Carole, je vais te tuer: Un roman noir psychologique
Par Franck Linol
()
À propos de ce livre électronique
Alors qu’ils filaient de longs jours heureux dans la maison de leurs rêves, Carole annonce subitement à Alex qu’elle le quitte. La violence et l’immédiateté de cette rupture plongent Alex dans une rage folle.
S’amorce alors une descente aux enfers dans laquelle ce jeune professeur d’université n’envisage plus qu’une seule issue à l’insupportable souffrance qui le submerge : tuer Carole, celle avec qui il avait fait tant de projets, celle qu’il a toujours admirée, celle qu’il a tant aimée. Toute l’histoire converge alors vers une seule interrogation : Alex mettra-t-il à exécution son projet ? Jusqu’où va l’entraîner cette fièvre meurtrière ?
Dans ce roman noir, Franck Linol explore les méandres de l’âme humaine et analyse le basculement d’un homme ordinaire dans l’inhumanité.
EXTRAIT
« Alex, je ne t’aime plus… » Ces mots résonnaient dans sa tête comme un écho qui n’en finit plus. Quand on est capable d’articuler cette phrase définitive, sans appel, c’est qu’il ne reste plus rien. La phrase la plus terrible qu’il soit possible d’entendre, et pourtant ces mots mis bout à bout sont fades, inodores et quelconques. Il aurait préféré qu’on lui dise : « Alex, tu vas mourir. »
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Franck Linol a fait une infidélité au polar pour nous plonger dans ce roman noir. Même en hors piste, il met dans le mille. Son style est désormais bien ancré et inimitable. - France Bleu
Un roman noir sans fioritures et tellement réaliste qu'il sort des sentiers battus et tire magistralement son épingle du jeu.
À lire de toute urgence pour les fans du genre ! - Yumiko, Babelio
À PROPOS DE L'AUTEUR
Franck Linol est né à Limoges où il est aujourd’hui enseignant et formateur à l’IUFM. Grand amateur de romans policiers, il apprécie tout particulièrement les atmosphères d’Henning Mankell et l’expression du sentiment tragique de la vie chez Jean-Claude Izzo. Il avoue un réel attachement pour l’œuvre de René Frégni. Il s’est lancé dans l’écriture pour simplement raconter des histoires, mais aussi pour témoigner des dérives d’une société devenue dangereuse pour la liberté de chacun.
En savoir plus sur Franck Linol
Meurtres en Corrèze Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe crime de la tour K: Polar Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Lié à Carole, je vais te tuer
Livres électroniques liés
Dernier homicide connu: Thriller Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMortelle banquise Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMorts suspectes à Belle-Île: Les trois Brestoises - Tome 15 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDernier tour de manège à Cergy: Une enquête du commandant Perrot - Tome 1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne ville mystérieuse: Suivie de Le lynchage et Le repos éternel Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationIntrication infernale: Une nouvelle aventure du commissaire Paul Berger Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe cycle du mal: Tome 3: Immondanités Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Café des Délices – tome 2 – De respirer, j'ai arrêté Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe scénographe: Quand la mort ne suffit pas... Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn Pavé dans la Loire: Une enquête du commandant Agnès Delacour - Tome 1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCe qui ne tue pas Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes contes interdits - Blanche neige Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Nulle raison d’être Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCrimes à Temps perdu: Polar Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDerrière le masque Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEmynona: Jeu Mortel : Quand la Proie Devient la Cible d'un Psychopathe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRepentance Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe retour d'Arsène: Une enquête du commissaire Velcro - Tome 10 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAs-tu rêvé?: Les Cauchemars de Gabriel : Entre Enquête et Malédiction Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'asile Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRéversibilité Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEffets secondaires: Thriller fantastique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa femme écartelée: Les enquêtes de Marc Deauville Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Brume de l'oubli: Les Souvenirs Oubliés, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa maison d’à côté (Un mystère suspense psychologique Chloé Fine – Volume 1) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMeurtres à la Pépinière: roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCondamné à Disparaître (Un Mystère Adèle Sharp – Volume 8) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa malédiction du bestseller Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRochefort: Les lettres assassines Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCondamné à fuir (Un Mystère Adèle Sharp — Volume 2) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Romance à suspense pour vous
