19- PANCREATIQUE AIGUE
I- INTRODUCTION
I.1- Définition
Atteinte inflammatoire aigue du pancréas, secondaire à une autodigestion de la glande
par activation prématurée de ses propres enzymes
Les lésions peuvent aller du simple œdème (PA œdémateuse) à la nécrose hémorragique
(PA nécrotico-hémorragique)
I.2- Intérêt
Urgence médico-chirurgical pouvant mettre en jeu le PV
Evolution et pronostic distincte selon la forme: PA œdémateuse souvent bénigne, PA
nécrotico-hémorragique de mauvais pronostic
Plusieurs scores clinico-biologiques pour prédire déroulement et sévérité de la PA initiée
Etiologies nombreuses dominées par: la migration lithiasique dans la VBP et
l’alcoolisme chronique
Traitement: symptomatique++, place de la chirurgie discutée en fonction de l’étiologie
II- SIGNES
II.1- TDD: PA nécrotico-hémorragique ou drame pancréatique de
Dieulafoy ou catastrophe abdominale de Mondor
II.1.1- Clinique
II.1.1.1- Signes fonctionnels
Contexte: il s’agit souvent d’un homme de la cinquantaine, obèse qui au décours d’un
repas copieux, lourd, riche en graisse, présente brutalement:
Douleur épigastrique en barre+++, à début rapidement progressif
Etrange par son intensité: Atroce, d’emblée maximale, parfois syncopale
Transfixiante, irradiant vers le dos et la région sous-costale gauche
Evoluant sans rémission d’une façon très tenace, paroxysmes sur fond douloureux
Rebelle aux ATG habituels; calmée par la position « chien de fusil »
Vomissements précoces, alimentaires puis bilieux
Troubles du transit: AMG (si iléus reflexe) pouvant être remplacé par une diarrhée
souvent sanglante
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II.1.1.2- Signes généraux (signes de gravité+++)
Etat confusionnel avec agitation, anxiété et angoisse
Fièvre
Hypotension, pouls rapide parfois imprenable, sueurs froides
Teint terreux, déshydratation extracellulaire
→ CAT en urgence: devant les signes de choc: Réanimation en urgence
- 2 VVP de gros calibre pour prélèvement (NFS, GSRH, TP, TCK) et remplissage
- SNG, sonde urinaire, LVAS + oxygénothérapie
II.1.1.3- Signes physiques
Ils sont pauvres, on peut cependant noter
Léger météorisme abdominale, parfois un sub-ictère
Respiration abdominale conservée
Sensibilité épigastrique voire parfois une défense, sans contracture
Douleur provoquée épigastrique
Touchers pelviens indolores, orifices herniaires sont libres
Il faut rechercher
Des ecchymoses péri-ombilicales (signe de CULLEN) ou des flancs (signe de
GREY-TURNER): évocatrices mais rares; extrêmement péjorative+++
Point douloureux sous costal gauche, patient en DLD: Signe de MALLET-GUY
Douleur provoquée dans l’angle costo-lombaire gauche: signe de MAYO-
ROBSON
Epanchement pleural gauche
L’examen doit être complet
Au total: c’est la discordance entre la gravité des SF et des SG et la pauvreté de l’examen
physique qui fait évoquer le diagnostic
II.1.2- Paraclinique
II.1.2.1- Biologie
A visée diagnostique
Amylasémie: élevée mais inconstante, moins fiable; significative lorsque ˃ 3N
Lipasémie+++:
o Plus sensible et plus spécifique que l’amylasémie mais élévation décalée de
24-48 heures, persiste plus longtemps; Taux de 3N = valeur seuil
significative
Autres: dosage amylasurie, dosage de l’amylase dans les épanchements
A visée pronostic et bilan de retentissement: NFS, Ionogramme sanguin, VS, CRP, GDS,
Crase sanguine, Bilan hépatique et rénal, calcémie, glycémie, LDH
Réalisé en urgence à l’arrivée du patient et répété au bout de 48h
Permettent de définir les critères de Ranson
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II.1.2.2- Imagerie
Scanner abdominal: examen de référence, avec injection de PDC iodé (sauf CI), montre
Augmentation de volume du pancréas avec structure hétérogène
Degré d’extension extra-pancréatique
Nécrose pancréatique: non rehaussée après injection de PDC
Présence de collection liquidienne
NB: Son aspect normal n’élimine pas le diagnostic, il permet d’établir la classification de
BALTHAZAR
Echographie abdominale: interprétation souvent difficile, peut montrer
Augmentation volume du pancréas avec structure hétérogène
Recherche dilatation de la VBP et calcul des voies biliaires
Epanchement péritonéal parfois
ASP: systématique
Peut montrer
o Iléus fonctionnel: (anse sentinelle, aérocolie)
o Eventuels calculs radio-opaque de la VBP et du pancréas
o Calcifications pancréatiques éventuelles
Permet d’éliminer un pneumopéritoine
Rx thorax: recherche un épanchement pleural basal gauche
