[go: up one dir, main page]

Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

1914 - Chronique familiale de Paul Wallon - Correspondances
1914 - Chronique familiale de Paul Wallon - Correspondances
1914 - Chronique familiale de Paul Wallon - Correspondances
Livre électronique435 pages5 heures

1914 - Chronique familiale de Paul Wallon - Correspondances

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Didier Wallon vous invite à partager l’intimité d’une famille bourgeoise parisienne confrontée, comme tous les français, à cette incroyable guerre qui se dessine et dont le déroulement n’avait été imaginé par personne. Incrédulité, inquiétudes et angoisses se succèdent, heureusement ponctuées de jours heureux. Les échanges épistolaires nombreux révèlent comment, à « l’arrière », les pères, femmes, frères et sœurs doivent se substituer au « poilu » engagé dans un conflit que l’on pensait bref. La lecture de ces Lettres nous révèle l’importance de la correspondance dans le quotidien de chacun, au front comme à l’arrière où les femmes vont prendre en main la gestion familiale et parfois professionnelle. Ces lignes sont émouvantes et captivantes. L’affection et l’amour apprennent à vivre avec l’éloignement et l’attente de la prochaine permission. Chacun veille à rester fort car « on les aura ! » Mais quand ? A quel prix ?
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditions du Net
Date de sortie7 févr. 2014
ISBN9782312021027
1914 - Chronique familiale de Paul Wallon - Correspondances

Auteurs associés

Lié à 1914 - Chronique familiale de Paul Wallon - Correspondances

Livres électroniques liés

Biographies historiques pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur 1914 - Chronique familiale de Paul Wallon - Correspondances

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    1914 - Chronique familiale de Paul Wallon - Correspondances - Didier Wallon

    cover.jpg

    1914 Chronique familiale de Paul Wallon

    Didier Wallon

    1914 Chronique familiale de Paul Wallon

    Correspondances

    LES ÉDITIONS DU NET

    22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-02102-7

    À Florence, ma femme,

    Wandrille, Bertille et Léonille, mes enfants.

    Paul Wallon a 69 ans, en 1914. Issu d’une famille nombreuse avec neuf frères et sœurs, il est veuf depuis 1905 et père d’une famille nombreuse (une fille et six garçons) à laquelle il est très attaché.

    Nous allons parcourir des éléments de correspondance de sa famille, ses proches, amis et relations pour découvrir comment, dès 1914, sera vécu l’imminence et l’éclatement de ce premier conflit mondial. Déçu de ne pouvoir être mobilisé, du fait de son âge, Paul Wallon va jouer un rôle important comme Pater familias et comme cheville ouvrière de cet « arrière » qui va réaliser, peu à peu, que le conflit va durer et que les femmes auront à jouer un rôle important, professionnellement et familialement pour pallier l’absence des maris. Louise, fille unique, sera très attentive à prendre soin de son père Paul Wallon, Madeleine, femme de Charles Wallon, le fils ainé de Paul Wallon, va gérer le cabinet d’architecture et de gestion d’immeuble de son mari, avec l’aide de son beau-père architecte Paul Wallon, et Thérèse, la femme de Paul Wallon, fils, va être confrontée à l’internement, en Allemagne, de son mari.

    Par ces lettres, nous vous invitons donc à la découverte du vécu de cette famille très unie. Nous avons décidé de restituer les textes dans leur intégralité pour ne pas en altérer l’esprit. Nous verrons ainsi l’importance que va requérir le courrier entre « le front » et « l’arrière » et au sein même de « l’arrière ». Les informations que ce courrier livre aux destinataires sont les seules fiables. Elles indiquent déjà que l’expéditeur est encore en vie, elles rassurent et sont vitales pour le moral des uns et des autres. S’il n’y a pas de lettre au courrier, l’inquiétude et l’angoisse submergent alors, on écrit aussi pour se rassurer. Cette correspondance est tellement riche qu’elle nécessite un volume par année.

