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Expansion de l'islam

processus historique aux VIIe et VIIIe siècles de notre ère

L’expansion de l’islam désigne la politique de conquête arabe du milieu des années 630 et l’expansion concomitante de l’islam au VIIIe siècle.

L’Europe, l’Afrique du Nord et l’Asie occidentale aux VIIe – VIIIe siècles : l’expansion de l’Islam en nuances vertes.
La « bascule du front religieux » du VIIe siècle au XVe siècle en Europe selon l’Atlas de Géographie Moderne (Franz Schrader, Vincent Prudent, Ferdinand Anthoine) 1895 : reconquête chrétienne à l'Ouest, avancée islamique à l'Est.

Dans les années 631, l’attaque des Arabes contre l’Empire romain d'Orient (395-1204, 1261-1453) et l’Empire sassanide (224-651) débute. Les deux grandes puissances de l’antiquité tardive sont affaiblies par une guerre de longue date l’une contre l’autre qui a dégarni toutes leurs structures de défense provinciales. Les Byzantins perdent en 636 la Palestine et la Syrie, en 640/642 l’Égypte au profit des Arabes. L’Empire perse sassanide s’effondre en 651. Autour de la Méditerranée, alors qu’en Orient les chrétiens résistent en Anatolie (Asie mineure) (jusqu’au XIe siècle) et dans les Balkans (jusqu’au XIVe siècle), en Occident les Arabes attaquent par la mer et conquièrent le Maghreb en 698 puis le royaume wisigoth de la péninsule Ibérique au début du VIIIe siècle.

Plusieurs villes se sont souvent rendues sans combat ou après des négociations avec les conquérants. Les chrétiens, les zoroastriens et les juifs sont autorisés à conserver leur foi en tant que « gens du livre », mais doivent payer des taxes spéciales et accepter des restrictions de leurs croyances religieuses. L’islamisation des territoires conquis s’est déroulée à des vitesses différentes. Un peu plus de 300 ans après la conquête militaire, les musulmans ne constituaient pas la majorité de la population dans de nombreuses parties de l’empire.

L’avancée arabe, arrêtée par l’empire byzantin à l’est, se propage vers le nord dans le Caucase et au-delà, vers les empires des steppes eurasiennes et les Bulgares de la Volga, tandis qu’à l’ouest les Arabes de la péninsule ibérique ne firent que d’éphémères incursions dans l’empire des Francs. Ainsi commença au début du Moyen Âge la division persistante de l’Europe et de la Méditerranée en une partie islamique et une partie chrétienne, laquelle se divisa à son tour au XIe siècle en un Occident latin à suprématie germanique et un Orient grec à suprématie byzantine[1].

Contexte

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L’islam apparaît en Arabie au début du VIIe siècle sous l’impulsion du prophète Mahomet. À cette époque l’Arabie est sous l’influence de trois empires, les empires sassanide, byzantin et le royaume d'Aksoum situé en dehors des frontières de l’Arabie et qui luttait contre l’Empire himyarite, un empire qui était très influent au Moyen-Orient avant son invasion par les Aksoumites. L’Empire byzantin et le royaume d’Aksoum sont alliés dans une guerre contre l’Empire perse sassanide (voir Guerre perso-byzantine de 602-628). Cette guerre nuit aux axes du commerce de l’ancien monde (route de la soie, route de l'ivoire, des épices, de l'encens et des gemmes) entre Orient et Occident, ce qui profite aux caravaniers et marins de la péninsule Arabique[2]

Des recherches récentes lient la déstabilisation de ces empires à un refroidissement du climat mondial causé par plusieurs explosions volcaniques très importantes[3]. Le changement climatique de 535-536 et la peste de Justinien plongent dès 542 l’Empire byzantin dans une profonde crise.

Premiers siècles

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Site archéologique de la bataille de Mu’tah, première bataille opposant les musulmans à l’Empire romain d'Orient.

Ces guerres de conquête contre les anciens empires sassanide et byzantin répondent à différents objectifs : islamisation sans apport financier ou contribution financière sans conversion, Djihad pour prévenir l’Islam de l’expansion du christianisme, recherche de butins lors de razzias notamment par les nomades intégrés dans les armées musulmanes, contrôle des réseaux commerciaux par l’aristocratie marchande arabe qui est à la tête des armées, etc.

