saturés de maïs. Ne pouvant les
de ne cultiver qu’une seule plante sur et respecter la rotation des cultures. La vendre, ni acheter de quoi manger, les
de grandes étendues) démarrée en 2007 construction de terrasses dites “radicales” producteurs ont faim. Les agriculteurs
par le gouvernement rwandais, qui vise regroupe les parcelles des paysans et d’ananas, eux, voient avec peine leurs
à augmenter la production et à faire limite l’érosion très forte sur les collines. produits pourrir dans les champs.
passer les paysans d’une agriculture Suivre ces règles est obligatoire et les C’est pourquoi le gouvernement facilite
de subsistance à une agriculture plus autorités locales doivent y veiller. Mais désormais l’installation de petites
commerciale. Cette révolution verte est leur mise en place, en particulier la unités de transformation d’ananas, de
nécessaire dans ce petit pays de collines construction des terrasses qui prive maracuja… et de hangars de séchage
où environ 87 % de la population vit les producteurs d’une ou de plusieurs des maïs.
de l’agriculture et où la densité atteint saisons culturales le temps des travaux Albert-Baudouin Twizeyimana

Août 2011 | SPORE hors-série | 31


4 | les Politiques agricoles

gouvernants. Au Sénégal, l’État a ainsi créé un nou- d’organisations paysannes d’Afrique (ROPPA, SACAU,
veau syndicat paysan (SYNAEP-Japandoo), censé de- EAFF, PROPAC) et le PAFFO (voir page 34).
venir l’interlocuteur privilégié du pouvoir aux dépens Leur présence aux côtés des gouvernements est indis-
des organisations préexistantes. pensable pour assurer la défense de tous les agriculteurs,
Pour renforcer ces organisations, les aider à être en particulier des petits exploitants, et donner leur avis
une force de proposition et à convaincre, l’Union euro- de professionnels. Car c’est grâce à une vision straté-
péenne et le FIDA ont mis en place un projet d’appui gique et politique à long terme, qui tienne compte des
aux capacités et au renforcement des organisations productrices et producteurs d’aujourd’hui et de demain,
paysannes (PAOPA), qui concerne quatre réseaux que l’agriculture des pays ACP prendra un nouvel élan.

[ reportage ]
le sol était fortement “J’ai acheté un sac d’engrais de 50 kg
dégradé. L’envol des à un prix subventionné de 500 Malawi
prix des fertilisants Kwacha (MK) (2,7 €) en utilisant les
importés combiné aux coupons distribués par les autorités
fluctuations importantes agricoles dans notre région”, raconte
du prix du maïs dans Willard. “Le programme PSIA nous a
ce pays sans littoral apporté des avantages considérables :
ont rendu l’acquisition nous avons pu acheter des intrants et
d’engrais chimiques utiliser de l’engrais à grande échelle.”
quasiment impensable. Les agriculteurs ont également bénéficié
Pour tenter d’améliorer le de prix réduits sur des variétés améliorées
rendement des cultures, de maïs, de riz, de haricot, d’arachide et
le gouvernement du de pois cajan (ou “pois d’Angole”). Les
© E. Hockstein / NYT-Rea

Malawi a introduit un coûts directs du programme PSIA pour la


programme intitulé saison 2005-2006 étaient élevés, atteignant
Starter Pack (“pack de 7,2 milliards MK (32,7 millions €) et plusieurs
démarrage”) en 1998. revendeurs d’engrais du secteur privé ont
Mais si ce programme enregistré de lourdes pertes en raison de
visait jusqu’à 96 % la baisse des ventes et de leur exclusion
malawi des petits exploitants en leur fournissant du programme. Mais globalement,

