J'attends que vous me reveniez en mots
Par Pierre Jaquier
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1961, Pierre Jaquier vit à Lausanne. Ancien journaliste et travailleur social spécialisé en victimologie, formé à Montréal sur le rôle de nos pensées, nos émotions et nos actions au quotidien, il a notamment publié trois recueils de poésie dont "Ce que je me dis me cause", "Où sont passées les odeurs de foin" et "Voilà, nous vivions comme ça".
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Aperçu du livre
J'attends que vous me reveniez en mots - Pierre Jaquier
PIERRE JAQUIER
J’ATTENDS QUE VOUS
ME REVENIEZ EN MOTS
Berlin, novembre, notre poésie ne clarifie pas tous les gris que nous entretenons.
Cher Vous,
Déjà six mois que nous nous sommes rencontrés à Paris lors de ce symposium sur : De l’écriture utile à la lecture inutile. Six mois que j’entretiens par mon écriture les plaisirs de notre rencontre.
Si, pour moi, c’est une évidence de vous écrire, j’espère qu’il en est de même pour vous de continuer à me lire.
Il m’a fallu du temps pour accepter ce fluide qui unit nos pensées lors de cette journée.
Vous souvenez-vous de cet intervenant, dont je ne me rappelle plus le nom, qui disait que l’écriture utile est celle qui s’écrit debout, celle qui conteste l’ordre établi, celle qui pourfend et décloisonne les idées figées. Celle sortant le sabre de son fourreau. Quant à l’écriture inutile, elle s’écrit à genoux, disait-il. Elle est une vassale aux flèches remisées dans leur carquois.
Et nous, correspondrons-nous toujours debout ou finirons-nous à genoux, comme ces amants qui laissent leurs silences et leurs secrets dévorer le peu de lien qu’il leur reste.
Lors de notre promenade au Jardin du Luxembourg, nos mots surgirent autant de l’intensité que de la fugacité de nos effleurements. Ils sont ces papillons qui, timidement, pollinisent la fragilité des fleurs. Tout comme vous, je n’arrive pas à m’expliquer comment nos mots ne surent, lors de cet instant, transformer nos peurs en plaisirs dévoilés.
Voyez, nous courons toujours après ce qui nous semble bon pour nous mais sans comprendre d’où viennent ces peurs qui, parfois, nous détournent de ce bon pour soi.
Avec la perte du plaisir disparaît le désir. La haine, la jalousie, souvent, occupent alors sa place. Nous le savons, la mort du désir accompagne aussi celle de la souffrance mais, pour l’heure, j’ajourne cette consolation.
Six mois après, que reste-t-il de nos ressentis ? La crainte que nos mots tuent ce fluide ou, au contraire, l’enflamment au-delà de toute maîtrise me pousse à abdiquer à comprendre le pourquoi de notre inclination. Le monde du tout raisonné ne m’intéresse pas. Il manque de poésie. Certainement une marque de mes origines slaves que la strenge, la rigueur allemande, n’a pas su soumettre. De toute manière, les choses vont trop vite dans ma tête. Il en a toujours été ainsi.
J’ai des idées pour commencer quatre choses et, en fin de journée, je m’aperçois que je n’en ai débuté aucune. Mes arrêts se font sur mes émotions, non sur des mots, ou encore des actions. De là viennent mes incessantes rêveries. Alors, ce que je peine à mettre en acte, je le transforme en rêves.
Je vous l’ai dit au moment où nos bras enlacèrent ce cèdre séculaire près du kiosque. La solitude rôde souvent plus autour de l’amour que de l’amitié. J’étais seule, je voulais compter sur la sollicitude d’un homme. Vous disiez être seul en amour, vous regrettiez ce manque de sollicitude. Ce que la première, l’amitié, additionne, le deuxième, l’amour, soustrait. Et soustraire, vous en conviendrez, c’est déjà un peu séparer. Il me fut douloureux de trouver en vous ce qui manquait en moi à l’instant même où nous nous quittâmes.