Plusieurs causes expliquent le succès des conquêtes musulmanes, la principale étant l’affaiblissement des empires perse et byzantin, qui sortent épuisés de la guerre perso-byzantine (602 à 628). Pour faciliter le maintien de l’ordre, les provinces des deux empires étaient désarmées, ce qui facilite d’autant les victoires militaires des tribus arabes. Enfin, les populations locales souffrent des conséquences des divisions religieuses (querelle des monophysites), des destructions des guerres incessantes et d’oppression fiscale. Le résultat est que tout conquérant est vu comme un libérateur apportant des réponses à ces problèmes sociaux, fiscaux et religieux, les autorités musulmanes allégeant les impôts fonciers et menant une politique initiale de « tolérance islamique » limitée toutefois aux Gens du Livre[4]. Cependant, les problèmes rencontrés par les empires perse et byzantin ne peuvent expliquer à eux seuls la réussite des campagnes militaires musulmanes, le califat sortant d’une guerre civile au moment des premiers conflits.

Un autre élément à prendre en compte est la mobilité des armées arabes, et notamment de la cavalerie légère, qui leur permit de tirer profit du manque de flexibilité des armées perses et byzantines, et donc de prendre le dessus sur des adversaires souvent plus lourdement armés et bien plus nombreux.

Né en Arabie, l’islam s’est étendu par la guerre à la Perse dès 636 (Bataille de Cadésie), puis vers l’Irak, l’Iran, la haute Mésopotamie ; et à l’ouest vers la Syrie, la Palestine et l’Égypte (provinces les plus riches de l’Empire byzantin, qui démarrent son enrichissement matériel).

L’islam pénètre le monde chrétien et gréco-romain peu après la mort du prophète de l’islam Mahomet. Sous les Omeyyades, l’expansion continue, les conquêtes territoriales se faisant par voie terrestre jusqu’en Afrique du Nord amazigh à la fin du VIIe siècle et jusqu’aux côtes espagnoles au début du VIIIe siècle. En 712, certains de leurs conquis berbères menés par Tariq Ibn Zyad voulant son armée constituée à 100 % de berbères (appelés les Maures) franchissent le détroit de Gibraltar (qui doit son nom au conquérant, djebel Tariq "la montagne de Tariq" ; dès leur accostage en terre ibérique, Tariq ibn Ziyad, après avoir ordonné la destruction totale de sa flotte navale par le feu, prononça cette phrase « l’ennemi est devant vous et la mer est derrière vous »)[5] et conquièrent l’Espagne, d’où l’architecture du style mauresque. Ils sont arrêtés à Poitiers en 732 par les troupes du maire du palais, Charles Martel, grand-père du futur Charlemagne[6].

L’expansion se poursuit ensuite vers l’Asie centrale, Boukhara et Kaboul, et ils atteignent la frontière de l’Indus. Ils entrent en contact avec l’Empire byzantin, au niveau de la mer Caspienne et du Caucase au nord.

L’Empire byzantin contrôle alors la mer Méditerranée, ce qui peut entraver les conquêtes arabes. Les Arabes construisent alors une flotte et attaquent Constantinople à trois reprises, mais sans succès, car le feu grégeois donne un fort avantage tactique aux défenseurs. Ceux-ci, restant maîtres de la mer, bloquent l’expansion musulmane et cessent de commercer avec les Arabes. La mer sera quelque temps une frontière, mais redeviendra rapidement une zone d’échanges. Après une conquête rapide d’un siècle, les frontières ne bougent plus jusqu’au XIe siècle.

Quand les Arabes ont conquis un territoire, ils établissent des camps à part et vivent du fruit de leurs conquêtes et d’impôts (la jizya) versés par les non-musulmans, en échange d’une liberté et d’une protection restreintes. Les musulmans sont enjoints pour leur part de pratiquer la Zakât (aumône au pauvre), un des cinq piliers de l’islam, mais seront, selon les périodes, libres de la pratiquer à leur gré (sans contrôle réel) ou non.

Le VIIIe siècle est marqué par la forte résistance de l’Empire byzantin, mais aussi par une agitation à la fois politique et religieuse à l’intérieur du monde arabo-musulman. L’unification et l’arabisation des territoires conquis (par la langue, la monnaie, l’administration), ainsi que leur islamisation (écoles instituées pour répandre le Coran, juges formés au droit musulman) sont donc entrepris.

