Institut de Formation Fiscale et Douanière - (IFFD-OTR)
ANNEXE 1
                       EVOLUTION DU CONCEPT ET DEFINITION
                                                DE LA LOGISTIQUE
            ****************************************************************
                         1. Evolution du concept de la logistique
La logistique a pris au fil des années, une importance capitale dans le management des
entreprises.
Ainsi, le mot logistique est fort ancien puisque les Grecs l'utilisaient déjà, mais il avait alors
une consonance philosophique. Comme le note Heskett', le développement de la fonction
logistique moderne dans les entreprises a son origine dans la gestion des stocks et le transport
des marchandises.
Les principales étapes qui permettent de mesurer l'évolution du concept se résument de la
manière suivante :
     -    L’utilisation nouvelle du mot « logistique » a été d’abord l’œuvre des militaires :
                 Pour le général Jomini (1, la « science logistique nouvelle » ne serait « rien moins
                  que la science d'application de toutes les sciences militaires ». Dans son effort
                  pour établir une « théorie de la guerre » indépendante de toute situation
                  particulière, il décompose l'art de la guerre en « six parties » dont la quatrième
                  est « la logistique ou application pratique de l'art de mouvoir les armées' ». Pour
                  lui, la logistique comprend les moyens et arrangements qui permettent
                  d'appliquer les plans stratégiques et tactiques. La stratégie décide du lieu de
                  l'action ; la logistique amène les troupes en ce lieu.
                 Bien que la notion logistique, dans le sens plus large d'optimisation économique
                  intermodale dans les transports, soit présente dans certains écrits du xix" siècle
                  qui s'appuient même dessus pour justifier les infrastructures nécessaires à
                  l'évolution économique déclenchée par la révolution industrielle', le mot n'est
                  devenu d'usage courant qu'à l'occasion de la Seconde Guerre mondiale, et
                  notamment sous l'impulsion du général Marshall, alors chef de l'état-major
                  général des armées et conseiller militaire du président Roosevelt et qui devint
                  par la suite le père d'un fameux plan de reconstruction de l'Europe. On peut
                  d'ailleurs qualifier le plan Marshall de gigantesque plan logistique, car il était
                  construit autour de la notion de flux nécessaires à l'optimisation d'un objectif
                  défini au plan politique. En l'occurrence, il fallait mettre à la disposition de l'Europe
                  des ressources de type « capitaux » à la hauteur de ses disponibilités en hommes
                  et en technologie pour atteindre le plus vite possible l'objectif de reconstruction
                  permettant par la prospérité induite de résister « naturellement » au chant des
                  sirènes d'un autre type d'organisation de la société, dans la mesure où la
                  perspective d'une pénurie durable aurait favorisé les thèses collectivistes. On voit
                  donc que, par rapport à Jomini, le plan logistique va bien au-delà des
                  arrangements et des moyens. Il s'agit bien d'un plan stratégique de mise en
                  œuvre de la politique. Par-là, il a quitté le domaine militaire pour entrer dans celui
                  du management.
                 Le déploiement de l'effort de guerre américain a donc également révélé la
                  logistique comme fonction du management. Elle a en effet été perçue dès le
1
  « Précis de l’art de la guerre ou nouveau tableau analytique des principales combinaisons de la stratégie, de la grande
tactique et de la politique militaire », Général baron Antoine Henri Jomini, publié à Paris en 1837.
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                 départ comme clé de la victoire. Face à un objectif final clair, la victoire nécessaire
                 au rétablissement des démocraties, l'effort de guerre a été conçu comme une
                 tâche à accomplir pour l'atteindre. Les conditions géographiques et historiques
                 du conflit ont permis aux États-Unis de se transformer en arsenal et en base
                 arrière et de s'organiser en conséquence. La nécessité de disposer massivement
                 de moyens puissants en des lieux très éloignés, sans pouvoir compter sur un
                 soutien local, a dicté la production de l'économie mobilisée, ainsi que la
                 recherche. Cette conversion a été guidée par des hommes d'entreprise et par
                 des hommes qui avaient passé des années à analyser leur organisation et leur
                 fonctionnement. Les mobilisés ont été incorporés dans l'armée à des grades
                 correspondant à leur expérience militaire antérieure, et les officiers de carrière
                 ont été en grand nombre envoyés dans les meilleures écoles de gestion. Cette
                 approche globale d'organisation, à partir des flux physiques et de tous les flux
                 concourant à la réalisation de l'objectif final, est bien une approche logistique
                 managériale.