    Le contexte familial

    Paul Wallon est né à Paris, en 1845. Il est le fils d’Henri Wallon, historien, ministre et membre de l’Institut, célèbre pour les lois constitutionnelles et « l’amendement Wallon » qu’il fit voter en 1875 et qui instituèrent la République en France. Il est diplômé de l’école des Beaux-Arts, en 1865, et sera Architecte du Gouvernement Diplômé, Expert près le Tribunal Civil de la Seine, Membre de la Société Centrale des Architectes. Associé avec son fils Charles dans la réalisation d’immeubles, à Paris, il lui a, depuis peu, cédé son cabinet d’Architecte.

    En 1914, ses parents sont décédés depuis longtemps, sa mère Hortense Wallon, née Dupire, en 1851, et son père Henri Wallon, en 1904. Son épouse, Sophie Wallon, née Allart, est décédée, d’une attaque foudroyante, lors d’un séjour estivale, aux Petites Dalles, le 30 Août 1905. Sa sœur ainée, Marie Wallon, en religion Sœur Thérèse de Sales de la Visitation Sainte Marie est décédée en 1904. Sa sœur Adèle est veuve d’Aristide Guibert, décédé en 1873. Son frère Henri Wallon, marié à Laure, née Crosnier, est décédé en 1909. Une petite Amélie Wallon, née après Paul Wallon, est décédée, à l’âge de 3 ans, en 1849. Sa sœur Jeanne est veuve de Pierre Petit, décédé en 1904. Sa sœur Valentine est mariée à Célestin Deltombe. Son frère Etienne est marié à Mathilde, née Dupont. Sa sœur Marguerite est mariée à Charles Rabut. Sa sœur Geneviève est mariée à Charles Rivière.

    Paul Wallon a six fils dont deux sont mariés et une fille, Louise, également mariée. Les 6 fils et le gendre seront mobilisés.

    – Charles Wallon, l’ainé, est né à Paris, le 18 septembre 1875, il a donc 39 ans, en 1914. Il a été diplômé de l’école des Beaux-Arts, en 1901, a obtenu une mention honorable au concours public pour la construction du musée d’Orléans (avec son père) et une médaille de troisième classe au salon de 1904 pour un travail sur l’église de Champagne (publié dans la Décoration ancienne et moderne, septembre 1904). De 1899 à 1900, il était attaché à l’agence des travaux d’architecture du ministère des colonies pour l’exposition universelle et, de 1902 à 1904, à l’agence des travaux de la bibliothèque nationale. A partir de 1904, il est attaché au cabinet de son père Paul Wallon avec lequel il édifiera des immeubles à Paris. Au moment où va éclater la guerre, il est à son compte et est père de deux enfants, Marguerite, née en 1907, et Henri, né en 1908, de son union avec sa femme Madeleine, née Deleau.

    – Louise, la seconde, est née en 1877. Elle a épousé, en 1904, Albert Demangeon, Professeur à l’Université qui a 42 ans en 1914. Ils ont, à la veille de la guerre, trois enfants, Suzanne, née en 1905, Paul, né en 1907 et Albert, né en 1909.

    – Henri est né en 1879 et a donc 35 ans, en 1914. Docteur en médecine depuis 1908, il était assistant du professeur Nageotte à Bicêtre et à la Salpêtrière, où il tenait une consultation pour enfants atteints d’arriération mentale et d’agitation motrice. Il est célibataire.

    – Paul est né en 1881 et a donc 33 ans, en 1914. Il est ingénieur de l’Ecole Centrale et dirige une glacerie du groupe Saint Gobain, à Stolberg, en Allemagne. Marié, depuis 1910, à Thérèse, née Tommy-Martin, il a un fils Marcel, né en 1911.

    – André est né en 1884 et a donc 30 ans, en 1914. Il est ingénieur de l’Ecole Centrale, travaille dans une entreprise du nord de la France et vit, célibataire, à Lille.

    – Emile est né en 1889, célibataire, il est externe des hôpitaux de Paris.

