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Immortels et Panier de Crabes
Immortels et Panier de Crabes
Immortels et Panier de Crabes
Livre électronique106 pages1 heure

Immortels et Panier de Crabes

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À propos de ce livre électronique

Dîner de gala au Xi He, grand restaurant de Canton, propriété de la famille Yu, pour les vingt ans de l'établissement…

Le spectacle est grandiose, les mets raffinés, les invités VIP. Parmi eux, le commissaire Wang, accompagné de sa femme et de son fils Xiao Gang.

Ce dernier, pris d'une envie pressante, s'absente un instant. Cherchant en vain les toilettes, il tombe nez à nez avec Lao Mian, le chef des cuisines.

L'embêtant, c'est que Lao Mian est raide mort, la tête dans le bouillon qu'il était en train de préparer.

Wang enquête. Les premiers indices sont maigres : « J'ai vu un monstre », lui confie son fils. L'assassin ? Hélas, à part en faire des cauchemars, le gosse est bien en peine de le décrire. L'autre témoin est un petit singe qui allait servir d'ingrédient à la soupe. Il n'est guère loquace.

Mais cette soupe, justement, à la recette si… originale, qui l'avait commandée, et à quelle fin ? 

Wang va bientôt se frotter à monde étrange, fait de sectes et de chercheurs d'éternité, qui pour autant ne semblent pas insensibles à certains charmes plus triviaux de leur existence mortelle.

Fan Tong a étudié à l'Institut des Langues étrangères de Canton. Ancien employé des Douanes chinoises, il vit désormais en France.

LangueFrançais
ÉditeurBLUE LETTUCE
Date de sortie9 févr. 2025
ISBN9782954095608
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    Aperçu du livre

    Immortels et Panier de Crabes - FAN TONG

    Fan Tong

    IMMORTELS

    ET

    PANIER DE CRABES

    ISBN 978-2-9540956-0-8

    © François Boucher & Blue Lettuce 2025 

    Tous droits réservés

    À Raj et Élisabeth de Condappa.

    1

    La demi-queue de langouste

    LE PROJECTIONNISTE ne trouva pas d'emblée sa cible. Sa lampe balaya plusieurs visages hilares, déjà rouges et enflés. Quelques bravos fusèrent, par erreur. Puis le rayon se posa, en plein centre de la vaste salle. Les applaudissements se déchaînèrent, pour de bon.

    La lumière crue soulignait la maigreur des deux petits êtres ridés qui s'étaient levés pour répondre aux hourras. L'homme brandit plusieurs fois son verre pour porter des toasts. La femme se rassit vite, en souriant : il fallait l'excuser, elle était bien vieille, et ne méritait pas tant d'honneurs.

    Un autre rayon jaillit soudain en direction de la scène. Le maquillage mat de Chou Yang, le présentateur-vedette de TV Guangdong, débauché pour l'occasion – à frais réduits : c'était un cousin de la famille –, l'absorba pleinement, comme une éponge miracle de télé-achat. Les bravos redoublèrent. Chou Yang les fit se réorienter vers le vieux couple, puis cesser progressivement, d'une main dont la précision n'était pas sans rappeler celle d'un appareil de cuisson à commandes électroniques. L'animateur fut pris d'un frisson de contentement : l'art qu'il avait de domestiquer une assis­tance béate était décidément incomparable. Son cou se rengorgea comme celui d'un pigeon. Phénomène bref, vite maîtrisé : sa modestie était à l'aune de sa compétence, et vice-versa.

    Enfin, il parla : il dédiait cette soirée anniversaire, les vingt ans de l'empire Xi He, à qui de droit : à monsieur et madame Yu, ses Fondateurs.

    Les Dynastes prirent leur mal en patience. L'épouse dut se relever, quitter à nouveau sa demi­-queue de langouste à la sauce au soja et aux fines herbes émincées qu'elle n'avait pas encore terminé de manger. Son mari ne put se rasseoir, et tout en lui s'étira, sous l'effet des paroles pinces à linges de Chou Yang. Sa main se crispa sur son petit verre à alcool, vide. Quelqu'un n'allait-il pas s'en apercevoir ? Une âme charitable et clairvoyante, qui le lui remplirait à nouveau, redonnerait-­elle à cet objet son utilité perdue, et à lui, un peu de contenance ? Il jeta un regard circulaire autour de lui. Sa progéniture papillonnait ici ou là et personne, parmi les amis et connaissances assis à sa table, ne semblait comprendre sa détresse. Il n'y tint plus :

    – Maman, ressers-moi un verre !

