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L'Exilé volontaire: Tome III – La Résurrection du Réel
L'Exilé volontaire: Tome III – La Résurrection du Réel
L'Exilé volontaire: Tome III – La Résurrection du Réel
Livre électronique364 pages4 heures

L'Exilé volontaire: Tome III – La Résurrection du Réel

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À propos de ce livre électronique

Ce roman établi d’après des faits historiques réels, retrace un épisode de la conquête de l’Amérique latine, qui a l’air de vouloir se répéter entre l’orient et l’occident d’aujourd’hui.
Sur les traces du premier âge de sa vie d’homme, jusqu’à ce jour, Alexandre réalise que l’uchronie historique de notre civilisation n’a rien de fictif. Il sera entraîné malgré lui à côtoyer ce que ce nouveau siècle propose d’offrir à ses visiteurs de plus magnifique, comme de plus noir, sur le plan des sentiments humains utilisés comme alibis dans le domaine de l’Amour ainsi que dans celui de la barbarie.
Du trafic d’œuvres d’art, à celui de l’imposition d’une idéologie de conquête instituée par les nouveaux conquistadors, nous sommes plongés dans une histoire qui s’est malheureusement produite et semble vouloir se perpétrer avec plus de sauvagerie encore que n’ose vous la conter l’auteur.
Hilaire de l’Orne.
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditions du Net
Date de sortie20 avr. 2018
ISBN9782312058405
L'Exilé volontaire: Tome III – La Résurrection du Réel

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    Aperçu du livre

    L'Exilé volontaire - Hilaire De L'Orne

    Avertissement

    Ce roman est une œuvre d’imagination, qui ne saurait être considérée comme une source d’informations infaillibles. Il est la transcription d’histoires vraies. Tous les lieux décrits dans cet ouvrage sont réels, certaines situations et événements le sont aussi. Les personnages choisis dans cette intrigue, demeurent néanmoins en grande majorité fictifs. Toute ressemblance avec des personnes réelles, existantes, ou ayant existé, ne serait bien sûr que pure coïncidence.

    H. De L’O.

    Chapitre 1

    En provenance de Punta Délgada aux Açores, « The Pearl » embouqua dans les passes du port de Barcelone. Face à la colonne de Colomb, le navire manœuvra avec aisance, évita sur lui-même, exécutant un accostage précis, empreint d’élégance.

    Deux fois par an, au cours de sa traditionnelle escale Espagnole, ce navire d’exception dépassant les cinquante mètres, à l’aspect nacré, suscitait l’admiration des curieux, comme des marins avertis. Ce vaisseau reflétait la prouesse d’un accord parfait entre l’audace de son design moderne et la finesse de ses lignes ayant su conserver un caractère maritime harmonieux.

    Ses trois ponts enveloppés de glaces étincelantes, la finesse de son étrave, sa passerelle hérissée de technologie, contribuaient au prestige de ce bâtiment. L’intonation grave, caractéristique de ses moteurs, s’atténua sans disparaître tout à fait au moment du passage à terre des aussières croisées dans un ordre complexe de gardes montantes et descendantes.

    Les hommes d’équipage firent descendre le long du bord une passerelle, jusque sur le quai. Le nom du super yacht apparut de part et d’autre sur les toiles de pudeur de la coupée vernissée. Puis ce fut au tour du passage des câbles électriques et leur raccordement avant la mise bas les feux et le silence profond, laissant deviner la stupéfiante puissance des organes de propulsion.

    Le pavillon de courtoisie Espagnol fut hissé dans le mât de servitude tribord ainsi que celui formulant la demande du passage des douanes. À la poupe, le drapeau panaméen n’avait rien d’un pavillon de complaisance pour son propriétaire qui avait choisi de vivre principalement à bord.

    Euclide Marquez, plus connu sous le pseudonyme d’El Chapeau, était un citoyen originaire du Mexique où il avait fait fortune en revendant aux militaires de ce pays, des stocks d’armes qu’il s’était appliqué dans un premier temps à leur voler. Devenu prospère, il avait transporté des substances illicites depuis l’Amérique Latine en direction des États-Unis pour conforter son patrimoine.