La Tentation de l’Alpha: Alpha Bad Boys, #1 Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Mon Tourmenteur: Une romance Dark: Mon Tourmenteur, #1 Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5La Vierge des Loups Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Contrat Du Milliardaire - Tome 1: Le Contrat Du Milliardaire, #1 Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Obsession: Vices et Vertus Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Captive de la Mafia: Trilogie Mafia Ménage, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationInnocence volée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa neige la plus sombre Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Capture-Moi: Capture-Moi: Volume 1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDeuxième Leçon Évaluation : 2 sur 5 étoiles2/5Les liaisons dangereuses (Illustré) Évaluation : 2 sur 5 étoiles2/5Wake Me Up Vol. 1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPremière Leçon Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPleins aux as: L’enfer de Burberry Prep, #1 Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Liaisons Interdites Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUnholy Vow: Mafia Romance (Français): Heirs of Vice (Français), #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNe fermez pas ma tombe Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Achetée par le milliardaire - Les débuts du milliardaire - La série complète: Achetée par le milliardaire, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAchetée par le milliardaire - Les Débuts du Milliardaire - Parties Une à Six: Achetée par le milliardaire, #0 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPrélude: La Bratva de Chicago, #1 Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Tentation Indécente Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDouce vengeance: Mariages et Mafia, #2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Contrat Du Milliardaire - Tome 6: Le Contrat Du Milliardaire, #6 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn Contrat de Mariage Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSon Maître Russe: Dompte-Moi, #3 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn Lycan Protecteur: Des Lycans dans la Ville, #4 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSon Plus Grand Fantasme (Tome 1) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDans ton ombre: Stark Sécurité Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCaptive Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCage dorée: En cage, #1 Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5
Avis sur Carole, je vais te tuer
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Carole, je vais te tuer - Franck Linol
1
8 mai 2007.
C’est lorsqu’il entendit les oiseaux piailler, aux premières lueurs du jour, qu’il fut certain d’avoir pris la bonne décision.
Il allait tuer cette femme.
Il ne savait ni où ni quand, et encore moins comment. Mais il fallait qu’il la tue.
On dit que la nuit porte conseil. La veille, en se glissant dans les draps, il pensait encore à la mort, à la sienne.
« Je ne pourrai jamais vivre sans elle », se disait-il, « alors autant crever ; finissons-en pour de bon ».
Épouvanté à l’idée de passer encore une nuit blanche, Alex Vernher avait avalé deux gélules de somnifère juste après s’être brossé les dents. Mais ses yeux restaient désespérément ouverts, ses jambes tressautaient et ses pieds le brûlaient comme si on les avait confinés dans un four. Il se releva, descendit dans la cuisine où le carrelage glacé lui fit du bien.
« Jamais je n’aurai le courage de me flinguer », se dit-il en ouvrant la porte du frigo, « je suis un froussard et un lâche ».
Il prit un petit pot de fromage blanc et referma la porte. Après avoir enlevé le couvercle, il nappa l’onctueux dessert d’une gelée de framboise. « Et puis j’aime trop le fromage blanc à la confiture de framboise pour me suicider ! » Cette réflexion le fit sourire.
Sa collation nocturne terminée, il remonta se coucher. Le parfum de la confiture persistait, collé à son palais tel un bon rosé d’Anjou, long en bouche. Il passa sa langue sur les muqueuses de ses joues et de ses gencives afin de percevoir toutes les nuances savoureuses du fruit rouge mijoté dans une bassine en cuivre.
Il crut s’assoupir, mais ce ne fut qu’un mirage.
Il se releva, redescendit dans la cuisine, ouvrit à nouveau la porte du frigo. Il reluqua la bouteille de blanc bien entamée. Un vin de pays d’Oc, un bel assemblage de viognier, de vermentino et de muscat. Il but une rasade au goulot et pensa à la vigneronne qu’il avait rencontrée lors d’une dégustation. Meryl Streep dans le film Sur la route de Madison. Cette pensée l’émut.