Les sécessions politico-religieuses n’en continuent pas moins : les Abbassides fondent Bagdad. Il y a alors un déplacement vers l’est du centre politique arabo-musulman, déviant les flux d’arrivées de l’Extrême-Orient, mais éloignant ainsi le Centre du pan Ouest de l’empire. La tension qui en résulte provoque de nouvelles sécessions dont émergeront trois grandes zones de califats : abbasside, fatimide et andalouse ; il en résulte aussi une émulation religieuse entre les successeurs de Mahomet.

Aux IXe et Xe siècles, l’Empire arabo-musulman ne s’étend plus sous les Abbassides.

Du VIIe au VIIIe siècle

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Ruines de la cité musulmane d’Ayla (Aqaba en Jordanie), construite en 650.

Les historiens ont souligné l'importance, la violence et la rapidité de la première conquête qui en un siècle permit rapidement aux Arabes dont, selon certains historiens, « l'état de civilisation était au stade de la tribu, dont les croyances religieuses étaient à peine supérieures au fétichisme et qui passaient leur temps à se faire la guerre, ou à piller les caravanes »[7], de ravir à des empires séculaires et solidement établis un immense espace, du littoral atlantique aux déserts d’Asie centrale[8]. Il faut dire que rien ne préparait les empires byzantin et perse, qui se disputaient la domination du Moyen-Orient et étaient épuisés à la suite de longues luttes, à voir arriver sur ce terrain un troisième adversaire. Héraclius venait de remporter une victoire éclatante contre la Perse de Chosroès, l’Empire romain allait enfin pouvoir se concentrer sur l’Occident et vaincre les Lombards qui menaçaient l’Italie, son avenir semblait assuré par cette victoire sur la Perse qui lui restituait la Syrie, la Palestine et l’Égypte. Héraclius reçut alors les félicitations de l’Inde et des Francs[9].

Les Byzantins sont pris de court par l’irruption soudaine de cet adversaire nouveau venu d’une région dont ils ne se méfiaient pas, à l’instar de leurs voisins Perses. L’Islam arrache brusquement à l’Empire la Syrie et l’Égypte qu’il croyait sécurisées. Ces conquêtes font l’objet de terribles massacres, en Égypte par exemple, qui subit quatre millions de morts[10], ou lors de la prise de Jérusalem et du massacre de Mamilla, qui fit d’après différentes sources byzantines entre 24 000 et 90 000 victimes chrétiennes civiles[11]. Après la conquête des côtes, l’Islam devient une puissance maritime, prenant Chypre, puis Rhodes, la Crête, la Sicile, repoussé à Constantinople après un blocus de cinq ans en 677.

Dès la conquête du Maghreb, et ce malgré la résistance berbère dirigée par la Kahina, puis de l’Espagne wisigothique (732) et de la Sicile (827), la Méditerranée occidentale devient un « lac musulman ».

Les raids des corsaires musulmans terrorisent les populations chrétiennes de tout le littoral, et en 846 c’est le sac de Rome, de la Basilique Saint-Pierre.

À l’Ouest, les Francs sont parvenus à les repousser sur terre, mais faute de flotte ne peuvent lutter sur mer; il n’y a guère que Byzance et son feu grégeois pour maintenir sous son contrôle les mers Égée et Adriatique.

Cette domination navale de l’Islam produit un ralentissement considérable du commerce méditerranéen, du moins pour les chrétiens. Il entraîne un isolement de l’Occident latin, que l’on peut constater dans la quasi-disparition des épices; la raréfaction de l’or, qui est remplacé par le denier d’argent sous Pépin le Bref et Charlemagne; le remplacement de l’huile par la cire pour les luminaires; celui du papyrus par le parchemin à la fin du VIIe siècle.

Le monde arabo-musulman, s’il ne se ferme pas totalement au commerce avec les Européens (du moins avec les grandes villes commerçantes italiennes, et les juifs auprès desquels ils s’approvisionnent notamment en esclaves malgré les interdictions répétées en 779, 781 et 845[12]), dédaigne néanmoins la Mare Nostrum et se tourne vers Bagdad et les mondes indien et chinois, bien plus fructueux (illustré par les histoires de marins comme les voyages de Sindibad). Cette fermeture significative du commerce du point de vue européen impose de profonds changements civilisationnels à l’Occident, Pirenne y voit l’une des causes majeures de la chute des mérovingiens, qui tiraient une part substantielle de leurs revenus des taxes sur la circulation des marchandises. Ce déclin, principalement dans le Sud, de l’urbanité et des institutions ecclésiales, avec l’arrêt pendant près de deux siècles de la succession de nombreux sièges épiscopaux et des synodes, l’aristocratie terrienne et régionale supplante les grandes familles sénatoriales qui fournissaient jusque-là l’essentiel du haut personnel ecclésiastique et laïque, et le centre du pouvoir se déplace du pourtour de la Méditerranée vers la Seine et le Rhin, régions plus agricoles et moins dangereuses, d’où provient la dynastie des carolingiens.

