[go: up one dir, main page]

Musique corse

part, essentiellement polyphonique, de l'identité et de la culture du peuple corse

La musique corse, dont particulièrement l'emblématique chant polyphonique corse, est une part de l'identité et de la culture peuple corse, connue partout en France et en Europe. D'autres formes et styles de musique (à une seule voix, chœurs,...) existent en Corse, liés notamment au répertoire religieux (ex: cantiques) ou à la vie privée ou civile (ex: des berceuses aux Lamenti/Vocceri).

La Corse est, avec la Sardaigne, la seule île en Méditerranée à pratiquer le chant polyphonique[1]. La musique sarde, comme celle de la corse, est appréciée des compatriotes et des visiteurs.

Présentation historique

modifier

La musique et le chant corses sont une pratique issue de tradition orale et populaire de la vie sociale villageoise: chants liés au travail paysan (triberra), à la vie quotidienne (ex les berceuses 'nanne') et évènements douloureux (lamenti) ou à la vie religieuse très forte en Corse (cantiques) se sont forgés avec l'influence notamment de la proche Sardaigne et l'Italie. Les instruments de musique se développèrent en Corse comme la cetera ou la riberbula, s'en exclure l'usage d'instruments plus classiques (violon, …).

Le Capri : Chant corse ancien.

Au-delà de l'origine religieuse dont l'empreinte est toujours vivante les chants polyphoniques (A pulifunia Corsa) sont des chants villageois ou de berger qui durant leurs séjours en montagne chantaient des paghjelle (au singulier paghjella). Du point de vue du texte chanté, ces paghjelle avaient pour but premier de raconter les faits de la vie quotidienne, avant de devenir un moyen de transmission de culture, de tradition et d'histoire. Ainsi par exemple, la défaite de l'armée corse de Pascal Paoli face à l'armée française du roi Louis XV, à la bataille de Ponte-Novo (Ponte Novu en corse, Pont Neuf en français), est encore chantée aujourd'hui dans plusieurs Paghjelle di Ponte Novu.

Un important travail de mémoire est mené au cours de la deuxième moitié du XXe siècle : le musicologue Félix Quilici et l'universitaire Paul Arrighi, comme le menuisier Ghjuliu Bernardini (père de Jean-François et Alain, meneurs du groupe I Muvrini), Jean-Paul Poletti et Minicale notent et enregistrent sons, chants et histoires dans les villages, reçus de bouche à oreille, pour transmettre la tradition[2].

Le Riacquistu : cette "réappropriation", au long des années 1970 et 1980, est portée par le groupe Canta U Populu Corsu. Fondé par Petru Guelfucci, Jean-Paul Poletti, Minicale, il fait redécouvrir le chant polyphonique corse[3].

Avec le succès sur le continent du groupe I Muvrini ("les petits mouflons" - 1ère tournée 1982 en Corse, puis sur le continent dans les années 2000), la polyphonie corse a trouvé un nouveau public en dehors de la Corse et des Corses expatriés.

La musique et le chant corses se sont diversifiés, continuant à évoluer tant au niveau musical que sur les valeurs véhiculées, entre inspirations purement traditionnelles corses, ou plus universalistes, ou même par rapprochement avec d'autres traditions, avec des figures

-Le Chœur de Sartène - U Cori di Sartè (dirigé par Jean-Paul Poletti; Ceccè Lanfranchi;...) pratique un triple répertoire : polyphonie traditionnelle corse, polyphonie franciscaine, répertoire sacré.

-De nouveaux groupes audacieux, tels qu'Alba, n'hésitent pas à rafraîchir la polyphonie corse en y associant des instruments et en composant une musique nouvelle inspirée de la tradition, mais ouverte sur le monde d'aujourd'hui.

-D'autres groupes (I Muvrini, Les Nouvelles Polyphonies Corses, L'Arcusgi, A Primavera) n'hésitent pas à mélanger les styles, les instruments et les cultures afin de créer un style qui leur est propre et qui s'éloigne de la polyphonie traditionnelle. Ils se rapprochent en ce sens de la musique fusion.

-D'autres groupes encore se rapprochent de groupes de musiques issues d'autres traditions: par exemple L'Arcusgi a mélé à plusieurs reprises dans ses chants langue corse et langue basque (ex: la chanson "Askatasunera"). La chanson Surella d'Irlanda (Sœur d'Irlande), écrite par le groupe Canta U Populu Corsu, dénonce l'occupation britannique en Irlande du Nord.

-D'autres encore chantent leur désir de liberté et d'identité.

Types de musiques et chants

modifier

La musique et les chants corses les plus connus (médiatisés) sont marqués aujourd'hui principalement par le chants polyphonique à 3 voix (notamment la paghjelle, traditionnel ou non). On parle de Cantu/i (chant) comme terme générique, ou plus particulièrement pour désigner les chants religieux ou épiques.