Nous devenons une illusion qui n’a de place que dans nos rêves. Aussi, Cher Vous, vouvoiement et distance agissent comme garde-fou d’une inclination que nos rêves pourraient enflammer.
Nos mots pollinisent nos sentiments. Ils lient nos forces. De leurs bourgeons jamais ne mûriront des armes de combat, je vous le promets.
Bien à Vous
Lisa
Lausanne, décembre, café Mozart, suite acceptée d’une confiance placée.
Chère Vous,
Je vous écris depuis le café Mozart, en retrait de la place St-François. Passe l’opéra de Mozart, L’enlèvement au sérail, qui relate que l’amour est l’âme du génie, et non de l’intelligence, ni l’imagination. Au vu du nombre d’intelligents malheureux autour de moi, je constate effectivement que l’intelligence n’est pas le sésame de l’amour.
Depuis six mois j’ouvre vos lettres avec la même fébrilité. Elles tombent comme un rituel que pour rien au monde je ne remettrais en question. Peut-être la promesse d’un accompagnement d’une solitude partagée.
Vos mots renforcent la confiance en nos échanges. Je m’abandonne à cette confiance en laissant fleurir cette intimité qui donne à notre amitié sa raison de persister.
J’accepte ce tournant de notre correspondance. Vous avez raison, un lien indémontrable est plus fort qu’un lien explicable. Un mystère plus prégnant que la vérité. Je porte peu cas de la vérité, je me contente du réel. Cette vérité introuvée n’est-elle pas simplement cette inconnue du pourquoi d’une naissance ici, et non ailleurs, et d’une fin aujourd’hui après un long ou court chemin composé de hasards ?
Je vous la fais moins alambiqué. Je préfère le flou du mystère, exempt d’idéologie, de ratiocination, de rhétorique. Aujourd’hui tous les avis circulent partout et tout le monde croit avoir raison. Ça donne une contenance, un crédit de penser de la même manière que cent autres personnes, mais je n’aime pas la contenance, justement parce qu’elle contient une contention. Je vais vous surprendre, mais je préfère l’anarchie. Lao-Tseu disait que : Celui qui domine les autres peut se croire fort mais celui qui se domine l’est réellement.
Comme vous, j’aime me remémorer nos effleurements au Parc du Luxembourg. Il a suffi d’une intonation chantante, d’un silence le temps de recentrer nos regards qui évitaient de se croiser, d’une gêne libérée par un éclat de rire, d’un autre regard qui éperonne et rapproche les souffles, d’une empreinte épigénétique qui réactive un amour. Je retiens la noblesse de votre nuque, et votre posture, portant à elle seule toute la fragilité de nos craintes. Encore aujourd’hui, ces « petits riens », j’ose les décrire ainsi, tissent nos liens au-delà de nos frontières, comme l’araignée sa toile au-delà de sa lucarne.
J’abonde dans votre sens, l’amitié résiste à l’amour en évitant les jugements de valeur que tôt ou tard ce dernier fige sur les visages, comme le givre sur les carreaux des fenêtres ce matin. Ne pas se qualifier c’est aimer en amitié. Je vous propose de faire en sorte que ce que nous pensons être bon pour l’un le soit également pour l’autre.
Je reviens à la confiance, à ce don que nous nous offrons. Personne ne vit sans elle. Et sans elle nous ne correspondrions pas. Combien de fois la plaçons-nous tous les jours… Chez le boucher en nous attendant à ce qu’il ne nous vende pas une viande avariée ; chez le coiffeur nous attendant à ressortir avec une tête reconnaissable ; aux automobilistes, attendant à ce qu’ils respectent la priorité, et surtout aux postiers pour qu’ils acheminent nos lettres de Berlin à Lausanne et de Lausanne à Berlin.
Il y a plus de confiance en amitié qu’il y en a en amour, où la méfiance opère comme une tour de contrôle pour contrer une domination, éviter une soumission.
Notre rencontre incarne une inclination en deux corps. Au-delà de leur létalité, je désire cette pérennité de notre amitié plus que tout.