C'est ce fort impact normalisateur sur l'amont à partir des objectifs, c'est-à-dire sur le choix
des productions et sur l'organisation qui a clairement fait de la logistique une fonction
stratégique majeure, bien au-delà de ce qu'était le vieux train des équipages. Mais ces galons
stratégiques n'ont pas été immédiatement reconduits dans les entreprises civiles, une fois la
paix revenue, et les militaires eux-mêmes ont eu tendance à en oublier rapidement la
justification. Il y a même une complainte du logisticien qui a fait, en son temps, le tour de leurs
popotes. La raison en est sans doute, là encore, que les dignitaires traditionnels, hauts
responsables d'entreprises ou militaires, ont eu tendance à considérer la logistique comme
une affaire avec laquelle il faut bien vivre, mais auxiliaire. Dès que la pression des événements
se relâche, elle retournerait à son rang traditionnel, et notamment, on ne tendrait plus guère
qu'à lui confier des missions de portefaix.
    -    Ce n'est guère que depuis une trentaine d'années, et progressivement, qu'une
         conception globale de la logistique a été préconisée au bénéfice des entreprises en
         remontant à partir de la distribution physique. Le terme « business logistics » est donc
         récent, comme en témoigne le fait que l'association professionnelle américaine
         concernée ait été créée au début des années 60, sous le nom de « Conseil national de
         la gestion de la distribution physique (NCPDM) 2». D'évidence, le NCPDM traite de la
         logistique d'entreprise, comme en témoigne la définition qu'il a donné en 1972 (après
         plusieurs phases d'évolution) de la gestion de la distribution physique « Terme
         décrivant l'intégration de deux ou plus de deux activités dans le but de planifier, mettre
         en œuvre et contrôler un flux efficient de matières premières, produits semi-finis et
         produits finis, de leur point d'origine au point de consommation »
Ces activités peuvent inclure, sans que la liste ne soit limitative :
    -    le type de service offert aux clients, la prévision de la demande, les communications
         liées à la distribution, le contrôle des stocks, la manutention des matériaux, le
         traitement des commandes ;
    -    le service après-vente et des pièces détachées, le choix des emplacements d'usines
         et d'entrepôts, les achats, l'emballage, le traitement des marchandises retournées, la
         négociation ou la réutilisation d'éléments récupérables ou mis à la ferraille,
         l'organisation des transports et le transport effectif des marchandises ainsi que
         l'entreposage et le stockage.
Il s'agit bien d'une redéfinition dont l'évolution par rapport aux définitions antérieures est
intéressante à noter car c'est en réfléchissant à la nature de cette activité, pour en améliorer
la gestion, que son champ a été considérablement élargi à plusieurs reprises.
2
 National Concil of Physical Distribution Management (NCPDM), son Siège est à Chicago, USA. Il a été créé en 1962 et en
1986, son nom a changé en “Concil of Logistics Management”.
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                        2. Définition de la logistique
Plusieurs définitions sont explorées à savoir :
    •    La logistique est définie comme « Mouvement et manutention de marchandises du
         point de production au point de consommation ou d'utilisation » est la première
         définition de la logistique donnée en 1948 par le comité des définitions de l'« American
         Marketing Association »
Cette définition correspond bien toujours à l'image de la logistique communément répandue
encore aujourd'hui. Certaines branches industrielles ont évolué plus rapidement que d'autres,
et, à l'intérieur des branches mêmes, certaines entreprises ont évolué plus vite que d'autres.
Certains pays semblent également avoir admis plus vite que d'autres que la manutention et le
transport n'étaient que l'aspect physique de la logistique, aspect que l'évolution de la
technologie tend aujourd'hui à rendre subalterne par rapport à tout ce qui, dans la logistique,
est autre que les mouvements matériels. On ne peut que constater que ce sont justement ces
pays, ces branches industrielles et ces entreprises, où l'évolution vers un concept de gestion
à partir de chaînes de flux imbriquées les unes dans les autres est la plus nette, qui sont
généralement considérés comme les mieux armés pour aborder l'environnement de demain.
On peut corrélativement se poser la question de savoir :
         - Combien, des entreprises dont les résultats d'aujourd'hui ou la compétitivité de
           demain semblent très moyens, médiocres ou mauvais, en sont restées à la
           conception de 1948 de la logistique ?
         - Et parmi celles qui en sont restées là et dont les résultats sont encore bons ou
           brillants, combien ont la chance d'opérer sur des marchés protégés ?
    •    « Terme employé dans l'industrie et le commerce pour décrire le vaste spectre
         d'activités nécessaires pour obtenir un mouvement efficient de produits finis depuis la
         sortie des chaînes de fabrication jusqu'au consommateur, et qui dans quelques cas
         inclut le mouvement des matières premières depuis leur fournisseur jusqu'au début
         des chaînes de fabrication », définition donnée par la NCPDM en 1962 pour la gestion
         de la distribution physique.