  • Dans le répertoire religieux : il y a en Corse une longue tradition de chants sacrés catholiques, chantés lors de veillées de prière, de pèlerinages et de fêtes de village.

Cantiques : chants bibliques ou de liturgie (chrétienne en Corse), à 1 ou 2 voix. Le chant liturgique Dio vi salvi Regina est si populaire qu'il est devenu l'hymne national Corse' en 1735.

  • Citons dans les musiques et chants traditionnels:

Le Triberra: chant paysan lié au travail (comme typiquement battre le blé, d’où le nom Triberra=battage). Il invoque en général la générosité et l’abondance.

Le Nanne : berceuse poétique (1 voix), chant doux destiné à aider les enfants à s’endormir, avec une portée universelle à l’instar d’autres cultures.

La Sérénade/s : chant d’amour (à 1 voix)

Le Lamentu/i : complainte exprimant la tristesse, à une voix, évoquant un décès, un événement tragique ou douloureux. Il se rapporte à un/des amoureux, prisonniers, bandits, etc. Il peut être détourné en satire ou mode humoristique. Une variante est le Vocceru/i, chant à une voix aussi improvisé, lié à la mort et basé lui plus sur un sentiment de colère, chanté de façon âpre et vindicative (les versions originales/longues font même appel à la vengeance : chantés au chevet du mort, puis plus provoquant lors de processions, voire à l’église (où ils furent ensuite interdits).

Les chants funèbres: il s'agit de lamenti et voceri, mais on les appelle aussi en langage courant ballata ou canzone selon les lieux.

Paghjella/e : le terme désigne à la fois un mode de chant traditionnel corse caractéristique à 3 voix, la chanson (polyphonique) elle-même et la formation des 3 chanteurs. On peut distinguer la mélodie (versu) et les paroles (en général associées. Exceptionnellement (ex: en Asco), un versu peut être chanté avec différentes paroles). Les paroles sont chantées généralement par 3 hommes qui se répondent a capella : U bassu (la voix la plus grave, qui représente la force); A seconda (chanteur principal qui entonne le chant, et représente la sagesse); A terza (la voix la plus haute, qui amène des ornementations et termine l'accord). Éventuellement le schéma peut varier, les chanteurs prennent une attitude d'écoute des autres et pour mieux entendre leur propre voix (main sur l’oreille). L’origine du paghjella est considérée religieuse puis être passée au profane, embrassant des sujets en général de la vie quotidienne, mais peut aussi être venue antérieurement et/ou par convergence, des bergers. Tous les chants polyphoniques ne sont pas des paghjelles.

Ex: ·Versu de Carbuccia ·Versu de Sermanu ·Versu du Nebbiu.

Chjami e rispondi : joutes poétiques improvisées. Les chanteurs (autrefois les bergers corses d’un versant de la montagne à l’autre) s’interpellent et se répondent.

Terzetti : un chant à 3 voix, avec une structure en couplets de 3 vers. Le ton est poétique, les paroles sont principalement écrites en toscan et datent du Moyen Âge.

  • Divers chants traditionnels corses furent entonnés par les soldats, jusque dans les camps allemands de prisonniers 1916-1917 [4].
  • Divers chants contemporains peuvent emprunter peu ou prou certains codes musicaux traditionnels corses, seulement la langue,... Ex: - chant d'opéra 'Sognu' (chanté en corse par Amaury Vassili à l’Eurovision2011)[5] - chanson de variété 'Mama Corsic'(chantée partiellement en corse, par Patrick Fiori à l’Eurovision 1993)[6].

Chants et groupes polyphoniques

modifier
 
Barbara Furtuna à Varsovie, septembre 201

Le chant polyphonique corse le plus connu est sans conteste le Dio vi salvi Regina (Dieu vous sauve Reine) qui est un chant d'Église, devenu l'hymne reconnu depuis 1735 par le peuple corse, et chanté par certains groupes systématiquement pour cloturer leurs concerts.

Exemples de groupes de musique et chants corses (par date de création):

Instruments de musique

modifier

Les instruments de musique (cetera, pivana, cialamella, riberbula, pirula, cassella…) font aussi partie intégrante de ce patrimoine musical mais leur rôle semble mineur comparé au chant pratiqué dans de très nombreuses occasions depuis des temps très anciens (célébrations religieuses aussi bien que banquets, fêtes, veillées...).

A l'époque contemporaine le violon a été fréquemment support de chant dans les fêtes locales ou familiales.

