L'Effaroucheur
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L'Effaroucheur - Hilaire De L'Orne
L’Effaroucheur
Hilaire De L’Orne
L’Effaroucheur
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur aux éditions du Net :
L’Exilé Volontaire Tome I, ou « Convictions et circonstances ».
L’Exilé Volontaire Tome II, ou « Les fiancées du Ministre ».
L’Exilé Volontaire Tome III, Ou « la résurrection du réel ».
Les Colères d’Hippocrate.
Taïnos.
Confessions Impures. 1/2
Hier n’est pas fini. 2/2
L’Albinos du Cap.
L’Imposture des Sens.
© Les Éditions du Net, 2024
ISBN : 978-2-312-14828-1
À ma petite Grenouille,
À mes parents
En ouvrant un livre, on pénètre dans un autre monde où le temps tombe en poussière. Il y a tant de choses dans un livre et si peu de gens pour les aimer.
La postérité me rendra peut-être justice d’avoir sacrifié toutes mes forces par passion à des choses inutiles mais si étonnantes, invitant chacun de nous à découvrir des sentiments nouveaux.
En utilisant les mots d’un auteur, la littérature fait naître des rêves différents en chacun de nous, en fixant pour lui une exquise attirance. Cette émotion, c’est souvent l’aveu d’une heureuse complicité, l’admiration n’étant rien d’autre qu’un amour timide caché sous de la tendresse.
Merci mille fois à ceux qui aiment ou qui ont aimé mes livres.
Jacques, alias Hilaire de l’Orne.
Avertissement
Ce roman est une œuvre d’imagination qui ne saurait être considérée comme une source d’informations infaillibles.
Tous les lieux cités dans cet ouvrage sont réels, certaines situations et événements le sont également bien qu’ils paraissent d’une authenticité forte et parfois cruelle. Les personnages choisis dans cette intrigue demeurent en grande partie fictifs. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait naturellement que pure coïncidence.
Sur les rives du vide
Assis face à ma page blanche tel que devant un miroir, je me trouve dans l’incapacité d’imaginer et de composer. Mes pensées s’égarent sur les rives du vide.
Mon reflet me regarde et de longues minutes de conversation muette s’engagent entre le paraître et le réel, entre ce que je pense être et ce que je suis, entre ce que les autres pensent de moi et ce que j’imagine qu’ils connaissent de ma personnalité.
Ainsi peu à peu naît ma peur bien réelle d’avoir déplu ou de déplaire au cours de mes récits, cette peur de passer pour un être superficiel et verbeux me paralyse. Suis-je un auteur, un écrivain, ou seulement un pédant qui s’ignore ? Le doute et l’appréhension sont bien présents, là dans le nuage des mots et bien qu’il me soit difficile de ne pas céder à l’envie d’écrire, je succombe page après page. La littérature reflète si bien les bouts de vérité de nous-même.
Avec la plus grande sincérité.
Hilaire de l’Orne.
Chapitre I
En relisant le billet qui venait de lui être transmis, son corps se pétrifia, son regard fixe devint aveugle aux éléments les plus proches. Son âme en se retirant abandonna sur son visage une stupeur infinie.
Dévasté par la menace anonyme, Côme avait faussé compagnie à ses amis en pleine délibération pour se réfugier et prier dans la crypte de l’abbatiale. Le prieur qui avait choisi de s’isoler ne souhaitait pas partager son cauchemar avec ses compagnons.
La morale vulgaire du texte qui l’accablait perçait à jour l’homme qu’il avait été dix-sept ans plus tôt.
Côme l’instant d’expier tes péchés est arrivée. L’offense faite à Dieu, comme à celle que tu as déshonorée il y a dix-sept ans méritent la peine capitale. Le châtiment que je t’ai réservé va brûler tes chairs grâce à un poison réputé pour ses maléfices.
Dans la crypte au milieu des sépultures il éprouva une sensation de vide. Sa raison venait d’expirer.
Pour s’aider à supporter sa culpabilité, il se demanda si pour ceux qui reposaient autour de lui dans des cercueils de pierre, les péchés de stupre et de luxure les avaient également accablés ? Ces ossements avaient-ils jadis succombé à l’esclavage de plaisirs honteux, aux illusions des promesses de la chair prises pour de l’amour ? Côme avait du mal à imaginer qu’il put être le seul ecclésiaste à avoir une fois, une unique fois, trahi ses vœux.