    – Georges est le frère jumeau d’Emile. Tous deux ont donc 25 ans, en 1914. Il est ingénieur de l’Ecole Centrale, et, comme son frère André, travaille dans une entreprise du nord de la France. Il vit, célibataire, à Lille.

    Les sites évoqués (hors du théâtre des opérations militaires)

    LES RÉSIDENCES PRINCIPALES

    Paul Wallon, père, est domicilié dans un appartement du 84 rue Bonaparte, à Paris 6ème arrondissement.

    Charles Wallon, avec sa femme Madeleine et ses deux enfants Marguerite et Henri, est également domicilié dans un appartement du 84 rue Bonaparte, à Paris 6ème arrondissement.

    Louise Demangeon, née Wallon, avec son mari Albert et ses trois enfants Suzanne, Paul et Louis-Albert, est domiciliée dans un appartement du 2 boulevard Henri IV, à Paris 2ème arrondissement.

    Henri et Emile Wallon sont domiciliés à Paris.

    Paul Wallon, avec sa femme Thérèse et son fils Marcel, est domicilié dans une maison de Stolberg, en Allemagne.

    André et Georges vivent à Lille.

    LES RÉSIDENCES SECONDAIRES

    Aux Petites Dalles, Paul Wallon a édifié de très grandes propriétés dont la sienne « Les Mouettes ». Il partage ses villégiatures avec une autre propriété acquise à Champagne-sur-Oise. Tous ses enfants ont des occasions fréquentes de se rendre dans l’une ou l’autre de ses propriétés.

    Charles Wallon a entamé l’édification d’une résidence secondaire sur les hauteurs de Champagne-sur-Oise, « Les Sablonnets » (aujourd’hui Conservatoire de musique de la ville). Outre « Les Mouettes », il bénéficie aussi de la résidence secondaire de ses beaux-parents, monsieur et madame Deleau, à Presles, dans le Val d’Oise, non loin de Champagne-sur-Oise. A l’occasion de ses périodes militaires, à Rouen, il est fréquemment reçu par sa tante Laure Wallon, née Crosnier, qui y réside.

    Janvier 1914

    De Georges Wallon, à Paris, à Paul et Thérèse Wallon, son frère et sa belle-sœur, à Stolberg, en Allemagne.

    Le 1er Janvier 1914

    Mon cher Paul et Ma chère Thérèse

    J’espérais bien vous rencontrer à Paris pendant les deux jours que je suis venu y passer. Malheureusement, je suis arrivé trop tard. En arrivant ici, André [André Wallon, frère de Georges et Paul Wallon. NDLR] et moi, nous avons appris que vous étiez bien venus mais aussi que vous étiez partis. J’en suis réduit à vous envoyer, par lettre, mes vœux de bonheur, à vous ainsi qu’à Marcel [Marcel Wallon, fils de Paul Wallon et Thérèse, née Tommy-Martin. NDLR].

    Cette année, nous avons considérablement réduit le nombre de nos visites. Il est loin le temps où, la dernière bouchée dans la bouche, vous partiez au pas de gymnastique, tous les trois, pour ne revenir que vers 8 heures, après avoir été voir une trentaine de personnes et avoir absorbé autant de tasses de thé. Plus modestes, nous nous sommes contentés de 3 visites : Madame Deleau [la mère de Madeleine Wallon, née Deleau, femme de Charles Wallon, frère de Georges et Paul Wallon. NDLR], les Rivière [Charles Rivière et Geneviève, née Wallon, sœur de Paul Wallon, le père de Georges et Paul Wallon. NDLR] et les Rabut [Charles Rabut et Marguerite, née Wallon, sœur de Paul Wallon, le père de Georges et Paul Wallon. NDLR]. Et encore, si nous avons été voir les Rabut, c’est bien par raccroc et parce que nous étions si près… que vraiment, se faire tant de plaisir à si peu de frais était tentant.

    Malgré ce faible nombre de visites, notre après-midi a été très occupé ; nous sommes restés, en effet, environ deux heures chez les Rivière à prendre le thé, jouer de la musique et apprendre le tango. Comme nous étions sortis de table à 3 heures, il ne nous est guère resté de temps après.