    Au cours de cette même période, il lui était arrivé de participer à l’approvisionnement en demoiselles de compagnie à destination des lupanars de Saint Domingue.

    À présent, il occupait son existence riche du butin de ses précédents commerces, en revendant des œuvres d’art précolombiennes détournées au cours de fouilles ou issues de prélèvements indélicats de la part de directeurs de musées.

    Ses yeux d’un bleu profond révélaient quelque chose d’étrange et de déroutant. On eut dit qu’il lisait dans les pensées de ses interlocuteurs afin de déjouer par avance leurs intentions cachées. Il possédait l’art de mettre les gens si mal à l’aise qu’il paraissait impossible de lui mentir sans avoir à le payer de sa vie.

    Euclide apparut sur la plage arrière de son yacht vêtu d’un blazer marine ajusté, d’un foulard de soie blanche, d’un pantalon de toile lie de vin et de docksides écrues. Sa petite taille lui avait valu dans le milieu le surnom d’El Chapeau n’ayant à offrir à ses contradicteurs que les larges bords de son feutre.

    Les autorités portuaires arrivèrent en premier, peu avant les douanes. Ils avaient l’habitude d’être reçus comme des hôtes de marque et ne s’attardaient pas à inspecter le navire derrière les portes des placards, ni au fond des tiroirs. Pourtant sous leurs yeux, dans un décor cossu fait d’aquariums géants, trônaient des objets de cuivre, d’or et de platine ayant appartenu aux Incas, aux Mayas ou aux Aztèques. Le ballet multicolore des poissons exotiques masquait toutes ces merveilles avec le plus grand naturel. Nombre de ces objets immergés figuraient en bonne place sur les listes noires de l’ICOM : la communauté muséale mondiale chargée de retrouver et de poursuivre les receleurs d’œuvres volées.

    Euclide Marquez avait déjà effectué une première livraison de ces précieuses reliques lors de sa précédente escale aux Açores. Il procédait toujours de la même manière pour exercer son commerce. Dans des eaux internationales, il contactait ses clients via des sites codés pour leur communiquer le catalogue des pièces faisant l’objet d’une vente. Puis par l’entremise d’une visioconférence, il animait depuis la haute mer des enchères privées.

    Les livraisons avaient lieu dans un port discret, peu réputé pour un trafic quel qu’il soit. Les collectionneurs fortunés se servaient ordinairement d’un intermédiaire pour récupérer leurs chef-d’œuvres. Marquez, les confiait alors à un homme de paille qui exerçait la plupart du temps la profession d’antiquaire, ou de commissaire-priseur.

    À Barcelone, il ne lui restait plus qu’un seul trophée à livrer à un expert devenu producteur de télé-achat, spécialisé dans l’évaluation d’œuvres d’art : un masque d’or attribué à Atahualpa.

    Selon la légende entourant ce masque, il aurait été réalisé d’après une empreinte d’argile prise sur le crâne décapité de l’empereur Inca. Cette opération de moulage aurait été réalisée à l’insu des Espagnols souhaitant effacer toute trace de l’existence de cette civilisation. Ce masque était l’unique représentation physique du souverain ayant réussi à traverser les siècles. Le prix de cette transaction assurait à lui seul une belle avance sur les vacances d’Euclide. Il avait obtenu cette pièce historique de la main de son complice le directeur du musée Soumaya de Mexico city. Selon Alonso Coello l’effigie exposée au public aujourd’hui, n’était qu’une pâle copie.

    Euclide, depuis la plage arrière contemplait le World Trade Center ibérique érigé sur la lagune. Il jeta négligemment par-dessus bord le havane qu’il venait d’allumer pour saluer avant leur départ les autorités espagnoles qui s’apprêtaient à débarquer. Il se rendit ensuite à la passerelle pour transmettre au capitaine ses instructions concernant cette escale qu’il souhaitait courte. Avant de se rendre à terre, il récupéra à l’aide d’une épuisette le masque d’or d’Atahualpa au fond de l’aquarium panoramique du salon. Après l’avoir séché délicatement, il l’enveloppa et le glissa dans une trousse de toilette portant le sigle d’un grand parfumeur.