Notes et références

modifier
  1. Description dans le Petit Futé édition 2015, page 28, aux Nouvelles Éditions de l’Université [1] 
  2. Arnaud Vaulerin, « Les voix de Sartène chantent la terre corse », La Croix,‎
  3. Stéphane Davet, « Le pari musical et pacifiste des grandes voix corses », Le Monde,‎
  4. Fonds sonore rassemblant les premiers enregistrements de chants corses des soldats corses dans les camps de prisonniers allemands (1916-1917): www.isula.corsica (2018111)
  5. Sognu: chanson d'opera, chantée en corse par Amaury Vassili à l’Eurovision2011. Vidéo de la chanson/Youtube-Eurovision
  6. Mama Corsica chantée partiellement en corse, par Patrick Fiori à l’Eurovision1993. Vidéo sur youtube/Patrick Fiori
  7. Canta U Populu Corsu: créé en 1973. https://www.facebook.com/CantaUPopuluCorsuOfficiel)
  8. Chjami Aghjalesi ("les appels de l'aire de battage du blé" en corse): créé en 1977 - Bastia. Page facebook
  9. A Filetta: créé en 1978. Sextuor vocal autour de Jean-Claude Acquaviva. www.afiletta.com
  10. Diana di l'Alba ("Les Portes de l'aube" en corse): créé en 1978 - Cervione, groupe de musique corse autour de Marielli Antonu. http://www.dianadilalba.com/groupe-polyphonies-corses.php
  11. I Muvrini (« Les petits mouflons » en corse): créé en 1979 par les frères Figarelli, George Desbro, et Jean-François Bernardini. Groupe de musique et chant corse emblématique des années 1980-2000. https://www.muvrini.com/
  12. Voce Ventu: créé 1982 – Bastia, autour des frères Jean-Marie et René Andreuccetti. https://www.facebook.com/voce.ventu.9/.
  13. L'Arcusgi: créé en 1984 - Lucciana(Bastia). Autour de Jean-Pierre Bonci et Jean-Christophe Bastiani. Pagefacebook
  14. I Campagnoli: groupe de chant polyphonique corse, créé 1989 - Saint-Florent, autour de Guy Calvelli. https://www.icampagnoli.com
  15. Tavagna: créé vers 1990. https://www.l-invitu.net/cantarini-tavagna.php
  16. Giramondu (« vagabond » ou « grand voyageur » en corse) : créé en 1993, actif jusqu'en 2004.
  17. Chœur de Sartène (en corse : U Cori di Sartè): créé par Jean-Paul Poletti en 1995. Pratique la polyphonie traditionnelle corse, la polyphonie franciscaine, et un le répertoire sacré. http://choeurdesartene.fr/
  18. Ensemble vocal du Golo: créé en 2000. Borgo(près de Bastia). Chœur mixte d'environ 50chanteurs à 4 pupitres (sopranos, altos, ténors et basses), avec pour chef de chœur Antoine Cancellieri. https://www.ensemblevocaldugolo.fr
  19. Barbara Furtuna: créé en 2002 dans le Nebbiu. groupe de chant polyphinque. http://www.barbara-furtuna.fr/)
  20. A Primavera: groupe crée en 2005 - Ajaccio, autour de Mathieu Casanova et Michel Tomei. https://www.facebook.com/primavera.corsica/.
  21. Groupe U Meridianu: créé 2006 - Balagne. https://meridianu.com/)
  22. Cyrnese: groupe de chant et msique corse créé en 2010 - Bastia. Bibliographie sur canticorsi.
  23. L’Eternu : groupe polyphonique corse de 4 chanteurs à Ajacciio (Matteù Begué Tramoni ; Ludovic Marcaggi; Sébastien Ottavi; Philippe Rutili) issus de l'école 'Scola di Cantu di Natale Luciani' et d'autres formations (Canta u Populu Corsu, le Chœur d’hommes de Sartène, Les Voix de L’Emotion, Vox Corsica, I Muvrini, Alte Voce). https://www.leternu.fr  

Voir aussi

modifier

Bibliographie

modifier
  • Cantu Nustrale, Ghjermana de Zerbi - Scola Corsa, Accademia d’i vadabondi, Altone, 1981 - catalogue très complet de berceuses et chansons de veillées de la tradition corse, leurs histoires, paroles et partitions dans l’ouvrage. Réédité en 2012.
  • Antoine Massoni, Les musiques de Corse - chants, instruments et danses, Ajaccio, Éditeur A. Piazzola, 2006 ; rythme dans le folklore corse (danse, musique et instruments de musique).
  • Dominique Salini, Histoire des musiques de Corse, Bastia : Éditions Dumane, 2009. (ISBN 978-2-915943-10-8)
  • Le Chant religieux corse : État, comparaisons, perspectives, collectif sous la direction de Marcel Pérès, , édition Créaphis, (ISBN 978-2907150354).