Racine, Phèdre I3 (1677)
L’auteur : Faire une fiche sur Racine
L’œuvre : Phèdre est une pièce de théâtre tragique écrite au XVII° siècle par Racine (tragédien
classique)
Intrigue :
Phèdre (femme) est mariée à Thésée (homme). Elle est aussi la fille de Pasiphaé (mère du Minotaure) et
la sœur d’Ariane (qui aide Thésée contre le Minotaure), une famille maudite.
Thésée a un fils, Hippolyte, né de son union avec une Amazone. Thésée est parti et il est porté disparu.
Phèdre est amoureuse d’Hippolyte mais c’est INTERDIT parce que c’est son beau-fils (chez les grecs,
c’est comme de l’inceste*).
Elle confie son amour à sa nourrice qui essaie de la soutenir, elle finit par l’avouer à Hippolyte, mais
celui-ci ne veut pas d’elle. Thésée revient finalement. Plutôt que d’avouer, Phèdre rejette la faute sur
Hippolyte et utilise son épée qu’elle lui a volée comme preuve de la faute d’Hippolyte. Hippolyte est
exilé et meurt. Phèdre coupable finit par tout avouer à Thésée et elle se suicide (en s’empoisonnant).
PHÈDRE → aime Hippolyte, mariée à Thésée, maîtresse d’Œnone
ŒNONE → nourrice de Phèdre (esclave)
HIPPOLYTE → fils de Thésée, n’aime pas Phèdre, aime Aricie
THÉSÉE → marié à Phèdre, père d’Hippolyte
Le mouvement/ le courant/ l’époque : Le classicisme : retour à l’antiquité de manière normée
(règles strictes), sans fioritures (tout ce qui est de trop, superflu, esthétique). La tragédie classique va
reprendre les pièces latines et grecques (intrigues mythiques et historiques) pour les retravailler selon
les préoccupations et les mentalités de l’Ancien Régime.
Ex : dans Phèdre, il y a une différence de moralité (bien/mal) entre la noble Phèdre et sa nourrice Œnone
(pas noble), alors que dans les pièces dont s’inspire Racine il n’y a pas de différence morale entre les deux.
Les deux inspirations de Racine sont : Phèdre de Sénèque (auteur latin, stoïcien*) et Hippolyte
d’Euripide (tragédien grec). Il va même reprendre des tirades entières qu’il traduit, et des éléments
scéniques (comme l’épée d’Hippolyte).
Résumé du texte et situation du passage :
CITATION PROCÉDÉ ANALYSE
(le texte) (ce qui est remarquable) (ce que l’auteur a voulu dire
/ l’effet produit sur le lecteur)
20 accumulation ET anaphore amplification du tragique, du destin
inévitable
17-18 accumulation énumération de symptômes de
l’amour, perception de l’amour
comme quelque chose de mal
4 métaphore violence ET impuissance face à
l’amour
« silence éternel » euphémisme / périphrase atténuation de l’idée de mort et
insistance sur le silence dans un aveu
dialogué
« le comble des horreurs » Hyperbole insistance sur le crime qu’est l’amour
de Phèdre pour Hippolyte
v.17 : « J’aime... » Absence de COD (rupture
// « Qui ? » v. 19 de syntaxe) Phèdre refuse de nommer Hippolyte
20-21 périphrase car son amour est un crime (cf. 23) :
// 22 (« Hippolyte ? ») elle sait qu’aimer H. est un crime et le
dire c’est accepter cette réalité
3 référence mythique vengeance de Vénus Filiation de
/mythologie sur la descendance Phèdre,
(contexte) d’Hélios intégration aux
(« malédiction ») mythes
4 Pasiphaé
Racine
7 Ariane s’intègre dans
« race » « fille » « mère » C L de la famille Thématique de la une filiation
« soeur » famille antique
« j’aime », « amour », « aimez- Famille de mots L’amour de Phèdre Amour et mort
vous » (amour/aimer) est le thème central sont liés, c’est
« frayeur » « tremble » Champ lexical de la peur Le crime qu’a l’amour de
« frissonne » « mon sang (…) se commis Phèdre est Phèdre qui est
glace » « horreur » effroyable criminel
cf. tragédie : susciter
Terreur et pitié
« mortel » « crime » « fatal » Champ lexical de la mort Le crime de Phèdre
« mort » « péris » « mourûtes » mérite la mort
« silence éternel »
« avenir » « fatal » « je péris la CL destin Registre tragique. Le destin de Phèdre
dernière » est écrit (et c’est la mort)
« ciel », « grands dieux » CL du divin Présence des dieux omniprésente : ils
« Vénus » « ô » sont à la fois témoins de son crime et
(pour Vénus) la cause de son destin
9 « Que faites-vous, madame ? » Vouvoiement/tutoiement Relation asymétrique
16 « Tu vas ouïr » on a une maîtresse et une esclave
Leurs paroles n’ont pas le même poids
Par de vaines frayeurs cessez de Impératif Oenone s’adresse Oenone n’a qu’un
m’offenser. directement à rôle d’interlocu-
Phèdre trice fantôme
« Ariane » « ma mère » ... 3 pers du sg / adresse à des Phèdre ne pour Phèdre, au
personnages absents s’adresse à Phèdre même titre
qu’en fin de texte qu’Ariane.
