Afrique du Sud: Les cicatrices de la liberté
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À propos de ce livre électronique
Comprendre l’Afrique du Sud exige à la fois de connaître et d’oublier Nelson Mandela. Ce dernier est partout, gravé dans l’imaginaire mondial comme le héros d’une émancipation gagnée dans la paix. Mais les Sud-Africains « nés libres » dénoncent une liberté inachevée. Le pays vit au fil de ses convulsions. Il se cabre à la manière des fauves de ses parcs nationaux ou des flots rugissants du Cap de Bonne-Espérance.
Ce petit livre n’est pas un guide. Il raconte l’âme d’un peuple qui souffre et vit en même temps. Parce que pour le comprendre, il faut avoir entendu le cri de sa terre fracturée et si souvent blessée.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Sébastien Hervieu est journaliste indépendant, ancien correspondant du Monde en Afrique du Sud et ex-responsable Afrique de Courrier international. Il est aujourd’hui basé en Côte d’Ivoire.
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Aperçu du livre
Afrique du Sud - Sébastien Hervieu
AVANT-PROPOS
Pourquoi l’Afrique du Sud ?
Nelson Mandela. Combien de pays peuvent se résumer à un seul nom ? Vingt-sept années passées derrière les barreaux pour arracher la liberté de la majorité noire feront de lui le premier président de l’Afrique du Sud démocratique. Pourtant, à l’annonce de sa mort un doux soir de décembre 2013, les Sud-Africains hésitent. Certains dansent pour célébrer le héros devant sa résidence cossue de Johannesburg, d’autres n’ont guère envie de se déplacer malgré le déferlement des caméras du monde entier. Le jour de la commémoration nationale, sous les yeux des dignitaires étrangers, à peine la moitié des gradins du stade près de Soweto, conçu en forme de calebasse¹, seront occupés.
Mille-feuille de peuples, formés par des siècles de migrations continues, des communautés bantoues aux colons européens, l’Afrique du Sud a besoin d’un ingrédient clé pour tenir ensemble : l’espoir. Face à l’ordre établi, le combattant xhosa Mandela, avec l’aide de ses camarades du Congrès national africain (ANC), avait ainsi incarné une puissante conviction : rien n’est jamais impossible. L’inébranlable peut un jour vaciller.
Sur cette terre rouge ocre qui a trop saigné, meurtrie par plus de trois siècles d’oppression raciale d’une brutalité inouïe, les Sud-Africains se sont forgés dans la lutte. Ils en sont fiers. Fiers d’avoir imaginé un avenir où chacun aurait sa place. Fiers d’être cette nation « arc-en-ciel » qui a séduit le reste du monde. Fiers d’offrir à l’étranger leur philosophie de l’ubuntu dans laquelle un être humain n’existe que grâce à tous les autres. La promesse d’un monde profondément fraternel.
Ils s’appellent Sihle, Zanele ou encore Mangi. Dans les ruelles entremêlées des townships d’Alexandra ou de Khayelitsha, vous les trouverez assis chez eux, dans des shacks, ces patchworks brinquebalants de bouts de tôles d’une unique pièce. Ou au shebeen du coin, attablés dans ces gargotes illégales sous l’apartheid. La vingtaine, ils appartiennent à la génération des born free, les « nés libres ». Ils sont venus au monde quand leurs parents et grands-parents ont mis pour la première fois un bulletin dans l’urne en 1994. Le régime ségrégationniste de la minorité blanche figure dans leurs livres d’histoire.
Sont-ils libres pour autant ? Un silence. « Eish… » répondent-ils, de cette interjection si répandue mais intraduisible. Comprenez : « C’est compliqué ». Ces jeunes Noirs veulent choisir leur vie, mais un chômage massif les enferme dans un immobilisme désespérant. Leurs frustrations grandissent. L’Afrique du Sud ne quitte pas le podium des pays les plus inégalitaires au monde. Au loin, de l’autre côté de l’autoroute de 2x4 voies, derrière les hauts murs surmontés de barbelés et de caméras de surveillance, ils constatent qu’une minorité reste privilégiée. Majoritairement des Blancs, mais désormais rejoints par une petite partie des Noirs, nouveaux arrivants de la classe moyenne.
La colère des laissés-pour-compte de la nouvelle Afrique du Sud est sourde, mais se fait de plus en plus entendre. Dans les rues, dans les mines, sur les campus, on « toy-toye » comme sous l’ordre ancien. Une contestation en dansant, chantant, criant, en brûlant des pneus et des poubelles pour rendre la grogne plus spectaculaire. « Le bulletin de vote ne se mange pas », crie-t-on.
Les discriminations héritées du passé sont encore trop présentes. Comment les Sud-Africains peuvent-ils s’émanciper dans un pays qui demeure une « maison hantée » s’interroge, implacable, la poétesse Koleka Putuma². Pour cette « née libre » qui explore « la douleur noire », l’oppressé et l’oppresseur n’ont pas disparu dans cette démocratie qui ne serait que de façade.
« Nous sommes une société qui est blessée, abîmée par notre passé, paralysée par notre présent, et hésitante sur notre avenir » résumait le chef de l’État Cyril Ramaphosa, peu de temps après son accession au pouvoir en 2018. « Cela expliquerait pourquoi nous sommes si facilement enclins à la colère et à la violence. »
Comment alors accéder à la liberté ? C’est « un long chemin » avait constaté Nelson Mandela³. La route est sinueuse. Ami visiteur, accrochez-vous, l’Afrique du Sud n’est pas de tout repos. Son peuple a l’âme tumultueuse et tourmentée. Volontiers frondeur, il aime gronder. Fier d’exister.
1 Fruit aux parois dures, servant de récipient.
2 Collective Amnesia, 2017.
3 Un long chemin vers la liberté, 1994.
Les cicatrices de la liberté
Bienvenue au pays aux… onze langues officielles. Zappez à l’heure du dîner, vers 18 h 30, sur la SABC, la télévision publique, et vous tomberez sur un sitcom et un épatant numéro d’équilibriste. Un acteur enchaînera, dans une même réplique, des phrases en zoulou, xhosa, tswana, pedi. Ses partenaires de tournage feront de même. Leur mission : respecter au mieux les quotas liés au poids de chaque communauté sud-africaine. Les sous-titres en anglais, langue minoritaire dans le pays, vous sauveront, mais les Sud-Africains, polyglottes dans leurs foyers, s’y retrouveront. La devise nationale des 59 millions d’habitants n’a pas été choisie par hasard : « l’unité dans la diversité ».
Le régime ségrégationniste de l’apartheid avait rangé les Sud-Africains en quatre catégories : les Noirs (aujourd’hui 80 % de la population), les Coloured ou métis (9 %), les Blancs (8 %), et les Asiatiques (2,5 %). Une classification grossière qui masque l’infinie diversité des communautés, et la fluidité d’un groupe à l’autre.
C’est vers le troisième siècle que les premiers habitants de ce territoire de la pointe sud de l’Afrique, les San et les Khoïkhoïs, ont vu descendre du nord les communautés bantoues, d’où sont issus la majorité des Noirs. D’un côté, le groupe Nguni comprenant les Xhosas, les Swazis et surtout les Zoulous, l’ethnie majoritaire. Cette dernière s’imposera comme la plus puissante lorsque au début du dix-neuvième siècle, son roi Shaka mena une « guerre illimitée » (Mfecane) pour étendre considérablement le royaume zoulou.
De l’autre côté, le groupe Sotho avec les Pedis, les Tswanas, les Ndebeles et les Basothos. Ces subdivisions ethniques ont toujours été manipulées