Des subventions 10 à 15 kg d’engrais, les quantités


étaient insuffisantes pour avoir un effet
l’utilisation des engrais s’est fortement
développée et, combinée à des pluies

intelligentes significatif. “En tant qu’agriculteurs,


nous avons reçu une aide sous la forme
abondantes, elle a permis d’obtenir des
récoltes exceptionnelles. Le programme s’est
d’engrais gratuits, mais que pouvait- poursuivi l’année suivante, avec quelques
Alors que les subventions aux on faire avec seulement 10 à 15 kg ?”, ajustements destinés à impliquer davantage
intrants, et plus spécifiquement commente l’agriculteur de 35 ans. les distributeurs privés. Les rendements des
l’usage qu’en fait le Malawi, Après une saison de pénuries alimentaires cultures de maïs et la sécurité alimentaire se
continuent à faire débat, majeures en 2005/2006, le gouvernement sont considérablement améliorés. Les prix
leur impact direct a généré a lancé le Programme de subventions des engrais devraient probablement rester
d’impressionnants résultats. aux intrants agricoles (PSIA), applicable élevés, c’est pourquoi de telles subventions
Pendant la majeure partie de sa aussi bien aux cultures vivrières qu’aux coûtent cher aux gouvernements.
vie d’agriculteur, Willard Katosa, un cultures commerciales. Le programme La difficulté consiste à concevoir des
petit exploitant du Malawi, a eu du impliquait la distribution de coupons programmes de subventions aux intrants
mal à obtenir les rendements qui lui pour de l’engrais que les agriculteurs “intelligents”, permettant d’améliorer la
permettraient de gagner décemment sa pouvaient échanger dans des points de disponibilité des denrées alimentaires et les
vie. Comme de nombreux agriculteurs vente paragouvernementaux. En échange revenus à court terme, tout en stimulant la
du Malawi, il dépendait lourdement de ces coupons, les agriculteurs pouvaient croissance et le développement rural sur le
de la production de maïs (une culture obtenir des intrants à environ un tiers de long terme.
nécessitant peu d’intrants), même si leur prix normal. Charles Mkoka