Il s’approcha de la baie vitrée dont il ne fermait jamais les volets roulants. La nuit était claire et les silhouettes des arbres du jardin se détachaient avec netteté comme un spectacle d’ombres chinoises. Après avoir liquidé la bouteille, il ouvrit la porte-fenêtre. L’odeur violente du lilas se mêlait à celle de la glycine.
Cela faisait deux mois qu’il s’était réfugié dans la maison de campagne qu’ils avaient laborieusement retapée. Elle et lui. Il avait horreur de bricoler, mais pour faire plaisir à Carole il avait facilement cédé lorsqu’elle avait eu la drôle d’idée, sur un coup de tête, d’acheter cette fermette perdue dans les monts de Blond, totalement délabrée, et envahie par de monstrueux ronciers. Mais Carole, en découvrant la masure au hasard d’une promenade, était restée un long moment sans dire un mot face au panorama sidérant. À perte de vue, jusqu’à la ligne mauve de l’horizon, des forêts jouaient à saute-mouton par-dessus des collines aux courbes molles ; des étangs s’amusaient à cache-cache avec de petits villages dont on apercevait les toits rouges avec parfois un léger serpentin de fumée bleue qui s’en échappait.
Alex, lui, tournait le dos à l’immensité et au décor champêtre et, les bras croisés, jaugeait l’étendue des travaux et imaginait les réjouissances que pouvaient réserver les hivers un peu rudes dans pareille contrée !
– Alex, regarde ! Mais regarde un peu !
Elle criait, juchée sur le muret de ce qui avait été autrefois un jardin potager.
– Viens là, ferme les yeux et respire ! Tu ne sens rien ?
Il fit l’effort de fermer les yeux mais il ne sentait rien.
– Alors ?
– Je sens l’odeur du foin pourri dans la grange… osa-t-il plaisanter.
– Sens cette odeur d’infini et de liberté ! Alex, c’est là que je veux vivre !
Après cette déclaration solennelle et péremptoire, les week-ends, les fins d’après-midi de printemps, les petites et les grandes vacances furent consacrés à la bétonnière, à l’échafaudage, aux perceuses, ponceuses, scieuses et autres carrelettes. Le martyre dura deux années. Jusqu’à ce que Carole décide que la maison de campagne était enfin habitable.
La pièce à vivre, située au rez-de-chaussée, était vaste et faisait office de cuisine, de salon et de salle à manger. Jouxtant l’imposante cheminée, un escalier étroit menait à l’étage avec deux chambres et une salle de bains.
« Chaleur et simplicité », avait dit Carole lorsque le temps de la décoration était arrivé.
Le pari de la rusticité avait été gagné. Mais pas celui de la chaleur. L’hiver, malgré l’achat d’un poêle à pétrole Zibro Karmin de 4 500 W, le thermomètre avait un mal de chien à atteindre les 15°C. Ce qui fait qu’ils avaient abandonné l’idée d’habiter la fermette à l’année. Carole souhaita conserver la maison de la rue Gauguin. La fermette prit alors le statut de résidence secondaire.
Il frissonna sans être sûr que c’était l’effet de l’air encore glacé de cette nuit de début mai. Il referma la porte-fenêtre, remonta la fermeture Éclair de sa veste en laine et murmura : « Carole, je vais te tuer. »
2
Deux mois plus tôt.
Figé à l’entrée de la cuisine, Alex la regardait fixement. Elle était penchée au-dessus de l’évier, les mains dans la vaisselle. Et c’est là qu’elle lui lâcha, sans un regard :
– Alex, je ne t’aime plus.
– Quoi ?… Tu dis n’importe quoi, c’est pas possible ; c’est des conneries, merde ! Tu m’aimes encore… hein ? Dis-le que tu m’aimes… Carole, dis-le !
Ces mots étaient sortis de sa bouche pâteuse en s’entrechoquant. Il avait haussé le ton, ce qui ne lui ressemblait pas du tout.
Carole déposa le faitout dans l’égouttoir, s’essuya les mains, tourna la tête vers lui.
– Tu veux un café ?
Sa voix avait la sérénité d’une mer plate un matin d’orage.
L’odeur de l’eau de vaisselle lui donna envie de vomir.