    Il se rendit dans sa suite pour y déposer la trousse bien en évidence dans sa salle de bain. Puis il revint à la passerelle et depuis la radio du bord souhaita être mis en contact avec la blanchisserie lavadoras Baufor. À celle-ci, il demanda que l’on passe prendre le linge du yacht rappelant que seul José Rocca, possédait l’autorisation de monter à bord. Il confia la clef de ses appartements au capitaine Chris Walker, à l’attention de Rocca pour qu’il récupère le linge de sa cabine.

    En posant le pied sur le quai, il éprouva le plaisir furtif bien connu des marins privés des oscillations de la houle retrouvant la terre ferme. Il esquissa un bref sourire à l’adresse de son bateau. Il ressentait pour lui des sentiments que les gens « ordinaires » n’avaient pas l’habitude d’attribuer aux objets.

    Devant lui, le centre commercial Marémagnum et à droite la silhouette de la colline Montjuïc. Il hésita, puis réalisa avoir encore le temps de se rendre à pied jusqu’au « London bar » au 34 Avenidas de las Ramblas. Il était encore possible de déguster dans ce lieu de perdition une absinthe hors du commun que n’auraient renié ni Hemingway ni Dali, tous deux grands adorateurs de la « Fée Verte ».

    En chemin, il croisa en les évitant soigneusement nombre de mendigots et de parasites faisant la manche. Il se refusait à subventionner ces dilettantes d’un genre nouveau, mais se renouvelant sans cesse depuis la nuit des temps.

    Barcelone, heureusement, n’avait pas à offrir que la Sagrada Familia ou la casa Calvet de Gaudi. Euclide n’avait pas envie de se faire bousculer par les touristes. Il n’était pas d’humeur à les supporter avec leurs poussettes, leurs gamins dans les jambes, leurs cellulaires greffés au bout du bras, ne sachant plus visiter une ville qu’à reculons pour immortaliser d’incomparables portraits d’eux-mêmes.

    Au « London bar », Marquez put observer attentivement la clientèle constituée principalement de touristes, en attendant que la petite flamme bleue de sa boisson n’ait fait disparaître le trop plein d’alcool dans son verre. Les consommateurs atypiques, après quelques tournées, troquaient leur apparence de « bobos décadents » aux discours artificiels contre des propos appartenant aux préoccupations d’êtres issus du commun. Leur vocabulaire finissait toujours par trahir leurs origines sociales.

    Après avoir repris une seconde absinthe, il eut envie de se rendre dans le quartier d’El Raval. Ce barrio comportait suffisamment de coins douteux, sombres et bruyants pour le satisfaire. C’était un lieu pauvre et lugubre ayant de faux airs de celui dans lequel il avait grandi au Mexique.

    Une zone vivante sans être trop sale ni crasseuse, multiculturelle, avec un grand nombre de bars et d’échoppes dans lesquels fleurissaient la prostitution et leurs mères maquerelles qu’il surnommait amicalement les reines des abeilles. Un ghetto authentique, un lieu de prédilection pour personnages de romans noirs, peuplé de maquereaux et de pickpockets. Un trou rassemblant tous les oubliés de la terre, animé d’une fébrilité de chaque instant, de l’ombre à la lumière, donnant le tempo qui accélère l’écoulement du sang dans les veines. Enfin, un endroit cosmopolite qui n’est pas fait pour plaire à tout le monde. Surtout pas à ceux qui pourraient avoir peur de rencontrer la vraie vie, ou bien par hasard le reflet de la leur.

    Après avoir dépassé El Gato, la sculpture du chat de Botéro sur la rambla d’El Raval, Marquez se dirigea vers la carrer de la Cerro au No 23. Il y avait table ouverte à toute heure, chaque jour de l’année. Il appela José Rocca pour savoir si le transfert du linge s’était bien déroulé. Satisfait par le bon enchaînement des opérations, il se détendit et commanda un plat de « Poulpe à Féria » servi comme en Galice avec de l’huile d’olive, des pommes de terre, des poivrons et du paprika. Le tout présenté comme il se doit dans une assiette en bois.