Ça ne veut rien dire, dirait Rimbaud. Lui qui reprochait aux poètes d’écrire sans sens. Malgré ma petite voix qui me susurre le ridicule qu’il y a à vous écrire cela, je m’en fiche. Il n’y a pas de folle croyance si elle mène à la joie. Les attirances s’inscrivent dans des âmes errantes avant de s’incarner dans des corps, disait Socrate.
Vos mots incarnent en mon corps l’errance d’une joie que, fermement, je tiens à fixer en mon coeur.
En vous écrivant, j’entre dans votre monde et, ce faisant, je comprends mieux le mien. Écrire me rend bon. Vous écrire me rend encore meilleur.
Cela dit, nos inclinations mettent en tension un charnel inassouvi. Le simple effleurement du parc du Luxembourg témoigne encore aujourd’hui du mystère de ces dernières.
Nous avions ce besoin de nous faire entendre. Aujourd’hui, nous avons ce besoin de nous lire. Et, de nous écrire, et encore nous lire, nous ne saurons jamais si une fois de plus sera une fois de trop. Ou une fois de pas assez.
J’attends avec impatience que vous me reveniez en mots.
Bien à Vous
Basile
Berlin, janvier, première neige, j’écoute l’Andante de l’opus 55 des nocturnes de Chopin.
Cher Vous,
Seul un poète comme Chopin pouvait, en plein été 1843, chez George Sand à Nohant, composer une œuvre aussi romantique et mélancolique que ces nocturnes.
Elles témoignent de l’indissociabilité qu’il y a entre la mélancolie, cette peur d’être un oublié de l’amour, et la poésie, cet art de le transcender en rêve lorsque l’on doute de sa réalité.
George Sand écrivait pour lui, il composait pour elle. Ses nocturnes éclairent la longue attente du crépuscule, la lente agonie d’une fin de jour, d’un jour de plus s’ajoutant, peut-être, à cette fois de trop, ou de pas assez, que vous évoquiez dans votre dernière lettre.
L’éloignement de l’être aimé fut le corollaire de l’être pleuré durant les jours qui amenèrent Chopin et Sand à leur séparation en 1846.
À cette heure saturnienne de ce début janvier, je vous reviens après avoir relu votre dernière lettre. Elle illumine le parc de Steglitz de sa lumière vespérale. L’on dit de la mélancolie que sans elle peu de beau s’écrirait. Oui vous avez raison, en amitié on voit son altérité telle qu’elle est. En amour on le voit tel qu’on aimerait qu’il soit, pis tel qu’on pense qu’il devrait être. Les reproches poussent comme des lentilles d’eau sur le terrain de l’amour, on en voit peu sur celui de l’amitié.
En ce moment, c’est sur un petit carnet à la jaquette or que m’a offert une amie pour Noël, que je vous écris, près du pavillon à musique. La neige a déjà sa tourelle conique.
Je glisse mes mots sur le papier en me demandant quel poids vous leur donnerez quand vous les lirez. Votre confiance m’encourage à desceller mon intimité. Cette confiance dégante mes phrases en une écriture légère et sans contraintes. Je vous la dois.
Vous savez, nous les femmes, avons tendance à dévoiler ce que vous, les hommes, gardez secret. Ce faisant, peut-être pensons-nous gagner votre protection ? À la culture du silence nous subordonnons celle d’un franc babil. Votre confiance m’évite de vous amalgamer à l’homme ordinaire. Avoir un ami à qui l’on peut dire les choses telles qu’elles sont est un cadeau extraordinaire. Et puis l’amitié, au contraire de l’amour, évite de se torturer l’esprit pour savoir combien l’être aimé nous aime, et combien nous l’aimons réellement. La fascination s’avère trop souvent la faussaire de nos aspirations profondes. La peur du vide et celle du manque les amènent à exiger des réponses là où il n’y a même pas lieu de se poser une question.
Je vous écris pour mieux découvrir la réalité de mes pensées, pour comprendre la femme en moi, et,