– Tu ne peux pas dire ça ! Tu m’aimes encore… Carole, merde, enfin !…
Son regard s’était fiché dans le sien. Sa voix s’était faite à la fois embrumée et légèrement caressante.
– Tu veux un café, oui ou non ?
– D’accord, répondit-il en finissant d’entrer dans la cuisine pendant qu’elle s’affairait à mettre en route la machine à café.
Le ronronnement fatigué de l’expresso lui fit du bien. Comme un signe rassurant.
Carole s’assit à sa place habituelle, les jambes croisées, un coude posé sur la table de bistrot qu’ils avaient chinée ensemble aux puces de la cathédrale. Lui resta debout, adossé à l’évier qui finissait d’avaler d’un trait, comme un ivrogne, le liquide gras et poisseux.
Le ronronnement cessa. Elle se leva, s’empara des deux tasses, les déposa sur la table et reprit la même position. Mais elle baissait la tête. Il remarqua que son visage était vaguement bouffi, comme un lendemain de bringue. Aucune trace de ce discret maquillage qu’elle prenait plaisir à appliquer chaque matin.
Il fut étonné de ne pas sentir l’effluve fruité et enivrant du parfum For Her de Narcisso Rodriguez. Cette senteur lui avait toujours fait tournoyer la tête comme après une folle valse.
Alors qu’il s’approchait pour prendre sa tasse, il réalisa avec effroi qu’elle ne portait plus les bijoux qu’il lui avait offerts pour un anniversaire, au retour d’un de ses voyages ou sans raison précise. Si ce n’est qu’il l’aimait comme un dément.
Fermée comme une belle-de-nuit avant le déclin du jour, feignant l’indifférence, elle attendait et fixait avec obstination le plancher doré. Le chat roux Patou s’était avancé pour se coller contre ses jambes et regardait Alex avec un air qu’il ne lui connaissait pas. Il mendia une caresse que Carole lui accorda et resta sous la table comme si les deux venaient de se liguer contre lui.
Alex avala son café sans en sentir le goût. Il la regardait. D’une élégance un peu désuète, elle était vêtue de noir, un simple pantalon velours et un vieux pull un peu trop ample.
Lorsqu’il s’arrêta sur ses cheveux blonds à la coupe au carré énergique, il comprit qu’il était profondément envoûté. Mais il était là pour plaider sa cause. Pour tenter d’éviter la peine de mort au condamné qu’il était.
Dix minutes avant cet ombrageux face-à-face, Alex était attablé en compagnie de sa sœur Julia devant une assiette écœurante de tagliatelles à la carbonara, dégoulinantes de crème et gorgées de lardons.
Il triturait les pâtes sans toucher aux lardons, quand il posa sa fourchette sur la nappe en papier, finit son verre de chianti et vomit à sa sœur la souffrance qui le dévorait depuis maintenant quinze jours.
– Carole m’a viré… je n’arrive pas à m’en sortir ; Julia, je crève, je me sens partir…
Julia était une belle femme, au charme à la fois distingué et sauvage. Il était son aîné de trois ans et ils avaient grandi ensemble dans un coin de campagne totalement coupé du monde. Ils avaient toujours été très proches l’un de l’autre, même si les aléas de la vie les avaient parfois un peu éloignés.
Elle cessa de grignoter sa salade niçoise, mais ne dit rien. Elle le regardait.
– Il y a environ deux semaines, Carole m’a dit : « Je ne peux plus, Alex, ça ne peut plus durer comme ça ; de te savoir à la maison, j’ai l’angoisse de rentrer… sentir ta main sur ma peau, ça me répugne ; va-t’en, Alex. C’est fini. » Alors j’ai filé comme un automate sans rien dire. Je me suis retrouvé assis dans ma bagnole. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis allé chez le cordonnier !
Il esquissa un sourire pâle à cette évocation.
– Le cordonnier ? fit Julia.