Les dernières puissances navales occidentales comme Naples, Gaète, Amalfi et bientôt Venise, sont obligées de traiter avec les musulmans pour garder le contact avec l’Orient et ses richesses, formant un cas d’exception sur le continent européen, où l’idée antique de la civilisation méditerranéenne peut en quelque sorte subsister[13].

En Orient

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Péninsule Arabique

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Conquêtes des débuts de l’islam.

On date la révélation du prophète Mahomet à environ 610.

En 622, Mahomet, chassé de la Mecque[14], se réfugie à Médine ; c’est l’an I de l’hégire.

À partir de cette date, il commence à étendre son audience et son pouvoir (voir tribus musulmanes et juives de Yathrib) et parvient à conquérir La Mecque. À sa mort en 632, il a conquis toute la péninsule Arabique.

L’intense activité militaire et diplomatique qu’a été la Ridda peut être considérée comme la répression d’une apostasie, une reconquête ou une conquête.

Un exemple est le cas particulier de Musaylima (ou Banû Hanifâ), dernière confédération de tribus du Hedjaz à être réfractaire aux demandes musulmanes.

D’autres exemples isolés sont Ayhala le Noir au Yémen, Tulayha al-Asadî dans le Nedjd, et la prophétesse Sajâh des Tamîm et des Taghlib.

Proche-Orient

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Au Proche-Orient à l’arrivée des Arabes, l’Empire byzantin est fortement affaibli par sa lutte contre les Perses sassanides.

Les Perses ont pris Jérusalem en 614 et l’ont gardée quinze ans, jusqu’en 629. Les musulmans prennent donc une ville affaiblie en 638.

Moyen-Orient et Asie centrale

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Deux des trois madrasas du Registan à Samarcande.

Les Arabes, menés par les troupes du général Qutayba ben Muslim, conquièrent vers 712 les territoires des actuels Ouzbékistan et Kirghizistan[15]. Ils y entrent au contact avec les Chinois pendant le règne du premier abbasside Abou al-`Abbâs à la victoire de Talas. Ils "apprennent" l’islam aux peuples centre-asiatiques pratiquant jusqu’alors le zoroastrisme.

Le contrôle arabe de l’Asie centrale se consolide à la suite de la bataille de Talas (au Kirghizistan près de la ville actuelle kazakh de Taraz) contre les Chinois en 751. Cette victoire qui marque l’avancée la plus à l’Est des armées arabes est également l’occasion d’acquérir un certain nombre de techniques chinoises dont celle de la fabrication du papier. Lors de la bataille de Talas, les Arabes, victorieux, font prisonniers de nombreux Chinois et récupèrent ainsi le secret. Ils comprennent rapidement l’intérêt de ce nouveau support pour propager l’islam, et Samarcande en devient le tout premier centre de production du papier du monde musulman. Par ailleurs, ils en améliorent la fabrication en incorporant à sa préparation des chiffons. Hâroun ar-Rachîd impose l’usage du papier dans toutes les administrations de l’empire. Le papier arrive alors dans le reste du monde connu et en Occident grâce aux conquêtes arabes en Asie centrale. On le retrouve à Bagdad en 793, au Caire en 900, à Xàtiva (San Felipe, Espagne) en 1056 et enfin en France au début du XIVe siècle.

Les conquérants arabes se frottent aussi à la Perse et vont, à l’est, jusqu’à l’Indus. Quelques populations turques se convertissent à l’islam. Au XIIIe siècle, le monde islamique joue un rôle important pour le commerce entre l’Europe, l’Inde et la Chine, les Arabes ayant, à cette époque et jusqu’à l’arrivée des Portugais en Inde, le monopole du commerce sur la côte de Malabar. Les Arabes naviguent alors par de petits bateaux à voile nommés boutres. Tamerlan (1336-1405), Turc converti à l’islam, fonde un Empire dit mongol mais turc de fait, dont l’existence reste éphémère. L’un de ses successeurs, Babur, restaure l’empire, en Inde surtout, que l’on va nommer moghol. En Inde se produisent nombre de syncrétismes dont la tentative de l’empereur moghol Akbar, qui promulgue l’un des premiers édits de tolérance.