II.1.3- Evolution - Pronostic
II.1.3.1- Eléments de surveillance
Cliniques: douleur+++, constantes (Pouls, TA, T°, Diurèse, FR), examen complet
Paraclinique: lipasémie, NFS, CRP, Iono, glycémie, calcémie, LDH, GDS, écho, TDM
II.1.3.2- Facteurs pronostiques
Terrain: existence de tares viscérale, âge (+80 ans), obésité
Scores clinico-biologiques: RANSON, IMRIE
Classification de Balthazar: basé sur les signes scannographiques: morphologie du
pancréas et étendue de la nécrose (voir annexe)
NB: après 48h, on définit des malades à risque sur la base d’un score de Ranson ou
d’IMRIE ˃ 3, d’une CRP ˃ 150mg/l, d’un index de sévérité TDM ˃ 4, ou d’un terrain
particulier
II.1.3.3- Modalités évolutives
Elle peut être favorable vers la guérison sans séquelles, si le traitement est précoce et
bien conduit
Cependant, peut être émaillée de complications
Complications précoces: (J0-J10)
o Générales: à type de défaillance multiviscérale
Cardio-vasculaire: état de choc hypovolémique
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Pleuro-pulmonaire: DRA par œdème pulmonaire lésionnel,
épanchement pleural
Rénales: IR fonctionnelle puis organique par nécrose tubulaire aigue
Hématologique: troubles de l’hémostase: CIVD
Hépatique: insuffisance hépatocellulaire
Métabolique: hyperglycémie, hypocalcémie, stéatose
Neuropsychiatrique: délire, troubles confusionnels
o Loco-régionales:
Hémorragique:
- HD par gastrite hémorragique aigue ou nécrose digestive
- Hémorragie intrapéritonéale par nécrose vasculaire
Péritonite: par perforation gastrique, colique, grêlique…
Complications secondaires: les coulées de nécrose pancréatique peuvent évoluer
o Abcès pancréatiques: secondaire à une infection d’un foyer de nécrose
par translocation à partir du côlon
par contiguïté
ou encore par voie hématogène
o Faux kystes du pancréas: complication tardive de la PA
Le diagnostic est affirmé par le scanner ou l’échographie
Les complications des faux kystes sont: rupture avec péritonite
pancréatique, hémorragie intrakystique, suppuration, compression des
organes de voisinage (notamment biliaires)
o Récidive ou extension de la nécrose (phlegmon péri-pancréatique), toujours
grave
o Fistule pancréatique: notamment digestive ou cutanée
Complications tardives: séquelles psychiatriques, diabète, dénutrition, PC
II.2- Formes cliniques
II.2.1- Formes symptomatiques
Formes atténuées
Vagues douleurs abdominales
Elévation de la lipasémie ˃ 3N
TDM: importante lésion œdémateuse sans nécrose
Evolution favorable mais surveillance (risque de récidive)
Formes suraiguës: apoplexie pancréatique par nécrose de tout le parenchyme, presque
toujours mortelle
Formes trompeuses: simulent OIA, perforation d’UGD, cholécystite aiguë, infarctus du
mésentère, infarctus du myocarde
Poussée de PA sur fond chronique: éthylique+++
II.2.2- Formes anatomo-cliniques
PA nécrotico-hémorragique (notre TDD): sévère, de mauvais pronostic
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PA œdémateuse (= forme atténuée)
Echo et TDM: montrent une lésion œdémateuse
Traitement médical souvent favorable avec restitution ad integrum du pancréas
III- DIAGNOSTIC
III.1- Diagnostic positif
Douleur épigastrique typique associée à une lipasémie ˃ 3N
En cas de doute: TDM permet de poser le diagnostic et faire le diagnostic de gravité
III.2- Diagnostic différentiel
Affections médicales:
Infarctus du myocarde: douleur angineuse + élévation de la troponine I et T + ECG
confirment le diagnostic et permet de faire le diagnostic topographique
Colique hépatique: douleur épigastrique ou de l’HCD intense, continue, irradiant
en hémi-ceinture ou en bretelle
Colique néphrétique: douleur lombaire unilatéral atroce, frénétique, irradiant vers
les OGE et s’accompagne de signes urinaires à type de dysurie, pollakiurie, parfois
hématurie
Affections pleuro-pulmonaires: douleur basithoracique exacerbée par la toux et
l’inspiration profonde; Rx thorax+++
Affections chirurgicales:
Perforation d’ulcère: antécédent d’UGD ou d’épigastralgies; tableau d’une
péritonite aigue + pneumopéritoine à l’ASP
PAG: douleur en coup de poignard, contracture abdominale généralisée, cri de
l’ombilic, cri du Douglas; ASP: grisaille diffuse
OIA: douleur + météorisme + AMG; ASP: NHA
Appendicite aigue: triade de Dieulafoy; écho montre l’épaississement de la paroi
appendiculaire
Cholécystite aigue: colique hépatique + signe de Murphy; écho pose le diagnostic