– Oui, j’avais une paire de chaussures à faire ressemeler depuis une éternité ; elle traînait sur le siège passager et je n’arrivais pas à trouver cinq minutes pour la déposer. Et là j’ai vu ces godasses et j’ai pensé au cordonnier ! C’est débile…
Assise à la table d’à côté, une vieille dame BCBG attendait depuis plus d’une demi-heure que le serveur veuille bien lui apporter la carte. L’air indifférent, pétrifiée tel un personnage du musée Grévin, elle semblait malgré tout suivre avec avidité les confessions d’Alex.
Son portable sonna. Hébété, il braqua ses yeux sur Julia et sortit en trombe de la salle de restaurant obscure. Dehors, le soleil de mars l’aveugla.
– Oui ? fit-il dès qu’il eut collé le portable à son oreille.
Avant qu’on ne lui réponde, il sentit que c’était Carole.
– J’ai pas envie de te parler, dit-elle d’une voix neutre.
En milieu de matinée, il lui avait laissé un mot sur la table de la cuisine : « Je veux te voir, il faut qu’on se parle ! »
Il était 13 heures et la ville faisait la pause, engourdie par cette chaleur insolite si tôt dans la saison.
– Je veux te parler, insista-t-il d’un ton ferme.
– Maintenant, si tu veux, concéda-t-elle, mais dans trois quarts d’heure je bosse.
Alex fila, laissant Julia avec la vieille dame, son reste de salade niçoise et la note à payer.
Quinze jours qu’il attendait ce moment. Il fit hurler le moteur de la Golf et traversa la ville en cinq minutes, profitant de l’accalmie du déjeuner.
Toujours debout dans la cuisine, les bras croisés, il savait qu’il jouait gros et qu’il avait intérêt à être bon à l’oral. Il lui restait trente minutes pour sauver sa peau.
Il jeta un coup d’œil à travers les rideaux de la fenêtre. Des mésanges picoraient des graines de tournesol que Carole déposait régulièrement dans des mangeoires suspendues aux branches d’un arbre de Judée.
Confusément, Alex réalisait que le combat était perdu d’avance. Il sentit alors une colère sourde monter en lui. Il prit la parole sans la lâcher jusqu’à ce qu’elle lui signifie qu’il était l’heure qu’elle parte.
Tel l’avocat d’une cause perdue, il déroulait son argumentation avec passion. Parfois, il s’emportait à tel point que les rares fois où Carole plaçait un mot, c’était pour lui dire de ne pas crier.
– Je ne crie pas ! Je te parle avec mes tripes ; tu pourrais au moins me regarder en face !
Elle restait assise, sans bouger, la tête basse.
Il évoqua tous les sujets, s’appliquant à être rigoureux dans sa démonstration : les responsabilités partagées, la routine du quotidien, l’usure inéluctable du couple, la violence excessive de sa décision qui ne lui donnait aucune chance.
Il lui demanda même pardon, sans savoir au juste pourquoi. Il pensa que tout le monde devait un jour demander pardon.
Enfin, il se tut. Il avait terminé.
Un lourd silence s’installa.
Elle se leva, un peu K.-O., attrapa ses clés de voiture, son sac et lui dit d’un ton morne : « Il faut que j’y aille… ».
Alex resta seul un moment dans cette cuisine qui lui parut soudainement abandonnée. Un vide absolu.
Il téléphona à sa sœur qui l’attendait à la terrasse d’un café. Il s’y rendit.
Le soleil cognait, assénant une lumière blanche et brutale.
3
9 mai.
Alex rentra tôt de la fac. Après avoir surveillé un partiel de littérature comparée, il avait pu éviter d’assister à une réunion de la composante.
Il se servit un verre de chablis, ressortit et s’assit sur la première marche de l’escalier de granit. Il contemplait un ciel encore éclairé par quelques rayons attardés. Il ne pouvait pas s’empêcher de penser que le panorama somptueux qui s’étalait devant lui appartenait à Carole. Parce que c’était elle qui l’avait choisi.
Pendant sa surveillance, il avait essayé de tester sa détermination en se soumettant à un interrogatoire en règle. Était-il sûr de sa décision ? Oui, un des deux devait disparaître et ce serait elle. Serait-il capable d’aller jusqu’au bout ? Oui, car il n’avait pas d’autre choix. Aurait-il la force mentale d’exécuter