L’expansion de l’islam se poursuit vers l’Asie du Sud-Est et la Chine, tout d’abord par l’intermédiaire des marchands.

L’Égypte

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Les pyramides de Gizeh.

Une armée d’environ 4 000 Arabes, dirigée par Amr ibn al-As, a été envoyé par le calife Omar ibn al-Khattâb pour répandre l’Islam dans le pays des anciens pharaons. Les Arabes arrivèrent en Égypte depuis la Palestine en décembre 639 et avancèrent rapidement jusqu’à ce qu’ils atteignent le delta du Nil. Les garnisons impériales se retirèrent dans les villes fortifiées où elles résistèrent avec succès pendant un an ou plus ; mais les Arabes ont demandé des renforts et 5 000 autres soldats sont arrivés en Égypte en 640. Renforcés, ils ont vaincu les Byzantins à la bataille d’Héliopolis. Amr se dirige ensuite vers Alexandrie, qui se rend grâce à un accord signé le 8 novembre 641. Il semble que les Thébaïdes se soient rendus sans résistance en échange de nombreuses concessions islamiques.

L’Afrique

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Grande Mosquée de Kairouan, fondée en 670 par le général arabe Oqba Ibn Nafaa, Kairouan, Tunisie.

Les troupes d’Oqba Ibn Nafaa entrent en Ifriqya, nom donné à cette ancienne province romaine, mais il se heurte à la résistance de Kusayla, un chef de tribu berbère. Oqba Ibn Nafaa fonde la ville de Kairouan qu’il utilise comme base pour de futures opérations. En 683, lors d’une terrible bataille, Oqba meurt ainsi que la plupart de ses hommes. Kusayla marche alors sur Kairouan, il y règnera près de cinq ans, mais des renforts venus de Syrie destituent le roi.

La conquête du Maghreb reprend et aussitôt un nouveau soulèvement gagne la région des Aurès, Dihya (Kahena) parvient à rassembler plusieurs tribus berbères et repousse provisoirement les soldats musulmans jusqu’en Tripolitaine (l’actuelle Libye). Carthage est prise en 698, la résistance est dominée à partir de 702 et l’Afrique du Nord est « officiellement » conquise en 711. Cette même année, les premiers contingents berbères et arabes passent en Andalousie, dirigés par Tariq ibn Ziyad. À la phase d’organisation militaire de la conquête, va se substituer l’administration d’un territoire encore partiellement insoumis, et non converti.

Le Maroc, région fortement individualisée jusque là, morcelée entre de nombreuses tribus autonomes, connaît avec l’islam pour la première fois une véritable unité par la cohésion religieuse ainsi créée entre les tribus[16].

Les populations afro-arabo-persanes d’Afrique de l’Est qui commerçaient depuis des siècles avec les Arabes sont islamisées dès le VIIIe siècle. La culture swahilie est à la fois le fruit de ce métissage et de l’islamisation de la région.

L’Europe

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Alcázar de Séville, coupole du salon des Ambassadeurs.

Dès le VIIe siècle, de la péninsule Arabique jusqu’à la péninsule Ibérique en passant par le Maghreb, l’expansion de l’islam se fait selon le principe de la « guerre juste » ou jihad, que l'on ne mène pas au nom des Hommes mais « au nom de Dieu »[17].

Ces territoires alors chrétiens avaient été le théâtre de luttes intestines entre les églises nicéenne (« catholique et orthodoxe » selon sa propre auto-désignation) et les variantes arianiste et donatistes considérées comme « hérétiques » et, de ce fait, longuement persécutée par le pouvoir impérial. Ce qui explique l’accueil « facile » aux conquérants fait par la majorité d’entre eux au moins en Afrique du Nord. Cette terre hispanique devient le pays d'al-Andalûs pour huit siècles, avec une convivencia plus ou moins tolérante selon les périodes[18].

En revanche les courants du christianisme ont considéré d’abord très négativement l’émergence de l’islam. Cette nouvelle religion faisait obstacle à leur revendication d’universalisme (« catholique » signifiant universel), et les références aux messages de la Bible leur apparaissaient, ainsi qu’aux Juifs, plutôt comme une hérésie schismatique (pour les courants qui utilisent ce concept) que comme une reconnaissance. Au mieux, l’islam leur apparaissait comme une forme de concurrence légère, partageant sa reconnaissance du Dieu unique, mais réfutant en revanche l’idée de Trinité et ayant par ailleurs besoin d’une évangélisation.