32 | Spore hors-série | Août 2011


INTERVIEW

rui silva

Accompagner les mutations


du secteur agricole
Quelles sont les faire face aux récentes crises L’atteinte de la souveraineté alimentaire
articulations entre financière et alimentaire ? régionale requiert de travailler en prio-
le Programme Le secteur agricole dispose d’atouts po- rité sur des produits qui disposent d’un
détaillé de tentiels qui permettront de contribuer potentiel de production important et cor-
développement de manière durable à la satisfaction des respondent à l’évolution des habitudes ali-
de l’agriculture besoins alimentaires de la population, au mentaires des populations.
Docteur en sciences
naturelles, né au Cap-Vert,
africaine (PDDAA) développement économique et social, et à
Rui Silva est directeur et la politique la réduction de la pauvreté dans les États Comment organiser la transition du
de l’Agriculture et du agricole de la membres, ainsi que des inégalités entre les monde agricole et rural ouest-africain
Développement rural CEDEAO (ECOWAP) ? territoires, zones et pays. La forte diversité d’une agriculture de subsistance vers
de la CEDEAO, à Abuja, L’ECOWAP est la des écosystèmes, source potentielle d’une une agriculture commerciale ?
depuis août 2008. Avant
d’entrer à la CEDEAO en
déclinaison, pour diversification de la production, permet- Depuis les années 1990, le secteur agri-
2004, il présidait l’Institut l’Afrique de l’Ouest, tra non seulement d’exploiter au mieux cole ouest-africain a subi de profondes
national des ressources du PDDAA. Elle les avantages comparatifs de la région, mutations caractérisées par une orien-
hydriques du Cap-Vert. traduit les spécifi- mais aussi de favoriser l’émergence d’un tation vers des productions destinées au
cités de la région marché régional diversifié. L’ensemble de marché local et régional. D’ailleurs, on
et fixe la vision, les la région dispose d’une superficie agricole observe l’émergence d’acteurs de mieux
objectifs et les priorités. Au quotidien, nous cultivable de 284 millions d’hectares dont en mieux structurés au niveau régional,
travaillons étroitement avec l’Agence de seuls 60 millions sont actuellement mis en qui se positionnent comme de véritables
planification et de coordination du NEPAD valeur. À ce potentiel de terres cultivables, partenaires, incontournables dans la défi-
(APCN). s’ajoutent plus de 215 millions d’hectares nition et la mise en œuvre de politiques
de pâturages. De plus, la région dispose et stratégies.
En quoi ces politiques favorisent-
de plus de 10 millions d’hectares de terres Un certain nombre de chantiers sont en
elles la modernisation de
potentiellement irrigables, qu’elle par- cours, centrés sur la mise en œuvre du
l’agriculture africaine ?
vient, à peine, à mettre en valeur à hau- régime commercial intracommunautaire
Qu’il s’agisse de l’environnement écono-
teur de 10 %. et sur l’adaptation du régime commercial
mique et commercial ou de l’environne-
Ces atouts sont insuffisamment exploités extérieur. Ces chantiers portent notam-
ment physique, des mutations majeures
et l’agriculture ouest-africaine reste ainsi ment sur l’adaptation du Tarif extérieur
affectent le développement agricole régio-
caractérisée par de faibles performances. commun avec la création d’une cinquième
nal. À travers des réformes structurelles,
Les rendements et la productivité par bande tarifaire et la re-catégorisation
la CEDEAO veut contribuer à la construc-
actif agricole sont parmi les plus faibles de certains produits, la négociation de
tion d’un environnement commercial,
au monde. En conséquence, environ 19 % l’offre d’accès au marché dans le cadre de
physique, informationnel et institutionnel
des importations concernent les biens ali- l’Accord de partenariat économique UE-
favorable à une transformation profonde
mentaires et l’accès aux marchés régional Afrique de l’Ouest et enfin la réduction des
des systèmes de production et des filières
et international des produits ouest-afri- entraves au commerce intérieur régional.
agricoles en Afrique de l’Ouest. Ceci se
cains reste peu développé. Les produits Les instruments de politique publique se
fera à travers quatre composantes : l’amé-
agricoles restent peu compétitifs et les réfèrent aux champs de la réglementation
lioration de l’environnement commercial
politiques agricoles sont souvent mal et de la normalisation : incitations, taxa-
des filières agroalimentaires ; l’adaptation
orientées. tion ou régulation. Ils constituent les le-
au changement climatique et la gestion in-
Le premier Plan régional d’investissement viers qui permettent à la CEDEAO d’opéra-
tégrée des ressources partagées ; l’opéra-
agricole (2011-2012) va travailler à stimu- tionnaliser les options, les orientations et
tionnalisation d’un système d’information
ler la production et la productivité, créer les objectifs retenus lors de l’adoption de
et d’aide à la décision ; le renforcement des
des conditions favorables au développe- l’ECOWAP. Du fait de leur caractère évo-
capacités institutionnelles et humaines.
ment du commerce et aux échanges régio- lutif, ils permettent d’accompagner, en les
Comment les politiques agricoles naux, interrégionaux et internationaux anticipant autant que possible, les muta-
de l’Afrique de l’Ouest doivent‑elles et appuyer les populations vulnérables. tions du secteur agricole.