    Nous avons eu, ici, un temps frais mais très beau et il restait encore un peu de neige de ces jours derniers, mais elle ne gênait pas, car on avait oublié d’y jeter du sel.

    Si vous avez, là-bas, un temps en rapport avec le notre, les skieurs doivent être nombreux. T’y es-tu remis ? Si oui, tu as vraiment de la chance car je ne connais pas de sport plus agréable et plus agité.

    Papa a reçu, aujourd’hui, une lettre de Charlotte, il paraît qu’ils se portent tous deux très bien là-bas [Charlotte, née Rivière et son mari Jean Tommy-Martin, mariés depuis le 22 Novembre 1913. NDLR]. Du reste, vous avez dû recevoir des nouvelles directement.

    Aussi, je n’insiste pas et je termine en vous embrassant tendrement Thérèse, toi et Marcel [Marcel Wallon, fils de Paul Wallon et Thérèse, née Tommy-Martin. NDLR].

    Ton frère

    Georges Wallon

    *****

    De Paul Wallon, père, à Paris, à Paul et Thérèse Wallon, son fils et sa belle-fille, à Stolberg, en Allemagne.

    Paris, Vendredi 2 Janvier 1914

    Mon cher Paul, ma Chère Thérèse

    Je vous remercie de vos vœux. Je vous adresse les miens et vous savez s’ils sont affectueux et sincères, avec le regret de ne pas vous avoir possédés, hier, à notre gentille réunion de famille. Vous seuls manquiez à notre table ainsi que petit Marcel [Marcel Wallon, 3 ans, fils de Paul Wallon et Thérèse, née Tommy-Martin. NDLR].

    Emile [Emile Wallon, fils de Paul Wallon, père. NDLR] projetait d’employer une partie de son congé en allant vous faire une petite visite. Vous recevrez probablement de lui une lettre à ce sujet. Il vient de sortir et je ne sais ce qu’il a décidé.

    Nous sommes maintenant ici en plein hiver, le thermomètre indique des températures auxquelles, bien qu’elles ne soient pas encore excessives, nous n’étions pas encore habitués. Maintenant qu’il fait du soleil et pas de vent, j’aime assez ce temps là. On se sent vivre.

    Je ne me suis pas ressenti de l’indisposition dont je souffrais lors de votre séjour ici, je me sens même assez bien en ce moment et, dès que la température le permettra, je me ferai un plaisir, moi aussi, d’aller vous faire une petite visite. En attendant, je vous embrasse bien tendrement ainsi que mon cher petit Marcel.

    Votre père

    Paul Wallon

    *****

    Le 21 Janvier est la date anniversaire de Paul Wallon, père, né en 1845, à Paris.

    *****

    De Thérèse Wallon, à Stolberg, en Allemagne, à Paul Wallon, son beau-père.

    Mardi 27 Janvier 1914

    Mon cher père,

    Les nouvelles qu’Emile [Emile Wallon, fils de Paul Wallon, père. NDLR] vous a rapportées de Stolberg commencent à être bien anciennes et je viens vous en envoyer. Ce qui n’a pas changé, depuis le départ d’Emile, c’est la rigueur du temps. Le pays a été sous la neige pendant un mois ; hier enfin, cela dégelait et les quelques degrés au-dessus de 0 paraissaient une température de printemps. Mais, tantôt, la neige retombe de nouveau. Quand l’hiver finira-t-il ?