Jusqu’à l’arrivée des Turcs Seldjoukides, pourtant, la cohabitation à Jérusalem se passe sans difficulté majeure, malgré les invasions répétées de l’Europe par des troupes maures se réclamant de l’islam. La situation change totalement avec l’occupation turque, qui entend interdire aux chrétiens le passage vers les lieux saints.

Une tension se crée alors. Pour l’Occident chrétien, le mahométan devient l’infidèle par excellence, et Mahomet (déformé parfois en baphomet) celle d’un démon perfide, qui prêche au nom de Dieu pour détourner les fidèles de la vraie foi. Parfois on l’assimile à l’Antéchrist, parfois plus simplement on rappelle une parole attribuée par les Évangiles à Jésus et mettant en garde contre de faux prophètes qui viendront après lui.

 
Le Krak des Chevaliers en Syrie.

La conquête islamique est motivée :

  • pour les chefs de guerre, par l’envie d’étendre leur territoire ;
  • pour les populations préparées à cette fin, par une nécessité perçue de répandre la « vraie foi ».

L’acmé de la civilisation musulmane (sur le plan du développement scientifique et technique) se situe aux VIIIe et XIIIe siècles[19].

Les bénéfices culturels et techniques retirés par les territoires occidentaux issus de l’expansion musulmane sont objet d’un débat d’historiens concernant les transmissions.

 
Bataille de Poitiers, en octobre 732.

Autant que la victoire de 732 par Charles Martel, il arrête le raid militaire d’Abd al-Rahman vers Saint Martin de Tours à Poitiers, c’est l’échec du siège de Constantinople qui cesse la progression des armées arabes. Les établissements maures perdureront longtemps sur les rives ouest Européennes de la Méditerranée : la Sicile fut conquise à partir de 827, Malte en 870, les Baléares en 902.

On connaîtra le mouvement inverse de « guerre juste » aussi, quelques siècles plus tard, dans la Reconquista de la péninsule ibérique qui débute véritablement à la bataille de Las Navas de Tolosa, la première victoire de cette campagne, et s’achève au XVe siècle par la conquête des derniers reinos de Taïfa en 1492 (conquête de Grenade). Cette date correspond aussi selon Arnold Joseph Toynbee à l’extermination des derniers noyaux de résistance chrétienne en Égypte. Quelques croisades préalables destinées à reconquérir le tombeau du Christ avaient rouvert aux pays chrétiens la route des épices en s’emparant des échelles du Levant tel le port d’Ascalon, en Palestine.

L’Inde

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Jama Masjid ou Grande Mosquée, à Delhi.

L’histoire de l’islam aux Indes ne s’arrête pas aux frontières de l’Inde dans ses frontières de 1947 et de 1971. Elle est inséparable de la progression musulmane dans le sous-continent indien dans son ensemble. On date la percée musulmane par les Arabes en 711. Le XIe siècle incarne le début de la véritable expansion de l’Islam en Inde, notamment avec l’arrivée de nombreuses tribus turco-mongoles musulmanes, dans le sillage de l’empire de Gengis Khan et le chaos des invasions mongoles en Asie centrale.

En 1414, Sayyîd s’empare du trône de Delhi, puis Bahlul fonde la lignée des Lodi en 1451. En 1526 la dynastie des Lodi s’éteint, victime des conquêtes lancées par Babur, descendant de Tamerlan. Il fonde ce qui deviendra l’Empire moghol, dernière dynastie régnante de l’Inde, qui parviendra à mettre la quasi-totalité du sous-continent indien sous la domination de souverains musulmans. Cette période prendra fin avec la colonisation britannique.

La conquête ottomane

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Conquêtes de l’Empire ottoman.

Au IXe siècle, on note la progression de peuples turco-mongols de la région des montagnes Altaï et du lac Baïkal vers l’ouest; ces peuples s’islamisent progressivement. Par la suite, appelées en renfort par le calife abbasside pour calmer les agitations, des populations turques appelées Seldjoukides s’installent à Bagdad au XIe siècle.

L’islam s’étend en Asie Mineure et en Inde. Un prince afghan converti à l’islam instaure un sultanat en Inde. Il y a différentes influentes familles dans les tribus turques en Asie Mineure, et la famille Osman, implantée près d’Istanbul, va entreprendre la conquête de l’Asie Mineure et des Balkans. Constantinople tombe en 1453. L’expansion de l’islam en Europe a été le fait des Ottomans en particulier sur les Albanais et sur les Slaves de Bosnie adeptes du bogomilisme.