en montrant un épaississement de la paroi vésiculaire
Infarctus mésentérique: douleur continue, diarrhée sanglante remplacée par un
AMG, silence abdominale; artériographie pose le diagnostic
III.3- Diagnostic étiologique
III.3.1- Enquête étiologique
Interrogatoire:
Préciser l’état civil, le sexe++, l’âge++
Rechercher une notion d’éthylisme et quantifier
Rechercher une notion de prise médicamenteuse ou de produit toxique
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Rechercher les antécédents médicaux et chirurgicaux
Préciser le terrain: obésité +++
Examen physique:
Rechercher des signes d’IHC, d’HTP, d’éthylisme chronique
Rechercher un ictère
Examen complet de tous les appareils
Paraclinique
Bilan hépatique complet: ASAT, ALAT, GGT, PAL, bilirubine totale et conjuguée
Calcémie, triglycérides
Imagerie: échographie abdominale, TDM, écho-endoscopie, CPRE
III.3.2- Etiologies: causes les plus fréquentes
Pancréatite biliaire
Les critères de Blamey orientent: femme +50 ans, antécédents de CH, ALAT ˃ 3N
Echographie pose le diagnostic: montre le calcul au niveau de la VBP
Pancréatite alcoolique
Terrain alcoolique et absence d’une autre cause notamment de calcul vésiculaire et
de dilatation des VB sont des éléments en faveur
Echo-endoscopie et CPRE apportent le diagnostic en objectivant des anomalies
canalaires et parenchymateuses
Autres causes
Pancréatite d’origine génétique ou héréditaire
Pancréatites métaboliques: hyperlipidémie, hypercalcémie
Pancréatites aigues infectieuses
o Viral: virus ourlien, Coxsackie
o Parasite: Helminthiases
o Bactérie: mycoplasma, Campylobacter jejuni
Toxiques et médicamenteuses
o Toxiques: venins, intoxications au CO
o Médicaments: acide valproïque, furosémide, Cisplatine, érythromycine,
métronidazole, tétracycline, paracétamol, prednisone…
Tumeurs obstructives: ampullome vatérien, cancer tête du pancréas
Maladies de système: LED, PAN, SAPL
Post-opératoires (surtout chirurgie biliaire ou gastrique), post-CPRE, Post
traumatiques (AVP), Idiopathique
Anomalies morphologiques: malformations, dysfonctionnement du sphincter
d’Oddi, pseudotumeurs inflammatoires du pancréas, pancréatite chronique
IV- TRAITEMENT
IV.1- Buts
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Arrêter l’autodigestion de la glande
Calmer les symptômes pour soulager le patient
Prévenir et traiter les complications
Traiter l’étiologie
IV.2- Moyens
IV.2.1- Médicaux
MHD: Diète complète: mettre TD au repos, alimentation parentérale, arrêt alcool
Réanimation:
VV de gros calibre: remplissage et correction des troubles hydro-électrolytiques:
macromolécules, sang et dérivés, cristalloïdes
SNG: aspiration digestive
LVAS, oxygénothérapie, ventilation assistée au besoin
SU: surveillance diurèse
Médicaments:
Antalgiques: Paracétamol, Morphines (AINS sont contre-indiqués+++)
ATB: actifs sur BGN et anaérobies: ciprofloxacine, Ofloxacine
Antitrypsine
Antisécrétoire, antispasmodique, vit B1 (si éthylique)
Autres: EER
IV.2.2- Instrumentaux: sphinctérotomie endoscopique, drainage percutané radiologique
IV.2.3- Chirurgicaux
Méthodes: laparotomie ou laparoscopie
Voies: laparotomie médiane, transversale
Exploration: diagnostic lésionnel préopératoire: rechercher des lésions locales,
locorégionales et à distance
Gestes:
Cholécystectomie, cholédocotomie
Exérèse de nécrose
Drainage loge pancréatique
Dérivation bilio-digestive, Kysto-gastrostomie ou kysto-jéjunostomie
Drainage + toilette péritonéale; Suture de perforation d’ulcère
IV.3- Indications
Réanimation toujours de mise
PA œdémateuse: traitement médical suffit habituellement, mais surveillance
PANH: ttt médical + RAM+ nécrosectomie; si infection: antibiothérapie + drainage
Lithiase biliaire: cholécystectomie, sphinctérotomie si calcul enclavé
Ethylisme: arrêt alcool + vit B1
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Abcès: drainage à distance de l’épisode aigu
Faux kyste: dérivation kysto-digestive
IV.4- Résultats
EDS: constantes, examen complet, TDM
Morbidité: diabète, maldigestion, pseudokyste
Mortalité: 5 à 10 %
V- CONCLUSION
Urgence médico-chirurgicale
Etiologies dominées par LB et alcool
Nécessité d’un diagnostic précoce qui a bénéficié des progrès de l’imagerie
PEC multidisciplinaire avec place importante du traitement symptomatique
Bibliographie
Cours internat: Dr F.B SALL/ Dr Hamidou DEME: Pancréatites aigues
Cours HGE DCEM2 Pr M. DIENG HALD: Pancréatites aigues 2010
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