Engourdi par la nouvelle, il se laissa choir aux pieds d’un sarcophage de granit humide. Il ignorait qui implorer dans cet univers qui dix-sept ans auparavant avait ajouté à l’ardeur de l’union terrestre sa concupiscence pour le sexe.
Comment était-il possible qu’après de si nombreuses années la vanité d’une turbulente nuit ait pu changer sa destinée ? Désespéré par les doctrines injustes des hommes et leurs serments éternels, il clama comme pour se rassurer :
– « Je n’ai jamais voulu profaner ma foi ! Je demeure un chrétien ! »
Il y avait quelque chose d’indéfinissable dans ce visage en pleurs, dans le teint ombré, dans le regard affectueux du prieur réputé pour sa bonté. Sa physionomie aux pommettes rouges exprimait une nature populaire, rustique, ainsi qu’une volonté de traverser les apparences.
Pendant ce temps, les quatre abbés du prieuré de Côme furent conviés par l’évêque à se rendre au réfectoire pour célébrer la fin du symposium comptable ayant servi à élaborer les nouvelles activités du site de Briouze.
La semaine avait été studieuse pour les prêtres qui avaient suivi des cours de gestion afin de redynamiser les ventes de leur élixir. Le pommeau de Normandie, d’une complexité aromatique boisée, attendait encore sa distinction au sein des AOC.
Sur le chemin du retour, afin de ne pas être surpris par la nuit en traversant la forêt d’Écouves, le petit groupe sans attendre Côme, décida de passer à table. Un verre de pommeau leur fut servi en avant-goût de la réussite de leur entreprise. Ils furent ravis en ce vendredi de découvrir au menu un poisson qu’ils n’avaient encore jamais dégusté.
Le diocèse avec ce repas de fête avait voulu faire preuve de bienveillance envers ceux qui habituellement terrés au fonds de leurs hameaux avaient l’impression d’être délaissés par l’évêché.
Jean-Eudes, un séminariste de quatrième année qui avait été désigné par l’évêque pour effectuer le service à table, leur présenta les alevins en provenance de la méditerranée avant qu’ils ne soient préparés à l’office. La forme allongée des poissons accentuait les reflets nacrés de leurs écailles. La texture blanche de leurs chairs imitait l’élasticité du calamar alliée à l’onctuosité d’un poisson de rivière. Autour de la table, les convives salivaient déjà.
Blondin le cuisinier tenait sa vengeance. Son unique enfant avait mis fin à ses jours dix-sept ans auparavant en apprenant la venue d’un marmot qui devait agrandir sa famille. Il avait attendu en ruminant pendant de longues années l’occasion de tenir à sa merci l’infâme. L’impie prieur, le profanateur, était enfin sorti de son repère.
Il n’avait jamais accepté de voir son enfant se morfondre, enfermée dans le silence d’une injuste culpabilité pour un homme qui avait fait le choix de se dissimuler derrière la prêtrise. À l’époque, l’adolescente avait dû subir les affres d’un avortement auquel avait succédé une septicémie lui interdisant à tout jamais de devenir mère, avant de commettre l’irréparable.
Peu à peu le père de l’adolescente en était arrivé à haïr toute l’institution. La haine avait fécondé son être rendant son esprit plus puissant que tous les obstacles liés à l’action meurtrière. Il n’avait jamais pardonné à ce séminariste de foire de s’être approprié l’innocence de sa fille avant de faire vœu de chasteté.
Blondin, par le meurtre de Côme, souhaitait se débarrasser de cette douleur coupable d’avoir survécu au drame, le contraignant à vivre seul, à se passer de l’amour qui n’a pas de sexe, l’amour vrai, celui d’une enfant. Il vivait habité par la colère, la douleur et les cris étouffés contenant des mots d’épouvante, sans âge si ce n’était celui de l’anniversaire d’un décès.