Époque contemporaine

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Carte des pays musulmans au début du XXIe siècle.

En 2010, le nombre de musulmans dans le monde est estimé à 1,6 milliard, soit 23,2 % de la population mondiale[20].

Depuis leur indépendance, certains pays de la bande sahélienne d’Afrique noire ont noué des relations religieuses avec les pays arabes musulmans (Niger, Mali, Tchad) plutôt qu’avec les anciens colonisateurs. Les Africains du Sahel et les Arabes musulmans avaient des contacts approfondis des siècles avant l’arrivée des Européens car les caravanes de chameaux menées par les Arabes, transportaient des esclaves noirs, le sel, l’or et l’ivoire à travers le Sahara. La facilité de diffusion de l’islam en Afrique s’explique aussi par le fait que ce sont les pays du Golfe, finançant la construction de Mosquées et de madrassas, et non plus des évangélisateurs comme dans le cas du christianisme[21]. Il est à noter qu’il y a très peu d’échanges religieux entre les pays du Nord et du Sud du Sahel. En revanche, la rivalité entre les pays sahéliens d’Afrique Noire, et la bande côtière, datent de bien avant la colonisation, et ont un fond ethnique lié à la pratique de l’esclavage des noirs notamment.

Cette expansion est aussi source de tensions et de conflits. En Côte d’Ivoire ou au Nigeria, par exemple, l’opposition entre les populations musulmanes dans le nord du pays et les populations chrétiennes du sud alimente une instabilité permanente qui peut aller jusqu’au conflit armé à l’échelle nationale (Côte d’Ivoire) ou en tout cas à des attaques et représailles dans les régions « mixtes » (Nigeria). Aux questions religieuses se greffent cependant des intérêts économiques et politiques (partage des richesses et du pouvoir politique) dans la genèse des affrontements.

La diffusion de l’islam hors du monde arabo-musulman traditionnel s’explique aussi en partie par la croissance des flux migratoires à partir des pays de religion et de culture musulmane. C’est le cas dans les pays occidentaux où l’immigration de populations musulmanes s’est développée depuis les années 1950. Cette immigration a un impact aussi bien démographique, ethnique, religieux, culturel, sécuritaire[22], et politique dans les pays occidentaux.

L’islam continue aussi sa diffusion vers l’est en Asie. En Indonésie notamment, l’islam, arrivé avec des marchands arabes, indiens et chinois qui faisaient escales dans les ports de Java et Sumatra depuis au moins le XIIe siècle, a eu une progression plutôt lente. De nos jours, 88 % de la population indonésienne est administrativement enregistrée comme musulmane.

Projections

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Une étude conduite en 2015 par le Pew Research Center s’attache à établir l’évolution des religions dans la population mondiale. Le tableau ci-dessous indique le pourcentage de musulmans dans les différentes régions du monde de 2010 à 2050[20].

Région 2010 2020 2030 2040 2050
Afrique du Nord et Moyen-Orient 93,0 % 93,1 % 93,3 % 93,5 % 93,7 %
Afrique subsaharienne 30,2 % 31,4 % 32,8 % 34,1 % 35,2 %
Asie et Océanie 24,3 % 25,7 % 27,0 % 28,3 % 29,5 %
Europe (sans la Turquie) 5,9 % 6,8 % 7,8 % 9,0 % 10,2 %
Amérique du Nord (États-Unis et Canada) 1,0 % 1,3 % 1,7 % 2,0 % 2,4 %
Amérique du Sud, Amérique centrale et Caraïbes 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,1 % 0,1 %
Monde 23,2 % 24,9 % 26,5 % 28,1 % 29,7 %

Si les tendances démographiques actuelles se poursuivent, l’islam pourrait dépasser le christianisme et devenir la première religion au monde d’ici 2070[20].

Cette croissance continue de l’islam s’explique par le fait que les musulmans sont en moyenne plus jeunes et ont plus d’enfants que les membres des autres religions[20].