    Dimanche dernier, le vent ayant assez déblayé les routes de leur neige, nous avons pu nous promener en auto. On se serait cru bien loin dans un pays du Nord de l’Europe, au milieu de tout ce paysage blanc. Quant au dimanche d’avant, la neige était épaisse et si tentante que nous nous sommes équipés en sportmen du Nord et sommes partis bravement, tous les deux, avec notre paire de skis sur l’épaule. Le chemin de fer nous conduisit jusqu’en montagne et là, nous nous rendîmes d’un village X à l’autre (Montjoie), 6 kilomètres de distance en marchant avec nos skis. Le soleil resplendissait, il n’y avait pas de vent ; c’était un temps superbe. Le début fut assez pénible, il fallait monter puis traverser un village qui n’en finissait pas mais, après cette marche pénible, nous fûmes grandement récompensés de nos efforts en arrivant à une pente où c’était délicieux de se laisser aller : une allée sous bois avec des courbes lentes ; de temps en temps, l’aperçu d’un ravin avec le ruisseau torrentueux au fond. Quand la vitesse acquise devenait trop grande, on s’asseyait par terre : c’est le seul moyen que nous connaissons pour nous arrêter, n’ayant pas encore beaucoup la pratique de ce sport. Mais ce qui est consolant, c’est que les grands skieurs, eux-mêmes, sont souvent aussi par terre. Nous en avons pourtant rencontrés de très forts.

    D’après les journaux, nous voyons que Paris a aussi sa part de froid.

    Marcel a pu sortir presque tous les jours malgré cette température sibérienne, le soleil la rendant souvent supportable. A la maison, ses constructions ne le quittent guère ; il s’y intéresse des heures durant.

    Nous vous embrassons tous trois tendrement, mon cher père.

    Votre fille

    Thérèse Wallon

    *****

    De Paul Wallon, père, à Paris, à Thérèse Wallon, sa belle-fille, à Stolberg, en Allemagne.

    Paris, 30 Janvier 1914

    Ma Chère Thérèse

    Je vous remercie bien de votre bonne lettre si intéressante et réconfortante sur l’état de votre santé à tous deux.

    Votre lettre est arrivée on ne peut mieux, hier, car j’avais à dîner, outre les Demangeon et les Charles, les Rivière et tout le flot des petits Rivière […]. Votre lettre a bien intéressé tout le monde et l’on vous admirait dans vos exploits de sportmen.

    C’était hier aussi l’anniversaire de la naissance de Marcel [Marcel Wallon, fils de Paul et Thérèse Wallon, né le 27 janvier 1911, en Allemagne. NDLR] et nous avons bien parlé de lui. […]

    Après le dîner, les jeunes Rivière ayant eu l’amabilité […] d’apporter violon et violoncelle, nous ont fait un peu de musique. Germaine [Germaine Rivière, fille de Charles Rivière et Geneviève Wallon, sœur de Paul Wallon, père. NDLR] avoue qu’elle serait enchantée de reprendre, avec Paul [Paul Wallon, fils de Paul Wallon, père. NDLR], ses études de trompe. Les jeunes filles poussent leurs parents à retourner aux Dalles aux vacances prochaines. Et leur mère, tout au moins, ne dit pas non.

    Sans avoir eu le froid dont vous avez souffert à Stolberg, le temps a été, pendant une quinzaine de jours, assez rigoureux à Paris et les patineurs ont pu se livrer, cette année, à un sport qu’ils n’avaient pu pratiquer, à l’air libre tout au moins, depuis bien des hivers.