Au fil du temps son ressentiment pour le religieux n’avait fait que croître mais il ne savait pas comment s’y prendre pour réaliser un crime parfait. Après de nombreuses années en se documentant sur les cuisines exotiques et des préparations étonnantes, Blondin avait accidentellement découvert qu’au Japon quelques initiés consommaient un poisson dont l’ingestion de la chair était mortelle. Le cuisinier qui n’avait pas tout de suite fait le rapprochement avec l’élimination de celui qui avait emporté la vie de sa fille, conçut peu à peu le scénario qui devait le débarrasser du parjure Côme.
Pour lui qui cherchait depuis longtemps le moyen de mettre un terme à ses tourments dans l’accomplissement du crime parfait, rien ne pouvait paraître plus accidentel ni plus naturel qu’une intoxication alimentaire. Mais le renégat depuis qu’on lui avait confié la gestion du prieuré de Briouze sortait peu de son fief et l’évêché ne faisait que rarement appel à lui pour officier dans les réceptions du diocèse. La conjonction de ces deux événements ne devait pas être interprétée comme une simple coïncidence mais comme un signe du destin, une occasion unique de rendre justice.
Pour ajouter au martyre de sa victime, Blondin avait confié à son commis, le séminariste, un message qu’il ne devait remettre au prieur qu’au moment du dessert.
Mais Jean-Eudes entre ses différentes fonctions de passeur de message, d’aide-cuisinier, de serviteur zélé à la table de monseigneur l’évêque, sans compter ses allées et venues depuis l’office, la cuisine et la salle à manger, craignit d’oublier ou de tacher le bristol qu’on lui avait confié. Bien qu’étudiant et déjà majeur, il n’avait pas l’habitude d’accomplir autant de rôles, de responsabilités, ni de basses besognes au pas de course.
Ainsi, le jeune commissionnaire préféra se débarrasser de cette tâche avant toutes les autres en remettant tout de suite au prieur la petite enveloppe que Blondin lui avait confiée, oubliant que celle-ci ne devait être remise à son destinataire qu’au moment du dessert.
En s’afférant à la préparation de son plat, Blondin s’était consciencieusement muni de gants, de lunettes et de protections pour se préserver des toxines venimeuses du Fugu{1}. Ce poisson avait la particularité de contaminer mortellement tout être vivant s’aventurant à le manipuler. En l’absence d’un puissant antidote, les médecins attendaient la mort de leurs patients sans espoir de pouvoir faire repartir leurs cœurs.
Blondin entailla le corps des Fugu de quelques encoches dans leurs viscères libérant ainsi la funeste tétrodotoxine.
Bien que passant habituellement pour des virtuoses du silence, les conversations des prêtres allaient bon train. Tandis que le séminariste préposé au service desservait les reliefs des mises en bouche et remplissait les coupes, on apporta les poissons qui à présent revêtaient un aspect gélatineux. Les convives portèrent un dernier toast avant d’ingérer la mortelle préparation destinée initialement à leur prieur.
Lorsque Côme ignorant ce qui venait de se produire arriva au réfectoire, il découvrit les effets de la tétrodotoxine sur ses compagnons. Leurs bouches déformées, exagérément gonflées leur donnaient des airs hideux de gargouille. Une profonde détresse respiratoire affectait l’ensemble de ses amis imprimant à leurs corps les saccades désordonnées de ceux qui se noyaient. Peu à peu une paralysie du système nerveux gagna jusqu’à leur parole les empêchant d’exprimer leur détresse ou de décrire leur mal.
Qui n’avait jamais vu une dizaine de mourants périssant dans un parfait ensemble et acharnés à refuser l’inéluctable dans une terreur infinie, ne pouvait imaginer ce que ce spectacle produisait. Côme plein de componction se trouva sollicité de toute part. Ceux qui avaient partagé sa vie étaient désormais hors d’atteinte et il savait que le pardon qu’il souhaitait leur adresser ne leur parviendrait pas.
Le jeune séminariste et lui appelèrent pour demander de l’aide mais leur voix resta sans réponse, l’office était désert, Blondin avait disparu.
Se remémorant la présence d’un laïque priant dans la nef, le contraignant à se dissimuler dans la crypte, Côme envoya l’étudiant le chercher. Grâce à Dieu, il était encore là.
