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Arnaq ou Egnock (morte en ) est le nom donné par les Anglais à une femme inuk originaire de Qikiqtaaluk, dans ce qui est aujourd’hui le Nunavut. En août 1577, elle fut prise en otage par le marin britannique Martin Frobisher, qui menait alors son deuxième voyage en quête du passage du Nord-Ouest. La femme, son jeune fils Nutaaq et un homme inuk que les Anglais nommèrent Kalicho furent amenés de force au port de Bristol, là tous trois moururent en novembre de la même année. Ananaq, Nutaaq et Kalicho comptent parmi les premières personnes autochtones d'Amérique du Nord à se rendre en Angleterre et représentent un des cas les mieux documentés de la période Tudor.

Arnaq
Description de cette image, également commentée ci-après
Arnaq et son bambin Nutaaq dans un portrait par John White
Naissance Inconnu
Inuit Nunangat
Décès
Bristol (Angleterre)
Nationalité Inuit
Famille
Nutaaq (enfant)

Biographie

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Arnaq est vraisemblablement née à Qikiqtaaluk au XVIe siècle, dans ce qui est aujourd'hui le Nunavut. L'appellation qu'utilisent ses ravisseurs pour la dénommer est très similaire au mot en inuktitut pour « femme » (ᐊᕐᓇᖅ arnaq), mais son véritable nom demeure inconnu.

La mère et son bambin de douze mois, Nutaaq, furent parmi les premières personnes inuites à être amenées en Angleterre contre leur gré[1]. Selon le témoignage de George Best, un des membres de l'équipage de Martin Frobisher, Arnaq fut capturée avec son fils le sur la péninsule de Hall (en), près de l'île Kodlunarn (en). Les colonisateurs s'étaient arrêtés à cet endroit pour prospecter ce qu'ils croyaient être de l'or[2]. Dans un établissement inuit abandonné, le capitaine de l’expédition, un dénommé York, retrouva des vêtements européens, qu'il supposa appartenir aux cinq membres de l'équipage du précédent voyage à Qikiqtaaluk, mené un an plus tôt. L'homme entreprit de capturer des Inuits afin d'en faire des otages contre lesquels échanger les Européens disparus. Après une bataille sanglante où cinq ou six hommes inuits perdirent la vie, l'équipe du capitaine York parvint à capturer une femme vieillissante, qu'ils libérèrent, Arnaq et son bambin. La femme et son fils furent ramenés au campement central, où ils rejoignirent un autre captif inuk, Kalicho. Après l'échec de la tentative d'échange des otages, les trois Inuits furent amenés en Angleterre. L'équipage quitta Qikiqtaaluk le et arriva au port de Bristol à la fin du mois de .

En Angleterre, les trois Inuits suscitèrent un intérêt considérable. Frobisher avait l'intention de les présenter à la reine Élisabeth et de leur apprendre l'anglais afin d'en faire des interprètes pour les prochaines expéditions en territoire inuit[3]. Les trois individus furent amenés à la maison du maire (en), Thomas Calston, et, le , Kalicho fut contraint d'exhiber ses capacités cynégétiques et navales pour les curieux du port de Bristol (en). Dans la foulée de cet intérêt, quatre portraits « officiels » d'Arnaq furent commissionnés et réalisés par l’artiste flamand Cornelis Ketel. Deux des peintures furent plus tard remises à la reine et exposées au château de Hampton Court pendant plusieurs années[3].

Décès

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Kalicho mourut le à la suite de l'infection d'une côte brisée, fracture fort probablement causée par son enlèvement. Après une autopsie par le médecin Edward Dodding (en), Arnaq fut contrainte à assister à l'enterrement de son compatriote à l'église St. Stephen le jour-même. Peu après les funérailles, la femme tomba à son tour malade de ce que l'on pense être la rougeole. Elle décéda en l'espace de quelques jours et fut enterrée à la même église le . Désormais orphelin, le jeune Nutaaq fut remis à une infirmière et conduit à Londres pour une potentielle audience avec la reine Élisabeth. Le bambin mourut peu après, probablement de la rougeole. Il fut enterré à l'église Saint-Olave, à Londres[1].

Postérité

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Arnaq, son fils et Kalicho n'étaient pas les premières personnes originaires du continent américain à fouler le sol européen. On estime qu'elles ont été 200 à être amenées en France au cours du XVIe siècle. Toutefois, comme l'implication anglaise dans les voyages transatlantiques était jusqu'alors moindre que celle française, seul un petit nombre d'Autochtones s'étaient rendus en Grande-Bretagne avant l'arrivée d'Arnaq. Malgré leur courte vie, les trois Inuits obtinrent une importante notoriété en raison des portraits qu'on fit d'eux. L'œuvre la plus connue fut réalisée par John White, un dessinateur et colonisateur ayant potentiellement pris part au voyage de 1577 à Qikiqtaaluk. Deux portraits furent commissionnés par la reine Élisabeth, déçue de ne pas avoir vu les trois Inuits elle-même[4]. Ces représentations visuelles révèlent qu'Arnaq avait des tatouages faciaux (tunniit) et montrent les détails de la parka qu'elle portait lors de l'enlèvement[5].

Notes et références

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  1. a et b (en) Alden T. Vaughan, Transatlantic Encounters: American Indians in Britain, 1500-1776, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-86594-4, lire en ligne).
  2. George Best et Richard Collinson, The three voyages of Martin Frobisher, in search of a passage to Cathaia and India by the North-west, A.D. 1576-8. Reprinted from the first ed. of Hakluyt's Voyages, with selections from manuscript documents in the British Museum and State Paper Office. By Rear-Admiral Richard Collinson., Printed for the Hakluyt Society, coll. « Half-title: Works issued by the Hakluyt society. No. XXXVIII », (lire en ligne)
  3. a et b (en) Neil Cheshire, Tony Waldron, Alison Quinn et David Quinn, « Frobisher's Eskimos in England », Archivaria,‎ , p. 23–50 (ISSN 1923-6409, lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) « American Indians in England (act. c. 1500–1615) », sur Oxford Dictionary of National Biography (consulté le )
  5. (en) Christian F. Feest, Indians and Europe: An Interdisciplinary Collection of Essays, U of Nebraska Press, (ISBN 978-0-8032-6897-5, lire en ligne).