Repères chronologiques

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Notes et références

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  1. (en) Herwig Wolfram, L'Empire romain et de ses peuples germaniques, University of California Press, new ed. 2005 (ISBN 978-0520244900).
  2. Christian Grataloup, Géohistoire, Paris, Les Arènes, , 447 p. (ISBN 979-10-375-1015-0), p. 170.
  3. (en) Ulf Büntgen, Vladimir S. Myglan, Fredrik Charpentier Ljungqvist, Michael McCormick, Nicola Di Cosmo, Michael Sigl, Johann Jungclaus, Sebastian Wagner, Paul J. Krusic, Jan Esper, Jed O. Kaplan, Michiel A. C. de Vaan, Jürg Luterbacher, Lukas Wacker, Willy Tegel & Alexander V. Kirdyanov, « Cooling and societal change during the Late Antique Little Ice Age from 536 to around 660 AD », Nature Geoscience, no 9,‎ , p. 231-236 (lire en ligne).
  4. Khaled Ridha, Le Prophète de l'islam et ses califes : religion, classes sociales et pouvoir, Éditions Publibook, , p. 212-218.
  5. On remarquera la similitude avec l'expression latine « brûler ses vaisseaux » (ustulare).
  6. Suzanne Citron, Le Mythe national : l'histoire de France revisitée, Éditions de l'Atelier, , p. 56-57.
  7. Henri Pirenne, Mahomet et Charlemagne, Paris, Presses universitaires de France, , p. 107.
  8. Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier, Les Débuts du monde musulman, VIIe  ‑  Xe siècles. De Muhammad aux dynasties autonomes, éd. PUF/Nouvelle Clio, 2012, p. 108.
  9. Henri Pirenne, Op. cit., p. 107-108.
  10. Livre "Islam et terrorisme - édition actualisée" de Mark A. Gabriel.
  11. Un article de février 2017 du journal israélien "Jérusalem Post" avance 60 000 morts. Les sources byzantines avancent que ce massacre fut perpétré "par les musulmans et leurs alliés juifs".
  12. Ibid., p. 195.
  13. Ibid., p. 107-136.
  14. « Médine », dictionnaire Larousse.
  15. (fr) Jacques Barrat, Coline Ferro et Charlotte Wang, Géopolitique de l'Ouzbékistan, éd. L'Harmattan, Paris, 2011, p. 44
  16. Bernard Lugan, Les particularités de l'islam marocain, clio.fr, mai 2000
  17. Denis Gril, « De l'usage sanctifiant des biens en islam », revue de l'histoire des religions, .
  18. (en) Nirmal Dass, « Andalusia, or The Legend of Islamic Spain », The New Rambler,‎ (lire en ligne)
  19. « Cette civilisation musulmane, maintenant si abaissée, a été autrefois très brillante. Elle a eu des savants, des philosophes. Elle a été, pendant des siècles, la maîtresse de l’Occident chrétien. […] de l’an 775 à peu près, jusque vers le milieu du XIIIe siècle, c’est-à-dire pendant cinq cents ans environ, il y a eu dans les pays musulmans des savants, des penseurs très distingués. » Ernest Renan, voir Wikiquote.
  20. a b c et d (en) The Pew Forum - The Future of World Religions: Population Growth Projections, 2010-2050.
  21. Voir sur uta.univ-lyon2.fr.
  22. Jean-Marc Leclerc, « Un rapport explosif sur l'islam radical dans les prisons françaises », Le Figaro,‎ (lire en ligne  , consulté le ).
  23. Christian Julien Robin, « L’Arabie dans le Coran : Réexamen de quelques termes à la lumière des inscriptions préislamiques », Les origines du Coran, le Coran des origines, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres « Actes de colloque »,‎ , p. 27-74 (lire en ligne).
  24. Jurisprudence and Law – Islam Reorienting the Veil, University of North Carolina (2009)
  25. Moshe Gil A history of Palestine, 634-1099 Cambridge University Press, 1997 (ISBN 978-0-521-59984-9).
  26. Lemire et al. 2016, p. 195.

Voir aussi

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Bibliographie

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  • Ferdowsî, Shâh Nâmeh [détail des éditions], 1000
  • Pascal Buresi, Géo-histoire de l’islam, Paris, Belin, « Sup-Histoire », 2005, 355 p.
  • « Chrétiens et musulmans, le premier face-à-face VIIe – VIIIe siècle », dans Le Monde de la Bible, no 154, novembre 2003
  • Louis Chagnon, La Conquête musulmane de l’Égypte (639-646), Economica, 2008 (ISBN 978-2717855937)
  • Alfred Schlicht, Die Araber und Europa, Stuttgart, 2008

Articles connexes

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Liens externes

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