En sortant son mouchoir pour essuyer le mucus des lèvres de l’évêque, Côme fit accidentellement tomber le billet de menace le mettant en cause. Son esprit bien que monopolisé par le drame et l’urgence de solliciter les secours, lui rappela le lien entre les menaces lui étant adressées et la scène d’épouvante. Assurément ce crime lui était destiné, il aurait normalement dû être au premier rang des victimes.
Il était injuste qu’il soit épargné alors qu’il était sans doute le seul responsable de ce massacre. Il avait honte de se trouver là, égaré parmi les vivants, on ne se méfiait jamais assez de ce que le passé pouvait nous réserver.
Il avait à la fois envie de fuir et de rejoindre ses compagnons d’infortune, ses lèvres déchiraient des mots latins estropiés. Les expressions du langage populaire profanaient ce qui aurait dû se manifester comme une oraison.
Jean-Eudes revint en compagnie de l’homme qui priait dans la nef. Il s’agissait d’un médecin retraité qui ayant perdu son épouse cherchait du réconfort dans l’exercice de la foi. Devant le spectacle de la désolation, la position des corps et l’haleine des victimes, il confirma le diagnostic de l’empoisonnement.
Il fallut attendre quelque peu avant que la police n’arrive sur les lieux, la maréchaussée était confrontée ici comme ailleurs, aux nouvelles figures allégoriques du bordel ambiant. Le désordre en ville mis à l’honneur par les racailles aboutissait à l’extension d’une jeune criminalité nourrie par la doctrine de l’excuse.
Cette petite sous-préfecture aux sources de l’Orne développait elle aussi les peurs et les phantasmes de la fin d’une époque, fascinée et effrayée par des crimes faisant reculer notre civilisation de plusieurs siècles.
L’affaire de l’évêché paraissait sérieuse et le nombre de victimes élevé célèbrerait dans les prochains éditoriaux les noces de l’encre et du sang. Dans un tel contexte l’affaire tombait au plus mauvais moment, elle allait réactiver les critiques à l’encontre des pratiques et des mœurs de l’église.
Depuis longtemps le sang faisait vendre, mais en lui annexant le caractère religieux, on atteindrait des records sur les plateaux télé et les persiflages dans les réseaux sociaux. Le témoin principal, le prieur Côme, qui insistait sur l’horreur de la scène, alimenterait à souhait les riches heures du reportage criminel.
La personnalité de l’assassin présumé : un cuisinier et l’arme du crime, un poisson, feraient certainement injure aux fins limiers de la préfecture de police tout en confisquant le suspense au public.
Le conseil épiscopal ayant été prévenu de l’événement, les prêtres de la Maison Diocésaine de Sées mais également le personnel ecclésiastique commençaient à arriver sur le théâtre de la tragédie.
L’inspecteur Prévost, aux décorations abondantes, entre deux puissantes toux de fumeur, décerna des compliments aux témoins pour s’être abstenus de contaminer la scène de crime. Son regard noir et profond, ses épaisses moustaches tribales qui avaient obtenu bien des aveux, n’éveillaient encore aucune crainte dans la curie.
Il questionna brièvement avant leur interrogatoire les personnes présentes sur la personnalité du cuisinier. Le jeune séminariste qui avait déjà eu affaire à lui en parla comme d’une sorte de dévoreur dont l’insatiable appétit faisait plaisir à voir dans une cuisine. Les anciens, ceux qui avaient connu Blondin avant la disparition de sa fille, trouvaient qu’il s’était peu à peu aigri, qu’il était devenu lourdaud, plein de rancune et de vanité.
La jalousie de ses collègues, alimentée par son physique de culturiste décrivait Blondin comme un être frustre, boiteux, asocial. Dans la soixantaine, on ne lui connaissait aucun succès féminin bien que certains affirmaient l’avoir vu au cimetière se recueillir sur la tombe de sa fille en compagnie d’une bonne d’enfants. Sa légère claudication était souvent utilisée pour souligner son air piteux de gnome, une sorte d’effaroucheur évoquant les fêtes d’halloween.