    Entre deux bouchées, il interrogea depuis son smartphone l’avancement des écritures bancaires de son portefeuille financier afin de s’assurer que la seconde partie de la transaction de Barcelone avait bien été enregistrée sur les comptes offshores de son destinataire. Tous les hommes avaient un prix, il suffisait de savoir à partir de quelle somme tout devenait possible pour celui que l’on désirait corrompre. C’était l’argent qui de tout temps avait fait tourner le monde et qu’il soit propre ou sale, dans une très large majorité des cas, cela ne faisait aucune différence pour celui qui en profitait.

    Pour fêter cette nouvelle victoire sur les vicissitudes de l’existence, il commanda un verre de Cocoricos, titrant pas moins de 96°. Ce délicieux breuvage Bolivien composé de sucre de canne dont la légende voulait que l’on perde la vue dès la seconde gorgée, avait la préférence de Stevie Wonder, expert incontesté en matière de drogues dures.

    À l’issue de ce repas, Euclide prit la direction du port en se repérant grâce aux tours jumelles du front de mer. Après quelques pas mal assurés, et victime d’une insidieuse fatigue alcoolisée, il héla un taxi pour regagner son yacht.

    Le lendemain, Euclide ayant retrouvé toutes ses capacités physiques, demanda au capitaine que l’on accélère les opérations d’avitaillement. Il consigna dans le journal de bord une remarque mentionnant qu’un risque météo sur l’atlantique nord interdisait que l’on s’attarde trop en Méditerranée. L’officier de quart n’était pas dupe de ce prétexte maladroit du propriétaire. Après deux tours du monde, il possédait une solide expérience des caprices du temps. Il savait qu’en cette saison rien ne s’opposait à ce que l’on traverse l’atlantique en pédalo. Néanmoins il donna les ordres pour que les dispositions d’appareillage soient prises dans la journée. Le personnel à terre fut rappelé, assigné à faire les pleins et à embarquer les vivres avant de reprendre le large au couchant.

    Dans ses appartements, affairé à son bureau, Euclide entendit avec satisfaction le puissant réveil des cinq mille chevaux Rolls-Royce. Cette sonorité si particulière l’emplissait d’un contentement animal. Sans s’attarder à terminer ce qu’il examinait, il abandonna son dossier sur son bureau pour rejoindre la passerelle. La nuit avait déteint sur l’eau du port, la colorant d’un noir profond d’encre de chine. La surface luisait sous les feux du yacht et s’irisait à la ligne de flottaison au contact d’une eau bioluminescente d’un bleu safre due au phytoplancton.

    À bord, sur le pont passerelle, les instruments de navigation éclairaient d’une fluorescence verte à demi irréelle le poste de commandement où se décidait la marche du navire.

    Euclide aimait se retrouver sur la dunette la nuit à l’abri des regards du monde, s’immergeant tout entier dans cette scène immense du théâtre vide des océans.

    Au cours de la manœuvre chacun restait silencieux, enveloppé dans ses pensées où résonnaient une dernière fois les bruits de la ville. L’ambiance des appareillages renforçait ses convictions concernant l’espèce humaine qui ne pouvait compter en son sein que des marins ou ceux qui rêvaient de l’être. Les autres s’apparentant à des animaux domestiques programmés pour obéir, et satisfaire les désirs de leurs maîtres.

    Sur l’aileron extérieur, tournant le dos au large, il goûtait la progression qui l’éloignait du quai pour saisir les derniers échos de la terre frémissante dans le reflet des lumières de la côte. Puis peu à peu, la houle du large se faisait sentir en imprimant au navire, un doux mouvement de métronome et l’air plus chargé d’embruns parvenant jusqu’aux poumons des marins, leur signifiait leur nouvel état d’appartenance avec l’océan.