Ces activités incluent le transport des marchandises, l'entreposage, la manutention,
l'emballage de protection, le contrôle des stocks, le choix des emplacements d'usines et
d'entrepôts, le traitement des commandes, les prévisions de marché et le service offert aux
clients.
En plus de l'élargissement des tâches, il faut noter la remontée constante en amont, la gestion
des matières entrantes étant considérée dès les années 70 par le NCPDM comme l'une des
clés de la productivité de la distribution physique au sens large, ce qui est, d'ailleurs, une des
raisons de lui préférer le terme de « logistique d'entreprise ». Quant à l'expression «
d'entreprise », elle veut clairement indiquer une distinction d'avec l'art militaire dans la mesure
où les contraintes opérationnelles ne sont pas nécessairement les mêmes.
Ainsi, en 1964, E. Smykay3, notait les différences d'origine budgétaire, dans la mesure où les
moyens logistiques des armées, provenant d'un vote au Parlement et nécessitant beaucoup
de temps pour être modifiés, sont rigides, alors que ceux des entreprises, dépendant des
marchés et de la concurrence, sont beaucoup plus souples, ainsi qu'une différence de nature.
En effet, la logistique militaire se fonde sur l'emploi de l'autorité pour remplir sa mission avec
succès, alors que celle des entreprises le fait sur la compétition en matière de niveau de
service offert.
3
 «Physical distribution, military logistics and marketing management», Edward W. Smykay, The University of Houston Business
Review, hiver 1964-1965.
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    •    Vingt ans après la définition de l'American Marketing Association, celle de Magee a été
         l'une des premières à clairement englober les flux d'approvisionnement dans la
         logistique : « Technique de contrôle et de gestion des flux des matières et de produits,
         depuis leur source d'approvisionnement jusqu'à leur point de consommation ».
    •    De façon plus abstraite, Heskett, Glaskowsky et Ivie4 proposent comme définition, la «
         Gestion de toutes les activités qui contribuent à la circulation des produits et à la
         coordination de l'offre et de la demande dans la création d'utilité par la mise à
         disposition de marchandises en un lieu et à un moment donné ».
    •    Dans un article de la Harvard Business Review, Heskett est, par la suite, revenu à une
         définition plus concrète, illustrant bien l'aspect pragmatique de la réflexion américaine
         sur le management : « La logistique englobe les activités qui maîtrisent les flux de
         produits, la coordination des ressources et des débouchés, en réalisant un niveau de
         service donné au moindre coût ».
Par rapport à cela, il s'agit sans doute d'une caractéristique de l'esprit français que de vouloir
mettre une enveloppe abstraite autour d'un concept, sans doute pour en assurer la pérennité
en le désincarnant. Ce n'est aussi probablement pas un hasard si Fayol était français et Taylor
américain.
    •    En sacrifiant à ce désir d'universalité qui doit quand même présenter quelque
         avantage, la définition suivante est envisagée : « La logistique est le processus
         stratégique par lequel l'entreprise organise et soutient son activité ».
À ce titre, sont déterminés et gérés les flux matériels et informationnels afférents, tant internes
qu'externes, qu'amont et aval. Dans le cadre de la poursuite des objectifs généraux à laquelle
elle concourt, sa mission consiste à permettre l'élaboration de l'offre de l'entreprise et à en
réaliser la rencontre avec la demande du marché, tout en recherchant systématiquement les
conditions d'optimalité dans l'exécution.
Il faut bien comprendre que cette coordination nécessite notamment des échanges
d'information dont l'importance va croissante. La logistique moderne pourrait même être
simplement définie comme le processus par lequel l'entreprise gère l'ensemble de ses
échanges d'informations et des éléments physiques qui en résultent avec son amont et son
aval. Le processus est qualifié de stratégique du fait que l'entreprise s'appuie dessus pour
organiser ses propres rouages dans le but d'atteindre ses objectifs de façon optimale, c'est-à-
dire au moindre coût, tout en respectant les contraintes qu'elle estime importantes.
Notons que cette définition traduit bien la fonction de « juge de paix » que la logistique moderne
apporte pour résoudre les conflits internes entre le commercial et la production. Dans les
entreprises où la logistique industrielle et la logistique commerciale sont coordonnées par les
mêmes personnes, le commercial est mieux compris et l'industriel mieux respecté (exemple
Kraft Jacobs Suchard).
