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L'infinité Divine

Ce document décrit l'évolution de la conception de l'infinité divine dans la philosophie grecque antique, de Thalès à Plotin. Il montre comment Philon d'Alexandrie, Numénius et Plotin ont développé l'idée d'un principe premier infini et inconnaissable, rompant avec les conceptions antérieures qui voyaient le principe comme déterminé. Le document analyse en détail les pensées de ces trois philosophes sur la nature infinie de Dieu.
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L'infinité Divine

Ce document décrit l'évolution de la conception de l'infinité divine dans la philosophie grecque antique, de Thalès à Plotin. Il montre comment Philon d'Alexandrie, Numénius et Plotin ont développé l'idée d'un principe premier infini et inconnaissable, rompant avec les conceptions antérieures qui voyaient le principe comme déterminé. Le document analyse en détail les pensées de ces trois philosophes sur la nature infinie de Dieu.
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L’infinité divine depuis Philon le juif jusqu’à Plotin

Par Henri Guyot (1906)

De Thalès à Démocrite, la philosophie grecque hésite entre l’infinité et la détermination


concernant le principe premier.
De Platon aux stoïciens, le principe est considéré comme déterminé.
Ce sera avec Philon, Numenius et Plotin que se développera une doctrine de l’infinité divine.

De Thalès à Démocrite
Les premiers philosophes expliquent la nature à partir de la physique. Pour Thalès le principe
originel est l’élément eau, il est donc déterminé. Pour Anaximandre, ce principe doit être
indéterminé, parce que cela explique mieux la grande variété et diversité que l’on observe dans la
nature. Mais cet indéterminé est encore un principe matériel.
Héraclite, lui, voit le principe comme l’élément feu. Sa mobilité lui permet de devenir toutes
choses, mais le feu est avant tout pour Héraclite verbe, logos.
Le désaccord entre Parménide et Mélissos illustre l’hésitation de l’esprit grec. Pour
Parménide, l’être est limité, c’est une sphère. Pour Mélissos, l’être est éternel, il n’a ni
commencement ni fin, donc il est infini.
Pour les Pythagoriciens, le monde vit grâce à une respiration qui est le rapport entre une
sphère de feu finie, et la matière indéterminée, infinie. Le monde se fonde donc sur une dialectique
entre fini et infini, comme le nombre est composé du pair et de l’impair qui représentent le fini et
l’infini. L’infini est donc un principe matériel et passif, divers et changeant, qui s’oppose au
principe fini à l’origine de l’ordre et de la vie, de l’identité, la stabilité et l’intelligible.

De Platon aux stoïciens


Platon : l’infini est ce que l’idée n’a pas encore pénétré. Le fini est le principe actif,
intelligible et bon, le fini le principe passif, confus et mauvais. Cependant il y a aussi chez Platon
une pierre d’attente pour Plotin. L’idée du Bien, principe de toutes les autres idées est affirmée
comme supérieure à l’être, à l’essence et à l’intelligence.
Aristote : théorie très approfondie de l’infini négatif ou de la matière. Plotin reprendra cela.
L’infini n’est pas une substance, donc c’est un accident. L’infini est toujours en puissance.
Cela ne peut être un nombre ou une grandeur en acte, car on peut toujours ajouter à l’infini un
nombre ou une grandeur. L’infini n’est pas l’enveloppe de l’univers comme le pensait Anaximandre.
Loin de contenir, il est contenu. En effet, le tout qui contient tout est fini, on ne peut rien lui ajouter.
L’infini n’est que la matière ou la puissance de la grandeur. Il n’est rien en acte.
Pour les stoïciens l’infini est irréel et inconcevable. En fait, c’est seulement une réalité de
raison, mais qui n’existe pas en fait. L’esprit conçoit le vide ou la matière ou l’infini, mais seul

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existe ce qui est corps, donc l’infini qui ne peut être délimité dans un corps n’existe pas dans la
réalité.

Philon d’Alexandrie
Philon d’Alexandrie fait entrer des principes juifs dans la philosophie : L’essence de Dieu est
inconnaissable. Pour que Dieu agisse dans le monde, il lui faut donc un intermédiaire, le Verbe.
L’âme ne pourra connaître Dieu que par une extase hors de ses limites.
Philon est né à Alexandrie vers 30 av JC. Il est juif par la naissance et grec par l’éducation.
Pour Philon, Dieu est indéterminé. Il est sans qualité, il est au-delà des perfections des êtres et
n’a pas leurs imperfections. Il est ineffable et inconnaissable. Il n’est ni le monde ni l’âme du
monde. Il enveloppe mais n’est pas enveloppé. Il n’est ni dans l’espace ni dans le temps. Dieu est
simple et éternel.
Philon emploie l’interprétation allégorique pour expliquer les passages anthropomorphiques
de la Bible, car Dieu est invisible. En Dieu pas de mélange, pas de synthèse, il est immuable. Pour
Philon Dieu est même supérieur à l’unité. Il ne faut pas penser que ce soit Dieu qui soit suivant la
monade, c’est la monade qui est suivant le Dieu unique. Seul l’être convient à Dieu. Mais si Dieu
est inconnaissable, pourtant il n’y a pas de plus grand plaisir que de chercher à connaître Dieu.
L’incapacité de comprendre a pour cause non un défaut des qualités finies en Dieu mais au contraire
la surabondance de l’être. Dieu est donc infiniment parfait.
Philon parle donc de Dieu en termes négatifs mais aussi en termes positifs. Si Dieu n’est pas
l’âme du monde, il est l’intelligence, le « noûs » de la totalité. Dieu est souvent comparé à une
personne, c’est le père du monde, son artisan, son sculpteur, etc.
Au final, si le terme même d’infini ne se trouve pas chez Philon à propos de Dieu, pourtant, la
réalité s’y trouve, surtout parce que Dieu est dit sans qualité : Ἄποιος.
Philon insiste sur la présence de puissances intermédiaires entre Dieu et le monde. Dieu est
présent au monde par ces puissances, car lui-même ne peut se trouver comme tel dans le monde. Un
contact immédiat est impossible entre l’imparfait et l’infiniment parfait. Comment ces puissances se
produisent reste incertain, ce sont des émanations de Dieu comme les rayons du soleil ou le ruisseau
provenant de la source. Ces puissances sont parfois des êtres rationnels comme les anges, ou bien ce
ne sont plus que des attributs de Dieu. Parfois les puissances sont les idées intelligibles de Platon.
Parfois Philon attribue ses puissances à Dieu lui-même comme si elles étaient aussi infinies, et tout
simplement la puissance infinie de Dieu, parfois, il qualifie de puissance toutes les âmes qui
animent le monde, y compris l’âme humaine.
La plus haute des puissances est le Verbe, à moins que le Verbe soit plutôt une puissance
intermédiaire entre Dieu et les autres puissances
Si Dieu est infini, l’âme qui veut s’unir à lui doit sortir d’elle-même et devenir à son tour
infinie. Il s’agit comme d’un sommeil dans lequel l’âme n’est plus sensible aux objets qu’elle
sentait auparavant, mais elle devient attirée et animée par la grâce de Dieu, il s’agit au sens propre
d’un enthousiasme. L’âme n’est pas anéantie par l’extase, mais connaît sa paix et son bonheur les
plus purs.