    La température semble se radoucir et je ne m’en plains pas car, n’étant plus assez jeune pour me livrer à ces sports d’hiver si sains et si amusants, force m’est de grelotter […] enveloppé de châles et de couvertures. Ah, la vieillesse ! Les infirmités ! Cependant, je n’ai pas trop à me plaindre, ma santé physique n’est pas trop mauvaise en ce moment. Pour occuper mon temps et secouer ma détresse morale ; l’existence monotone me semble si vide et si inutile, surtout depuis que j’ai cru devoir laisser mon cabinet à Charles, je me suis mis au dessin. En dehors des séances hebdomadaires d’aquarelle à l’atelier Vignal [Pierre Victor Louis Vignal, 1855–1925, était un peintre aquarelliste français. Reconnu et apprécié des élites parisiennes, il dispensait un enseignement dans son atelier parisien dans l’ancien atelier de Jean-Dominique Ingres, au 7 quai Voltaire, au premier étage au fond de la cour. Il recevait des élèves, souvent fortunés parce qu’il était renommé. NDLR], je vais, tous les jours de 4 heures 30 à 7 heures, à l’académie Colarossi où je fais du modèle vivant. [L’Académie Colarossi était une école artistique parisienne, fondée par le sculpteur italien Filippo Colarossi. À la fois école privée et atelier libre, elle constituait une alternative à l’institution de l’École des Beaux-Arts de Paris, devenue trop conservatrice aux yeux de nombreux artistes. Cette école était mixte et autorisait les étudiantes à peindre d’après des modèles masculins nus. Réputée également pour ses cours de sculpture d’après modèle, l’établissement attirait nombre d’élèves étrangers. Cette école fermera dans les années 1930. NDLR]. Chaque séance, le modèle, tantôt homme, tantôt femme, donne 4 poses de 25 minutes. Ces croquis me remplissent déjà plusieurs pages d’album. Et toutes ces fins de journée bien occupées m’intéressent énormément. J’attends toujours avec impatience 4 heures pour me rendre, crayons en poche et cahiers sous le bras, rue de la Grande Chaumière [10, rue de la Grande Chaumière, dans le 6ème arrondissement de Paris. NDLR]. Là se rencontrent des hommes et des femmes de tous âges et de toutes conditions, on est absolument libre, personne ne s’occupe de son voisin, tous préoccupés, dès que le modèle prend la pose, de buriner sans perdre une minute si l’on veut arriver à mettre son bonhomme sur pied avant l’expiration des 25 minutes.

    Si passionnantes que soient, pour moi, ces études, je n’oublie pas, ma chère Thérèse, la promesse que je vous ai faite d’aller vous faire une petite visite à Stolberg mais j’attendrai encore un peu que la température s’adoucisse dans vos climats.

    Je vous embrasse bien tendrement, ma chère Thérèse, ainsi que Paul et Marcel. Inutile de vous dire que chacun, ici, vous envoie ses compliments affectueux.

    Paul Wallon

    *****

    Février 1914

    De Thérèse Wallon, à Stolberg, en Allemagne, à Paul Wallon, son beau-père.

    Jeudi 12 Février 1914

    Mon cher père,

    J’ai le plaisir de vous annoncer officieusement les prochaines fiançailles de Pierre [Pierre Tommy-Martin est le frère ainé de Thérèse Wallon, née Tommy-Martin. NDLR] avec mademoiselle Marie Monange, l’amie de Madeleine [Madeleine Wallon, née Deleau, femme de Charles Wallon, fils de Paul Wallon, père. NDLR]. Nous avons eu l’occasion, Paul [Paul Wallon, fils de Paul Wallon, père. NDLR] et moi, de faire connaissance de cette jeune fille, chez Madeleine, et nous sommes heureux de voir aboutir l’heureuse initiative de cette dernière : son amie nous avait fait si bonne impression que nous sommes enchantés de l’avoir prochainement pour belle-sœur.

    Les Weiller [famille de sa sœur, Hélène, qui a épousé René Weiller, en 1907. Ils ont 4 enfants : Suzanne, née en 1908, Geneviève, née en 1910, Odile, née en 1912 et Albert, né en 1914. Hélène Weiller décèdera le 8 novembre 1918. NDLR] terminent leur séjour en Norvège, René étant nommé à Paris au Ministère des Affaires étrangères pour quelque temps. Ils passeront ici, samedi, et nous comptons les garder quelques jours.

    Le temps se réchauffe, les jours allongent et il fait bon comme au printemps ; si vous n’avez pas changé vos projets qui étaient de nous faire le plaisir de votre visite prochaine, à Stolberg, nous serions bien heureux si vous veniez aux jours gras. Paul a plusieurs jours de congé à ce moment-là et pourrait mieux jouir de vous. Nous avons déjà annoncé à Marcel que Bon papa allait bientôt venir le voir, car il parle toujours d’aller voir Bon papa, à Paris. Vous nous trouverez ici dans une installation assez provisoire, et notre nouvelle maison avance si lentement à présent que notre entrée va se trouver retardée d’au moins 2 mois. On vient de poser les fenêtres ce qui donne déjà bonne allure à la maison.