    Au long des heures et des jours, les hommes réapprenaient la mer avec à chaque premier contact d’une nouvelle traversée, le regard fermé quelque peu méfiant. Ils pressentaient qu’elle pouvait se montrer d’humeur changeante malgré l’attirance de ses reflets.

    Lentement, à l’approche des îles, la lumière changeait jusqu’à ce qu’elle semble plus réelle ou plus mystérieuse, mais il s’agissait souvent d’une lumière pâle n’ayant rien de céleste, masquée par des reliefs qui au loin ne ressemblaient à rien. Une lumière mangée par la terre traînant sur les choses comme des reflets de soleil mort.

    Après un fort coup de vent, ce qui avait été un crépuscule blême, ressemblait à un soir d’été et devenait sans l’intermède de la nuit quelque chose comme une aurore reflétant de vagues traînées roses.

    La mer n’offrait jamais de répit à ceux qui l’avaient choisie, leur faisant comprendre à tout instant qu’elle pouvait se montrer bien plus forte qu’eux. La houle entamait un dialogue secret avec la main du barreur. Celui-ci devant prendre en compte ses mouvements, en laissant partir l’étrave sur le dos de la vague pour mieux équilibrer le yacht sur l’arrière de celle-ci.

    Puis après le détroit de Gibraltar, ce furent les colonnes d’Hercule, les îles Canaries et des milliers de miles restant à courir jusqu’au golfe du Mexique. La traversée se déroula comme l’avait prédit Chris Walker, par un temps de demoiselle.

    Ayant pénétré dans les eaux territoriales Vénézuéliennes, Euclide ordonna de mettre le cap sur Maracaibo, faussant compagnie pour un temps aux poissons volants et aux dauphins.

    Il avait l’intention d’avitailler au Los Andes Yacht Club, dont il était un membre permanent, avant le franchissement du canal de Panama. Le navire passa sous le pont Raphaël Uranite, qui avec ses huit kilomètres de long en faisait l’une des plus longues constructions en béton du monde. Sur place « The Pearl » put embarquer tout ce dont un équipage pouvait rêver au prix le plus avantageux.

    Conformément à son habitude après une longue traversée de l’atlantique, Euclide donna quartier libre au personnel du bord, à l’exception du capitaine chargé de la préparation administrative du franchissement du canal de Panama. Ce dossier complexe nécessitait des connaissances maritimes spécifiques à cet endroit du globe, mais également des qualités diplomatiques indispensables à la collaboration avec les autorités locales.

    À terre, il tenta de joindre sans résultat Alonso Coéllo, le directeur de l’exposition préhispanique au musée Soumaya de Mexico. Comme convenu, il lui avait fait parvenir sa part de bénéfice après la vente du masque, mais n’avait pas reçu de nouvelle en retour. La disparition du masque d’or original d’Atahualpa et sa substitution par une contre-épreuve en cuivre doré, n’avait apparemment pas posé de problème. Pour sa part, il avait respecté les termes du contrat, mais ce silence ne lui inspirait rien de bon.

    Il planait sur Atahualpa beaucoup de légendes, un peu comme en Égypte concernant la malédiction entourant la disparition de lord Carnarvon, après qu’il ait violé la tombe de Toutankhamon. D’après certains témoins, des membres de son expédition ayant participé à l’exhumation du sarcophage auraient péri dans des conditions encore inexpliquées de nos jours.

    Euclide en saurait sans doute davantage lorsqu’il serait parvenu côté pacifique, à Panama City, ou au terme de son voyage en mer de Cortés.

    Côté Caraïbes, le dernier port à accueillir « The Pearl » fut celui de Cristobal, sans parler de la zone franche du port de Colomb. Quatre-vingts kilomètres et quelques écluses plus tard, Balboa et la côte pacifique s’offraient à eux, non sans avoir salué au passage le gigantesque pont des Amériques. Un féérique coucher de soleil se reflétant sur les tours de la capitale, salua le passage du yacht. Il agrandissait le décor déjà immodéré de la naissance de cet océan appartenant au nouveau monde.