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Plotin et Numénius on repris directement à Philon l’idée de l’infinité divine et celle des
puissances intermédiaires.

Numenius
Du Ier au IIIème siècle, le néopythagorisme reprend le dualisme pythagoricien : l’unité finie
s’oppose à la dyade infinie.
Numénius a directement été influencé par Philon, et est lui-même influencé par la Bible et la
pensée juive. Numénius a servi de trait d’union entre Philon et Plotin. Il reprend la théorie des
néopythagoriciens pour lesquels Dieu est essentiellement l’intelligible, et se trouve en face du
principe, la matière indéterminée, infinie et informe, sans qu’il y ait une continuité entre les deux,
mais au contraire une opposition. Il reprend à Philon l’idée des puissances intermédiaires. Ces
puissances sont en nombre variable, mais la plus importante est le démiurge, le créateur du monde
matériel, qui est une reprise du verbe de Philon.
Numénius avance cependant dans la voie de l’infinité divine en préparant Plotin. Notamment
il affirme à la suite de Philon l’ubiquité divine. Dieu donne, et ce qu’il donne se trouve toujours en
lui en même temps qu’en l’être a qui il a donné, de même qu’on voit un flambeau donner à un autre
flambeau une lumière que celui-ci n’a pas perdue. Numénius affirme aussi à la suite de Philon que
l’âme doit sortir d’elle-même dans une extase pour connaître Dieu.

Plotin
Plotin est un grec d’Egypte, il naît à Lycopolis en 204. Pour Plotin, le principe est
nécessairement autre que tout ce qui vient de lui, il n’est pas le tout, il est autre que le tout. Le
principe est également au dessus de l’intelligence, c’est pourquoi il est indéterminé et infini :
ἄπειρον. En effet, l’intelligence lorsqu’elle pense est double, son activité s’oriente vers son objet, il
y a donc le sujet et l’objet.
« Le principe premier est infini parce qu’il est un, et que rien en lui ne peut être limité par
quoi que ce soit. Son unité le soustrait à la mesure et au nombre. » Le principe premier n’est pas
infini comme une grandeur infinie, il est infini sans grandeur. Ce qui est infini, c’est sa puissance :
δύναμις.
L’infinité divine est qualitative et non quantitative. En effet, la puissance du principe peut être
partagée à l’infini sans qu’il ne la perde.
Pour Plotin, le principe premier n’a ni figure, ni forme, il est ni en repos ni en mouvement, il
n’a ni sentiment ni connaissance de lui-même. On ne peut pas dire du principe qu’il veuille ou qu’il
agisse. Le principe est au dessus de l’être, il est absolument incompréhensible et ineffable.
Cependant, cette ineffabilité du principe ne signifie pas qu’il soit une sorte de néant, bien au
contraire, c’est par excès de perfection que le principe est au-delà de tout. En effet, sa puissance
infinie dépasse tout ce qui est, de sorte que le principe est au-dessus de l’être, mais toute puissance
existante tire de lui sa puissance. Plotin le définit donc quand-même comme cause suprême, comme
acte premier et comme principe de l’être absolu.

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Dieu n’est pas dans l’espace, mais il est le dehors parce qu’il comprend tout, et il est le dedans
parce qu’il est au fond de toutes choses. Dieu n’est pas une forme, mais il est le principe de la
forme, il n’est pas un nombre, mais il est le principe du nombre.
Plotin invente un système vraiment moniste, c’est-à-dire avec strictement un seul principe. La
production du principe est éternelle et infinie, elle se réalise dans une continuité absolue unissant
toutes les étapes de la production. Cependant il n’est pas toujours tout à fait conséquent dans ce
monisme et on trouve chez lui aussi du dualisme, notamment lorsqu’il parle de la matière comme le
mal.
Mais il y a une interprétation moniste de la doctrine de Plotin sur la matière. La matière est
comme la limite idéale vers laquelle tend l’expansion du principe infini, c’est pourquoi Plotin
l’appelle le mal bien que ce ne soit pas vraiment un mal réel, mais le degré infiniment inférieur du
bien.

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