    •    Il ne faudrait pas non plus croire que la préoccupation logistique n'ait existé depuis
         trente ans qu'aux États-Unis. On la retrouve en des termes très proches dans tous les
         pays développés. On la retrouve également à l'horizon où convergent les réflexions sur
         la logistique de toutes les familles intéressées, gestionnaires, militaires ou ingénieurs
         de systèmes. Leurs définitions sont aussi intéressantes à analyser pour leur évolution
         et leur rapprochement, mais nous pensons difficile d'en citer davantage dans ce
         chapitre. Le point principal est qu'après avoir été d'apparence très différente, elles
         convergent maintenant du fait que chaque catégorie de logisticiens a pris conscience
         de son insertion dans un système économique unique.
En ce qui concerne la France, il existe, bien sûr, un courant de pensée sur la logistique
d'entreprise depuis déjà plusieurs années, et qui a réuni, comme aux États-Unis, la réflexion
4
 « Business Logistics » de James L. Heskett, Nicholas A. Glaskowsky Jr., Robert M. Ivrie, The Ronald Press Company, 2e
édition, New York, 1973
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de professionnels et d'intellectuels d'horizons différents : ingénieurs, chercheurs orientés vers
l'analyse économique et plus généralement vers l'analyse quantitative, dont la recherche
opérationnelle, mais aussi chercheurs en gestion d'origine universitaire et/ou des grandes
écoles. On peut également suivre cet effort conceptuel dans l'évolution des définitions.
On peut avancer que si la logistique existe vraiment en tant que concept universel, il ne devrait
pas y en avoir cinquante définitions, ou du moins toutes les définitions devraient être
convergentes, sous des superstructures qui ne seraient guère que la manifestation de la «
patte » de leurs auteurs. On mesure ici l'ambiguïté de la situation. Il y a bien une cinquantaine
de définitions de la logistique, et celles-ci ne sont que partiellement convergentes. Les
divergences ont essentiellement trait à l'étendue du champ d'action de la logistique. La
question n'est pas académique.
Si la logistique est bien ce qui ressort de la définition de l'American Marketing Association de
1948, les responsables de la production, les responsables des approvisionnements, les
responsables marketing et les autres n'ont guère à remettre en cause ni leur pouvoir, ni leurs
méthodes. Cela n'empêche d'ailleurs pas des progrès ponctuels issus de l'entente cordiale de
partenaires égaux, mais il est alors peu vraisemblable que notre industrie atteigne toute la
compétitivité dont elle est potentiellement capable, aux plans national et international. Si le fait
logistique existe vraiment et si la définition en est plus large, les présidents-directeurs
généraux ont des questions à se poser et il est bien évident que beaucoup d'entre eux ne se
les posent pas encore.
Nous pensons que le concept de logistique englobe maintenant, pour une large part, le
concept de marketing et va au-delà, sans d'ailleurs chercher à l'accaparer, pas plus que les
autres fonctions traditionnelles de l'entreprise, comme nous essaierons de le montrer dans les
sections qui suivront.
C'est le propre d'un concept intégrateur dans un univers déjà sophistiqué que de proposer un
progrès, donc une amélioration de la rentabilité, et non de représenter un élément primaire
dont l'absence rendrait impossible le démarrage d'une organisation. Ce qui est sûr, c'est qu'on
peut d'autant plus impunément nier un tel concept, du moins au plan national, que sa diffusion
est moins répandue.
Mais là où on a perdu des opportunités, on finit par perdre la rentabilité, voire l'indépendance
ou même la vie. Par rapprochement au marketing on peut aisément avancer que « Parmi
celles des gloires anciennes qui ont nié le marketing trop longtemps, bien nombreuses sont
celles qui sont devenues, au bout du chemin, des cas d'école de la décrépitude ». Le haut
niveau atteint et la grande interpénétration des économies nous amènent à penser que la
tolérance de l'environnement à l'aveuglement du concept de logistique sera beaucoup moins
grande dans l'avenir qu'à l'époque où chaque pays avait déjà bien à faire avec sa
reconstruction et son expansion interne.
Pour finir, on se contentera de la définition que donne l’« Association des logisticiens
d'entreprise (ASLOG)5» à savoir : « La logistique est l'ensemble des activités ayant pour
but la mise en place, au moindre coût, d'une quantité de produit, à l'endroit et au
moment où une demande existe »
Ainsi, la logistique concerne donc toutes les opérations déterminant le mouvement des
produits telles que : localisation des usines et entrepôts, approvisionnements, gestion
physique des encours de fabrication, emballage, stockage et gestion des stocks, manutention
et préparation des commandes, transports et tournées de livraison.
5
  L’ASLOG, est créée en 1972 et a son siège à Paris. Tout comme la NCPDM, elle a évolué d’une association de
professionnels techniciens échangeant des recettes qui ont « marché » hier vers un club de réflexion sur les transformations
nécessaires pour assurer la compétitivité de demain. En 1983, elle devient l’Association française des logisticiens d’entreprise.
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