    Après une nouvelle escale à Panama City, ce dernier intermède à terre leur apparut suffisant. Au cours des relâches au port, il arrivait que l’on s’imagine ce que l’on ferait si l’on était redevenu un terrien avec davantage de temps et d’argent.

    En mer, les hommes vivaient dans un espace hors de l’intervalle des minutes, débarrassés de cette limite imposée par le chronomètre et des contraintes matérielles ou sociétales. L’instant présent en mer remplaçait avantageusement tous les futurs imaginaires devenus inutiles dans l’élément liquide, indifférent au rythme des heures. À quoi pouvaient bien servir à bord les inventions ou les idées des hommes sur cette eau qui ne conservait nulle trace de leur passage, dans ce paysage qu’il était impossible comme sur terre, d’aménager ou de normaliser à sa convenance.

    Rien ici-bas ne pouvait rivaliser avec ces sensations de vertiges, autorisant un être à vivre des émotions illimitées. Seule la mer possédait cette vertu de révéler à l’homme un choix d’autres lui-même, jusqu’à ce qu’il se reconnaisse dans un être vrai, ainsi Euclide Marquez se surprit bien malgré lui, au cours de ses réflexions, à envier les honnêtes gens.

    Ils remontèrent la côte Pacifique bordant le Costa-Rica, le Nicaragua, le Salvador, le Guatemala, pour parvenir enfin à Loreto au Mexique.

    Ce gros bourg comportait une petite marina dont la caractéristique principale reposait sur la présence d’alligators de mer. Ils semblaient vouloir s’attribuer les meilleures places entre le mouillage des yachts. Cette cité balnéaire d’un intérêt confidentiel était devenue le port d’attache d’Euclide.

    Il y possédait un luxueux appartement qu’il n’occupait que rarement, donnant sur le malecon, d’où il pouvait apercevoir son écrin de nacre qu’aucun touriste n’omettait d’immortaliser en mode selfie. Il démobilisa son équipage jusqu’à sa prochaine campagne maritime, ne prévoyant plus de naviguer avant plusieurs mois.

    Après quelques heures, il réessaya de prendre contact avec Alonso Coéllo au musée, mais toujours sans résultat. Il lui laissa des messages et se donna jusqu’au lendemain avant de descendre à Jalisco, où il avait l’habitude de louer un modeste Cessna monomoteur pour atterrir quatre heures de vol plus tard à Mexico city.

    Au cours de la nuit, privé de la lente oscillation du pont de son navire, il eut toutes les peines du monde à trouver le sommeil. Parmi ses interrogations, sa détermination à se rendre dans la capitale ne fit que s’accroître.

    Comme chaque matin, une tasse de café à la main, accoudé au balcon de son pied-à-terre, il contemplait son bateau à qui mentalement il adressait des propos flatteurs. Un détail inhabituel de sa silhouette capta son regard. Dans le mât de courtoisie il devina quelque chose d’accroché ou de pendu. Pour en avoir le cœur net, il se saisit de sa longue-vue d’ornement, endormie sur le buffet du salon et scruta avec attention l’objet, qui ressemblait à un sac de toile entortillé autour d’une drisse.

    Le vent au cours de la nuit, avait dû transporter jusque sur la dunette cette cochonnerie, qu’il n’autoriserait pas à séjourner là plus longtemps. Il termina son café, finit de s’habiller, avant de se rendre d’un pas décidé à bord de son yacht.

    Au fur et à mesure qu’il se rapprochait du ponton où était amarré « The Pearl », il eut la conviction qu’il ne s’agissait pas d’un objet amené par les caprices du vent, mais d’un sac ayant été déposé là volontairement.

    Dans quelle intention des étrangers étaient-ils montés à bord sans autorisation ? Euclide se dit qu’à l’avenir il serait peut-être bien inspiré de laisser un homme de main en permanence sur son bateau. Il parvint, non sans difficulté, à se hisser sur le roof de la dunette pour décrocher ce qui ressemblait vaguement à un sac de sport contenant un ballon de foot.

    Piqué par la curiosité il l’ouvrit, au lieu de le jeter par-dessus bord sans plus d’égard que l’on en avait eu en s’invitant à bord.