Août 2011 | SPORE hors-série | 33


Témoignages et innovations

interview
Une productivité maîtrisée Réformer
Quels sont les liens
entre une agriculture
la formation
persuasives et tentent de mieux se
structurer pour mettre en place des
“moderne”, la
recherche et les
agricole
services de proximité et mieux diffuser
leurs objectifs et orientations.
Depuis des dizaines d’années, la
organisations
formation en agriculture et en sciences
paysannes (OP) ? Que représente la formation pour
agronomiques a été un objectif
Élisabeth Atangana,
Des hommes formés, les OP ? Les femmes ont-elles une
secondaire des États et des politiques
camerounaise, est un environnement place particulière à tenir ?
d’appui au développement. Le résultat
présidente du Forum adapté, la productivité, La formation est au centre de nos
panafricain des
est que beaucoup d’établissements
la compétitivité, l’accès préoccupations. Le développement des
producteurs agricoles au marché sont les d’enseignement professionnel,
ressources humaines est fondamental.
(PAFFO, Pan-African technique et supérieur agricole africains
Farmers’ Forum)
clés d’une agriculture Nous prévoyons à ce sujet une rencontre
ont vu leurs ressources budgétaires se
depuis sa création, moderne. Mais avec toutes les régions (EAFF pour
réduire et leurs meilleurs enseignants
en octobre 2010. attention, lorsque je l’Afrique de l’Est, PROPAC pour l’Afrique
partir. Faute de moyens, ils se sont
parle de productivité, centrale, ROPPA pour l’Afrique de
éloignés des besoins des acteurs socio-
je parle d’une productivité maîtrisée, l’Ouest, UMAGRI pour le Maghreb et
économiques : agriculteurs, agro-
qui ne fait pas une utilisation abusive SACAU pour l’Afrique australe) afin de
industriels, services de recherche ou de
des pesticides. Les intrants doivent être réfléchir à des objectifs communs. Nous
vulgarisation.
maitrisés. La question de la recherche élaborerons alors une stratégie pour
Les choses sont sans doute en train
entre en ligne de compte. Nous savons cinq ans et tenterons d’harmoniser nos
de changer sous l’impulsion du
qu’elle a beaucoup évolué. Ses résultats activités. Le PAFFO a un rôle important
Programme détaillé de développement
se sont beaucoup améliorés. Mais elle de coordination, d’harmonisation,
de l’agriculture africaine (PDDAA) du
ne collabore pas suffisamment avec de gestion des connaissances de ses
NEPAD. En fixant à 6 % l’objectif de
les populations. Et souvent, lorsque membres.
croissance annuelle de l’agriculture, il a
les résultats existent, ils ne sont pas à En tant que femme, ma position n’est
mis en évidence d’énormes besoins en
la disposition des communautés. Or, il pas facile. Tout le monde parle du genre,
formation.
importe d’impliquer les communautés de la nécessité de soutenir les femmes.
Si les établissements d’enseignement
dans la recherche et de savoir associer Mais la réalité est plus complexe. Nous
supérieur agricole connaissent un
savoirs traditionnels et recherche. devons toujours nous battre, négocier
regain d’intérêt, ils doivent accepter
Les organisations paysannes sont la clé pour convaincre, bien davantage que
de se réformer en profondeur pour
de voûte de la relation entre producteurs les hommes. Il faut former des femmes
bien répondre aux attentes qui
et recherche. Elles ont une bonne leaders, dans chaque village, pour que
sont placées en eux. Conscientes de
connaissance de leur environnement et des responsables féminins émergent peu
l’enjeu, les organisations africaines
du terrain. Elles devraient être le relais à peu au niveau national. Je lance un
se sont regroupées pour concevoir un
entre la recherche et les populations appel à ceux qui pensent, comme moi,
mécanisme participatif pour la relance
à la base. Elles ont des méthodes que le moment est venu.
de l’enseignement supérieur agricole. Le
Réseau africain pour l’enseignement de
l’agriculture, l’agroforesterie et la gestion
Pour aller plus loin organisations de producteurs
d’Afrique centrale (PROPAC) des ressources naturelles (ANAFE),
www.propac.org regroupant plus de 134 établissements
ANAFE
www.anafeafrica.org agricoles africains, et le Forum régional
Programme détaillé de développement universitaire pour le renforcement des
Association des agriculteurs des de l’agriculture africaine du NEPAD
capacités en agriculture (RUFORUM),
Îles-sous-le-vent (WINFA) www.nepad-caadp.net/
consortium de 25 universités d’Afrique
www.winfacaribbean.org
ROPPA centrale, australe et de l’Est, gèrent ce
Confédération des syndicats www.roppa.info
mécanisme. Harmoniser les actions et
agricoles d’Afrique australe (SACAU) Réseau des politiques agricoles et financements des bailleurs de fonds,
www.sacau.org
forestières du Pacifique créer de la valeur ajoutée par une
EAFF http://tinyurl.com/6fu83w3 meilleure collaboration entre institutions
www.eaffu.org africaines de formation et ajuster les
RUFORUM
Plate-forme régionale des www.ruforum.org programmes aux besoins des acteurs
économiques sont au programme.

34 | Spore hors-série | Août 2011


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