L’inspecteur Prévost ayant obtenu l’intervention de la police scientifique demanda à ses assistants de relever les identités des personnes présentes et de se rendre au domicile du cuisinier, bien qu’il y eût peu de chance qu’on l’y trouve. Un avis de recherche ainsi qu’un mandat à son encontre leur serait délivré plus tard. À nouveau interrompu par une toux rauque, l’inspecteur demanda au prieur Côme ainsi qu’au docteur Lavignac qui avait procédé aux premières constatations de bien vouloir l’accompagner au poste pour déposer.
Manifestant une fausse bonhomie, il dissimulait ses opinions sur la société par une boutade. Il conservait ses souvenirs de guerre tout au fond de sa vie comme un mystère soigneusement enfoui. Il dominait son sujet et ses interlocuteurs par la puissance de sa volonté. Son regard, qu’il projetait en dessous au cours des interrogatoires était fait d’autorité ainsi que d’une confiance en lui inébranlable. Il était de ces hommes à qui leur torse donnait des allures de géant.
Le pouvoir, la volonté de dominer avaient contribué à en faire un inspecteur à l’ancienne. Comme tous les doctrinaires il fonçait d’abord en direction du but : l’obtention d’un aveu.
À deux pas de la cathédrale Notre-Dame, l’exigu local de la police ne permettant pas de procéder à l’isolement des témoins, l’inspecteur décida d’enregistrer l’entretien comme une conversation au coin du feu.
– Prieur Côme, comment se fait-il que vous soyez encore parmi nous, alors que vos condisciples ont rejoint le saint père ?
– Je priais, inspecteur.
– La prière marche bien ces temps-ci, il faudra que j’en touche un mot au maire pour sa campagne. Prieur Côme, ce nom est celui de votre état civil ou celui d’un des nombreux saints de votre monastère ?
– Mon nom est Côme, chevalier De La Guyardière, né à Domfront où ma famille a pris ses quartiers en l’an de grâce 1579{2}.
– Un authentique aristocrate !
– Les particules vous posent un problème, inspecteur ?
– Non. Je suis cartésien et beaucoup trop superstitieux pour nier l’existence des Dieux, dites-moi seulement comment on fait pour échapper miraculeusement à un carnage pareil.
– J’ai reçu ceci, tenez.
Côme l’instant d’expier tes péchés est arrivée. L’offense faite à Dieu, comme à celle que tu as déshonorée il y a dix-sept ans méritent la peine capitale. Le châtiment que je t’ai réservé va brûler tes chairs grâce à un poison réputé pour ses maléfices.
– Ça s’apparente à une menace de mort effectivement.
– J’étais bouleversé.
– Qui vous menace ? Et que s’est-il passé il y a dix-sept ans, à quoi l’auteur de ce billet fait-il allusion ?
– Thiery Blondin, le cuisinier en fuite est l’auteur de ce billet ainsi que de la tuerie qui a éliminé mes quatre compagnons de Briouze.
– N’oubliez pas les cinq autres prêtres et Monseigneur l’évêque ce qui nous fait un total de onze victimes. Si j’osais,… à deux invités près ça faisait treize à table et on tenait le nom du coupable.
– ?
– Un truc de chez vous Prieur. Mais ça ne nous dit toujours pas pourquoi ce Blondin souhaitait vous faire disparaître. Enfin on devine à demi-mot que vous avez dû batifoler avec sa femme ou violer sa fille.
– Je pense nécessaire de vous situer le contexte auquel monsieur Blondin fait allusion. Je terminais mon cursus de six années de formation universitaire à la prêtrise et peu avant mon ordination, je fis la connaissance d’Hélène, la fille de monsieur Blondin. Nous étions très amoureux l’un de l’autre et j’envisageais même de suivre un chemin différent de celui de la prêtrise jusqu’à ce que nos familles s’en mêlent.
– Soyez gentil d’abréger.
– Un jour, j’appris que nos familles s’étaient concertées pour mettre fin à notre relation en expédiant Hélène à l’étranger. En réalité son père contre la promesse d’une somme importante de la part du mien, séquestrait sa fille et devait la faire avorter dans des conditions précaires. Très loin d’imaginer sa détermination à nous détruire et après une dépression, je m’en suis remis à Dieu. La rumeur prétend que de son côté Hélène se serait suicidée. Ce type est un grand malade, croyez-moi.
– Votre