    Au revoir, mon cher père, tous les trois nous vous envoyons nos meilleurs baisers ainsi qu’à tous autour de vous.

    Votre fille

    Thérèse Wallon

    *****

    De Paul Wallon, père, à Paris, à Thérèse Wallon, sa belle-fille, à Stolberg, en Allemagne.

    Paris, 14 Février 1914

    Ma Chère Thérèse

    J’ai appris avec plaisir les fiançailles de votre frère Pierre ; veuillez, à l’occasion, lui transmettre toutes mes félicitations.

    Assurément, j’irai volontiers vous faire une petite visite et, puisque Paul est plus libre au moment des jours gras, je pourrais, peut-être, partir Samedi prochain. Demandez à Paul de m’indiquer les trains les plus commodes pour vous comme pour moi. Je vous annoncerai ainsi, d’une façon précise, mon arrivée.

    Vous avez probablement appris ce qui est arrivé à Emile. Il s’attendait à recevoir, le 7, sa nomination comme médecin auxiliaire. Sa nomination est remise au 5 Mai par fait de l’appréciation décernée par le Major sur son compte :

    « Moralité excellente, bonne conduite, tenue correcte. Un peu mou, pourrait apporter plus de zèle dans l’exercice de ses fonctions. »

    Le Major, en lui annonçant cette fâcheuse nouvelle, trouvait, nous écrit Emile, une disproportion exagérée entre sa note et la sanction. J’ai voulu, ajouta-t-il, marquer une différence entre vous et les autres infirmiers ; vous n’aviez qu’un zèle assez effacé dans l’infirmerie. Aussitôt après la visite, vous vous occupiez de ce qui vous intéressait uniquement. Vous demandez fréquemment des permissions…

    J’ai été excessivement contrarié de cette aventure mais, comme je l’écrivais à Emile, c’est bien de sa faute. Son frère Georges et lui [Georges et Emile Wallon, fils de Paul Wallon, père, sont jumeaux. NDLR] ont la funeste habitude de tout tourner à la blague. Il est des situations où il ne faut pas chercher à faire le malin.

    Il est, en somme, assez normal que ceux qui se donnent du mal, qui remplissent consciencieusement leur devoir, aient le pas sur les j’men f…istes.

    Ce matin, une lettre d’Emile m’annonce qu’il est affecté… comme infirmier à l’hôpital Bégin, à Saint-Mandé. Cet ordre vient directement du Gouverneur militaire de Paris, sans passer par le service de santé du 3ème corps qui avait pris la sanction ci-dessus.

    Emile se demande ce que cela signifie et si cette nouvelle décision vient de l’intervention de Monsieur N. [ ?] ou de l’ami d’Albert [Albert Demangeon, beau-frère d’Emile. Wallon. NDLR] au Ministère de la guerre.

    Il n’en est pas moins vrai que sa nomination comme médecin auxiliaire reste ajournée au 5 Mai.

    C’est, en somme, 3 mois de rabiot.

    Emile quitte, aujourd’hui, Caen et sera, ce soir, à Paris.

    Dites bien à petit Marcel que son Bon-papa sera très heureux d’aller le voir. En attendant, je vous embrasse, tous trois, bien tendrement.

    Votre père

    Paul Wallon

    *****

    De Paul Wallon, à Stolberg, en Allemagne, à Paul Wallon, son père.

    Stolberg 17/2/14

    Mon Cher papa,

    Nous attendons ta visite avec impatience et, déjà, Marcel fait, avec son jeu de constructions que tu lui as donné, des maisons pour Bon-papa.

    Tu peux arriver à Stolberg à 7 h 2 matin, 9 h 50 matin, 3 h 49 soir, 4 h 54 soir, 10 h 24 soir par des trains qui partent respectivement de Paris à 10 heures soir, 11 h 15 soir, 7 h 50 matin, 8 h 10 matin, 1 h 45 soir.

