Mariages à rebondissements

1

JULIA

« Tu m’as ensorcelé, Julia » déclara Garrett. Il venait tout juste de me prendre la main pour me conduire à l’arrière de la petite maison d’institutrice, à l'abri des regards indiscrets.

Ce n’était pas la première fois qu’il me tenait la main, mais, avec le froid, la mienne avait toujours été recouverte d'épais gants de laine et je n'avais donc jamais senti le contact de sa peau. J'avais envie de sentir les callosités de la paume de ses mains d’homme.

Prenant appui d’une main sur le mur près de ma tête, il approcha son visage du mien, nos respirations des nuages blancs à cause du froid. Ses yeux sombres se plantèrent dans les miens et je ne pus m'empêcher de me lécher les lèvres en découvrant ce qui s’y cachait. J'y lus qu’il ressentait vraiment ce qu’il m’avouait.

Nous nous étions rencontrés juste avant le début de l’année scolaire, à la fin des récoltes. Depuis, on se retrouvait ici et là en ville, dans l’épicerie, à l'église et même lors du bal de l'automne. Au début, je pensais qu’il s’agissait de coïncidences, mais j’appris par d’autres personnes qu’il se rendait habituellement rarement en ville. Il travaillait plutôt - peut-être un peu trop diligemment - dans la mine qui lui appartenait.

Je sentis mes joues chauffer, mais dans l'obscurité, je doutais qu'il puisse le voir.

« Garrett, » articulai-je, ne sachant que répondre à une telle déclaration.

Il caressa ma joue des doigts de sa main libre. « Je veux t'embrasser. »

Ma bouche s'entrouvrit en entendant ces paroles audacieuses.

« Garrett, répétai-je.

– J'aime t’entendre prononcer mon nom. Bientôt, je l'entendrai sortir de ta bouche d'une manière totalement différente. »

Je fronçai les sourcils de confusion. « Je ... je ne comprends pas.

– Ah, ma jolie. Je te montrerai. C’est promis. Mais d'abord nous devons nous marier. Je suis un homme honorable et j'attendrai avant de m’aventurer plus loin. »

Ah, maintenant je comprenais pourquoi il m'avait dit tous ces mots doux. Au début, j’avais pensé que c’était un peu… osé, mais il me considérait comme un bien précieux et cela me réchauffait le corps plus que tout feu ou cidre chaud.

« Se marier ? » murmurai-je. Oh, l'idée était si attirante.

« Oui, se marier. Ensuite, je m’aventurerai là où je souhaite. »

C’était le jour de mon mariage et aussi le pire jour de ma vie.

Cela ne faisait vraiment qu'une semaine que j'avais salué les enfants à la porte de l'école pour la dernière fois ? Ils avaient joyeusement répondu, sachant que c'était bientôt Noël et qu'il n'y aurait ni école ni devoirs pendant une semaine. Je ne savais pas alors que ce serait la dernière fois que je me présenterais à cette porte en tant que maîtresse. Bientôt, je serais Mme Simpson.

Il n’avait suffi que d’une petite semaine pour que ma vie soit détruite. Cela avait d’abord été des chuchotements accompagnés de regards déçus lorsque je croisais des gens dans la rue. Puis sont venues des commérages entendus dans l’épicerie. Ces rumeurs sont devenues des accusations contre lesquelles je ne pouvais offrir aucune défense. Bien qu'aucune de ces horribles déclarations ne soit vraies, c'était la parole de Gregory Simpson contre la mienne.

Gregory Simpson était un riche avocat alors que je n'étais qu'un simple institutrice. C'était un homme méchant, amer et misérable qui avait mis en place un plan simple et efficace pour m’épouser, la veille de Noël pas moins.

« Pourquoi ne m'avez-vous pas simplement demandé de vous épouser ? » J’essayais de comprendre en me tenant dans la prison sale et malodorante, en attendant que le shérif ne revienne d'une intervention pour quelque délit au saloon local. Je regardai le bas de ma jupe pour m’assurer qu'aucun rongeur ne se faufilait en dessous.

L'homme me sourit froidement. Il aurait été séduisant s'il n'avait pas été aussi cruel. « Parce que tu aurais dit non. »

C'était tout à fait vrai, car il était probablement le dernier homme du territoire du Montana à qui j’aurais dit oui. L'homme à qui j’aurais aimé dire oui... Garrett Rivers, oh.