« Ô » invocatoire Invocatoire Phèdre ne parle pas directement à
// dieux Œnone mais s’adresse surtout aux
divinités
25-26 Ô invocatoire Oenone est choquée par l’amour de
phrases nominales Phèdre, qui est bien un crime
« Par de vaines frayeurs cessez Impératifs Oenone cherche a raisonner Phèdre
de m’offenser. » C L peur
« fureur » (v. 14) Synonyme de « folie » Phèdre est menée par ses passions,
elle n’est plus maîtresse d’elle-même
« ! » (3-4) Phrases exclamatives Intensification tragique
visée expressive (lyrisme)
⇒ théâtralisation
« par moi-même opprimé » v. 21 participe passé APRÈS mise en relation de « opprimé » avec
complément d’agent Hippolyte (v.22) ; met en valeur
« opprimé »
Neuf idées essentielles :
1. La relation est asymétrique (maîtresse-esclave)
2. Œnone est un faire-valoir : elle a pour rôle de faire s’exprimer Phèdre
3. Œnone va garder le secret
4. Phèdre est menée par ses passions (sentiments non-maîtrisés)
5. Œnone est la voix de la raison mais n’a aucun pouvoir
6. Le destin tragique est omniprésent grâce à l’évocation des divinités
7. Phèdre se considère déjà comme morte
8. Phèdre veut avouer son amour mais ne le dit pas directement
9. L’aveu rend les choses réelles et mène à une tirade
Problématiques liées au texte:
Comment Racine exploite-t-il la relation nourrice maîtresse pour mettre en scène l’aveu amoureux ?
Dans quelle mesure le dialogue entre Oenone et Phèdre mène-t-il à un aveu tragique ?
Mouvements du texte :
1-12 : Phèdre inscrit son malheur dans la malédiction de sa famille, Oenone essaie de comprendre
13-18 : Oenone doit faire l’aveu pour Phèdre qui en est incapable
19-fin : Réaction d’Oenone, mise en scène de la tragédie de la révélation
Questions de grammaire :
1. Quel type de négation est présent au vers 2 ?
2. Quelle sont la fonction et la nature de « quel » (vers 9)
3. Identifiez la proposition subordonnée conjonctive à valeur circonstacielle de cause..
PHÈDRE
Ciel ! que lui vais-je dire ? et par où commencer ?
ŒNONE
Par de vaines frayeurs cessez de m’offenser.
PHÈDRE
Ô haine de Vénus ! Ô fatale colère !
Dans quels égarements l’amour jeta ma mère !
ŒNONE
5 Oublions-les, madame ; et qu’à tout l’avenir
Un silence éternel cache ce souvenir.
PHÈDRE
Ariane, ma sœur ! de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !
ŒNONE
Que faites-vous, madame ? et quel mortel ennui
10 Contre tout votre sang vous anime aujourd’hui ?
PHÈDRE
Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable
Je péris la dernière et la plus misérable.
ŒNONE
Aimez-vous ?
PHÈDRE
De l’amour j’ai toutes les fureurs.
ŒNONE
Pour qui ?
PHÈDRE
Tu vas ouïr le comble des horreurs…
15 J’aime… À ce nom fatal, je tremble, je frissonne.
J’aime…
ŒNONE
Qui ?
PHÈDRE
Tu connais ce fils de l’Amazone,
Ce prince si longtemps par moi-même opprimé…
ŒNONE
Hippolyte ? Grands dieux !
PHÈDRE
C’est toi qui l’as nommé !
ŒNONE
Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace !
20 Ô désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !
Voyage infortuné ! Rivage malheureux,
Fallait-il approcher de tes bords dangereux !
Jean Racine, Phèdre Acte I scène 3
Texte complémentaire : suite de la réplique
PHÈDRE
Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée
Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;
Athènes me montra mon superbe ennemi :
5 Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
10 D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables !
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
15 D’un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l’encens !
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
20 J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.
Je l’évitais partout. Ô comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j’osai me révolter :
J’excitai mon courage à le persécuter.
25 Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,
J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;
Je pressai son exil ; et mes cris éternels
L’arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, Œnone ; et, depuis son absence,
30 Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence :
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
35 J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.
J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;
40 J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire :
Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats :
Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas.
45 Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.
Racine, Phèdre acte I scène 3 (fin de la scène)