    Les trains partant de Paris à 10 heures soir, 8 h 10 matin s’arrêtent à Stolberg, pour les autres, il faut changer à Aix-la-Chapelle. Quand le train qui part à 1 h 45 de Paris a du retard, on n’a pas besoin de changer à Aix, il s’arrête alors à Stolberg. A 1 h 45 partent deux trains, un rapide et un train de luxe. Ce dernier n’arrive pas avant l’autre mais est plus confortable.

    En somme, à mon avis, les plus pratiques sont ceux partant de Paris à 10 heures soir, 8 h 10 du matin et 1 h 45 de l’après-midi.

    Nous t’envoyons tous nos baisers.

    Ton fils

    Paul

    *****

    Le 28 Février est la date anniversaire d’Émile et Georges Wallon, nés en 1889.

    *****

    Mars 1914

    De Thérèse Wallon, à Stolberg, en Allemagne, à Paul Wallon, son beau-père.

    Mardi 3 Mars 1914

    Mon cher père,

    Nous espérons que vous êtes rentré, l’autre jour, à bon port et sans trop de retard malgré les grèves belges qui continuent toujours. Nous avons été très heureux de votre bonne visite et comptons bien que vous reviendrez nous revoir en saison plus propice. Il ne faut pourtant pas nous plaindre du temps que nous avons eu, au moment des jours gras, puisqu’aujourd’hui même il a neigé ici. Le froid assez brusque nous a amené de gros rhumes. Marcel a commencé et je l’ai suivi mais nous sommes déjà en bonne voie de guérison. Mais nous évitons de sortir encore tous ces jours-ci. La pauvre Nana se trouve-t-elle aussi bien délaissée, mais comme Paul, à présent, l’a enfermée dans la cour, Marcel peut, de temps en temps, lui rendre visite par la fenêtre.

    Je vous quitte, mon cher père, en vous envoyant les meilleurs baisers de nous trois.

    Votre fille

    Thérèse Wallon

    P. S. Nous avons enfin une cuisinière depuis hier. Je suis bien contente de voir ma maison remontée.

    *****

    Mercredi 4 Mars 1904

    Aquarelle de Charles Wallon (23,5 x 15,5 cm.) :

    « Grand-garde de Bois-Guillaume »

    (ville de l’agglomération de Rouen),

    pour sa femme Madeleine, née Deleau.

    img1.jpg

    *****

    De Paul Wallon, père, à Paris, à Thérèse Wallon, sa belle-fille, à Stolberg, en Allemagne.

    Paris, Jeudi 5 Mars 1914

    Ma chère Thérèse

    Je suis vraiment confus d’avoir été devancé par vous. J’aurais dû, depuis longtemps, vous écrire, ne serait-ce que pour vous remercier de m’avoir renvoyé la toque que j’avais oublié chez vous.

    Mon voyage de retour s’est bien passé ; mais il m’a, plus encore qu’à l’aller, semblé très long. Il est vrai que nous sommes arrivés à Paris avec une heure de retard : minuit 30 au lieu de 11 heures 30. Dans la traversée de la Belgique, on n’avançait pas. Et puis, ces arrêts fréquents, ces deux douanes, font paraître le voyage beaucoup plus long.

    Comme vous le pensez bien, j’ai été beaucoup questionné sur vous, sur votre installation, à mon retour. Suzanne et les autres [Suzanne, née en 1905, Paul, né en 1907, et Albert, né en 1909, enfants d’Albert Demangeon et Louise, née Wallon, fille de Paul Wallon, père. NDLR] m’ont fort interrogé sur petit Marcel, ce qu’il fait, ce qu’il dit… Nana a eu aussi sa part de curiosité.

    Je reçois, ce matin, une invitation des Bouvet pour assister, à Salins, au mariage Jacques – Marie Thérèse [mariage de Marie Thérèse Bouvet avec Jacques Rabut,

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1