    En tâtant ce qu’il croyait être un ballon, Euclide réalisa toute l’horreur de la situation. Une tête était grossièrement enveloppée dans le fond de ce sac. Il se mit à l’abri des regards à l’intérieur de la passerelle, avant d’extraire sa macabre découverte.

    En extirpant du sac le crâne enveloppé dans la poche de plastique transparente, Euclide reconnu Alonso Coéllo. Il faillit négliger au fond du sac la présence d’une pochette de cuir. Il la récupéra, l’ouvrit et en dégagea un billet d’avion pour Nassau, la capitale des Bahamas, ainsi qu’un message sur lequel était inscrit :

    « Tu vois Euclide, les êtres qui manquent de discrétion ne connaissent pas les joies que procure une vieillesse heureuse, on est jamais ni redoutable, ni redouté très longtemps, ça agace tes ennemis et désespère tes amis. La mort d’Alonzo n’a rien d’ordinaire, ni de naturelle, il n’y a que lorsque l’on vit normalement que l’on a une chance de mourir en paix. Seuls les voleurs comme nous attachent un prix à la valeur des choses, les honnêtes gens que tu détrousses, sont les derniers à accorder stupidement de la valeur aux choses bien qu’ils en ignorent souvent le prix…

    Je te propose de nous rencontrer, nous avons tant de choses à nous dire. »

    Suivi d’une simple adresse.

    Chapitre 2

    Au manoir, les préparatifs du mariage étaient déjà bien avancés. Emmanuelle n’avait pu s’empêcher d’intervenir dans l’élaboration du déroulement de la cérémonie de l’union d’Alix et de Dominique. La responsable de la société en charge de cet événement avait plus d’une fois juré qu’elle démissionnerait au prochain bouleversement de son travail. Mais le montant du contrat, autant que la notoriété des participantes l’en avait dissuadée.

    Alix avait finalement cédé à Dominique devant son empressement et sa constance à vouloir officialiser sa liaison avec elle. Ils avaient décidé de convoler à l’issue de cinq années de vie commune s’étant déroulée sous les meilleurs auspices. Elle et lui, n’auraient pu trouver, compte tenu de leur caractère respectif, partenaire mieux assorti.

    Leur couple était venu s’établir à Barcelone auprès de leurs amis Alexandre et Emmanuelle à nouveau réunis. Dominique avait délégué sa modeste influence auprès de sa fiancée, à son autre lui-même, Alexandre. Les deux couples se recevaient fréquemment, formant une communauté de pensée après avoir partagé plus de choses qu’une vie ordinaire n’aurait pu en contenir.

    En l’absence de Dominique retenu à Paris, Londres ou Bruxelles par des enquêtes au caractère international, Alix demeurait au manoir chez ses amis. Elle appréciait d’avoir retrouvé Emmanuelle, revenue du Brésil sans Raymond qu’elle n’appréciait pas outre mesure, soupçonnant qu’il s’agissait d’un coureur de dot, une sorte de « Sanky-Panky ». Emma avait réussi à sauvegarder la fortune que lui avait laissé Sophie en disparaissant{1}. Elles partageaient à présent au cours de leurs soirées Barcelonaises, par épisodes, des souvenirs de leur vie s’étant déroulée à Saint Domingue.

    Le bâtiment du dix-huitième siècle, sous la direction d’Alexandre, avait subi d’importants travaux de rénovation. Il offrait des suites avec leurs bureaux et pièces d’eau qui en faisaient d’agréables appartements indépendants permettant de s’isoler et de vivre avec bonheur sans craindre de troubler la quiétude de ses hôtes.

    Au premier étage, huit studios occupaient l’espace. Au rez-de-chaussée, bureau, bibliothèque et salons avaient été modernisés et meublés selon les goûts d’Emmanuelle. Au sous-sol, la discothèque du jeune Luc{2}, avait cédé la place à une salle de billard ainsi qu’à un cabinet de projection privée. Le parc arboré s’était enrichi d’essences tropicales rappelant à leur

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