    Sa femme hésita, puis chercha une bouteille. Elle n'en vit pas. Une serveuse, alors ?… Pas plus : toutes s'étaient retirées dans les recoins de la salle.

    – À boire ! insista le père Yu, du plus fort qu'il le put.

    Son ordre se répercuta, ondulante, dans toute la salle, dont le bruit de fond cessa d'un coup. Chou Yang lui-même se tut, pesant la gravité de la situation. Les visages des descendants, à peine identifiables à la périphérie du halo de lumière éclairant Yu, ne laissaient transparaître aucun signe décisif sur le sens des propos du vieux : rébellion aux louanges ou caprice sénile ? Trancher, en direct. Chou Yang pigeonna à nouveau, d'angoisse cette fois. Phénomène bref, vite maîtrisé : voir ci-dessus. Il se laissa glisser dans le trou noir délicieux de l'improvisation.

    – Monsieur Yu a soif. C'est normal, un tel jeune homme ! Qu'il vive encore dix mille ans ! Qu'on le serve !

    Rires et applaudissements fusèrent de plus belle. Dix serveuses se précipitèrent auprès de l'assoiffé. Chou Yang, renflé cette fois-ci comme un jars, lança, sauveur :

    – Maintenant, assez parlé. Suivons la voie de l'honorable Yu : le spectacle ! Et la suite du banquet !

    Une troupe d'acrobates virevoltants déboula sur scène, dans un fracas de cymbales. La salle reprit ses couleurs, la mère Yu replongea dans sa demi-tête de langouste. D'autres plats arrivèrent : langues de mérous sautées, champignons parfumés à l'essence d'huître, salade d'étoiles de mer au vin de Shaoxing, crabes des neiges farcis aux raisins de Turfan, raisins de Turfan fourrés de plancton de la baie de Zhanjiang, plancton de Zhanjiang farci de bile d'abalone…

    Sur scène, mademoiselle Man-Man Kuai, étoile de l'opéra cantonais, succéda aux acrobates. Éprise d'un lieutenant de l'armée de l'air depuis une semaine, elle avait décidé de puiser dans le répertoire militaire : l'Ode à la 4e Armée de marche, pour commencer. Musique du caporal Bang Gou, paroles du maréchal Zhu De en personne. Mais d'abord, elle en rajouta un peu en l'honneur du père Yu :

    – Puissiez-vous vivre non pas dix mille ans, mais dix fois dix mille ans ! Et votre femme aussi !

    Chou Yang gloussa en coulisses : « Dix fois dix mille ans… Quelle vulgarité ! Cette ânesse stérile n'a aucun sens de la mesure ! »

    2

    Crêpes et rouleaux

    LE COMMISSAIRE WANG rêvassait. Il avait fêté ses cinquante ans une semaine auparavant, et s'était offert à cette occasion les Classiques. Il y piochait avec modération, comme ses baguettes dans les plats du banquet, selon sa fantaisie ou son humeur : pratiquement pas de Mutations, trop compliquées, mais un peu d'Odes, un soupçon de Rites, et pas mal de Printemps et automnes. Trouver sa voie dans les grands textes n'était certes pas aisé, mais l'homme de bien qu'il entendait être désormais se devait de les connaître.

    Un dernier air, et mademoiselle Man-Man Kuai tira sa révérence. Chou Yang remonta sur scène, pour une annonce d'importance : une amie étrangère venait d'arriver, et faisait à la soirée l'honneur de sa présence. Ma Li'An, jeune Française – bretonne, pour être précis – exerçant en Chine la profession de mannequin, apparut sous une bordée de hourras. Elle aussi commença par souhaiter aux Yu une très longue vie, puis proposa, dans un chinois impeccable, au nom de l'amitié franco-chinoise et des gastronomies incomparables des deux pays, de jumeler les rouleaux de printemps et les crêpes bretonnes.

    L'homme de bien craignant aussi les choses confuses et saugrenues, Wang se demanda ce que la jeune Française, certes jolie et sympathique, pourrait faire de plus après avoir débité ses inepties.

    – Cher commissaire, tout se passe pour le mieux ?

    C'était Yu Bai, le fils cadet des Yu, venu d'une table voisine

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